L’écrivain Salman Rushdie était cette semaine à Paris pour y donner une conférence, et pour promouvoir "Le Couteau", le livre racontant son attaque, en août 2022, par un extrémiste islamiste...
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
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00:00 20 en toute subjectivité ce matin avec la directrice déléguée de la rédaction de
00:04 L'Express Anne Rosancher.
00:05 Bonjour Anne.
00:06 Bonjour Simon, bonjour à tous.
00:07 Vous nous parlez ce matin de l'écrivain Salman Rushdie qui était cette semaine à
00:10 Paris pour y donner une conférence et pour promouvoir son livre "Le Couteau" qui raconte
00:15 son attaque en août 2022 par un extrémiste islamiste.
00:19 Oui, avec lui, les jours de tragédie commencent toujours par du soleil.
00:23 Dans Joseph Anton, son premier livre autobiographique, Salman Rushdie ouvrait son récit par la
00:28 question que lui avait posée une journaliste le 14 février 1989.
00:32 Quel effet cela fait-il ? lui avait-elle demandé d'apprendre qu'on vient d'être
00:36 condamné à mort par l'ayatollah Khomeini.
00:39 C'était par un beau mardi ensoleillé à Londres, précise l'écrivain.
00:43 Mais la question engloutit la lumière.
00:45 Son deuxième récit autobiographique paru il y a trois semaines s'ouvre également
00:50 par une absence de nuages.
00:51 "A 10h45 le 12 août 2022, par un vendredi matin ensoleillé dans le nord de l'état
00:58 de New York, j'ai été attaqué et j'ai failli être assassiné par un homme armé
01:02 d'un couteau après être monté sur scène dans l'amphithéâtre de Chetokwa pour y
01:07 parler de l'importance de préserver la sécurité des écrivains.
01:10 33 ans séparent ces deux jours ensoleillés, 33 ans et l'impossibilité d'échapper
01:16 à la haine.
01:17 C'est peut-être ce qui m'a le plus marqué dans le couteau.
01:20 À quel point Salman Rushdie voulait croire que l'eau avait coulé sous les ponts, qu'il
01:24 pouvait vivre sa vie et que la haine l'avait oublié.
01:27 C'est pourquoi en 2000, l'écrivain avait emménagé aux Etats-Unis où contrairement
01:31 au Royaume-Uni, on lui avait accordé de ne plus vivre sous protection s'il le souhaitait."
01:35 Il était donc sans agent de sécurité en ce fameux jour d'août 2022.
01:40 "Oui, et il y a quelques jours, j'ai eu l'occasion d'en parler avec le dessinateur
01:44 Riss, directeur de la publication Charlie Hebdo, qui vit sous protection depuis qu'il
01:48 a réchappé en 2015 à l'attentat islamiste contre son journal.
01:52 Lui aussi a été marqué par le fait que Rushdie vivait depuis de nombreuses années
01:56 sans agent de sécurité.
01:58 La tentation de l'optimisme, bien sûr, il la comprend.
02:02 Cette volonté de croire à un moment que c'est oublié, qu'on peut respirer.
02:06 Il se souvient même qu'en septembre 2014, à Charlie, il avait demandé à Charbes "t'es
02:12 sûr que t'en as encore besoin de tes policiers, tu crois pas que c'est fini ? Mais cet espoir-là,
02:17 ma confiée Riss, c'est quand on n'a jamais vécu la confrontation avec la mort.
02:21 Parce qu'après, ça ne te quitte plus jamais.
02:24 C'est comme une vibration dans le corps, en permanence, tu sais que ça peut basculer
02:28 à tout instant.
02:29 Comme un chien qui s'est fait tabasser, toute sa vie, il a cette vibration en lui."
02:35 Dans le couteau, Salman Rushdie répond à ceux qui voient dans son agression le signe
02:40 de la fragilité de notre liberté.
02:42 Il dit "ne prêtez pas un tel pouvoir à mon assaillant, nous ne sommes pas si faciles
02:47 à détruire".
02:48 C'est vrai.
02:49 La liberté est une aspiration puissante, la plus puissante qui soit peut-être.
02:54 Mais en lisant le couteau, ou en parlant avec Riss, on mesure à quel point certains la
02:59 paye chère, et pour nous tous.
03:02 Anne Rosancher en toute subjectivité.