Mercredi 17 avril 2024, SMART BOURSE reçoit Stephane Déo (Senior Portfolio Manager, Eleva Capital) , Michel Martinez (Chef économiste Europe, Société Générale CIB) et Franck Dixmier (Directeur mondial des gestions obligataires, Allianz GI)
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00:00 (Générique)
00:10 Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:13 Stéphane Deho est avec nous, gérant senior chez Eleva Capital.
00:16 Bonsoir Stéphane.
00:17 Bonsoir Julien.
00:18 Merci d'être là. Merci à Franck Dixmier d'être avec nous également.
00:20 Bonsoir Franck.
00:21 Bonsoir Julien.
00:22 Vous êtes directeur monde des gestions obligataires d'Allianz Global Investors
00:25 et Michel Martinez nous accompagne également.
00:27 Bonsoir Michel.
00:28 Bonsoir.
00:29 Je suis très heureux de vous retrouver.
00:30 Vous êtes chef économiste Europe de Société Générale.
00:32 CIB, je parlais de divergence dynamique qui s'installe entre la Fed et la BCE.
00:37 Michel, non seulement la BCE confirme son intention d'initier un cycle de baisse de taux
00:42 à compter du 6 juin prochain,
00:44 mais elle le fait au moment où la Fed est en train de sérieusement réviser sa copie.
00:47 Je disais, trois semaines ou moins d'un mois après le dernier FOMC
00:50 qui consolidait dans les projections faites par les banquiers centraux américains
00:54 l'idée de trois baisses de taux cette année.
00:56 Eh bien, Jérôme Poel hier soir est en train de changer complètement de discours.
01:01 Le moment n'est plus du tout approprié pour recalibrer prochainement
01:05 la politique monétaire de la réserve fédérale américaine.
01:07 Non, l'idée c'est désormais que les taux vont devoir rester au moins à ces niveaux
01:13 pour aussi longtemps que nécessaire selon la phrase clé de Jérôme Poel.
01:17 Qu'est-ce qui justifie cette situation de divergence dynamique ?
01:22 Comment est-ce que vous vous positionnez autour de la table ?
01:25 Michel Martinez pour commencer, par rapport à ces communications de banque centrale récentes
01:29 et où est-ce que tout ça nous emmène sur le plan macro et sur le plan des marchés ?
01:33 On a 40 minutes pour discuter de tout ça. Michel.
01:36 Oui, alors, nous on commence à tenir compte de la résistance,
01:41 la bonne performance de l'économie américaine, tant du point de vue de la croissance.
01:46 Le consommateur américain se tient très bien.
01:49 L'inflation surprend à la hausse.
01:51 Si on regarde l'inflation sous la centre aux Etats-Unis,
01:55 on est sur un momentum qui est légèrement inférieur à 5%, 4,8% l'an sur les trois derniers mois.
02:01 C'est dans les deux cas, que ce soit l'activité, le marché,
02:06 toutes les données d'activité, y compris le marché du travail ou les prix,
02:09 il y a des surprises à la hausse.
02:10 Donc on comprend très bien le changement de tonalité,
02:14 la moindre confiance de la Fed dans les baisses des taux.
02:17 Et nous-mêmes, on a acté, puisque maintenant on n'anticipe plus de baisse des taux de la Fed cette année.
02:22 Et on anticipe 100 points de base de baisse des taux de la Fed en 2025.
02:26 En zone euro, la situation est quand même différente.
02:30 On a moins de croissance.
02:31 On a une inflation totale qui est, ça vient d'être rappelé, à 2,4%.
02:38 S'il n'y a pas de grosse surprise sur l'inflation, sur l'énergie,
02:41 on va descendre probablement en dessous de 2% cet été.
02:45 Et donc probablement qu'avec une inflation totale en dessous de 2%,
02:48 la BCE pourra baisser les taux.
02:51 Elle a quand même pas mal télégraphié maintenant.
02:54 Et on se dit que si elle baisse les taux une fois, elle baissera au moins deux fois.
02:58 Alors au total, on a trois baisses des taux cette année pour la BCE, 15 points de base.
03:03 Mais au-delà des deux premières, notre degré de confiance est limité.
03:07 Parce qu'il faudrait que toutes les étoiles, les planètes soient alignées
03:13 pour que l'inflation domestique, qui elle est encore légèrement en dessous de 3%,
03:18 baisse, se rapproche de 2%.
03:21 Alors c'est un scénario plausible,
03:23 mais il y a beaucoup d'hypothèses derrière sur les profits, sur la productivité,
03:29 sur les salaires, pour pouvoir y arriver.
03:34 Et on en est loin aujourd'hui.
03:35 Ce qui sont des hypothèses encore à consolider.
03:37 Oui, on en est très loin.
03:39 On est très loin quand on regarde sur ces trois critères.
03:42 Par exemple, si on regarde les marges, ce qu'elles étaient fin d'année 2023,
03:48 si on regarde les coûts salariaux unitaires,
03:50 donc les salaires déflattés par les prix, par les gains de productivité,
03:55 on est très très loin d'hypothèses qui peuvent permettre d'envisager de revenir à une inflation à 2%.
04:01 Maintenant, il y a des raisonnements économiques,
04:04 parce que nous aussi on les partage, qui permettent d'y aller.
04:06 Mais avec un degré de confiance qui est limité.
04:08 Je comprends.
04:09 Et donc, la forte conviction c'est deux baisses de taux de la BCE au moins,
04:14 troisième en suspens,
04:16 mais ça montre bien que même du côté de la BCE,
04:19 il y a une limite à sa capacité d'accommodation de la situation aujourd'hui.
04:25 Il y a ça, mais en même temps, il faut rappeler que dans le cadre de la Fed,
04:31 comme la BCE, les attentes de marché, les discours des banques centrales,
04:37 peuvent bouger beaucoup en fonction de l'évolution des données.
04:41 Il se trouve que depuis le début de l'année, aux Etats-Unis surtout,
04:44 les données sont beaucoup plus fortes que prévues.
04:47 Donc forcément, ça prête pour moins de baisses de taux.
04:49 Quand les faits changent, change d'avis.
04:52 Voilà, dans 6 mois, la situation peut changer.
04:55 Peut-être qu'on en discutera tout à l'heure,
04:58 mais la vraie difficulté, c'est qu'on est dans une situation aujourd'hui,
05:03 où il y a beaucoup de volatilité sur les prix,
05:06 et beaucoup d'incertitudes sur quel est le point d'arrivée en termes d'inflation,
05:13 et de façon relative aussi, quels sont les taux neutres, les taux terminaux.
05:18 Si vous regardez les anticipations de marché sur les taux terminaux,
05:22 donc quels vont être les taux de la Fed dans 2 ans, dans 3 ans, de la BCE,
05:25 ils ont bougé en 3 mois, 4 mois, dans les 2 cas de plus de 100 points de base à la hausse.
05:33 Mais ça peut changer.
05:34 Oui, bien sûr, c'est le principe.
05:36 Le marché évalue au jour le jour, effectivement, ce qui peut se passer.
05:40 On ne sait pas bien, en fait.
05:41 Je crois que l'idée générale qu'on a, nous, pour conclure,
05:45 c'est que les banques centrales, comme les marchés,
05:49 sont dans un processus de découverte sur le degré de restriction de la politique monétaire.
05:55 Quel est le degré de restriction de la politique monétaire
05:58 qu'il faut mettre en place pour arriver à 2% dans les 2 cas ?
06:01 Est-ce qu'aujourd'hui la politique monétaire est vraiment restrictive ou non ?
06:05 C'est un débat.
06:09 Et cet apprentissage en marchant, si je puis dire,
06:11 justifie totalement, que ce soit pour la BCE ou la Fed,
06:14 une approche très prudente sur le rythme, la vitesse, le quantum de baisse de taux à délivrer.
06:19 Exactement.
06:20 Franck, chez Allianz, qu'est-ce que vous dites,
06:24 notamment après ces derniers mots de Jérôme Poel hier soir ?
06:27 "As long as needed", est-ce que ça se traduit en langage simple et compréhensible
06:33 par "notre scénario central à la Fed est en train d'évoluer de 3 baisses de taux vers 0 cette année" ?
06:39 Ce qui est très intéressant, c'est que depuis les surprises qu'on a pu avoir sur les derniers chiffres américains,
06:44 que ce soit croissance, emploi, inflation,
06:47 on a véritablement un changement de dynamique sur les marchés de taux
06:52 qui intègre de plus en plus que ce décalage de cycle macroéconomique
06:57 entre États-Unis et zone euro va se traduire par une divergence
07:01 en termes de timing des politiques monétaires
07:04 et une certaine décorrélation entre les marchés de taux américains et les autres marchés.
07:09 Parce que ça c'était tout à fait frappant.
07:11 Ce décalage cyclique, ce n'est pas une nouveauté.
07:13 Je pense qu'on l'avait tous plus ou moins identifié.
07:16 Le creux de l'activité en zone euro est derrière nous.
07:19 On l'a eu en 2023, mi-2023.
07:21 Les États-Unis, eux, sont encore dans cette phase de décélération.
07:25 Une décélération extrêmement graduelle.
07:27 Mais le creux de l'activité est devant eux.
07:29 Mais on avait un degré de corrélation entre emprunt d'État américain et en zone euro extrêmement élevé.
07:37 De l'ordre de 90%.
07:39 Dans l'histoire, c'est extrêmement rare de voir un tel degré de corrélation.
07:42 Le marché américain est souvent un marché directeur.
07:44 Mais un tel degré de corrélation, un pour un, pratiquement, c'était un peu du jamais vu.
07:48 Pour dire les choses, c'était un gérant, ou c'est peut-être même vous d'ailleurs, qui le disiez comme ça.
07:52 Ce qui compte pour l'étau en Europe, c'est ce que va faire la Fed.
07:55 C'était ça la situation.
07:56 Oui, je pense que je n'ai jamais dit ça.
07:58 Non, mais c'est l'influence de la Fed qui prime sur le marché obligataire.
08:05 Je ne revendique rien.
08:07 Mais oui, évidemment, il y a une influence majeure.
08:09 Et ce qu'on a vu notamment lors de la publication du CPI, ça a été fou.
08:14 Parce qu'en une journée, mercredi dernier, la semaine dernière, on a eu 40 BP de tension sur l'étau court terme aux Etats-Unis.
08:20 On a eu 10, 15, 20 BP de tension sur l'étau long terme.
08:24 L'étau en zone euro a extrêmement bien résisté.
08:27 Oui, on a corrigé de 5 à 10 BP, mais on a quand même très très bien résisté.
08:31 Il y a eu une diffusion de ce qui s'est passé sur la couche américaine, mais dans une moindre mesure par rapport à ce qu'on peut observer en terme de commerce.
08:37 Et simultanément, les marchés ont totalement revu leurs anticipations de baisse d'étau aux Etats-Unis.
08:42 Et pratiquement pas en zone euro.
08:44 Donc on a encore 3 baisses d'étau anticipées en zone euro, avec une première baisse en juin.
08:49 Alors même qu'on a plus qu'une et demie baisse d'étau anticipée du côté américain.
08:54 Donc on a réellement un changement dynamique, mais qui nous paraît très sain.
08:58 Parce que ça reflète effectivement des fondamentaux qui sont en décalage.
09:02 Et ce pricing de marché tel que vous le décrivez aujourd'hui ?
09:05 Allez, une, peut-être deux baisses d'étau côté américain si on arrive à les placer, deux voire trois en zone euro.
09:12 C'est un pricing que vous endossez aujourd'hui, Franck, qui vous paraît crédible, solide ?
09:18 Alors, je pense qu'encore une fois on peut faire une différence entre les marchés en zone euro et aux Etats-Unis.
09:23 Moi ce que j'en tire en fait, des évolutions récentes, c'est qu'on a aujourd'hui beaucoup plus de visibilité du côté de la politique monétaire BCE qu'aux Etats-Unis.
09:33 On a beaucoup plus de certitude. Et je pense que ça transpirait des interventions de Christine Lagarde lors de la conférence de presse.
09:40 Cette espèce de confiance un peu retrouvée de la BCE qui préannonce finalement qu'elle va enfin entrer dans un cycle de décernement monétaire.
09:49 Et du côté américain, enfin je crois que Powell a dit en fait ce que les marchés avaient compris, mais rien de plus.
09:55 Et il n'y a pas eu d'impact, mais du tout sur l'étau. Il y a eu un blip, on est revenu aujourd'hui.
10:00 Tout s'est fait avant.
10:03 Mais oui, il faut faire attention parce qu'aux Etats-Unis, c'est vrai qu'on a du mal à capturer les tendances, notamment sur l'inflation.
10:08 Parce qu'on a sous-estimé l'influence de l'hédonisme du consommateur américain qui consomme, qui épuise dans son épargne.
10:17 Ça aura une fin, mais en tout cas là, ça dure. Et puis le soutien budgétaire qui a été majeur.
10:23 Bon, sur cette question de divergence, comment vous vous positionnez Stéphane ?
10:28 Est-ce que le marché va déjà un peu trop loin dans l'idée que la Fed ne baissera pas ses taux cette année ?
10:33 Ou est-ce que ça devient un scénario central par rapport à une BCE qui semble prête à y aller ?
10:38 Ce que dit le marché, si on regarde le marché des options, c'est qu'il y a 20% de probabilité, donc une chance sur cinq, que la Fed ne bouge pas d'ici la fin de l'année.
10:46 Donc ça reste un scénario plausible et crédible, mais qui reste marginal.
10:51 Le scénario central, c'est une baisse de taux, en fait, d'après le marché des options.
10:55 Le scénario alternatif, c'est deux baisses de taux.
10:59 Moi, je pense que le marché est allé beaucoup trop loin au début de l'année, quand il y avait cette baisse de taux.
11:06 C'était aberrant. On a enlevé cet excès parce que l'économie tient bien.
11:13 On s'aperçoit que, enfin, nous, c'était notre vue. Et surtout parce qu'il y a des pressions inflationnistes qui remontent petit à petit.
11:20 Alors, loin de moi l'idée de dire qu'on va revenir sur du 10%, ce n'est pas du tout le sujet, mais on est au-dessus de trois et ça glisse plutôt vers le haut.
11:27 Je pense qu'il y a un élément qui est important, c'est que quand on lit dans le détail les communications de la Fed, on s'aperçoit qu'ils n'ont pas trop confiance dans leurs prévisions.
11:35 Et ça, c'est nouveau. Et je discutais ce matin avec une personne qui a passé 16 ans à la Fed, qui me disait "oui, effectivement, il y a un vrai sujet".
11:44 Et ça, c'est important. Alors, ça paraît un détail technique, mais c'est important.
11:48 Le doute est distillé dans pas mal de banques centrales, de ce point de vue-là.
11:51 Oui, mais particulièrement dans la Fed, parce que je vous rappelle que la Fed avait des prévisions il y a encore quelques mois, où ils disaient "bon, bah, à 2, vous inquiétez pas, c'est bon, c'est fini".
12:01 Si vous avez une inflation qui est à 3, 3,5 avec une prévision à 2 et vous la croyez, vous pouvez baisser les taux, puisque vous savez que d'ici quelques mois, c'est gagné.
12:10 Si vous avez une inflation qui est à 3, 3,5, 4 et vous savez absolument pas où vous allez, vous allez attendre. Il faut la charge de la preuve.
12:19 Et moi, ce que j'entends de la Fed, c'est qu'ils veulent voir au moins 2, 3 mois d'inflation suffisamment basse pour être convaincus qu'ils peuvent baisser les taux.
12:30 Et donc, ça repousse, effectivement, dans le meilleur des cas, à juillet, si ce n'est septembre. Et ça, c'est vraiment le meilleur des cas.
12:37 Et je pense que la probabilité, c'est qu'effectivement, on n'aura pas de trois bons chiffres de suite. Et donc, septembre devient octobre, novembre.
12:47 Et donc, la probabilité, effectivement, qu'on se retrouve avec une seule baisse, voire zéro, devient...
12:53 - Mais parce que la baisse de novembre, elle a lieu le 6 novembre. - Oui, oui, oui.
12:56 - Donc, bon, vous pouvez imaginer que c'est un litre moyen, quoi. Enfin, moyen, qui prendra connaissance de nouvelles situations.
13:04 - Donc, oui, la probabilité qu'il ne se passe rien ou qu'on ait une seule baisse de taux devient totalement centrale.
13:12 La BCE, moi, je pense qu'on a la dynamique inverse. C'est-à-dire que ce qui m'a beaucoup choqué...
13:18 Alors, pareil, je lis les communiqués en détail. C'est que dans le communiqué de la BCE, on dit que les pressions salariales baissent, les marges des entreprises absorbent, etc.
13:31 Alors, on y croit ou on n'y croit pas. Je sais qu'avec Michel, on a le débat. Mais, bon, ni Michel ni moi ne sommes au bord.
13:38 - Mais c'est un argument mis en avant et c'est dans le communiqué, dans le statement de la BCE lors de son dernier meeting.
13:44 - Exactement. - Embaussé par l'ensemble du Conseil.
13:46 - C'est ce qui faisait peur aux durs de la BCE. - Oui.
13:49 - Donc, si les durs disent "Ah ben non, finalement, ça va prendre bon sens", c'est que le problème d'inflation est...
13:55 Alors, je ne vais pas dire résolu parce qu'une fois de plus, on s'est tous beaucoup trompés sur l'inflation. Mais ça veut dire que dans une très large mesure, ils pensent avoir gagné.
14:02 Bon. Mais si c'est le cas, je suis désolé, mais vous ne baissez pas de 25 BP. C'est totalement incohérent.
14:08 On a mis les taux là où ils sont quand l'inflation était à 10. Si on dit "Ben, c'est bon, l'inflation reconverge sur 2", ce n'est pas 25 BP qu'il faut faire.
14:17 C'est plusieurs baisses de taux de suite. Et donc, je pense qu'il y a un risque qu'on continue à repousser les baisses de taux de la Fed.
14:24 Et par contre, la baisse de juin, pour moi, je pense qu'on est tous d'accord pour dire que ça fait une énormissime surprise.
14:33 - Oui. La barrer haute pour qu'elle ne baisse pas ses taux le 6 juin. Ça, c'est sûr.
14:36 - Voilà. La vraie question, c'est après. Si nous disent "En juin, on baisse les taux parce que vous voyez, l'inflation, c'est bon, on est revenu à 2",
14:43 tout le monde va dire "Mais pourquoi vous ne faites qu'une baisse ? C'est incohérent. Il faut en faire une autre."
14:48 - D'où l'idée qu'ils en feront deux, comme disait Michel. Mais après.
14:51 - Ah oui, ou plus. Enfin, c'est pas pareil. 50 BP. Si vous dites "Mon inflation était à 10, je suis revenu à 2",
14:57 deux baisses de taux, je suis désolé, mais ce n'est pas cohérent. C'est ridicule.
15:01 - Même Ville-Roi-de-Galop, qui est quand même à la fois un poids lourd et, oui, un membre influent du Conseil,
15:08 lui, estime plutôt qu'il faut une approche très progressive. C'est aussi dans le trade-off avec les faucons de dire
15:14 "Partons quand on peut et allons-y doucement, quitte à arriver à la fin avec un taux terminal plus élevé que si on était partis plus tard
15:22 avec le besoin de couper très vite."
15:24 - Oui, oui. Pour rebondir sur ce que Stéphane a dit, après, une fois qu'on dit "Il faut plusieurs baisses de taux",
15:31 en fait, la question qu'on pose, c'est "Quel est le taux terminal ? Quel est le taux neutre ?
15:38 Et quel est le degré de restrictivité de la politique monétaire ?"
15:42 Mais il y a... Franck l'a dit tout à l'heure, on a probablement passé le point bas de l'activité économique en zone euro,
15:50 et s'il y a des baisses de taux 50, 75, 100 points de basse de taxe...
15:53 - Qu'est-ce que ça change alors ?
15:55 - Je pense qu'on va avoir un fort rebond du marché immobilier en Europe, qui est à des niveaux très bas.
16:01 Et on peut avoir une abusion très vive. Pareil pour la consommation et l'investissement.
16:07 Et alors, si on part du principe, de l'idée que la croissance potentielle, elle est limitée à cause de la démographie en zone euro,
16:13 si vous avez une impulsion monétaire comme ça très forte, ben voilà... Vous pouvez recréer des pressions inflationnistes.
16:22 - 50 points de basse, ça permet de délivrer des secteurs comme l'immobilier ?
16:28 - Nous on dit que le taux terminal il est à 2,5. Mais il y a un an, on disait qu'il était à 1,5.
16:36 Et il y a trois ans, on disait qu'il était à zéro. Mais on sait pas bien, ça.
16:45 C'est vraiment, je crois que je le disais, c'est un processus de découverte en marchant, en avançant,
16:52 et je pense que ça peut l'aider pour une approche très graduelle.
16:55 Et il me semble que la plupart des gouverneurs des banques centrales, y compris en Europe,
17:01 plaident pour une approche graduelle. Quand ils incitent sur la dépendance en données,
17:06 aux données, une approche meeting par meeting, je répète les mots, c'est ça que ça veut dire.
17:13 - Qu'est-ce qui pourrait les faire aller plus vite, ou sortir de cette approche graduelle, pour une approche peut-être un peu plus systématique ?
17:20 - Ben, les suspects habituels, des chocs exogènes majeurs, ça peut être, je m'assure, crise énergétique, guerre,
17:30 tout ce que vous voulez, géopolitique, ça peut être des chocs sur les marchés obligataires.
17:36 Mais du côté de l'économie elle-même, elle est quand même, tout semble montrer qu'elle est très résistante.
17:44 On a en Europe, à la fois les entreprises et les ménages, parce que les ménages européens n'ont pas mangé leur épargne accumulée,
17:51 qui sont dans une situation financière extrêmement bonne, la meilleure depuis des décennies.
17:56 Donc c'est pas eux qui vont tout casser, craquer la croissance. Donc il faut que ce soit quelque chose d'extérieur.
18:02 Par contre, je reviens encore une fois, la croissance potentielle en zone euro, elle est peut-être faible, entre 0,5 et 1%.
18:10 Le scénario de base aujourd'hui c'est 0,5. Si vous remettez un peu de stimuli, vous pouvez monter la croissance potentielle.
18:20 Et là, les marges des entreprises qui étaient en train de décélérer voient baisser, remontent.
18:25 Et donc vous avez quand même beaucoup moins de certitude sur les pressions inflationniques.
18:30 Donc voilà, le scénario qui peut avoir 50, 60, 100 points de base de taux très rapide, nous on n'y adhère pas.
18:38 Sur l'immobilier, ce qui est intéressant, c'est encore du domaine de l'anecdote et c'est relatif au marché français,
18:43 mais effectivement, on voit des banques qui sont capables de distribuer des taux de crédit un peu inférieurs à il y a quelques mois,
18:50 et bien immédiatement, c'est la ruée dans les agences immobilières.
18:54 Voilà, tous les agents immobiliers vous disent "les acheteurs reviennent tâter un peu le terrain", etc.
18:59 Moindre décrochage de quelques bips ou dizaines de bips, non ?
19:03 Il y a eu l'enquête de la BCE la semaine dernière.
19:07 - Eh, je disais c'est du domaine de l'anecdote ! - C'est pas la ruée vers l'or !
19:10 - Je disais c'est du domaine de l'anecdote ! - Ça se normalise quand tu regardes !
19:15 - Oui, ça se normalise. - Ça devient une normale.
19:18 - Juste revenir aux Etats-Unis, parce qu'on a eu quand même une correction considérable des anticipations aux Etats-Unis,
19:25 mais moi ce qui me frappe, c'est que la Fed est comprise, même si on ne sait pas où elle va.
19:32 Et ce qui me fait dire ça, c'est la qualité de l'ancrage des anticipations d'inflation dans le marché.
19:37 Quand vous regardez le 5 ans, dans 5 ans, on swappe l'inflation, on est à 2,65, autour.
19:42 Grosso modo, on est sur les moyennes de long terme.
19:44 Mais ça c'est excellent pour la Fed. Ça veut dire qu'elle est crédible.
19:48 - Même avec la remontée du momentum inflationniste ces derniers mois, ça n'a pas désancré de ce point de vue-là.
19:53 - Ça veut dire que les marchés croient dans la capacité de la Fed à respecter son mandat de stabilité des prix.
19:59 Mais ça c'est important, parce que si on avait effectivement un désancrage des anticipations d'inflation dans ce contexte-là,
20:04 la pression sur la Fed serait considérable pour qu'elle monte cette haut.
20:09 On n'est pas du tout dans ce contexte-là. C'est pour ça que je pense que la Fed est comprise,
20:13 même si on ne sait pas réellement où elle va.
20:17 - Donc l'histoire n'a pas complètement changé. Moi c'est ce que j'appelle aujourd'hui le point Larry Summers,
20:21 puisque c'est quand même un pundit, comme on dit, il est partout, tout le temps, sur les plateaux,
20:27 pour prêcher sa parole, en tout cas, je ne sais pas si c'est la bonne parole.
20:31 Lui son point c'est de dire qu'il y a 15%, 20% peut-être, de probabilité que le prochain mouvement de la Fed soit une hausse de taux.
20:38 - C'est le scénario alternatif. C'est une croissance qui reste forte aux Etats-Unis, avec une inflation qui reste élevée.
20:46 Donc effectivement aucun argument pour laisser les taux là où ils sont.
20:50 - Cette divergence, non seulement qu'on constate, mais qu'il faut accepter,
20:56 est-ce que ça génère des frictions de marché ? Est-ce que vous disiez finalement que la corrélation entre les taux,
21:02 l'obligateur américain et l'obligateur européen a un peu diminué ?
21:06 Est-ce que si la BCE baisse une fois, deux fois, peut-être trois en solo, comment ça se traduit sur les marchés, Franck ?
21:15 - En termes de construction de portefeuille, c'est beaucoup plus de conviction sur le marché de la zone euro.
21:19 En termes de durations, de position sur la courbe, d'allocations d'actifs risqués, crédits.
21:24 - C'est positif pour les actifs risqués zone euro ?
21:28 - Oui, un cycle de baisse des taux, c'est plutôt pas mal pour le crédit.
21:33 Et ça vous le mesurez à travers l'appétit sur le marché primaire, qui est phénoménal.
21:37 Là on est dans la période de black-out, il ne se passe plus rien, donc de publication de résultats.
21:41 Donc il ne se passe pas grand chose. Mais l'appétit pour le crédit, enfin pour l'obligataire en général, est phénoménal en zone euro.
21:49 - Et tout le monde a accès au marché aujourd'hui ?
21:51 - Oui.
21:52 - De la part des émetteurs ? Même ceux qui sont les moins bien notés ?
21:55 - Oui, on a vu notamment des crédits immobiliers aller taper le marché avec succès, oui.
22:01 - D'accord. Et sur la devise ?
22:04 - Oui, bon, forcément ça glisse.
22:07 Alors, est-ce que ça va être un frein pour la BCE ?
22:11 C'est même pas sûr en fait.
22:13 Même pas sûr.
22:14 Et après c'est toujours ce compromis inflation/croissance.
22:18 Nous on pense pas que ça la gêne en fait.
22:23 Parce qu'on parle d'un décalage assez subtil quand même, en termes de timing.
22:27 En tout cas, nous c'est notre scénario qu'effectivement on valide plutôt le scénario actuel d'une première baisse en septembre, pour la Fed.
22:33 Donc ça serait trois mois après la BCE.
22:35 - Oui, je suis d'accord.
22:37 - Mais ça peut être un décalage un peu moins transitoire.
22:41 Sur la question du change, notamment, Michel ?
22:44 - Le change, l'euro s'est un peu déprécié contre le dollar.
22:48 On doit être à 0,6, 0,7 aujourd'hui.
22:51 Nous, il nous semble que pour qu'il y ait un décrochage beaucoup plus fort de l'euro contre le dollar vers la parité,
22:58 il faudrait un décalage dans les anticipations de politique monétaire plus fort que ce qu'on voit aujourd'hui.
23:03 On l'a répété plusieurs fois, pour la Fed, les marchés anticipent 35-40 points de baisse de taux cette année.
23:10 La BCE, taux de 75 points de baisse de taux.
23:13 Donc vous voyez, il y a un écart d'une quarantaine de points de baisse.
23:16 Et dans les deux cas, autant de baisse de taux en 2025.
23:19 Donc l'euro/dollar, aujourd'hui, sa valeur tient déjà compte de ce différentiel,
23:25 le fait qu'on attend que la BCE baisse un peu plus.
23:29 - Donc si on reste dans ce corridor, en fait...
23:31 - Il faudrait un scénario où il y ait une divergence beaucoup plus forte pour que l'euro/dollar s'affaiblisse.
23:38 Et là, effectivement, ça pourrait contraindre à ce moment-là la BCE.
23:42 Donc ce seraient plutôt, effectivement, les scénarios où la Fed, non seulement ne baisse pas les taux cette année,
23:47 mais à être attentive l'an prochain, voire remonte les taux, pour que là, il y ait un vrai décrochage.
23:54 - Vos commentaires, Stéphane, bien sûr.
23:56 Puis je veux bien qu'on essaye d'expliquer aussi le lien qu'il peut y avoir entre politique fiscale, budgétaire,
24:03 avec des déficits quand même signalés devant nous, toujours assez amples.
24:07 Il n'y a pas un appétit délirant pour de la consolidation budgétaire aujourd'hui,
24:10 malgré le niveau des taux d'intérêt, sauf à la marge pour quelques pays, peut-être.
24:16 Et dans quelle mesure ça influence ou ça a un impact sur la conduite de la politique monétaire aujourd'hui ?
24:28 - Alors aux États-Unis, je pense qu'il y a eu beaucoup de pessimisme sur les États-Unis il y a 6 mois, il y a un an.
24:35 Je pense qu'il y a deux erreurs qui ont été faites.
24:37 Un, on a sous-estimé la relance budgétaire, qui est absolument pharaonique, et donc ça, ça a énormément aidé.
24:44 Et deux, on a sur-estimé l'impact des politiques monétaires, qui finalement ont beaucoup moins pénalisé l'économie qu'attendue,
24:50 pour tout un tas de raisons sur lesquelles je ne vais pas revenir ici.
24:53 Et on est dans cette situation-là.
24:55 Et le risque, c'est effectivement que cette relance budgétaire, qui reste extrêmement forte aux États-Unis,
25:02 continue d'alimenter une croissance forte, et donc forcément, ça limite la capacité de la Fed à baisser les taux.
25:10 - Donc c'est moins de baisse de taux ?
25:11 - C'est moins de baisse des taux. Si vous avez une relance budgétaire, oui, vous avez moins besoin d'une relance monétaire de l'autre côté.
25:18 Et là, je ne veux pas rentrer trop dans les détails techniques, mais il y a un problème de liquidité sur le marché américain.
25:26 Une des raisons pour lesquelles les taux ont rebondi depuis le début de la semaine, je regarde vraiment avec un microscope,
25:33 c'est que vous avez le paiement des impôts le 15 avril.
25:36 - Oui, c'était Tax Day, oui.
25:38 - Tax Day, ça veut dire que vous retirez du cash de votre banque pour le donner au gouvernement.
25:42 Et si la banque n'a plus de cash pour investir sur les treasuries, les taux remontent très violemment.
25:47 Mais de manière plus générale, alors ça c'est juste sur un jour, évidemment, donc du coup ça s'est retassé le lendemain,
25:54 mais il y a un vrai sujet de liquidité.
25:57 Moi, ce que je trouve intéressant, c'est que Franck parlait du 5 ans dans 5 ans sur l'inflation.
26:01 Moi, je regarde aussi le 5 ans dans 5 ans sur les taux d'intérêt,
26:05 parce que ça vous dit où le marché anticipe que les taux vont se stabiliser à long terme.
26:10 Depuis 2 bonnes années, on est à 2 de un quart sur l'Europe.
26:15 Donc en gros, le marché dit, le taux normal en Europe, c'est 2 de un quart.
26:20 Pareil, on en parlait avec Michel, avec prévision de croissance à 0,5, 2% d'inflation, vous avez 2,5.
26:27 L'ordre de grandeur ne me chiffonne pas trop.
26:30 Sur les Etats-Unis, on est en train de repricer, ça n'arrête pas de monter, ce truc-là.
26:34 Et là, on est autour de 4,6, 4,7, alors qu'on était en dessous de 4 en fin d'année dernière.
26:41 Donc le marché n'arrête pas de dire, mon taux d'équilibre, en fait, il est à 3,
26:47 euh non, à 3,5, euh non, à 4, euh non, à 4,5, et là on est à 4,7.
26:51 Et ça, enfin, c'est pas une droite, mais ça n'arrête pas de glisser vers le haut.
26:56 Donc il y a un vrai sujet, je pense, sur l'équilibre des taux à moyen terme aux Etats-Unis,
27:02 qui est probablement plus élevé que ce qu'on pensait précédemment.
27:05 - Avec un coup de la politique budgétaire qui va ne faire qu'augmenter.
27:08 - Alors, moi, il y a un grand mystère, c'est comment est-ce qu'on peut rééquilibrer le budget américain.
27:14 On ne peut pas monter les taux parce qu'ils vont sortir les guns et...
27:17 - On peut monter les impôts !
27:19 - Ah...
27:20 - Non mais, c'est l'avantage de la situation américaine, d'avoir quand même des taux d'imposition qui laissent de la marge, au cas où.
27:27 - Ouais, je pense qu'aucun candidat ne fera ça, mais...
27:31 - Non, il y a une solution, c'est enlever tout ce qui est Medicare, Medicaid, etc.
27:38 Et il y a un think tank, un groupement qui s'appelle Harbour Foundation,
27:47 qui a publié un énorme papier de 800 pages, qui est le programme pour Trump,
27:51 et il y a ça dans leur programme. C'est couper tous les programmes sociaux.
27:56 - D'accord. Donc ça permettra de continuer de baisser les impôts.
27:59 - Exactement.
28:00 - Oui, ils ont une baisse d'impôts de 21 à 15% sur les profits des entreprises.
28:06 - Le lien entre politique budgétaire et politique monétaire, est-ce qu'il y a un degré de fiscal dominance, comme on dit,
28:13 de domination budgétaire, la politique budgétaire, qui aurait un poids, une influence sur la conduite de la politique monétaire ?
28:21 Ou pas ?
28:23 - Après, non, je ne crois pas.
28:25 Je pense que les banquiers centraux sont indépendants et qu'ils essayent de faire revenir l'inflation.
28:32 Là, en l'occurrence, il y a une campagne électorale, certains attendaient que la Fed baisse les taux, elle ne le fait pas.
28:39 - Non, mais dans le mandat de la stabilité financière, la question notamment en zone euro, du risque de fracturation, de fragmentation,
28:48 c'est aussi un risque que la BCE a géré elle-même, à un moment qui ne semble pas se matérialiser aujourd'hui.
28:54 - Dans ses mandats, la BCE...
28:57 - Si les dérapages budgétaires se multiplient, s'accumulent encore devant nous ?
29:04 - Ben non, moi, voilà, après, c'est notre avis. On verra en temps et en heure.
29:11 Pour l'instant, il y a effectivement des dérapages budgétaires en Europe, mais ça ne s'inquiète pas du tout les marchés.
29:18 Les marchés qui se réjouissent, au contraire.
29:20 - Il y a un plus de papier ?
29:22 - Voilà, et des taux d'intérêt plus élevés, donc des bons placements, que ce soit en Italie ou pour la France,
29:28 avec des rendements attractifs. Bon, après, on est dans des équilibres qui ne nous semblent pas stables.
29:34 - Non, ils ne sont pas.
29:36 - Pas durables. Là, on parlait, Stéphane parlait des taux, effectivement, aux Etats-Unis, à 4, 7, à très long terme,
29:42 ou même, quel que soit l'ordre de grandeur au-dessus de 4, ce n'est vraiment pas non plus stable.
29:46 Mais il y a une question pendante, le double financement des déficits américains,
29:52 et il y a une variable d'ajustement de l'année naturelle qui devrait être le dollar, pour l'instant, qui n'a pas bougé.
29:57 Donc, il y a les taux, les dollars, c'est peut-être le dollar, un jour, qui se dépréciera.
30:04 - Ouais.
30:05 - Moi, je dis ça parce que ça fait des années qu'on prévoit ça. Nous, dans nos prévisions, ça ne se produit jamais.
30:11 - Vous avez un vieil short dollar, dans les prévisions ?
30:15 - À long terme, ouais.
30:16 - À long terme, ouais. Ça, c'est le grand débat.
30:18 Sur le plus court terme, enfin, j'ai déjà dû vous poser la question, peut-être plusieurs fois, Franck,
30:24 mais comment vous regardez, est-ce que le marché regarde avec bienveillance ces questions de trajectoire de finances publiques, à ce stade ?
30:31 Pourquoi ? On ne parle pas des spreads.
30:34 - Oui, ben, ça va être d'actualité. Enfin, le 26 avril, Fitch et Moody's vont revoir la note de la France.
30:41 - Oui, mais qu'est-ce qu'elles vont nous apprendre ?
30:43 - Fitch ne va rien faire, vraisemblablement, parce qu'ils ont déjà intégré...
30:47 - Ils ont déjà bougé ?
30:48 - Non, mais ils ont déjà intégré un scénario beaucoup plus défavorable dans leur projection.
30:51 - Oui, c'est ça !
30:52 - Donc, Fitch, c'est le rating le plus bas, des trois agences sur la France, double A-moins.
30:59 Mais Moody's va certainement bouger.
31:01 - Oui.
31:02 - Dégrader.
31:03 - Dégrader ? Enfin, oui. Pas dégrader.
31:07 - Abaisser la perspective ?
31:10 - Oui, parce que, attention, c'est... Oui, abaisser la perspective. Dégrader, non.
31:15 - Et les sous-surveillances, c'est possible ?
31:18 - Oui, enfin, Moody's a le rating le plus élevé. La France est double A-2. Dans un euro, double A-2 stable.
31:24 - On peut baisser la perspective ou mettre sous-surveillance ?
31:27 - Maintenir la perspective stable dans le contexte budgétaire actuel, ce n'est pas trop crédible.
31:30 - On est d'accord.
31:31 - Tout ce que Moody's intègre, dans sa fonction de réaction, deux critères essentiels.
31:34 La capacité de réponse des autorités publiques face à une dégradation budgétaire.
31:39 On ne peut pas dire que c'est extrêmement convaincant à ce stade.
31:42 - Non, mais ça bouge !
31:44 - Et les perspectives de croissance.
31:45 - Non, mais, je veux dire, c'est animé quand même.
31:46 - Et les perspectives de croissance. Et là, le bas blesse.
31:49 Donc, non, non, mais cette dégradation de Moody's, elle est quand même très annoncée. Enfin, on s'y attend.
31:54 - Justement !
31:55 - Oui.
31:56 - Qu'est-ce qu'une agence de notation, quelle qu'elle soit, apprendrait aux investisseurs sur un marché obligataire comme la France ?
32:06 Je prends toujours l'image, mais le moindre investisseur obligataire japonais ou le moindre investisseur obligataire du fin fonds du Texas...
32:12 - Est au courant.
32:13 - Est au courant exactement de ce qui se passe en France, en tout cas sur les sujets qui l'intéressent.
32:17 - Oui, mais attention.
32:18 - Ce n'est pas à vous que je l'apprends.
32:19 - Attention, on est dans le double A. Donc, on est pratiquement dans la meilleure qualité de l'investissement.
32:23 - D'accord.
32:24 - Donc, on n'est pas dans le domaine triple B, comme l'Espagne. On n'est pas dans le simple A, on est dans le double A.
32:31 Et quoi qu'il se passe au mois d'avril ou fin mai avec Sander and Poors, on va rester dans le double A. Et ça, c'est un critère important.
32:40 - Bah oui !
32:41 - Vous avez des acteurs publics, des banques centrales, des fonds de pension, de la gestion des réserves, qui sont extrêmement sensibles au rating.
32:47 - Oui !
32:48 - Alors, est-ce que je peux...
32:49 - Michel, c'est sûr !
32:50 - Si jamais il y avait une dégradation des notes de Moody's et S&P, parlant de Fitch et S&P, après, France serait triple ou double A, mais le plus bas niveau parmi le double A.
33:08 - D'accord.
33:09 - Donc, ça veut dire qu'une dégradation...
33:10 - Déjà chez Fitch, hein ?
33:11 - Oui, pardon, c'est la FMGP. Une dégradation supplémentaire pourrait changer ça.
33:16 - D'accord. Pour des investisseurs sous contrainte, notamment, ça peut...
33:19 - Ça peut changer quelque chose dans les portefeuilles.
33:22 - Aujourd'hui, ce que dit Franck, c'est que pour les investisseurs sous contrainte, qui devraient aller dans les cases triple A, double A, ce qui va se passer ce printemps, ça va rien changer, sauf qu'on sera à la limite...
33:34 - On se rapproche.
33:35 - On se rapproche de la limite pour être dans la case préférée, préférentielle de ces investisseurs.
33:42 - Les contraintes, c'est pas seulement une agence, mais souvent, c'est quand même une moyenne du rating chez plusieurs agences, etc.
33:47 - C'est en général deux sur trois.
33:50 - D'accord. Donc c'est plus cet effet technique qui pourrait peut-être jouer.
33:54 - Mais bon, le fait est que... Mais même sur l'Italie, il n'y a pas d'inquiétude.
33:58 - Ah ben non !
33:59 - Sur la Belgique non plus, il n'y a aucun... Voilà. On a une série de pays pour lesquels les trajectoires de dette publique vont monter dans les 4-5 prochaines années,
34:09 alors qu'on avait eu la promesse qu'après la série de crises, la dette publique baisserait. Ce ne sera pas le cas.
34:15 Les ratios de dette publique vont monter.
34:17 - Oui. Marché, agence de notation, je suis à l'avance, on n'avait pas parlé de ça, mais moi ça m'intéresse toujours, hein !
34:22 - Moi, ce qui me fait peur, c'est... C'est pas tellement la dégradation, je ne pense pas que...
34:28 Enfin, c'est tellement attendu, télégraphié, etc. Ça ne devrait pas faire bouger beaucoup les choses.
34:33 On pense beaucoup en termes de scénario central. Là, l'économie va pas si mal que ça, ça repart...
34:40 Moi, ce qui me fait très peur, c'est la prochaine crise. Parce que quand vous avez un déficit très important,
34:45 si vous partez de 5% de déficit quand tout va bien, là, vous allez vraiment aller dans le décor.
34:50 Et si vous voulez, vous avez deux histoires que vous pouvez raconter. Il y a une histoire à la allemande.
34:55 Vous avez une crise, les taux d'intérêt baissent, donc vous pouvez emprunter parce que les taux d'intérêt sont bas et relancer l'économie.
35:01 Si vous êtes en Italie, c'est l'inverse. Vous avez une crise, le marché a peur, les spreads s'écartent,
35:06 les taux d'intérêt montent et vous êtes obligés de sauter sur les freins au pire moment.
35:10 Pour l'instant, la France a plutôt une typologie allemande. C'est-à-dire que les taux baissent quand l'économie va mal,
35:18 on peut emprunter, relancer la machine. Les taux remontent, c'est désagréable, mais quand ça va bien, donc c'est pas trop grave.
35:24 Le risque, c'est que, ben, la prochaine crise, on passe... - On change de case.
35:28 - On change de case. Et ça, c'est extrêmement dangereux.
35:33 - Le mapping de la zone euro, tel qu'il a été défini entre cœur, semi-cœur, périphérie, les choses...
35:39 - Ça peut changer, et en termes de politique budgétaire, c'est extrêmement ennuyeux, parce que pour utiliser notre jargon,
35:47 vous devenez pro-cyclique. C'est-à-dire que vous sautez sur les freins quand ça va mal, et vous relancez l'économie quand elle n'a pas besoin, quand ça va bien.
35:53 Ce qui est exactement l'inverse de ce qu'il faut faire.
35:55 - L'Allemagne ne relançant pas spécialement son économie quand ça va mal, pour autant.
36:00 - Mais... - Fair point.
36:02 - C'est ce qui protège peut-être l'OAT, d'ailleurs. Comme il n'y a pas de Bund en circulation, je me tourne vers l'obligataire.
36:09 Il faut bien trouver le... Monsieur rappelle Bund, et bon, ça reste...
36:12 - Si vous voulez du AAA en Europe, vous avez soit du Bund, soit les Pays-Bas, c'est tout petit, soit le Luxembourg,
36:19 c'est une banque centrale, pas le truc le plus gros. Et après, la case au-dessous, c'est effectivement...
36:25 - L'Irlande, la France, Finlande, et je n'en oublie peut-être un.
36:30 - Donc vous vous retrouvez effectivement avec la France.
36:33 Mais vous voyez, il ne faudrait pas qu'on bascule du côté obscur de la force, parce que ça devient très très ennuyeux en termes de politique budgétaire et de politique cyclique.
36:43 - Oui, la contrainte est complètement inversée. - Exactement.
36:46 - Gardez la parole, un mot des marchés, le niveau de risque qu'on a envie d'avoir aujourd'hui, sachant que le premier trimestre a été excellent pour les actifs risqués, actions, crédits, etc.
36:56 Et c'est vrai que depuis le début du mois d'avril, l'ambiance a un peu changé. D'ailleurs, que les rebonds ont du mal à se mettre en place, c'est le grand yo-yo.
37:03 Bon, comment vous vous sentez, à l'aise ou non, avec la prise de risque ? - Pas trop.
37:08 - Non, on a pris énormément de risques en octobre-novembre, parce que le marché était très pessimiste.
37:16 Donc quand vous avez un marché pessimiste, quand vous avez une mauvaise nouvelle, il ne baisse pas, parce qu'il dit "oui, je sais, c'est ce que j'attendais".
37:22 Et quand vous avez une bonne nouvelle, ça rebondit.
37:24 Ça c'est très bien, parce que soit vous gagnez, soit vous ne perdez pas.
37:27 Alors évidemment, c'est plus compliqué sur les marchés, mais c'est ça l'esprit.
37:30 Donc dans ce cas-là, il faut y aller.
37:32 Et c'est effectivement ce qui s'est passé. Le marché était beaucoup trop pessimiste.
37:36 Donc, quatrième trimestre, ça a rebondi. Premier trimestre, on est resté sur cette tendance-là.
37:42 Là, je trouve qu'on est exactement dans l'inverse.
37:44 C'est-à-dire que les bonnes nouvelles, maintenant, sont dans les cours.
37:48 Et on le voit sur les premiers résultats. Alors, on en a eu très très peu.
37:52 Mais quand vous publiez bien, vous ne montez pas beaucoup, parce que le marché dit "ben oui, je m'attendais à une bonne nouvelle".
37:58 Par contre, les publications qui sont mauvaises, c'est un même 200.
38:03 Donc vous avez exactement la même asymétrie, mais à l'inverse.
38:07 Donc, moi, mon scénario central, pour revenir sur ce qu'on a dit, c'est une économie qui tient, qui va bien,
38:14 et donc des marchés qui ont plutôt tendance à glisser vers le haut.
38:17 Mais la probabilité qu'on ait une correction de 5 à 10% me semble assez importante.
38:23 Tout s'est réajusté. L'obligataire, les devises. Ce qui ne s'est pas encore franchement réajusté, c'est peut-être les actions.
38:30 Et si vous regardez les contraintes techniques, par exemple, les stratégies systématiques,
38:35 on a plutôt l'impression qu'ils ont eu énormément d'actions qui vont en revendre.
38:39 Moi, j'ai un modèle de "risk parity". Alors, c'est une autre stratégie systématique.
38:44 Ils avaient quasiment le maximum possible d'actions, d'après mon modèle. Ils sont normalement en train de compter...
38:50 En train de neutraliser.
38:51 Donc vous avez la vue macro fondamentale, et vous avez aussi certains aspects techniques
38:59 qui montrent qu'il pourrait y avoir des allégements à un moment donné.
39:02 Et donc, ce n'est pas un 22-100, une fois de plus, mais qu'on ait une respiration de marché
39:06 et un retracement de 5 à 10%, ce ne serait pas du tout étonnant.
39:10 Sur la partie obligataire, Franck, bon, je comprenais.
39:13 Si la baisse... T'amenais à baisser ses taux, ça plaide pour l'Europe, de la duration en Europe,
39:19 et toujours du très court aux Etats-Unis, de ce point de vue-là ?
39:23 Oui, oui. Donc, on voit que 2,50 sur le bout de 10 ans a très bien tenu.
39:27 C'est une barrière un peu psychologique.
39:29 C'est 3 sur l'OAT et 2,50 sur le...
39:31 Voilà, exactement. Et là, vous avez toujours des flots d'acheteurs incisionnels.
39:35 Là, on l'a vu, c'est l'année d'aujourd'hui encore.
39:37 Voilà. Et pour des grands montants. Donc, vraiment, ça, ça marche bien.
39:40 Non, ce qu'il faut tirer de la période récente, c'est que, certes, l'obligataire est volatil,
39:45 mais aujourd'hui, il offre de la valeur. Il offre vraiment de la valeur pour un investisseur de moyen terme.
39:50 Toujours très compliqué d'aller taper des points hauts, mais on est sur des zones attractives.
39:54 Surtout, surtout en zone euro, où, effectivement, on va rentrer dans ce cycle de baisses et taux.
39:58 Donc, aux Etats-Unis, il y a un peu de prudence, mais on aime bien les parties très très courtes
40:02 qui sont pricées d'une manière, pour nous, excessive. Vraiment excessive.
40:07 Ce serait difficile d'aller plus haut, honnêtement, sur le 2 ans américain.
40:10 Et puis, vous avez 5% de carrière.
40:12 Oui, c'est ça.
40:14 Et avec une perspective plutôt favorable sur la devise.
40:16 Pour le dollar, oui. Qui ne s'arrête pas pour l'instant.
40:18 Merci à vous trois, messieurs. Merci d'avoir été des invités de Planète Marché ce soir.
40:21 Franck Dixmé, Allianz Global Investors, Michel Martinez, Société Générale CIB et Stéphane Déo, Eleva Capital.