• il y a 5 mois
Alors qu’elle recule dans toute l’Europe, la violence armée augmente en Suède. En 2020, les armes à feu y ont fait 124 victimes. Il ne s’agit pas là de criminalité organisée, mais plutôt informelle. L’un des membres d’une de ces bandes explique faire partie d’un gang de copains, sans big boss en coulisses...

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Personnes
Transcription
00:00 Guerre des gangs, fusillades et attentats à l'explosif.
00:16 Ces six dernières années, il y a eu en Suède plus de 2500 fusillades.
00:26 La plupart de leurs auteurs, comme les victimes, sont de jeunes hommes des quartiers sensibles
00:31 enclin à la violence et armés.
00:32 Je ne sais pas si tout le monde a une arme, mais beaucoup en ont.
00:36 Je ne veux pas en parler.
00:37 Ici, c'est normal.
00:40 Et pas qu'ici, c'est comme ça dans toute la Suède.
00:45 Nour Habib est né en Irak, mais il vit en Suède depuis l'âge de 4 ans.
01:12 Il a maintenant 28 ans et un long parcours criminel derrière lui.
01:16 Il a purgé une peine de deux ans et demi de prison pour vol à main armée.
01:19 Ici, on est à Dalhem, un quartier que la police définit comme un foyer de criminalité.
01:33 Dalhem est officiellement considéré comme l'un des endroits les plus dangereux d'Helsingborg.
01:38 Il n'y a pas longtemps, environ trois semaines, une fusillade a éclaté à l'entrée de la
01:45 cité.
01:46 De prime abord, Dalhem, au nord-est d'Helsingborg, semble paisible et bien entretenue.
01:52 Mais en dépit des apparences, on est bel et bien dans un quartier malfamé où les jeunes,
01:57 organisés en gang, s'adonnent au trafic de drogue.
02:00 Tout doit être beau, mais personne ne s'occupe des gens qui vivent ici.
02:12 Pas de cinéma, pas de café, pas de MJC.
02:19 Beaucoup de criminels ont commencé leur carrière ici, comme Noura Bib.
02:24 Son parcours est typique des jeunes de son milieu.
02:26 Ils ont été déracinés, ils s'ennuient et ont besoin de s'affirmer.
02:30 Au début, on faisait du vandalisme, juste histoire de s'amuser.
02:44 Ça pouvait être tout et n'importe quoi.
02:48 Casser des vitres, mettre le feu à des voitures.
02:52 Ensuite, je suis passé au cambriolage.
02:56 Pour moi, voler, c'était normal.
02:58 Je savais faire que ça.
02:59 Et ensuite, je me suis mis à vendre de la drogue, après avoir entendu dire que c'était
03:06 ce que faisaient les mecs plus âgés.
03:08 J'étais presque le seul gamin qui avait le droit de traîner avec eux.
03:13 Leur origine migratoire, combinée à des antécédents judiciaires, rend l'accès
03:19 à la société suédoise quasi impossible pour les jeunes de Dahlem.
03:23 Les gangs sont tout ce qu'ils ont.
03:25 Je ne sais pas ce qui se passe au juste, mais dernièrement, les fusillades se sont
03:35 multipliées.
03:36 Avant, il n'y en avait pas à Helsingborg.
03:40 Mais depuis quelques temps, ça tire dans tous les sens.
03:43 Ils se retrouvent devant l'école.
03:47 Délinquants et criminels ou ex-criminels de tous âges et parfois des jeunes encore
03:52 intègres.
03:53 Un individu bien informé nous explique qu'il est dangereux de parler.
03:57 Trop d'oreilles traînent, celles de la police, mais aussi des gangs, même s'ils
04:02 ne sont pas véritablement organisés.
04:03 Le réseau repose sur des liens d'amitié.
04:07 Il n'y a pas de boss.
04:10 Chacun a son propre patron.
04:13 Je ne sais pas si on a tous une arme, mais beaucoup en ont.
04:17 Je ne veux pas en parler.
04:18 Ici, c'est normal.
04:21 Et pas qu'ici, c'est comme ça dans toute la Suède.
04:26 Les gangs n'ont pas toujours été dépourvus de structures hiérarchisées.
04:30 Elles ont été dissoutes au cours des dernières années.
04:33 Ce qui est resté, c'est le manque de repères et l'accès aux armes et aux explosifs.
04:37 Le stock vient pour la majeure partie des anciens territoires en guerre des Balkans.
04:42 Je connais cette vidéo.
04:45 C'est la voiture d'un gardien de prison dans un quartier très huppé du centre-ville.
04:55 Ils l'ont détruite parce que le mec avait fait des trucs pas net.
05:01 Quelques heures après cette interview, une nouvelle fusillade a lieu dans le quartier
05:10 de la vie nocturne.
05:11 Le portier d'un bar à tapas a reçu une balle dans le genou.
05:15 Selon toute vraisemblance, un avertissement.
05:18 L'auteur du crime a disparu sans laisser de traces.
05:21 Régulièrement, des innocents sont pris entre deux feux.
05:26 En 2020, Adrina, 12 ans, sortait son chien quand une balle l'a emportée par ricochet.
05:32 À Göteborg, c'est un garçon de 15 ans, Jaffar, qui a été tué.
05:37 Il s'agirait d'un acte de représailles visant son frère.
05:41 Il y a deux ans, une femme médecin, mère d'une petite fille de seulement deux mois,
05:49 a été assassinée.
05:50 Elle avait malencontreusement été témoin d'une fusillade.
05:53 Ici, tout le monde doit faire ses preuves.
05:58 Ceux qui tirent cherchent juste à faire leur preuve.
06:02 Avant, les échanges de tirs avaient lieu dans le cadre de la guerre des gangs.
06:08 Ça tournait autour des stupéfiants, de grosses quantités de drogue.
06:17 Aujourd'hui, les mecs se tirent dessus pour un regard de travers.
06:25 C'est triste d'en arriver là, à tuer juste pour faire ses preuves.
06:37 Ici, il faut avoir des munitions pour se faire respecter.
06:41 Ce sont des cartouches de 9 mm, les classiques, celles qu'on met dans les pistolets semi-automatiques,
06:51 les Glock, les Astava CZ 99.
06:55 C'est le calibre le plus courant.
06:57 Rares sont ceux qui réussissent à tourner le dos aux gangs et à rentrer dans le droit
07:02 chemin.
07:03 J'ai 29 ans.
07:07 Et je fais ça depuis que j'ai 16 ans.
07:11 Ou 15.
07:15 On s'habitue, mais je rêve d'une vie où je travaillerai de 9h à 17h.
07:26 Puis j'entrerai chez moi et je regarderai un film avant d'aller me coucher.
07:30 Dans cette vie, on ne sait jamais quand on pourra dormir.
07:39 Ou pas, vous comprenez ? Parfois, on ne ferme pas l'œil de plusieurs
07:52 nuits et on doit toujours regarder par-dessus son épaule.
07:55 C'est stressant.
07:58 Ce n'est pas le genre de vie dont on pourrait rêver.
08:01 Bando est rappeur.
08:08 Dans ses chansons et ses clips, il célèbre les gangs.
08:11 Ce milieu au sein duquel il évolue et où la vie est partagée entre la drogue, l'argent
08:16 facile, la criminalité et la violence.
08:18 Mais tout ça, ce n'est qu'une façade.
08:20 Histoire d'avoir l'air cool.
08:22 En réalité, il rêve de faire sa valise et de laisser tout cela derrière lui.
08:31 Dans mes chansons, je parle de ce quartier.
08:41 Il s'en passe des choses ici, vous savez.
08:47 Je voudrais partir.
08:49 Tous ici voudraient déménager dans un meilleur quartier.
08:53 Avoir plus d'argent, de plus belles voitures.
08:55 Pour ça, il faut avoir fait des études.
08:58 Mon rêve, c'est de devenir ingénieur.
09:02 J'aimerais aller loin dans la vie.
09:05 Mais sortir de Dallemme n'est pas chose facile.
09:07 Les chances d'échapper à la stigmatisation sont assez faibles.
09:11 Et la tentation de l'argent rapide est au contraire très forte.
09:14 Omar El Almali est travailleur social.
09:24 Né en Suède, il a grandi à Helsingborg et refuse de voir ses racines syriennes et libanaises
09:30 comme une tare.
09:31 Au contraire, il les considère comme une chance.
09:34 On se connaît presque tous ici.
09:38 J'ai grandi là-haut.
09:39 C'est une petite communauté.
09:41 Le quartier Söder est proche du centre de Helsingborg et a été apprécié comme creuset
09:48 des cultures.
09:49 Aujourd'hui, il passe pour le deuxième pire quartier de la ville.
09:53 Beaucoup d'anciens rejettent la faute sur les nouveaux réfugiés et surtout sur les
09:57 mineurs non accompagnés.
09:58 La plupart ont 13 ou 14 ans.
10:06 Ils ont grandi en Syrie, au Liban ou en Palestine et n'ont pas la même éducation que les
10:11 ados qui ont grandi en Suède.
10:12 Quand ils arrivent, ils sont livrés à eux-mêmes, sans père ni mère.
10:17 Ils n'ont personne pour les aider à se construire et leur montrer le droit chemin.
10:22 Un terreau propice aux nouvelles recrues pour les gangs.
10:28 Ce n'est pas un phénomène nouveau.
10:34 Avant, il y avait des fusillades de bandes de bikers.
10:37 Mais ensuite, il s'est passé quelque chose.
10:39 La ségrégation a empiré.
10:41 Beaucoup de gens sont arrivés et sont installés dans ces quartiers-là.
10:44 La police met en garde contre l'apparition de sociétés parallèles.
10:47 Personne n'a rien fait contre l'aggravation de ce fractionnement social.
10:50 On a laissé faire.
10:51 N'ayant aucun moyen d'intégrer la société, ces jeunes privés de soutien familial voient
10:57 dans les gangs des familles de substitution.
10:59 Les jeunes qui sont encore au début de leur vie s'entretuent.
11:04 Pour 500 ou 1000 couronnes.
11:06 Les uns pour de la drogue, les autres à cause de dettes non remboursées.
11:12 Résultat, on a des problèmes.
11:14 Moi, je reste assis là et s'ils approchent, je m'arrange pour les faire décamper.
11:18 Je connais tout le monde ici.
11:21 Le problème, c'est que quand il arrive quelque chose, on ne trouve jamais le responsable.
11:25 Et personne n'en a rien à faire ?
11:28 Non.
11:29 Du coup, ils continuent.
11:30 Et il n'y a jamais assez de preuves, alors ils sont relâchés.
11:33 Omar El Almali vient de terminer ses études de sociologie et de criminologie.
11:42 Sa mère est palestinienne, son père syrien.
11:46 Tous deux sont arrivés en Suède il y a plus de 30 ans en tant que réfugiés.
11:50 On les a alors accueillis à bras ouverts.
11:53 Ils en sont aujourd'hui encore reconnaissants à l'état suédois.
11:57 Leur fils Omar aspire à plus que ça.
12:00 Il veut avoir voix au chapitre, contribuer à faire avancer le pays.
12:04 Depuis que je suis petit, ma mère m'a toujours appris à dire que je suis suédois.
12:11 Tu es suédois.
12:14 Il y en a qui n'arrivent pas à voir les gens comme nous, comme des Suédois.
12:17 Mais c'est une autre question.
12:18 En tout cas, je me suis toujours considéré comme suédois.
12:23 Quand je suis arrivé en Suède, j'ai tout de suite obtenu la nationalité suédoise.
12:28 Et on me traite comme une suédoise de naissance.
12:30 Alors je suis suédoise.
12:31 Toi, tu es né ici et ils t'ont même appris le suédois.
12:34 Alors tu es suédois.
12:35 Vous voyez, c'est dans cet état d'esprit que j'ai grandi.
12:39 Tiraillé entre les exigences de la société suédoise d'une part et les attentes et les
12:45 valeurs traditionnelles de la famille de l'autre, de nombreux jeunes capitulent et cherchent
12:49 refuge dans les gangs.
12:50 L'issue est parfois tragique.
12:54 Il y a un an, Younes, un ami de la famille El Almali, a été tué.
12:59 Ce ne sont pas des choses qu'on oublie facilement.
13:07 On y pense beaucoup, mais on ne trouve pas de réponse.
13:11 Younes s'était-il impliqué lui-même dans des activités criminelles?
13:18 Nul ne le sait vraiment.
13:20 J'ai quelques photos de lui et de mes enfants.
13:24 Regardez le.
13:25 On voit bien que c'était quelqu'un d'humain.
13:28 Qu'est ce qu'il a bien pu faire?
13:32 Je vois mal ce garçon commettre un crime contre l'humanité, voler tout l'or du monde.
13:36 Alors quoi?
13:38 Ce jeune n'a rien fait.
13:41 C'est un gamin qui aurait mérité d'avoir sa chance.
13:44 Il voulait faire quelque chose de sa vie.
13:47 C'était un bon gars.
13:48 Quand j'ai su qu'il était mort, j'ai tout de suite pensé que ça aurait pu être Hassan.
13:55 Younes était comme mon propre fils.
13:58 J'ai enlevé sa photo parce que j'étais bouleversée de la voir tous les jours.
14:05 Ça me remuait trop.
14:06 Et Youssef aussi.
14:08 Tu te souviens quand tu l'as appris?
14:11 Oui, j'ai été très triste.
14:14 Je me souviens que j'étais avec mes cousins.
14:17 Je dormais et tout à coup, je me suis réveillée.
14:20 J'étais dans la voiture.
14:22 Un de mes cousins était à côté de moi.
14:24 Je lui ai demandé ce qui se passait.
14:25 Il a dit Younes a été tué.
14:31 Il y a des gangs partout.
14:33 La police, tout ça.
14:36 On n'est jamais très rassuré quand on se balade.
14:40 Rien que de marcher dans la rue, on ne peut plus le faire sans avoir peur.
14:44 Il y a même un type qui s'est fait tuer en plein centre.
14:48 Je n'y suis plus allé depuis des années.
14:50 Normalement, il ne se passe pas ce genre de choses dans le centre.
14:56 Les gangs savent qu'ils sont plus forts que l'État.
15:02 Omar n'est pas prêt à accepter ça.
15:04 En tant que travailleur social, il veut tout faire pour freiner la dérive des sociétés parallèles
15:09 et les aider à renforcer leurs liens avec la société dominante suédoise.
15:14 Mona Amarpersonne connaît Omar depuis l'enfance.
15:17 Ils sont allés à l'école ensemble.
15:19 À l'époque, Söder était un quartier très différent.
15:24 Quand j'étais petit, j'avais beaucoup d'amis suédois.
15:26 On se sentait bien mieux intégrés.
15:29 Mais j'ai remarqué que les ados d'aujourd'hui ne traînent qu'avec des gens qui ont le même profil qu'eux
15:33 et qui ne bougent pas d'ici.
15:35 Mona est agent de police depuis cinq ans.
15:38 Elle a grandi ici, connaît elle aussi tout le monde et tout le monde la connaît.
15:42 Mais dès que la trentenaire endosse l'uniforme, elle rejoint l'autre camp.
15:46 On est poli avec elle, on échange quelques mots, mais guerre plus.
15:51 - Comment ça va ? - Bien.
15:55 - Tant mieux. C'est confortable là-dedans ? - Pas trop chaud ?
15:59 - C'est chouette, tous ces jouets. Prenez soin de vous. - À vous de m'aider.
16:04 - Pourquoi est-ce qu'il y a autant de fusillades ? - Difficile à dire.
16:12 Mais je pense qu'en ce moment, les problèmes s'accumulent
16:15 à cause des lois et de l'échec de l'intégration.
16:21 Il y a beaucoup de quartiers sensibles, dont le quartier de Söder.
16:25 Et ça entraîne d'autres problèmes.
16:28 Quand les gens se sentent exclus de la société dominante,
16:31 comme ils ont besoin d'appartenir à une communauté, alors ils s'en cherchent une autre.
16:36 En tant qu'agent de police, Mona entend bien sûr assurer l'ordre et la justice,
16:42 mais aussi servir de médiatrice entre les communautés.
16:47 Sur Instagram, elle se présente comme une policière très humaine
16:51 et n'hésite pas à recourir à l'autodérision.
16:54 - Au début, j'ai créé mon compte Instagram
16:56 parce que je savais qu'on avait besoin de plus de femmes dans la police,
16:59 y compris de femmes issues de l'immigration.
17:01 Il fallait des profils bien spécifiques.
17:03 Et je m'étais demandé pourquoi il n'y avait pas plus de femmes qui postulaient.
17:07 À la réflexion, je me suis dit que pour les atteindre, il fallait savoir où les trouver.
17:11 Et où sont les jeunes aujourd'hui ? Sur les réseaux sociaux.
17:14 Si j'ai ouvert mon compte, c'était surtout pour inciter des jeunes femmes à candidater.
17:18 Je les encourageais à me poser des questions
17:20 dont elles ne trouvaient peut-être pas la réponse sur Internet.
17:23 Par exemple, comment on fait pour travailler quand on a des enfants ?
17:27 Sa stratégie porte ses fruits.
17:30 Tout au moins auprès des plus jeunes.
17:33 Aux yeux des enfants de Söder, issus ou non de l'immigration,
17:36 Mona, la policière, est avant tout une star d'Instagram.
17:40 Une figure autoritaire, certes, mais accessible.
17:44 Sa stratégie de communication a fait mouche.
17:49 Plus de 10 000 abonnés la suivent sur Instagram.
17:53 -Ca va ? -Oui.
17:55 -On a des vidéos de la police ? -Oui.
17:58 -On peut les regarder ? -Oui.
18:00 -On peut les regarder ? -Oui.
18:02 -On peut les regarder ? -Oui.
18:04 -On peut les regarder ? -Oui.
18:06 -On peut les regarder ? -Oui.
18:08 -On peut les regarder ? -Oui.
18:10 -On peut les regarder ? -Oui.
18:12 -On peut les regarder ? -Oui.
18:14 -On peut les regarder ? -Oui.
18:16 -On peut les regarder ? -Oui.
18:18 -On peut les regarder ? -Oui.
18:20 -L'escalade de la violence, il l'a vécue au quotidien.
18:23 -Biskopsgården est un district particulièrement malfamé.
18:33 On lui consacre beaucoup de temps et de travail.
18:36 Ces 7 ou 8 dernières années,
18:39 il y a eu beaucoup d'actes de violence grave,
18:43 de nombreux meurtres, fusillades et attentats à l'explosif.
18:47 Certains ont particulièrement marqué la population,
18:51 notamment le meurtre d'un de nos collègues cet été.
18:55 -Le 30 juin, toute la Suède a été sous le choc.
19:04 C'était le premier meurtre de policiers depuis 14 ans.
19:08 La victime, Andreas Danman, 33 ans.
19:11 Quelques jours plus tard, un garçon de 17 ans,
19:14 membre d'un gang, a été arrêté.
19:17 Il venait de purger une peine de prison pour tentative de meurtre.
19:21 L'homme qui l'a tué venait d'intégrer la brigade.
19:26 C'était un ancien soldat fraîchement sorti de l'école de police.
19:30 Ce 30 juin-là, vers 22h, il était en patrouille
19:33 et discutait avec des résidents quand l'adolescent,
19:36 masqué et cagoulé, lui a tiré dessus depuis son deux-roues électriques.
19:41 Andreas Danman est mort peu de temps après à l'hôpital.
19:45 -Cette tragédie nous a vraiment beaucoup touchés.
19:51 Depuis, on réfléchit à ce qu'on pourrait faire
19:54 pour mieux se protéger.
19:56 -En 2015, une fusillade entre gang-rivaux
19:59 a éclaté dans un bar de Biscops Garden.
20:02 Deux hommes armés de kalachnikov ont ouvert un feu
20:06 sur les clients.
20:08 Deux jeunes hommes sont morts, 10 personnes ont été blessées.
20:12 Ce district situé au nord-est de Göteborg compte 26 000 habitants.
20:16 Plus de la moitié sont des immigrés ou des descendants d'immigrés.
20:20 En dépit de tous les efforts déployés par la ville,
20:23 école, activités sportives et de loisirs,
20:26 la ségrégation et la criminalité n'ont cessé d'augmenter.
20:30 -En général, les fusillades ont lieu dans des zones
20:33 les plus exposées à ce genre de danger.
20:36 C'est déjà grave que ça arrive dans ces endroits-là.
20:40 Mais le pire, c'est que ça influence toute la société.
20:44 La hausse de la criminalité, du trafic de stupéfiants
20:48 à la fraude aux prestations sociales a un impact
20:52 sur la cohésion sociale et sur la confiance au sein de la société.
20:56 -Malgré tout, la police cherche le dialogue.
20:59 Martin Arkal se déplace souvent à pied pour montrer qu'il est présent
21:04 et glaner des informations.
21:07 Depuis le meurtre de son confrère, les gangs se font très discrets.
21:11 Ils ont presque disparu du paysage, tout au moins pour un temps.
21:16 -Ce qui me préoccupe particulièrement,
21:19 c'est leur absence totale de scrupules.
21:22 C'est effrayant de voir ces jeunes hommes
21:25 qui n'ont parfois même pas d'antécédents judiciaires graves
21:29 armés de la sorte et capables de braquer ses armes sur d'autres personnes.
21:34 Avant, ils tiraient plutôt pour intimider en visant les jambes,
21:38 alors que maintenant, on assiste à de véritables exécutions.
21:42 -Elsingborg est une ville florissante
21:45 qui voit affluer les touristes et foisonner les start-up.
21:49 Ce boom ne touche hélas pas le nord-est de la ville.
21:53 Ceux qui grandissent à Dalem ont très peu de chances
21:57 de profiter un jour de cette prospérité.
22:00 Mais Nour Habib est une figure d'espoir.
22:03 Il revient de loin, a connu la prison et failli perdre sa famille.
22:07 -J'ai reçu un coup de fil de mes parents.
22:11 Il n'a pas duré longtemps.
22:14 Ils m'ont dit que j'étais plus leur fils,
22:17 qu'ils voulaient plus rien avoir à faire avec moi
22:21 et que j'avais plus le droit de porter le nom de notre famille.
22:25 Ca m'a anéanti, parce que sans ma famille, je suis personne.
22:29 -Nour a réussi à s'extirper de l'engrenage de la violence
22:33 et à réintégrer sa famille.
22:35 Plus encore, en 2018, il a créé l'organisation Tricret.
22:39 Son objectif, aider les jeunes à tourner le dos à la criminalité.
22:43 Il leur trouve des petits boulots et leur ouvre des perspectives.
22:48 -Bonjour.
22:50 -Bonjour.
22:52 -Je veux que les enfants et les ados des quartiers sensibles
22:56 puissent connaître un vrai développement personnel.
23:00 Tricret est là pour les jeunes qui ont déjà dévié du droit chemin,
23:05 mais qui veulent redresser la barre.
23:08 Et pour ceux qui sont sur le point de mal tourner.
23:12 Ils sont là pour les jeunes qui ont déjà dévié du droit chemin.
23:17 Ils peuvent tous nous contacter via notre site web,
23:21 mais la plupart se manifestent sur Instagram.
23:25 -Chaque année, Nour réunit de petits groupes
23:28 d'une quinzaine de jeunes tout au plus
23:31 et les met en contact avec des entreprises locales.
23:35 Son but, combattre les préjugés.
23:38 -Quand on dit qu'on a grandi à Dalem lors d'un entretien,
23:42 les mecs nous regardent de travers.
23:45 Ils ne viennent là que pour gagner de l'argent.
23:48 -Nour ne compte pas sur l'Etat, mais sur le secteur économique.
23:52 Everfresh, une entreprise de logistique
23:55 spécialisée dans les fruits et légumes,
23:58 cautionne l'idée de Nour depuis le début.
24:01 En plein essor, elle est toujours en quête de main-d'oeuvre
24:05 et engage régulièrement des jeunes qui lui sont envoyés par Tricret.
24:09 Pour Everfresh comme pour Nour, c'est gagnant-gagnant.
24:13 Même après les avoir placés,
24:15 Nour garde le contact avec ses protégés.
24:18 L'un d'eux s'appelle Wissam. Il a 27 ans.
24:21 Les deux hommes se connaissent depuis des années.
24:24 Ils se sont rencontrés quand Nour était en prison
24:27 et Wissam en détention provisoire.
24:29 Wissam a passé toute sa jeunesse dans des foyers,
24:32 mais depuis 3 ans, il travaille ici.
24:35 Lui aussi habite à Dalem, où il a fondé sa propre famille.
24:39 Il a aidé Nour à développer son projet pour une meilleure intégration.
24:44 - Quand j'ai fondé Tricret, j'ai contacté Wissam,
24:52 qui venait de sortir de prison.
24:55 Et je lui ai expliqué ce que j'avais en tête.
25:00 Au début, ça l'a fait rigoler,
25:06 mais ensuite, il a compris que j'étais sérieux.
25:09 Si on change pas nous-mêmes, je veux dire notre génération,
25:15 alors notre quartier et les autres continueront à être stigmatisés.
25:20 Et ça n'en finira jamais.
25:23 - Quand je suis sorti de prison, j'avais encore le cerveau complètement déglingué.
25:31 J'étais dans le trip, nique la société, nique la police.
25:34 Rien à foutre.
25:36 - Tu pensais n'avoir aucune chance de t'en sortir ?
25:39 - J'en avais aucune. Je voyais pas comment ce serait possible.
25:43 Pour moi, j'avais aucun avenir.
25:46 Dès que j'avais la moindre ambition, la police me cassait mon plan,
25:51 et j'arrivais à rien.
25:53 A chaque fois que j'essayais de faire quelque chose de ma vie,
25:56 on me disait "Tu veux faire ça ? Toi, un mec de Dalem ?
25:59 T'espère arriver à faire ça ?"
26:01 Voilà comment on me parlait.
26:03 J'en avais vraiment marre.
26:05 J'avais plus aucune motivation.
26:07 Et je crois que c'est exactement la même chose pour tous ceux qui habitent à Dalem.
26:11 Manque d'opportunité, de motivation, de confiance en soi.
26:18 Si l'on ajoute à cela l'appât de l'argent facile,
26:21 le cocktail est fatal à beaucoup de jeunes hommes issus de l'immigration.
26:24 La société suédoise se détourne d'eux.
26:31 La police hésite entre la carotte et le bâton.
26:34 En rentrant chez lui, Wissam se heurte à nouveau aux forces de l'ordre
26:40 qui le soumettent à un contrôle injustifié.
26:43 Une pratique courante qui fait partie de la stratégie policière.
26:47 Un ami a filmé la scène.
26:50 Les gardiens de la loi se montrent inutilement brutaux
26:56 en contrôlant les papiers de Wissam,
26:58 qui ressent ce manque d'égard comme une provocation.
27:01 Ils ne me soupçonnent de rien. J'ai rien fait.
27:09 Lundi, ils m'ont pris mon permis de conduire rien que pour me mettre la rage.
27:13 Résultat, je suis coincé.
27:15 J'attends leur feu vert pour aller le récupérer.
27:18 Ils vont sûrement me laisser mariner une ou deux semaines.
27:21 Ils font ça tout le temps rien que pour nous emmerder.
27:24 A chaque fois que je fais quelque chose,
27:26 ils réagissent comme si j'avais fait dix fois pire.
27:29 C'est n'importe quoi.
27:31 On devrait quand même pouvoir se promener et discuter dans notre quartier
27:34 sans être constamment harcelé.
27:36 C'est ni la première ni la dernière fois que ça m'arrive.
27:39 C'est tout le temps comme ça.
27:41 A quelques kilomètres de là, dans le quartier de Söder,
27:44 fort des connaissances acquises durant ses études de criminologie,
27:48 Omar El Almali s'efforce d'ouvrir des perspectives
27:51 aux jeunes en fin de scolarité.
27:54 Il est chargé par la ville de les conseiller
27:56 et les orienter dans leurs recherches de travail.
27:59 Si vous avez le choix, vous étudieriez quoi ?
28:06 La criminologie.
28:08 Tu rêves de faire comme moi ? Je suis flatté.
28:11 Agent de la brigade des stups.
28:16 Ça aussi, ça relève de la criminologie.
28:20 Policière.
28:21 Décidément, vous êtes passé le mot.
28:23 Moi aussi, policière.
28:25 C'est génial, vous voulez tous étudier la même chose que moi.
28:28 Manifestement, les jeunes qui grandissent dans un quartier à problème
28:34 ont l'impression de devoir choisir entre faire partie des problèmes
28:38 ou de la solution.
28:40 Mona se félicite de cet engouement pour son métier.
28:43 Apparemment, tout le monde ici rêve de devenir comme nous,
28:47 criminologue ou policier.
28:49 Ça pourrait être une raison de devenir policière.
28:52 Toutes ces fusillades et tout ce qui se passe ici,
28:55 ça nous affecte beaucoup.
28:57 Et on a constaté, en en discutant ensemble,
28:59 que tout ce qui se passe est lié à une seule et même chose,
29:02 notre contexte familial.
29:04 Ça me fait vraiment chaud au cœur de savoir qu'il y a des jeunes
29:12 qui ont grandi dans le même quartier que moi
29:14 et qui ont encore des rêves.
29:16 Et les mêmes que moi.
29:19 Ils veulent entrer dans la police
29:21 et sont motivés par l'idée d'améliorer la société.
29:24 Ils vont contribuer à modifier l'image qu'on a de la police
29:29 parce qu'ils veulent aider les jeunes qui sont sur le point de mal tourner
29:32 à cause du fait qu'ils ont toujours été marginalisés.
29:35 Je trouve ça fantastique qu'ils aient envie de faire ça.
29:39 La Suède, libérale et ouverte au monde,
29:43 a longtemps ignoré les problèmes liés à l'immigration.
29:46 Et en a ainsi provoqué d'autres.
29:48 Les sociétés parallèles qui en ont découlé
29:51 sont le terrain idéal pour la criminalité en bande,
29:54 plus ou moins organisée.
29:56 Hassan, le frère d'Omar,
29:58 essaie lui aussi de jeter des ponts.
30:00 Lui, il rappe contre le gangsta-rap.
30:04 Tu sais ce que j'ai trouvé top ?
30:11 Quand tu t'es arrêté.
30:13 À la fin, juste avant d'arrêter, la dernière phrase.
30:17 Et là, tu balances tout de suite l'autre.
30:24 Ça rend super bien.
30:26 Refais-la avec la voix aiguë, mais vraiment aiguë.
30:39 Ce que je dis dans cette chanson, c'est que je suis content de ce que j'ai.
30:43 Dans notre quartier, tout le monde veut toujours plus.
30:46 On a déjà beaucoup reçu, mais on en veut toujours plus.
30:49 On a un toit au-dessus de la tête, à manger dans nos assiettes,
30:52 et on en veut quand même plus.
30:54 Le message de cette chanson, c'est qu'on devrait être reconnaissant
30:57 pour ce qu'on a obtenu.
30:59 Et que si on veut réaliser quelque chose,
31:01 alors il ne faut pas se demander ce qu'en pensent les autres.
31:04 Les commentaires qu'on nous fait ne doivent pas nous empêcher
31:07 de rêver.
31:09 Moi, je me bouche les oreilles et je chante la la la.
31:12 Quand la culture rap a pris de l'ampleur,
31:17 et avec elle la glorification de la violence dans la musique,
31:20 il y a eu une augmentation de l'activité criminelle.
31:23 On met à l'honneur toutes les formes de violence.
31:26 Dans certaines chansons, on se vante de tuer des gens,
31:29 d'être un tueur à gage.
31:31 On idéalise le monde criminel, et ça le rend attirant.
31:34 Ces chansons sont comme de désastreuses campagnes
31:37 de marketing qui donnent envie aux jeunes d'embrasser cette vie.
31:40 Aveuglés par ces caricatures de la virilité,
31:48 pris dans les filets des gangs,
31:50 pour beaucoup de jeunes hommes à la recherche de leur identité,
31:53 devenir adulte en Suède peut être mortel.
31:57 Sous-titrage Société Radio-Canada
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