• il y a 7 mois

Chaque jour, Céline Géraud et ses invités font un point complet sur l'actualité.
Retrouvez "Europe 1 13h" sur : http://www.europe1.fr/emissions/europe-1-midi3

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Transcription
00:00 - Europe 1/13h - Europe 1/13h, dernière partie sur Europe 1 avec vous Céline Giraud.
00:05 Et vos deux chroniqueurs du jour, Philippe Guybert, enseignant et ancien directeur du service d'information du gouvernement,
00:10 et l'écrivain essayiste Paul Melun.
00:12 - Et on parle de la Nouvelle-Calédonie où l'état d'urgence a été levé ce matin à 5h, le déblément des barrages se poursuit.
00:19 La nuit dernière a été relativement calme, dit le haut-commissaire de la République.
00:23 Il n'empêche, le couvre-feu est maintenu et de nouveaux renforts de gendarmerie sont attendus dans les heures qui arrivent.
00:28 - Alors avant de vous entendre, Paul Melun, Philippe Guybert, on va écouter ce document Europe 1.
00:33 C'est un enregistrement de Christian Thin, c'est le président de la CCAT, la cellule de coordination des actions de terrain.
00:40 C'est elle qui est derrière les émeutiers.
00:42 Et vous allez entendre son leader, eh bien il n'a pas l'intention d'apaiser les tensions.
00:46 Il était enregistré juste après la visite éclair du président Emmanuel Macron.
00:51 - Oui, dès le début de son discours, Christian Thin est formel.
00:54 Le face-à-face avec les forces de l'ordre française n'est pas prêt de se terminer.
00:58 - On ne va rien lâcher. On n'aura pas fait tout ça pour rien.
01:01 On a mis 80 ans d'économie coloniale à genoux à terre.
01:06 Et puis il va venir nous dire qu'on va maintenir un niveau de pression.
01:09 Pendant deux mois, il y a une mission de dialogue, une mission de médiation.
01:13 Il n'est pas question de desserrer fortement les tours.
01:15 Il va même plus loin dans son discours.
01:17 Il ne parle pas de la Nouvelle-Calédonie, mais bien de Kanaki, avec à sa tête des Kanaks, le peuple autochtone de l'île.
01:24 - Il faut aller chercher Kanaki. Il faut qu'on arrête de se faire des petits plaisirs entre nous.
01:27 Aujourd'hui, il faut donner, consacrer à Kanaki.
01:30 Pour cela, Christian Thin pousse la logique jusqu'au bout avec, dans sa ligne de mire, l'obtention des pouvoirs régaliens.
01:36 - La cour de lumière, c'est aujourd'hui qu'on doit regarder les transferts des dernières compétences régaliennes.
01:40 Il faut travailler sur cette partie.
01:42 Les compétences régaliennes, on dit on fait quoi ?
01:43 C'est quoi la date des transferts des uns des autres ? Le calendrier.
01:46 L'objectif du président de la CCAT est donc clair, l'indépendance pleine et entière.
01:51 - Chloé Galagadou pour Europe 1, avec Christian Thin qu'on entend.
01:55 Pas question de desserrer l'étau, c'est ce qu'il dit. Il parle de Kanaki aussi, Paul Melun.
02:00 On a la sensation que la sortie de crise n'est pas du tout à l'ordre du jour.
02:03 - Ça c'est sûr. C'est très important d'écouter, comme on le fait là, précisément ce que dit Christian Thin
02:07 et ce que dit le patron de la CCAT, parce que son discours est un discours authentiquement ethno-nationaliste.
02:13 C'est-à-dire un peuple, une terre, une ethnie autochtone chez elle,
02:17 qui boute quasiment les autres hors de son pays, parce que ça deviendrait un pays et plus seulement la France.
02:24 Et donc si vous voulez, on voit là finalement, pas seulement la difficulté, ce sera un euphémisme,
02:30 mais l'incompatibilité quasiment de fait, pour un vivre-ensemble harmonieux,
02:34 avec les 50 autres % ou les 60 autres % d'habitants de la Nouvelle-Calédonie
02:39 qui entendent simplement rester là où parfois ils sont nés, là où ils travaillent parfois depuis des années.
02:45 Et donc effectivement, on est là au creuset de cette crise depuis le début,
02:49 crise qui n'est pas d'aujourd'hui, on le rappelle souvent, mais qui, si vous voulez, pour se résoudre,
02:55 prendra probablement des décennies, et des décennies pour apprendre à vivre ensemble.
03:02 Parce que là, vraiment, pour le coup, s'il y a bien un endroit sur la planète
03:05 dans lequel le mot "vivre ensemble" pourrait éventuellement avoir un sens,
03:07 alors que pour le temps il est galvaudé, qu'on l'utilise à tort à travers ici en France et en métropole,
03:11 c'est vraiment de dire "comment est-ce qu'on peut faire pour cette coexistence,
03:15 comment est-ce qu'on peut faire pour le dialogue ?"
03:17 Et effectivement, la venue d'Emmanuel Macron, entre nous, n'a absolument rien changé,
03:21 et elle ne pouvait rien changer, on passait pour des oiseaux de mauvaise augure quand on le disait avant,
03:26 mais il est évident que le président en 27 heures n'allait pas révolutionner
03:29 des décennies de conflits ethniques quasiment nationalistes, c'était impossible.
03:36 En tout cas, il y a deux styles, deux ambiances, on peut le dire.
03:38 D'un côté, on a le haut-commissaire qui nous dit "la nuit a été relativement calme",
03:41 on lève l'état d'urgence, les barrages sont démantelés au fil de l'eau,
03:46 on a la sensation qu'Emmanuel Macron espère un dialogue rapidement
03:50 avec les loyalistes et les indépendantistes,
03:52 et de l'autre, donc Christian Thin, qui dit clairement "en gros, on n'est pas prêts de céder", Philippe Guibert.
03:57 Je pense que non seulement le voyage d'Emmanuel Macron n'a pas changé grand-chose, mais qu'il est raté.
04:01 Parce qu'il a, non seulement sur place, il n'a pas dit grand-chose,
04:05 il a simplement fait un constat en disant "je ne passerai pas en force"
04:09 à propos de la fameuse réforme du "gel électoral", enfin le "dégel électoral"
04:13 du corps électoral de la Nouvelle-Calédonie.
04:16 Mais rentrer en France dans l'avion, il donne une interview au Parisien,
04:19 toujours se méfier des voyages en avion pour les politiques,
04:23 en général, ce n'est pas très bon conseil, il y a des précédents,
04:26 où il va jusqu'à évoquer un "reforandum" en France sur
04:31 cette réforme électorale qui doit rentrer dans la Constitution,
04:34 ce qui est une provocation à l'égard des Canacs.
04:37 Et donc, il va là-bas pour essayer de renouer un dialogue,
04:40 et il fait une provocation dans l'avion en rentrant dans son interview au Parisien,
04:44 tout ça est extrêmement malhabile et maladroit.
04:47 Et donc je crois que là, on a écouté la tendance la plus radicale
04:51 du parti du FLN-Cales, qui était effectivement à l'origine des émeutes.
04:57 Mais je crois que l'important, ce n'est pas avec eux que le dialogue va se renouer immédiatement.
05:01 Tout l'enjeu, c'est de renouer le dialogue avec les autres tendances du FLN-Cales,
05:05 et de conduire à une discussion qui puisse être constructive.
05:09 Parce que je ne crois pas que, d'ailleurs ils l'ont dit plusieurs fois par référendum,
05:14 je ne crois pas que l'ensemble de la population, y compris les Canacs,
05:17 soit forcément favorable à une indépendance, à une décolonisation.
05:22 Et donc tout l'enjeu, c'est de reprendre une discussion
05:24 pour construire effectivement des transferts de pouvoir sur l'île,
05:27 mais dans le cadre de la République.
05:29 - Le dialogue n'est pas encore prêt d'être renoué.
05:31 - Et je crois qu'il faut contourner l'organisation, le CCAT,
05:37 et qu'il faut renouer un dialogue directement avec le FLN-Cales.
05:40 Et tout ça suppose de la part du président de la République et des responsables nationaux,
05:44 un discours qui soit bien calibré, où on ne fasse pas de gaffe,
05:47 où on ne fasse pas de bourde, sans quoi c'est déjà très compliqué.
05:51 Mais ça a quand même marché 35 ans.

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