Marie Vareille : "Les librairies m'ont aidé à passer de 4000 lecteurs à un million"

  • il y a 3 mois
Jacques Pessis reçoit Marie Vareille : elle a un million de lectrices et de lecteurs. Le résultat d'années de travail. Marquée par des moments difficiles qui ne l'ont pas fait reculer, dans son nouveau livre, « La dernière allumette », elle déclare sa flamme à la vie.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-06-04##

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Transcript
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessy.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06 Vous avez écrit des milliers de pages avant d'avoir voix au chapitre
00:10 et d'être suivi par un million de lecteurs.
00:12 Votre histoire est aussi celle d'une flamme qui a failli s'éteindre
00:16 et vous venez d'en tirer un roman, "La dernière allumette".
00:19 Bonjour Marie Vareille.
00:20 Bonjour Jacques.
00:21 Alors, on vous connaît peu, vous avez vendu beaucoup de livres,
00:25 vous avez un million de lecteurs, vous êtes lue dans le monde entier.
00:27 Et curieusement, quand on cherche des choses sur vous sur Internet,
00:30 il n'y a pratiquement rien. C'est étonnant non ?
00:33 Oui, c'est surprenant.
00:35 En tout cas…
00:36 Quelque part ça m'arrange bien peut-être.
00:38 Bon, écoutez, désolé de vous décevoir, mais on va parler de vous aujourd'hui
00:41 puisque c'est le principe des clés d'une vie.
00:43 On parlera de ce nouveau roman, "La dernière allumette"
00:45 qui est sorti chez Charleston, mais aussi de votre parcours
00:48 qui est totalement atypique à travers des dates clés.
00:51 C'est le principe des clés d'une vie.
00:52 Alors, la première date que j'ai trouvée, c'est le 5 septembre 1995,
00:57 c'est votre entrée au collège.
00:59 Et c'est vrai que ça a été un tournant parce que vous,
01:02 en dehors des livres scolaires, vous avez découvert des classiques de littérature.
01:06 Oui, c'est vrai.
01:08 J'ai découvert la lecture des romans, on va dire les romans pour enfants,
01:12 plus tôt, dès le primaire.
01:14 Mais ça on va en parler, mais surtout, là ce qui est important,
01:17 c'est qu'au collège, et c'est pas si fréquent,
01:20 vous lisez, entre autres, "Les quatre filles du docteur March".
01:23 Ah oui, oui, effectivement, ça me passionnait,
01:27 parce qu'à la fois c'était des histoires de filles.
01:30 Je ne pouvais pas m'empêcher de remarquer dans beaucoup de livres
01:34 pour enfants à l'époque, en tout cas,
01:37 souvent les héros c'était des petits garçons.
01:39 Et il y a quelques livres où, justement, les héroïnes c'était des filles
01:43 qui faisaient plein de choses, qui étaient courageuses.
01:47 Et les "Quatre filles du docteur March", elles sont assez fascinantes
01:50 parce qu'elles sont toutes différentes,
01:52 elles ont tout un peu leur personnalité.
01:54 Il y avait Jo qui vendait ses cheveux,
01:57 Bess qui était l'artiste, qui jouait du piano,
02:00 la grande sœur qui s'occupait des autres.
02:02 Il y avait ce petit monde, avec le papa qui était à la guerre,
02:06 qui me fascinait.
02:07 Il se trouve qu'à l'époque, quand le livre est sorti,
02:10 c'était surtout les hommes qui étaient pris au sérieux dans la littérature,
02:13 et le livre a fait un tabac,
02:15 le succès a été immédiat parce que c'était autre chose,
02:17 et on parlait des filles.
02:18 C'était une première presque.
02:20 Oui, exactement.
02:21 Alors il y a eu aussi à cette époque les sœurs Bronte,
02:24 et en particulier Charlotte Bronte avec Jeanne R.
02:27 qui vous a marquées aussi.
02:28 C'était pas si fréquent encore chez les enfants.
02:30 Ah bah c'était...
02:32 Moi ça me fascinait en fait,
02:34 dès l'adolescence, effectivement.
02:36 Jeanne R, je trouve que c'est un roman d'une modernité,
02:40 et je l'ai relu, alors je l'ai beaucoup relu à l'adolescence,
02:42 et puis je l'ai relu il y a 4-5 ans aussi.
02:44 J'avais une certaine appréhension,
02:47 parce que parfois on relit des livres qu'on a adoré plus jeunes,
02:51 et on n'y retrouve pas du tout la magie
02:54 qu'on y avait trouvée auparavant,
02:56 et là c'était pas le cas.
02:57 J'ai une lecture différente de Jeanne R.
03:01 Je dis Jeanne R, alors c'est Jane Eyre.
03:03 Oui, mais enfin on est en France.
03:05 Et je trouve que c'est tellement moderne,
03:07 cette femme qui est si indépendante,
03:09 qui dit depuis le début qu'elle ne veut pas se marier.
03:13 À la fois le personnage est extraordinairement moderne,
03:16 et en plus je trouve que l'histoire c'est presque un thriller.
03:19 Il y a quand même un mystère, il y a beaucoup de suspens,
03:22 il y a une atmosphère un peu gothique.
03:25 À l'époque, écrit par une femme, c'est quand même très étonnant.
03:29 Oui, d'ailleurs ce livre est considéré comme les prémices
03:31 de la littérature féministe,
03:33 et bien avant les sujets dont on parle aujourd'hui.
03:36 Alors, vous avez grandi avec les livres, Marie Vareille,
03:39 mais surtout au départ, votre naissance,
03:41 c'est dans un lieu que certains connaissent bien,
03:43 parce que c'est la gare où l'on descend
03:46 lorsqu'on va chez Bernard Loiseau,
03:48 le 3 étoiles, c'est Montbard.
03:50 Oui, je suis née à Montbard, en Bourgogne,
03:53 enfin en Côte d'Or.
03:55 C'est vraiment un endroit calme, en pleine nature,
03:57 où il y a encore des artisans.
03:59 Ah oui, alors ça fait longtemps que je ne suis pas allée à Montbard,
04:02 parce que je n'y ai vécu que 6 ans.
04:05 Mais effectivement, c'est une toute petite ville.
04:09 Il se trouve que le TGV s'arrête là,
04:11 mais sinon il n'y a pas grand chose.
04:13 Le TGV est très important.
04:15 Il faut savoir que vos débuts ont été très difficiles.
04:17 Vous êtes prématurée, et vous avez fait 3 semaines
04:19 à l'hôpital de Dijon.
04:21 Oui, en réalité je ne devrais peut-être pas être là,
04:24 parce que ma maman a eu la toxoplasmose
04:27 quand elle était enceinte de moi.
04:29 Et à l'époque, on n'était pas forcément capable de dire
04:31 si ça avait traversé le placenta ou pas.
04:34 Donc elle a passé la grossesse à se demander
04:37 dans quel état finalement j'allais naître.
04:39 En plus, je suis née très prématurée.
04:41 Enfin très prématurée, il y avait plus de 3 semaines
04:43 avant la date prévue.
04:45 Et donc on m'a tout de suite emmenée à Dijon
04:48 pour faire une batterie de tests.
04:51 C'était le premier rapport au monde un peu brutal,
04:55 on va dire, j'imagine.
04:57 Je ne vais pas dire que je m'en souviens,
04:58 parce que évidemment je ne m'en souviens pas.
05:00 Mais c'est vrai que mes premiers jours,
05:02 mes premières semaines, j'étais toute seule
05:04 à l'hôpital de Dijon.
05:06 - Et votre père venait tous les jours,
05:08 faisait une heure de route je crois.
05:09 - Oui, pour me voir un quart d'heure,
05:11 parce que ma mère était désespérée,
05:13 elle-même ne pouvait pas sortir de l'hôpital.
05:16 Et donc elle l'envoyait pour juste me dire
05:20 que je n'étais pas toute seule, on va dire.
05:22 - Ça s'est arrangé ensuite.
05:24 Vous êtes à 5 ans, je crois,
05:25 vous allez dans la région parisienne,
05:27 c'est assez rapide.
05:29 Et vous allez à la maternelle,
05:31 et dès la moyenne section,
05:33 vous savez lire totalement.
05:35 C'est pas si évident ça non plus.
05:37 - C'est ma mère qui m'a appris à lire.
05:39 Je n'ai pas appris toute seule,
05:41 mais elle m'a appris à lire,
05:43 et je pense que j'ai tout de suite compris
05:47 toutes les portes que ça ouvrait,
05:49 de savoir lire.
05:51 Ça m'a tout de suite beaucoup intéressée.
05:53 - C'était quoi vos premières lectures, Marie Valeille ?
05:55 - C'était "Oui, oui, et la voiture jaune".
05:58 - Oui, c'est ça.
06:00 - J'ai pas commencé avec Marcel Proust.
06:02 - Oui, c'est le Marcel Proust des enfants.
06:04 Alors, vous disiez tellement
06:06 que pendant la récréation,
06:08 alors que vos copains et vos copines
06:10 jouent dans la cour, vous continuez à lire.
06:12 - Oui.
06:14 C'était à la fois parce que j'adorais lire,
06:16 et aussi parce que j'étais
06:18 une enfant très timide, très introvertie,
06:20 et je savais pas toujours
06:23 comment m'intégrer aux jeux des autres.
06:26 Et donc les livres, c'était super,
06:29 parce que ça me donnait une contenance aussi
06:31 pendant la récréation, quand vous savez pas
06:33 trop avec qui aller jouer,
06:35 au moins, bon, ça occupe.
06:37 - Je peux vous dire que vous êtes un cas particulier,
06:39 puisque selon une étude récente en Angleterre,
06:41 un enfant sur six en Angleterre
06:43 lit moins d'un livre par mois aujourd'hui.
06:45 - Ah.
06:47 - C'est inquiétant.
06:49 Alors, il y a aussi, à 7 ans,
06:51 et ça c'est pas si fréquent, Marie Valeille,
06:53 vous commencez à suivre des cours de rime.
06:55 - Oui, on a fait des cours,
06:58 c'est ma... mon institutrice à l'époque,
07:01 qui nous avait fait un petit cours à l'école
07:04 sur les rimes, et je me demande même
07:06 si c'était pas pour la fête des mères,
07:08 pour écrire un poème, quelque chose comme ça.
07:10 Et j'ai trouvé ça génial.
07:12 Mais de la même manière que j'adore les chansons,
07:15 par exemple, j'adore écouter les paroles de chansons.
07:18 Pour moi, c'est extrêmement important
07:20 que les paroles de chansons aient un sens,
07:22 qu'elles soient réussies, qu'elles soient bien trouvées.
07:25 Et j'aime beaucoup la musique, mais si les paroles
07:28 ne sont pas au niveau, je peux pas aimer une chanson.
07:32 Et ça, la poésie, ça m'a fascinée.
07:35 - Oui, d'ailleurs, vous n'êtes pas la seule,
07:37 et quand on écoute les paroles de chansons d'aujourd'hui,
07:39 on s'interroge quand même sur le français,
07:41 mais c'est un autre débat.
07:42 Et d'ailleurs, il y a quelqu'un qui a écrit
07:44 des paroles de chansons très célèbres,
07:46 qui a écrit ses premières poésies à 7 ans, comme vous,
07:48 c'est Jacques Prévert.
07:49 Il va à Luna Park de la Porte Maillot,
07:51 à l'époque où il n'y avait pas le Palais des Congrès,
07:53 et il a été fasciné, en rentrant chez lui,
07:55 il a écrit ses premiers vers.
07:57 C'est comme ça que Prévert a commencé dans la poésie.
08:00 Alors, ensuite, c'est la Bibliothèque Rose,
08:02 bien sûr, c'est Oui Oui, mais aussi le Club des Cinq.
08:04 - Oui.
08:05 - Ça vous fascinait, comme tous les enfants de cet âge ?
08:09 - Ah ben, c'est génial, le Club des Cinq, le Clon des Sept,
08:11 parce que c'est des enfants qui se sont un peu débarrassés
08:14 de leurs parents.
08:15 Et ils vivent plein d'aventures,
08:17 et il n'y a pas les adultes au-dessus pour surveiller,
08:20 pour donner des conseils, etc.
08:23 Donc, il y a une grande liberté, dans la vie de ces enfants.
08:26 - Tous les enfants ont été passionnés par les aventures du Club des Cinq.
08:30 - Ah oui, dans ma génération, oui, oui.
08:32 - La mienne aussi.
08:33 C'est-à-dire que, vraiment, il y avait le feuilleton radiophonique,
08:35 il y avait les séries et les livres.
08:37 Et il faut savoir qu'Enid Blyton, l'auteur,
08:39 a écrit, entre 1922 et 1963, 756 livres.
08:44 Parfois 20 livres par an.
08:46 - Je les ai pas tous lus.
08:48 - Comment elle faisait pour écrire 20 livres par an ?
08:50 - Ah, là, j'avoue que, moi, qui écris très lentement,
08:53 je ne pourrais pas écrire 20 livres par an.
08:55 - Et il vous arrive aussi de réécrire la fin des romans ?
08:58 - Oui.
08:59 - Qu'est-ce que c'est que cette histoire-là ?
09:01 - Quand je trouvais qu'un roman était trop court,
09:04 ou que j'étais pas satisfaite de la fin,
09:06 ou que j'avais envie de faire durer le plaisir du roman,
09:09 j'écrivais la suite, pour une fin alternative.
09:12 - Et il y a un film aussi dont vous avez écrit une autre fin.
09:23 - "Tout en emportant le vent", vous n'avez pas du tout aimé la fin.
09:26 Avec "Scarlett", ça ne vous a pas plu du tout ?
09:29 - Ah non, ça m'a brisé le cœur,
09:31 parce qu'on passe le livre qui doit faire 900 pages
09:35 à se dire "mais ouvre les yeux, Scarlett,
09:37 tu vois bien que tu poursuis pas la bonne personne".
09:41 Et la fin, elle est désespérante,
09:44 la fin de l'histoire d'amour.
09:46 Alors ça, ça m'a traumatisée.
09:48 J'ai passé beaucoup de temps à essayer d'écrire
09:50 une suite où il se retrouvait, ou une fin alternative.
09:53 Et puis j'ai découvert, mais plusieurs années après,
09:55 qu'une suite avait été écrite, qui s'appelle...
09:57 - "Scarlett", si possible.
09:59 En fait, ça s'appelle "Scarlett" parce que les héritiers,
10:02 qui ne voulaient pas entendre parler d'une suite,
10:04 ont réalisé que les droits d'auteur allaient disparaître,
10:06 donc il fallait sauver le patrimoine en écrivant une suite.
10:09 - Ah, je ne savais pas, mais elle est pas mal, la suite.
10:11 - Oui, ils ont trouvé une auteur, ça a gentiment marché,
10:14 mais c'est quand même pas le premier livre d'"Tout en emportant le vent".
10:17 Et puis d'ailleurs, il y a une autre chose qui vous a marquée,
10:19 c'est "Belle du Seigneur".
10:21 Et là aussi, quand on est jeune, lire "Belle du Seigneur" d'Albert Cohen,
10:24 qui a eu, je crois, le grand prix de l'Académie française en 68,
10:27 c'est pas évident.
10:29 - Oui, alors c'est marrant parce que c'est un livre qui m'a fascinée,
10:32 et je l'ai lu assez jeune,
10:34 et je trouvais que c'était une magnifique histoire d'amour.
10:36 Donc j'avais rien compris, en fait, au livre, je pense.
10:39 Et puis je l'ai relu, je ne sais pas, vers...
10:43 Je devais avoir 20 ans,
10:45 et je n'ai pas du tout eu la même lecture,
10:47 parce qu'en réalité, c'est un peu un livre...
10:51 contre l'amour, on va dire,
10:53 qui détruit l'idée, l'idéal qu'on peut se faire d'une histoire d'amour.
10:58 Et ça, ça m'avait complètement échappée.
11:00 - Oui, mais c'est normal à votre âge.
11:02 Et Albert Cohen a dit "Dans une vie d'amour, il vaut mieux souffrir que s'ennuyer,
11:05 parce que souffrir, c'est un passe-temps".
11:07 C'est autre chose. En tout cas, vous, vous n'avez pas souffert à cette époque-là,
11:10 vous n'aviez pas le temps.
11:12 Et il y a une autre date importante dans votre vie,
11:14 c'est le 25 décembre 2009.
11:16 On en parle tout de suite sur Sud Radio, avec Marie Vareille.
11:19 - Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
11:22 - Sud Radio, les clés d'une vie.
11:24 Mon invité Marie Vareille, romancière,
11:27 plus d'un million de lecteurs aujourd'hui, rien qu'en France,
11:29 et d'autres dans le monde.
11:31 On parlera tout à l'heure de la dernière allumette de votre nouveau livre,
11:34 chez Charleston.
11:35 On évoque votre parcours méconnu,
11:37 effectivement, parce qu'il y a peu de choses sur vous.
11:39 On a évoqué vos débuts, votre passion de littérature.
11:41 Et si je parle du 25 décembre 2009,
11:44 c'est que ce jour-là, Papa Noël est passé.
11:47 - Petit Papa Noël
11:52 - Quand tu descends
11:54 - Cette chanson, vous la connaissez aussi, je suppose, Marie Vareille.
11:56 - Oui. - Vous savez qu'elle est née par hasard.
11:58 En fait, Tino Rossi devait tourner dans un film
12:00 avec une chorale de New York qui n'est pas arrivée.
12:02 Il cherche une chanson pour combler ce manque.
12:05 Il voit un copain qui écrit des textes
12:08 et il trouve Petit Papa Noël.
12:10 Et il le met par hasard. 90 millions de disques vendus.
12:13 - C'est extraordinaire. Je ne savais pas.
12:15 C'est magique parfois, la vie.
12:17 - Il se trouve que je parle du petit soulier de Noël du 25 décembre 2009
12:21 parce que vous avez dans vos souliers
12:23 un livre qui va vous marquer votre carrière et votre vie.
12:27 - Oui, effectivement.
12:30 J'écrivais depuis longtemps, au sens où j'écrivais des petits morceaux de texte,
12:34 des très très longs e-mails.
12:37 Notamment parce que j'ai fait une partie de mes études à l'étranger.
12:40 J'écrivais des très longs e-mails à tout le monde pour raconter ma vie.
12:44 J'avais écrit des débuts de romans aussi,
12:46 beaucoup de débuts de romans, mais au bout de 30 pages,
12:49 j'abandonnais toujours.
12:51 Tout le monde savait un peu que j'écrivais,
12:53 mais on n'en parlait pas trop.
12:55 Il se trouve que ce Noël-là, mon père m'a offert un livre
12:58 qui s'appelait en anglais "Time to write",
13:01 donc "Le temps d'écrire",
13:03 et qui est un livre de creative writing à l'américaine.
13:06 Aux États-Unis, on apprend à écrire.
13:08 Il y a beaucoup de techniques d'écriture qui sont enseignées
13:11 dans les universités, à l'école.
13:14 Ce qui est beaucoup moins le cas en France,
13:16 parce qu'on n'a pas exactement la même vision de la littérature.
13:20 Ce livre, c'était un petit livre de conseil d'écriture,
13:24 comment s'organiser pour écrire un livre,
13:26 avec des témoignages d'écrivains.
13:28 Et parce que j'ai reçu ce livre,
13:30 je ne sais pas si c'est vraiment le contenu du livre,
13:32 ou si c'est plutôt le fait que quelqu'un en qui j'avais confiance,
13:36 en l'occurrence mon père,
13:38 me prenne au sérieux quelque part,
13:40 en m'offrant ce livre qui s'appelait "Il est temps d'écrire" en quelque sorte.
13:44 En tout cas, ce qui est sûr, c'est que je me suis dit très bien,
13:47 ma bonne résolution de l'année suivante, à partir du 1er janvier,
13:50 c'est d'écrire une heure par jour, jusqu'à ce que j'ai terminé mon premier roman.
13:53 Et il sera peut-être nul,
13:55 personne ne le lira peut-être,
13:57 mais j'irai quand même au bout, parce que ça fait trop d'années,
13:59 ça fait trop longtemps que j'ai envie de faire ça,
14:01 et que je ne le fais pas,
14:03 ou que je commence et que je ne finis pas.
14:05 - Est-ce assez rare un père qui encourage sa fille à écrire,
14:09 alors qu'en général les parents ont plutôt peur de ce genre de métier ?
14:12 - Oui, c'était surprenant,
14:16 parce qu'en plus, moi quand même,
14:18 il y avait une certaine pression dans ma famille
14:20 pour faire des études "sérieuses",
14:23 pour réussir à l'école, etc.
14:25 Et mon papa,
14:28 il m'a énormément poussée dans l'écriture.
14:32 Il continue d'ailleurs de m'encourager à prendre plus de risques,
14:36 à toujours essayer de faire mieux.
14:39 Et c'est vrai que c'est quelqu'un de très important dans ma carrière,
14:44 parce que sans lui, je ne sais pas si j'aurais osé.
14:48 - C'était quoi ce premier roman, Marie Vareille ?
14:50 - C'est un roman qui parlait de mon expérience en école de commerce,
14:57 parce qu'à ce moment-là j'étais en école de commerce,
14:59 et c'était l'histoire d'une fille qui est très douée pour le piano,
15:04 pour la musique,
15:05 et qui en fait peu à peu abandonne sa passion, son rêve,
15:10 pour gagner beaucoup d'argent dans des banques d'investissement.
15:14 - Oui, donc ce n'est pas ce que vous avez fait finalement.
15:16 Il se trouve aussi que, curieusement, ce livre vous a donné le goût des podcasts,
15:21 et que vous avez fait plus tard une série de podcasts
15:24 pour apprendre à écrire un roman, ce qui se fait peu en France.
15:27 - Oui, parce que dans ma démarche d'écrire et de me lancer là-dedans,
15:33 je ne connaissais pas du tout ni le monde de l'édition,
15:37 je ne connaissais aucun écrivain,
15:39 donc c'était très flou tout ça.
15:41 J'ai lu beaucoup de livres,
15:43 comme ce premier livre que mon père m'a acheté, à l'américaine,
15:47 soit des livres de scénario, des livres sur la création des personnages, etc.
15:52 Et ça m'a énormément aidée, parce que ça m'a donné un cadre...
15:56 Alors évidemment, personne n'apprend à être Victor Hugo ou Jacques Prévert,
16:01 on en parlait tout à l'heure,
16:02 mais je pense quand même qu'il y a un certain nombre de techniques
16:04 qui peuvent aider à progresser, à s'améliorer, à construire un talent.
16:09 Et comme moi, ça m'a beaucoup aidée à écrire, à être publiée,
16:14 j'ai eu envie de repartager ça aussi,
16:16 parce que j'ai pu constater qu'en France, il y avait peu d'outils.
16:20 Moi, je parle anglais, donc j'ai eu accès à beaucoup de choses finalement en anglais,
16:24 mais je me suis dit qu'il y a plein d'écrivains français que ça pourrait aider.
16:30 J'avais envie de donner un accès à ça.
16:33 - Et puis vous avez ouvert une voie, puisque depuis 2019,
16:36 il y a une école d'écriture en ligne qui s'appelle "J'ai écrit un roman".
16:39 Vous avez été imité.
16:41 Votre destin s'est joué quand même à 15 ans,
16:44 quand il a failli choisir son orientation pour l'école.
16:47 C'était L, ES ou S ?
16:50 Je ne sais pas très bien ce que c'est que ES ou S.
16:52 - Alors L, c'était littérature, ES, c'était économie et société,
16:57 enfin sciences économiques et sociales,
16:59 et S, c'était scientifique, donc tout ce qui est maths, physique.
17:02 Ça, ça a été terrible pour moi ce choix,
17:05 parce que dans ma famille, on ne fait pas L.
17:07 - Pourquoi ?
17:08 - Parce que L, ce n'est pas sérieux.
17:10 - Ah oui, c'est la preuve.
17:12 - Il y avait vraiment cette idée que...
17:14 Enfin, la question ne s'est jamais posée.
17:16 Je passais ma vie à lire, j'étais très bonne en français,
17:21 j'adorais lire et écrire,
17:23 mais vraiment la question ne s'est jamais posée.
17:25 Et après, on a pas mal débattu entre S et ES,
17:28 et finalement j'ai fait ES parce que j'étais nulle en physique.
17:31 Autant les maths, ça allait bien,
17:33 la physique, je ne sais pas, je n'y arrivais pas.
17:35 Il y avait quelque chose que je ne comprenais pas.
17:38 Et donc finalement, j'ai fait ES,
17:41 donc sciences économiques et sociales.
17:43 - La surprise générale de vos professeurs d'ailleurs.
17:45 - Oui, et puis je me souviens surtout de la bibliothécaire
17:48 de la rue derrière chez moi,
17:51 où j'allais toutes les semaines,
17:53 qui est vraiment tombée de l'armoire
17:55 le jour où elle a compris que je n'étais pas en elle.
17:57 Je me souviens de sa réaction,
17:59 parce que moi je ne me posais pas trop de questions,
18:01 je me disais "Ah tiens, c'est rigolo",
18:03 elle croyait, mais pour elle c'était évident.
18:05 Je venais toutes les semaines, j'empruntais trois livres,
18:08 je les rapportais la semaine d'après,
18:10 je réempruntais, enfin, on discutait beaucoup,
18:13 et donc pour elle c'était évident que ma voix c'était ça.
18:15 - Et vous le regrettez, Marie Vareille, aujourd'hui ?
18:17 - Ça dépend des jours.
18:19 Il y a des jours où je me dis
18:21 si j'avais vraiment, depuis mon plus jeune âge,
18:25 pris cette passion-là au sérieux,
18:27 si j'avais écrit tous les jours,
18:31 depuis que j'ai 15 ans,
18:32 peut-être que je serais meilleure aujourd'hui,
18:33 peut-être que j'ai perdu du temps, je ne sais pas.
18:35 Et parfois je me dis que c'est un autre chemin
18:38 que j'ai suivi,
18:41 et de toute façon aujourd'hui j'ai trouvé ma place,
18:45 donc voilà, c'est comme ça.
18:47 - La rigueur du travail aide aussi à la rigueur de l'écriture.
18:51 Vous avez fait une école commerciale,
18:53 vous avez fait tout ce qu'il faut faire
18:55 pour être une commerciale.
18:57 - Oui, j'étais bonne élève,
19:00 je n'étais pas rebelle,
19:02 donc après j'ai suivi un peu le flot qu'on m'a indiqué.
19:07 J'ai fait une prépa, j'ai fait une école de commerce.
19:10 - Une préparation à Paris, à Londres et à Berlin ?
19:14 - Non, la classe prépa était à Paris,
19:17 et après dans mon école de commerce,
19:19 il y avait un programme où on pouvait faire
19:21 une année à Paris, une année à Londres, une année à Berlin.
19:23 Je crois que c'est toujours le cas aujourd'hui d'ailleurs,
19:26 et donc je me suis dit "Ah bah ça c'est super, je vais faire ça".
19:30 Parce que les matières, j'avais quand même bien conscience
19:33 que ce n'était pas forcément ce qui me passionnait,
19:36 mais l'idée de voyager, de découvrir d'autres pays, ça me plaisait.
19:39 - Oui, et à Paris, lorsque vous ennuyez,
19:41 il n'y a qu'une seule ressource en dehors des livres, c'est le cinéma.
19:44 Vous avez vu beaucoup de films.
19:47 - Oui, en première année d'école de commerce,
19:49 parce qu'en prépa on travaille beaucoup,
19:51 donc on n'a le temps de rien faire,
19:53 et on se retrouve d'un coup en école,
19:55 et on a plein de temps libre.
19:57 Moi ça ne m'intéressait pas du tout.
19:59 Et donc j'ai acheté l'officiel des spectacles
20:01 en début de semaine, et j'ai regardé,
20:03 il y a des semaines je cherchais juste les films
20:05 que je n'avais pas vus en fait.
20:07 J'avais la carte UGC illimité,
20:10 et vraiment, je ne sais pas combien de films
20:13 j'ai regardé cette année-là, mais beaucoup, beaucoup.
20:16 - Vous pourriez d'ailleurs écrire des scénarios de cinéma maintenant ?
20:19 - Je pourrais, j'ai essayé,
20:21 mais c'est quand même moins...
20:23 Je trouve que c'est moins riche que la littérature.
20:25 Il y a beaucoup de contraintes,
20:27 parce qu'on ne peut pas utiliser les cinq sens.
20:30 Au cinéma, on n'en a qu'un seul, qui est la vue.
20:32 Alors que dans la littérature, vous pouvez tout utiliser,
20:35 vous avez plus de liberté finalement.
20:37 - Curieusement, alors que vous êtes une romancière aujourd'hui connue,
20:40 vous avez participé à des concours de nouvelles,
20:42 et vous n'avez jamais gagné un prix.
20:44 - Jamais.
20:45 Pourtant j'ai envoyé des nouvelles,
20:47 dès que je voyais un petit concours,
20:49 j'envoyais, mais je n'ai jamais gagné.
20:51 - Comment ça se fait ?
20:52 Vous les avez relues ces nouvelles ?
20:54 - Je ne sais pas.
20:56 Pas récemment, non.
20:58 Mais de la même manière que mon premier roman
21:00 dont on parlait tout à l'heure n'a jamais été publié,
21:02 et il a vraiment été refusé partout.
21:04 - Mais ça, vous n'êtes pas la seule, on va en reparler.
21:06 Il y a eu un top 10 mondial des auteurs de nouvelles,
21:09 et le lauréat c'est Guillaume Maupassant,
21:11 avec Le Horla,
21:14 qui est aujourd'hui la nouvelle la plus connue dans le monde.
21:16 - Je ne suis pas surprise,
21:17 parce que Maupassant, elles sont extraordinaires ces nouvelles.
21:19 - Voilà, en tout cas ce qui est extraordinaire, c'est votre parcours,
21:21 et on va continuer à l'évoquer à travers une autre date,
21:24 le 13 mai 2020.
21:26 A tout de suite sur Sud Radio, avec Marie Vareille.
21:28 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
21:31 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Marie Vareille,
21:34 romancière, devenue célèbre après un parcours qu'on a commencé à évoquer.
21:38 La passion du livre, plus que la passion du commerce.
21:42 Vous publiez La Dernière Allumette chez Charleston,
21:45 mais tout à l'heure on va en parler.
21:47 Mais on en revient à un autre livre,
21:49 qui est paru le 13 mai 2020.
21:51 Votre premier succès, et pour moi il évoque une chanson.
21:53 * Extrait de la chanson *
21:59 - Dorothée, la valise avec cette chanson,
22:02 il y a eu diversion, je ne sais pas si vous la connaissez.
22:04 - Non, je ne la connais pas.
22:05 - Il y a eu diversion avec toujours les chaussettes à petits pois.
22:08 Et pourquoi je parle des chaussettes ?
22:10 Parce que votre premier roman, La vie rêvée des chaussettes orphelines,
22:13 s'est vendu à plus de 200 000 exemplaires.
22:15 Et je crois que vous êtes l'une des rares bénéficiaires du confinement, Marie Vareille.
22:20 - Ce n'est pas mon premier roman.
22:22 - Votre premier roman qui s'est vendu ?
22:23 - Oui, c'est le premier roman qui a bien marché.
22:26 La vie rêvée des chaussettes orphelines,
22:28 un titre un peu absurde, mais qui a beaucoup plu.
22:33 Alors moi-même, je ne peux pas expliquer pourquoi exactement ce roman-là a fonctionné.
22:40 C'est un peu ça qui est magique, parce que finalement,
22:43 si on savait comment faire un best-seller, tout le monde ferait des best-sellers.
22:47 Mais c'est l'histoire de deux sœurs, avec cette idée, ce symbole des chaussettes orphelines.
22:53 Parfois, on perd sa chaussette sœur et on peut retrouver une chaussette dépareillée
22:58 qui ne remplace pas totalement la première, mais ça marche quand même.
23:02 Et c'est l'histoire d'une start-up un peu loufoque,
23:05 dont le fondateur a décidé de réunir les chaussettes orphelines à travers une application.
23:10 - Il se trouve que ce livre a été tiré au départ à 4 000 exemplaires,
23:14 parce que personne n'y croyait.
23:15 Et lorsque les librairies se sont fermées, curieusement, il a décollé.
23:20 - Oui, alors c'est le grand format qui est sorti en 2019.
23:27 Effectivement, je crois que c'était 4 000 exemplaires le premier tirage.
23:32 Et déjà, il n'a quand même pas trop mal marché pour un grand format,
23:36 parce que je crois qu'on est arrivé à 7 000, 8 000 exemplaires.
23:41 Et puis l'année d'après, il sort au format poche,
23:44 effectivement, juste avant le confinement, le 13 mai.
23:48 Et là, je ne sais pas ce qui s'est passé,
23:50 parce que ce n'était pas du tout un livre sur lequel il y avait beaucoup de promotions.
23:53 Il n'y a pas eu de publicité particulière.
23:55 C'était aux éditions Charleston, qui n'étaient pas une grosse maison,
24:01 ni à l'époque en tout cas.
24:04 Et ça a marché.
24:06 - Par le bouche à oreille ?
24:07 - Je pense, oui, principalement.
24:09 - Et vous savez quels sont vos lecteurs ?
24:10 Si c'était des femmes, des hommes, des jeunes ?
24:12 - C'est beaucoup des femmes.
24:14 Et après, il y a tous les âges.
24:16 - Je crois que vous êtes arrivé au bon moment.
24:18 C'est-à-dire que les romans qu'on qualifie de "feel good" aujourd'hui,
24:21 qui sont des romans joyeux,
24:23 vous êtes arrivé à ce moment-là, vous êtes entré dans la lignée
24:26 de ces auteurs qui font des romans de ce genre.
24:30 - Oui, c'est possible.
24:32 Après, ce roman-là, il y a des choses assez tristes dedans,
24:36 parce que c'est un roman sur le deuil.
24:40 C'est comment on se remet quand on a perdu une des personnes
24:44 avec qui on tient le plus au monde.
24:47 Donc il y avait quand même un petit côté triste,
24:49 même si ça reste un roman optimiste,
24:51 et puis il y avait pas mal d'humour dedans,
24:52 parce qu'il y avait toute cette start-up, etc.
24:54 Peut-être qu'effectivement, c'était le début d'une tendance.
24:57 Sincèrement, je ne m'explique pas pourquoi ce roman-là.
25:01 Parce que par exemple, il a beaucoup mieux marché que mon roman suivant.
25:03 - Alors, ce qui est clair aussi, c'est qu'après le confinement,
25:07 les libraires vous ont beaucoup soutenu
25:09 et conseillé vos livres aux lectrices.
25:11 - Oui, c'est vrai.
25:12 Je dois beaucoup aux libraires, je dois beaucoup aux lecteurs aussi,
25:16 parce que c'est les recommandations qui ont permis à mes romans de fonctionner.
25:23 - Alors, il se trouve aussi, c'est le cas aussi d'autres auteurs
25:26 qui ont démarré sur Internet et qui se sont fait connaître comme ça
25:29 par les grands éditeurs.
25:31 Alors, ce qui est étonnant, c'est que donc, effectivement,
25:33 vous parlez d'une start-up, mais vous-même,
25:35 vous avez travaillé dans une start-up en marketing.
25:38 - Oui. Quand j'ai terminé mes études, dont on parlait tout à l'heure,
25:44 alors j'ai retardé, j'ai essayé de retarder le plus possible
25:47 pour entrer dans la vie active, parce que je savais quand même
25:50 que ça n'allait peut-être pas si bien se passer que ça.
25:53 Mais j'avais fini par choisir la voie du marketing,
25:56 parce que vraiment, la finance, c'était pas ça.
25:58 Enfin, dans ce que vous me proposez, c'était le moins pire, on va dire.
26:01 Et comme j'avais fait des stages dans des très grosses boîtes,
26:04 tout ça, c'était pas bien passé du tout,
26:06 parce que c'est pas un environnement qui me correspondait vraiment.
26:10 - Je crois pas non plus.
26:12 - J'avais eu un peu cette opportunité de travailler dans une start-up,
26:16 et je m'étais dit, bon, au moins là, je vais supprimer
26:20 un certain nombre de contraintes qui me posent problème.
26:23 Je pourrais y aller habillée comme je veux.
26:26 Il y avait une certaine flexibilité sur les horaires.
26:29 Il y avait quelque chose qui me correspondait mieux
26:32 que les gros cabinets de conseil, les choses plus classiques, on va dire.
26:38 - Et puis en plus, un jour, à la fin d'un cours,
26:41 vous avez appris qu'il y avait une possibilité d'aller aux Etats-Unis,
26:44 dans une université.
26:45 - Oui, alors, effectivement, justement, je disais tout à l'heure,
26:48 j'ai essayé de retarder mon intérêt dans la vie active,
26:51 et à la fin de mon école de commerce,
26:54 j'ai un copain qui me parle, on buvait un verre,
26:58 et il me dit, j'ai hésité à postuler au programme d'échange
27:04 entre Cornell et le SCP, donc le SCP, c'était l'école où j'étais,
27:08 et Cornell, c'est une université aux Etats-Unis.
27:11 Je lui dis, mais c'est quoi ce programme d'échange ?
27:14 Et donc, il me parle de ce programme, dont moi, j'avais aucune idée.
27:18 Et je me souviens, je suis rentrée chez moi,
27:20 et je suis allée regarder sur le site Internet,
27:22 et je me suis dit, mais en fait, c'est trop bien,
27:24 moi, j'ai envie de faire ça, j'ai envie de partir aux Etats-Unis.
27:27 Alors, je pense aussi, parce que j'avais pas envie de travailler.
27:30 Il y avait un peu un... je cherche une issue,
27:34 et celle-là s'est présentée à moi,
27:36 et la deadline, c'était soit le soir même, soit le lendemain,
27:41 pour faire le dossier.
27:43 Et c'était impossible de faire le dossier en 24 heures,
27:46 parce qu'ils demandaient un certain nombre de tests,
27:48 le JMAT, qui est un test d'anglais,
27:50 le MAT, le TOEIC, un test d'anglais,
27:53 et donc c'est des tests officiels auxquels il faut s'inscrire à l'avance,
27:56 s'entraîner, etc.
27:57 Et je me souviens que j'ai appelé l'école,
27:59 alors que c'est pas du tout mon genre de faire ça,
28:02 mais j'ai appelé l'école et j'ai négocié en disant,
28:04 si je vous envoie les premiers éléments là, tout de suite,
28:08 est-ce que pour les tests, les lettres de recommandation,
28:11 vous pouvez me laisser un peu de temps ?
28:13 Et la fille de la scolarité m'a dit,
28:16 oui, c'est bon, on peut s'arranger,
28:18 parce qu'on est en direct, en discussion,
28:21 avec la scolarité de l'université de Cornell,
28:24 et que tu as deux ou trois semaines pour tout passer.
28:29 Et donc j'ai tout passé,
28:32 et je suis partie un an aux Etats-Unis,
28:35 tout au nord de l'état de New York.
28:37 - Oui, je crois que ça s'appelle Cornell, cette université.
28:39 - Oui.
28:40 - Et le fondateur s'appelle Ezra Cornell,
28:42 et il est aussi célèbre pour avoir fondé
28:45 l'entreprise Western Union,
28:47 qui permet d'échanger des fonds internationaux.
28:49 - D'accord, et bien je ne savais pas ça.
28:51 Mais je sais par exemple que Nabokov a enseigné à Cornell.
28:54 - Ah bah voyez !
28:55 - Et qu'il y a un de ses livres, Pale Fire,
28:57 qui se passe dans une université qui est inspirée de Cornell.
29:00 - Alors le déclic aux Etats-Unis,
29:02 c'est que vous avez compris que tout était possible,
29:05 y compris écrire, Marie Vareille.
29:07 - Oui, parce que, on le dit, en théorie,
29:10 il y a ce truc du rêve américain,
29:12 aux Etats-Unis tout est possible, etc.
29:14 Mais c'est pas exactement pareil
29:16 d'être baigné dans la culture pendant un an
29:19 que de le savoir de loin.
29:21 Et c'est vrai qu'aux Etats-Unis,
29:23 j'ai eu ce sentiment...
29:25 Je pense que la vraie différence,
29:27 c'est le rapport à l'échec, en fait.
29:29 En France, un échec, c'est un échec,
29:31 c'est une déception, c'est négatif.
29:34 Aux Etats-Unis, un échec,
29:36 c'est pas du tout négatif,
29:38 ça veut dire que vous avez essayé,
29:41 ça veut dire que vous avez appris quelque chose.
29:43 De toute façon, ça ne peut pas marcher à tous les coups,
29:45 mais ce qui est important, c'est d'avoir essayé.
29:47 Et je me souviens notamment d'une conversation
29:49 que j'avais eue à la bibliothèque
29:51 avec une américaine,
29:53 où on discute, etc.
29:55 Et puis en rigolant à moitié,
29:57 je lui dis "non mais moi, de toute façon,
29:59 mon rêve, ce serait d'être écrivain,
30:01 d'être dans une maison sur une falaise,
30:03 quelque part, et d'écrire des livres
30:05 isolés du monde."
30:07 Et elle me regarde,
30:09 elle me dit "bah, pourquoi t'écris pas ?
30:11 Pourquoi tu fais pas ça ?
30:13 Mais pas pour rire, vraiment,
30:15 c'est ton rêve,
30:17 c'est pas compliqué, pour écrire, il faut un stylo
30:19 ou un ordinateur, manifestement,
30:21 tu as les deux, donc, vas-y."
30:23 - Et vous avez commencé à travailler à l'aube
30:25 avant les cours ? - Oui.
30:27 Ça, j'ai longtemps
30:29 écrit le matin.
30:31 Au début, parce que
30:33 j'avais cours la journée, ensuite parce que
30:35 j'ai quand même dû travailler,
30:37 un moment, donc, quand j'ai commencé
30:39 à travailler,
30:41 je travaillais à temps plein,
30:43 je devais être à 9h au boulot,
30:45 et donc, je mettais mon réveil
30:47 à 5h, à 5h30, et j'essayais d'écrire
30:49 1h, 1h30 avant d'aller au travail,
30:51 parce que moi, le soir, je ne sers plus à rien,
30:53 mon cerveau ne marche pas le soir.
30:55 - Oui, ça arrive couramment chez les écrivains.
30:57 Robert Sabatier, il écrivait le matin à partir
30:59 de 7h, et à midi, il n'y avait plus personne,
31:01 il n'y avait plus rien. Alors, il se trouve que vous revenez
31:03 en France, et vous allez dépenser
31:05 une fortune pour imprimer,
31:07 relier votre premier roman, et l'envoyer
31:09 à 30 éditeurs, Marie Vray.
31:11 - Ben voilà, oui,
31:13 j'étais pleine d'espoir.
31:15 Effectivement, à l'époque, on ne pouvait
31:17 pas envoyer
31:19 les manuscrits par e-mail
31:21 ou au format numérique, il fallait
31:23 imprimer, relier,
31:25 alors il y avait des règles, parfois, sur les sites
31:27 des maisons d'édition, une certaine police,
31:29 et alors,
31:31 je me souviens, on mettait une lettre
31:33 avec le manuscrit, et puis on a eu le droit de mettre
31:35 une enveloppe aussi timbrée, pour qu'ils nous le renvoient,
31:37 parce que c'était quand même cher, d'imprimer
31:39 300 pages
31:41 au copy-top du coin,
31:43 et donc, oui, je l'ai envoyé
31:45 à 30 éditeurs. - Et 26
31:47 refus. - Voilà. Et 4 personnes
31:49 qui m'ont totalement ignorée.
31:51 - Il y a aussi un truc, dans les maisons d'édition,
31:53 ça a été prouvé, je connais des gens qui ont envoyé
31:55 des manuscrits collés, avec des pages collées,
31:57 le manuscrit est revenu intact,
31:59 il n'avait même pas été ouvert. Et le plus
32:01 beau, c'est Marguerite Duras, un jour,
32:03 il y a des joyeux plaisantins qui ont
32:05 réécrit un livre de Marguerite Duras,
32:07 ils l'ont renvoyé à l'éditeur, et l'éditeur en a refusé.
32:09 Il n'a plus l'ouvrir.
32:11 Alors, il y a quand même eu une réponse qui vous a
32:13 rassurée, c'est quelqu'un
32:15 qui a écrit, vous n'y êtes pas encore, mais continuez à écrire.
32:17 - Oui, il a écrit
32:19 "Griffonnée au bic" sur
32:21 une lettre de refus type,
32:23 mais qui avait rajouté ça
32:25 à la main,
32:27 et effectivement, c'est un encouragement
32:29 que j'ai eu. Je l'ai vu.
32:31 Après, je n'étais pas désespérée
32:33 de toutes ces lettres de refus, parce que, comme je vous le disais
32:35 tout à l'heure, j'avais lu pas mal de livres,
32:37 de témoignages d'écrivains, etc.
32:39 Donc, j'avais conscience que c'était très
32:41 difficile d'être publié.
32:43 - En même temps, vous vous enfermez ensuite à la campagne
32:45 pour écrire, et puis il y a votre
32:47 premier livre qui va être
32:49 accepté, "Ma vie, mon ex
32:51 et autres calamités". Alors, vous avez choisi
32:53 d'envoyer des petits éditeurs, parce que
32:55 ça vous semblait plus raisonnable.
32:57 - Oui, parce que, pour le
32:59 premier roman, comme je n'y connaissais rien,
33:01 en toute naïveté,
33:03 je l'ai envoyé aux maisons d'édition que je connaissais.
33:05 Et les maisons d'édition que je connaissais,
33:07 c'est les très grosses.
33:09 J'ai créé à Gallimard,
33:11 à Grasset, à Le Mans-Michel...
33:13 Alors qu'évidemment, en tant que
33:15 auteur, j'avais
33:17 23, 24 ans.
33:19 Donc,
33:21 j'avais aucune chance que ça marche.
33:23 Mais je ne me rendais pas compte. - Et quand le premier
33:25 est né, là, ça a été un moment de bonheur.
33:27 - Ah oui, alors après,
33:29 pour le deuxième roman,
33:31 je me suis dit "je vais faire ça plus
33:33 rationnellement". Donc déjà, je vais
33:35 aller en librairie, regarder
33:37 qui
33:39 publie... C'était une comédie
33:41 "Mon ex, haute calamité", comme
33:43 le titre l'indique.
33:45 Et qui publie des livres dans la
33:47 même veine, et puis des plus petits
33:49 éditeurs, parce que j'avais conscience que
33:51 j'avais sans doute pas accès aux
33:53 grands éditeurs à ce
33:55 moment-là. - Et le fait d'être éditée,
33:57 d'avoir enfin son premier livre,
33:59 c'est un moment d'émotion ? - Oui,
34:01 c'est un moment... Enfin ça, le moment
34:03 où j'ai reçu
34:05 le coup de fil de
34:07 l'éditeur qui m'a dit "je veux publier votre livre",
34:09 je m'en souviens,
34:11 j'ai une vision très précise.
34:13 C'est ce moment où on
34:15 retient tout, parce que ça
34:17 nous a marqués. - C'est la récompense de plusieurs années.
34:19 Un autre moment fort, c'est l'année suivante,
34:21 je crois que pour votre deuxième livre,
34:23 vous avez eu le Grand Prix d'électrice de Hell.
34:25 Là aussi, c'était fort, c'est une reconnaissance.
34:27 - Alors c'était pas le Grand Prix d'électrice de Hell,
34:29 c'était le prix confidentiel.
34:31 - C'est déjà pas mal. - Oui, non, c'était
34:33 un super prix, j'étais
34:35 très surprise,
34:37 parce qu'à l'époque,
34:39 j'étais pas du tout au courant,
34:41 on va dire, de tout ce système de
34:43 prix, etc., dans l'édition.
34:45 C'était mon deuxième roman,
34:47 je travaillais encore
34:49 à côté, j'habitais dans le sud-ouest,
34:51 voilà, j'étais
34:53 enchantée de
34:55 recevoir ce prix. - Et c'était le point de départ
34:57 d'autre chose, et on va évoquer votre
34:59 nouveau livre, le 11e, je crois,
35:01 qui est sorti le 5 mars 2024.
35:03 A tout de suite sur Sud Radio, avec
35:05 Marie Vareille.
35:07 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
35:09 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité
35:11 Marie Vareille. C'est vrai qu'on connaissait
35:13 vos livres, mais on connaissait pas maintenant, on en sait
35:15 beaucoup plus sur vous, grâce aux confidences
35:17 que nous sommes échangées
35:19 depuis presque une heure. Alors,
35:21 on va parler de ce nouveau livre,
35:23 le 5 mars 2024, "La dernière allumette".
35:25 C'est votre 11e
35:27 roman, et c'est une histoire de famille
35:29 très particulière, qui est aujourd'hui
35:31 curieusement un sujet d'actualité. C'est-à-dire
35:33 que c'est
35:35 lié à des événements
35:37 dont tout le monde parle aujourd'hui.
35:39 Votre héroïne, je crois, Abigail,
35:41 est recluse dans un couvent en Bourgogne,
35:43 et elle a quelques soucis.
35:45 - Oui. Effectivement,
35:47 c'est l'histoire d'Abigail, donc
35:49 enfermée dans un couvent quand
35:51 l'histoire commence, on comprend qu'elle est là
35:53 depuis longtemps parce qu'il lui est
35:55 arrivé quelque chose et qu'elle a décidé
35:57 de se retirer du monde.
35:59 Mais le lecteur, évidemment, ne sait pas
36:01 exactement ce qui est arrivé. - Il vaut mieux, oui.
36:03 Il le saura à la fin. - Voilà.
36:05 Et on alterne entre ces chapitres
36:07 dans le présent et le journal d'Abigail
36:09 quand elle était petite fille,
36:11 où elle rédigeait un espèce
36:13 de journal intime sur
36:15 la demande de son psychiatre,
36:17 puisque l'école a demandé
36:19 ce qu'elle soit suivie,
36:21 parce qu'elle a un comportement qui surprend.
36:23 Et on comprend, peu à peu,
36:25 que dans la famille d'Abigail,
36:27 tout ne va pas très très bien. - Oui, parce qu'il y a
36:29 un grand frère, Gabriel,
36:31 qui lui, a réussi à Paris.
36:33 - Oui, son frère, c'est tout le contraire.
36:35 Lui, il est devenu artiste,
36:37 un artiste très reconnu,
36:39 parisien,
36:41 un peu dans le gratin parisien.
36:43 Donc lui est sous les projecteurs,
36:45 finalement, alors qu'elle, au contraire,
36:47 est cachée, vit cachée.
36:49 Et par contre,
36:51 toutes les deux semaines, il vient la voir dans son couvent
36:53 et il lui raconte
36:55 toute sa vie. A lui.
36:57 - Alors, il faut savoir que c'est inspiré aussi
36:59 de votre vie, et on va expliquer
37:01 pourquoi, parce que vous n'avez pas vécu
37:03 que des choses heureuses.
37:05 Au moment où vous commencez à écrire,
37:07 tout va bien, vous avez, je crois, un million de lecteurs
37:09 déjà, et vos livres commencent à être
37:11 traduits dans plusieurs pays.
37:13 - Au moment où je commence à écrire "La dernière allumette" ?
37:15 - Oui. - Non.
37:17 Enfin, oui.
37:19 Au niveau de l'édition, oui, tout va bien.
37:21 - Voilà, exactement. Et vous avez changé
37:23 de vie, car vous vous êtes installée à La Haye,
37:25 vous êtes mariée, et puis votre mari
37:27 a eu une proposition pour travailler là-bas.
37:29 - Oui, voilà.
37:31 J'habitais Paris depuis quelques années,
37:33 on avait envie de quitter Paris,
37:35 parce qu'on avait eu un premier bébé,
37:37 voilà, Paris avec des
37:39 petits enfants, c'est pas forcément idéal.
37:41 - De moins en moins, oui.
37:43 - Et on n'avait pas du tout prévu d'aller aux Pays-Bas,
37:45 mais il y a eu une opportunité, on connaissait
37:47 pas les Pays-Bas, et on s'est dit
37:49 "Bon, on tente, on verra".
37:51 - Alors, La Haye, il faut savoir que c'est la 3ème ville des Pays-Bas,
37:53 la 2ème c'est Rotterdam,
37:55 et la 1ère, eh bien Jacques Brel l'a chantée.
37:57 * Extrait de "Les rêves du ciel" de Jacques Brel *
37:59 * Extrait de "Les rêves du ciel" de Jacques Brel *
38:01 * Extrait de "Les rêves du ciel" de Jacques Brel *
38:03 * Extrait de "Les rêves du ciel" de Jacques Brel *
38:05 - Vous connaissez cette chanson, je suis sûr ? - Oui.
38:07 - C'est incroyable, il est au mois de juillet
38:09 sur la côte d'Azur, sur une plage, il s'ennuie,
38:11 le soleil est couchant, il écrit cette chanson,
38:13 et puis il la met dans un coin, il y croit pas du tout,
38:15 et il manque une chanson pour l'Olympia,
38:17 il dit "Je vais la mettre en 3ème, elle intéressera personne".
38:19 A la fin, le public se lève,
38:21 il est obligé de la bisser, et le seul enregistrement
38:23 de cette chanson, c'est l'Olympia.
38:25 - C'est bien. - Et c'est devenu un classique.
38:27 - Les chansons c'est comme les livres, on sait pas pourquoi elles marchent.
38:29 - Mais Brel travaillait ses mots,
38:31 18 heures par jour,
38:33 pour écrire un texte.
38:35 - À l'époque, vous avez aussi du succès
38:37 avec un autre livre, c'est le Désenchanté,
38:39 qui a eu un certain succès aussi,
38:41 qui est l'apprentissage de l'amitié entre filles, je crois.
38:43 - Oui, c'est un
38:45 livre
38:47 qui oppose
38:49 l'amitié féminine à la rivalité féminine.
38:51 - Voilà. Désenchanté, c'est aussi
38:53 le titre d'une chanson de Mylène Farmer,
38:55 ça vous a pas échappé ? - Ah non, pas du tout,
38:57 et c'était volontaire, puisqu'il y a toute une partie
38:59 du roman qui se passe à la fin des années 90.
39:01 Et donc,
39:03 il y a cette ambiance
39:05 à la fois, toutes les chansons
39:07 des années 90, et puis
39:09 mon idée, c'était vraiment de parler
39:11 de cette espèce de
39:13 paradis perdu, qui pour moi était à la fois
39:15 la fin de l'enfance,
39:17 mais aussi la fin d'un monde, parce que c'était vraiment
39:19 les dernières années, avant
39:21 que Internet se démocratise complètement,
39:23 avant que tout le monde ait un téléphone, etc.
39:25 Et d'où l'idée
39:27 de marquer aussi
39:29 avec cette chanson que
39:31 quand même la plupart des gens connaissent,
39:33 qui est associée à cette époque-là. - Alors, la dernière
39:35 annulmette justement, on y revient,
39:37 c'est lié justement au moment où tout va bien,
39:39 mais les problèmes commencent avec
39:41 l'accouchement de votre première fille, qui a été
39:43 particulièrement difficile, Marie Vareille.
39:45 - Oui, moi j'ai
39:47 pas eu de chance avec l'entrée
39:49 dans la maternité, on va dire.
39:51 Parce que, alors ça, vous rentrez dans
39:53 trop de détails, mais j'ai une maladie
39:55 génétique qui faisait que dès le début,
39:57 c'était dangereux pour moi
39:59 d'avoir des enfants. Quand j'ai été diagnostiquée
40:01 de cette maladie qui s'appelle
40:03 le syndrome de Marfan, sur laquelle j'ai d'ailleurs
40:05 écrit un livre qui s'appelle "Le syndrome du spaghetti",
40:07 on m'a dit...
40:09 - Une maladie rare, très rare. - Oui,
40:11 c'est une maladie rare. C'est le cran juste
40:13 après la maladie orpheline. C'est-à-dire que
40:15 ça concerne pas énormément de monde.
40:17 Mais bon,
40:19 c'est quand même pas marrant pour ceux que ça concerne.
40:21 Et on m'a dit
40:23 au moment du diagnostic, normalement,
40:25 quand on est une femme et qu'on a Marfan, il faut faire ses enfants
40:27 avant 30 ans. Et j'avais 32 ans
40:29 déjà, et je voulais avoir des enfants.
40:32 Et je pense que sur le moment,
40:34 de toute façon, quand on vous annonce quelque chose comme ça,
40:36 c'est un choc.
40:38 Donc, vous n'êtes pas vraiment
40:40 en mesure de réfléchir.
40:42 J'ai essayé depuis...
40:44 Je sais pas, depuis quelques temps
40:46 déjà d'ailleurs, d'avoir un enfant.
40:48 Et c'était hors de question
40:50 pour moi d'abandonner
40:52 ce projet-là.
40:54 Donc, j'ai fait une première
40:56 grossesse qui a été extrêmement surveillée.
40:58 Très stressante.
41:01 Et un accouchement
41:03 qui a été très long,
41:05 très stressant, très douloureux.
41:07 Mais qui reste
41:09 moins pire qu'au deuxième accouchement.
41:11 - Car là, ça a été le drame.
41:13 Vous avez écouté les conseils de personnes.
41:15 Vous avez accouché à Amsterdam.
41:17 Vous avez même cru que votre bébé
41:19 ne survivrait pas.
41:21 - On a failli y passer toutes les deux, en fait.
41:23 Il se trouve que
41:25 c'était au moment du confinement,
41:27 etc. Et j'ai un peu profité de ça.
41:29 Parce que j'avais assez mal vécu
41:31 le fait que ma première grossesse,
41:33 elle soit autant surveillée.
41:35 Qu'on m'ait retiré la décision
41:37 de plein de choses.
41:39 De n'avoir rien pu choisir
41:41 de ma grossesse, de mon accouchement,
41:43 etc.
41:45 Même après, j'ai pas eu le droit d'aléter.
41:47 Parce que j'étais sous traitement, j'ai un traitement pour le cœur.
41:49 Et la deuxième, comme c'était
41:51 le Covid, il y a plein de rendez-vous
41:53 qui ont été annulés, etc.
41:55 Et j'ai eu une grossesse beaucoup plus sereine,
41:57 finalement, parce que j'étais moins surveillée.
41:59 Et on m'a dit...
42:01 J'étais à l'hôpital de La Haye,
42:03 près de chez moi. Et on m'a dit
42:05 "il faudrait aller accoucher à Amsterdam".
42:07 Et j'avais pas envie qu'on déclenche l'accouchement.
42:09 J'avais pas envie d'aller à Amsterdam.
42:11 Et j'ai dit "non, non,
42:13 je préfère rester près de chez moi,
42:15 je préfère accoucher à La Haye".
42:17 Et ce que j'ai pas compris,
42:19 c'est qu'il y a une différence culturelle entre les néerlandais
42:21 et les français, qui est qu'en France,
42:23 on vous fera jamais prendre le moindre risque.
42:25 Donc... Et d'ailleurs,
42:27 c'était arrivé en France, j'avais pas
42:29 accouché là où j'avais voulu accoucher.
42:31 Mais les médecins m'avaient dit, le cardiologue,
42:33 le gynéco m'avaient dit "non, vous allez accoucher
42:35 à l'hôpital Bichas, c'est là où il y a
42:37 les spécialistes du syndrome de Marfan".
42:39 Et c'est comme ça,
42:41 et pas autrement.
42:43 Aux Pays-Bas, il y a une idée de la liberté individuelle
42:45 qui est extrêmement forte.
42:47 D'ailleurs, par exemple,
42:49 il y a des pays où
42:51 l'âge légal de l'avortement
42:53 est très long,
42:55 il y a le droit à l'euthanasie,
42:57 et les gens considèrent
42:59 que vous êtes responsable de votre corps,
43:01 que vous en faites ce que vous voulez.
43:03 Et donc ils ont insisté un petit peu, et puis comme j'ai dit non,
43:05 ils ont dit "bon ben, comme vous voulez".
43:07 Résultat, ça a failli mal se passer.
43:09 Et non seulement ça a failli mal se passer,
43:11 mais c'est là qu'est née une dépression,
43:13 d'ailleurs, que l'on comprend
43:15 dans votre livre et qui touchera
43:17 beaucoup de lectrices, parce que c'est quelque chose
43:19 qui peut arriver, et vous avez mis deux ans
43:21 à vous remettre de cette dépression.
43:23 Oui, parce que
43:25 ça a été
43:27 un traumatisme, puisque
43:29 concrètement, à un moment j'ai commencé
43:31 à dire "il y a quelque chose qui ne va pas, je sens que ça va pas,
43:33 les contractions sont trop fortes, j'arrive pas à respirer".
43:35 J'ai accouché
43:37 une fois, je sais, je sais qu'il y a
43:39 un problème.
43:41 Et en plus, ce n'était pas dans ma langue maternelle,
43:43 puisque c'était aux Pays-Bas.
43:45 Et alors ça reste très flou aujourd'hui,
43:47 mais il y a quand même un moment où tout le monde s'est mis à hurler en néerlandais,
43:49 et d'un coup, il y avait
43:51 dix personnes
43:53 dans la salle,
43:55 et la gynéco qui me dit
43:57 "le coeur du bébé
43:59 ne remonte pas,
44:01 il va falloir vous emmener au bloc".
44:03 Et donc là,
44:05 panique totale,
44:07 toujours en plus une langue étrangère
44:09 autour, on m'arrache mes
44:11 vêtements, on me balance,
44:13 mais littéralement, et je me suis dit à ce moment,
44:15 une femme enceinte de neuf mois, qu'on la balance comme ça
44:17 sur une table d'opération,
44:19 c'est que
44:21 c'est fini.
44:23 Et puis après, j'ai perdu conscience,
44:25 et je me suis réveillée des heures
44:27 après, en réa,
44:29 avec deux litres de sang
44:31 en moins,
44:33 le ventre vide, j'avais conscience que mon ventre était vide,
44:35 mais j'avais rien compris,
44:37 mais rien compris de ce qui s'était passé.
44:39 Je savais pas si ça faisait une semaine que j'étais
44:41 inconsciente
44:43 ou cinq minutes,
44:45 et je comprenais rien, parce que, en plus,
44:47 comme j'avais plein, j'avais l'anesthésie,
44:49 j'avais eu les drogues du déclenchement, etc.,
44:51 ils m'avaient réinjecté des trucs,
44:53 dans la panique, je comprenais
44:55 rien, et je me souviens de demander en boucle
44:57 à la personne qui était à côté de moi, "Is my baby
44:59 ok ? Est-ce que mon bébé va bien ?"
45:01 et de pas comprendre la réponse.
45:03 Et ça, je pense que c'est
45:05 peut-être ce moment-là
45:07 qui a été tellement effrayant,
45:09 tellement...
45:11 Perdre un enfant, je pense qu'il peut arriver
45:13 de pire dans une vie,
45:15 et de me dire,
45:17 "C'est pas possible, ça a pas pu
45:19 m'arriver à moi." Et en fait, elle allait bien.
45:21 - Elle allait bien, alors vous alliez mal, il y a eu une dépression,
45:23 mais ce qui est important, c'est que derrière
45:25 cette dépression, on va vous ouvrir à d'autres
45:27 sujets, et vous allez commencer à vous
45:29 intéresser aux violences intrafamiliales,
45:31 et curieusement, c'est un point
45:33 de départ au stress, et que c'est la base de votre roman.
45:35 - Oui, effectivement,
45:37 c'est ça, même si...
45:39 En fait, ce qui s'est passé, c'est que comme
45:41 tout allait bien, après cette expérience,
45:43 je me suis dit, "Bon, tout est bien qui finit bien,
45:45 on va pas en faire
45:47 tout un plat, la vie continue,
45:49 voire je devrais même
45:51 être plus contente finalement, parce que
45:53 elle et moi, on a frôlé
45:55 la mort, on s'en est sortis,
45:57 donc
45:59 on devrait
46:01 profiter de la vie,
46:03 de chaque instant." Et puis c'est pas du tout ça
46:05 qui s'est passé, en fait. Ce qui s'est passé, c'est que
46:07 peu à peu, je me suis effondrée,
46:09 j'ai commencé à faire des crises d'angoisse,
46:11 des insomnies, avoir
46:13 peur de tout, mais
46:15 des choses absurdes, j'avais l'impression que
46:17 j'allais mourir tout le temps, ou qu'elle, elle allait
46:19 mourir tout le temps aussi,
46:21 et c'était tellement épuisant que
46:23 j'ai sombré
46:25 dans la dépression.
46:27 Et j'ai commencé à m'intéresser
46:29 parce que je voulais aller mieux, parce que
46:31 je suis la maman de deux petites filles, j'ai pas envie de
46:33 même pour elle
46:35 d'aller mal, etc., à ce qu'on
46:37 appelle le syndrome du stress post-traumatique, c'est-à-dire
46:39 comment un événement
46:41 va changer, va reprogrammer
46:43 votre cerveau, reprogrammer certaines
46:45 choses, et va changer intrinsèquement
46:47 la personne que vous êtes. C'était ça mon sujet de départ,
46:49 c'était ça qui m'intéressait.
46:51 Et à force de lire sur le sujet, d'essayer de comprendre
46:53 comment ça fonctionne, un traumatisme,
46:55 je me suis posée la question des traumatismes d'enfance,
46:59 parce que moi j'ai quand même eu la chance
47:01 d'avoir une enfance qui était très protégée,
47:03 qui était assez merveilleuse,
47:05 j'ai grandi au milieu de trois frères
47:07 avec qui je m'entendais hyper bien,
47:09 on était très libres,
47:11 j'avais vraiment eu une belle enfance,
47:13 et d'ailleurs
47:15 j'en ai déduit que c'était aussi ça,
47:17 l'idée d'avoir ce socle de l'enfance
47:19 qui était solide, qui était sain,
47:21 qui m'a permis, moi, de me relever
47:23 de ce trauma que j'ai eu la chance
47:25 de connaître à l'âge adulte. Mais je me suis dit
47:27 quand on est enfant, et qu'on est
47:29 soumis à un traumatisme,
47:31 voire à des traumatismes de manière répétée,
47:33 comme c'est le cas des enfants
47:35 qui vivent dans un foyer violent,
47:37 ce qui est le thème de la dernière allumette,
47:39 comment on se construit avec ça ?
47:41 Parce que si un événement peut transformer
47:43 un adulte, un enfant au moment où il devient
47:47 la personne qu'il doit devenir,
47:49 comment il survit à ça ?
47:51 - Et ce qu'on ne savait pas à l'époque,
47:53 c'est qu'aujourd'hui, le sujet d'actualité,
47:55 puisqu'Emmanuel Macron a fait une proposition
47:57 sur le sujet, là aussi,
47:59 vous êtes dans l'actualité par rapport à votre livre.
48:02 - Oui, mais parce que je pense que c'est un sujet
48:04 aussi qui est très important,
48:06 qui touche tout le monde.
48:08 Et d'ailleurs, il touche tout le monde parce que
48:10 une des statistiques, quand j'ai commencé
48:12 à m'intéresser à ce sujet des violences
48:14 intrafamiliales, une des statistiques qui est au cœur
48:16 du livre, et qui a vraiment nourri
48:18 l'intrigue, c'est cette idée,
48:20 cette stat que 3 enfants sur 4
48:22 qui vivent dans un foyer où il y a de la violence,
48:24 y compris si eux-mêmes ne sont jamais victimes,
48:26 et c'est ça qui est intéressant, c'est-à-dire
48:28 même s'ils ne sont que spectateurs de la violence,
48:30 3 sur 4 à l'âge adulte,
48:32 ils deviennent soit eux-mêmes violents,
48:34 soit victimes d'un conjoint violent.
48:36 Donc il y a une reproduction.
48:38 Ça concerne tout le monde, en fait.
48:40 Ça concerne toute la société,
48:42 cette reproduction de la violence,
48:44 parce qu'évidemment, a priori,
48:46 on aspire à avoir une société sans violence.
48:48 - Et en tout cas, il ne faut pas se dire violence
48:50 pour lire votre livre, parce que
48:52 justement, il y a cette intrigue, il y a votre style
48:54 que vous avez trouvé très particulier,
48:56 et parce que aussi, dans l'actualité,
48:58 ça fera réfléchir beaucoup de gens
49:00 qui craignent ce phénomène de la violence
49:02 qui est de plus en plus courant. En 2022,
49:04 il y a quand même eu 245 000 personnes
49:06 qui ont été victimes de violences conjugales.
49:08 - Oui. Et encore, j'ai envie de dire,
49:10 c'est la partie émergée de l'iceberg,
49:12 parce que
49:14 ça, c'est les cas
49:16 qui sont avérés, c'est les plaintes portées,
49:18 etc. Il y a aussi
49:20 tous ceux qui le cachent, tous ceux qu'on ne connaît pas.
49:22 En tout cas, nous maintenant, on vous connaît un peu mieux,
49:24 et je recommande à celles et ceux qui vous suivent
49:26 et à celles et ceux qui ne vous connaissent pas encore
49:28 de lire "La dernière allumette"
49:30 chez Charleston, parce que
49:32 effectivement, il y a cette histoire, mais il y a
49:34 aussi une intrigue passionnante et passionnée.
49:36 Merci Marie Vareille, et continuez comme ça
49:38 à être heureuse le plus possible et à écrire.
49:40 - Merci à vous.
49:42 - "Les clés d'une vie" s'est terminée pour aujourd'hui. On se retrouve bientôt.
49:44 Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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