Jacques Pessis reçoit Nathalie Garcon. Elle a innové dans la mode et créé des collections qui ont traversé les frontières. Elle fête ses 35 ans de carrière avec un défilé exceptionnel.
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-11-13##
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00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Vous avez grandi à Cannes avant de faire de votre vie de créatrice un festival d'innovation.
00:11Vous avez donné un grand coup de ballet à l'image de la ménagère de moins de 50 ans
00:15et cela paradoxalement sans jamais vous défiler.
00:18Bonjour Nathalie Garçon.
00:19Bonjour Jacques.
00:20On connaît votre nom, on connaît votre marque, on connaît moins votre parcours.
00:24On va avoir une heure pour le raconter.
00:26À l'occasion de vos 35 ans de carrière que vous célébrez la semaine prochaine à Paris,
00:31l'Hôtel Raphaël, c'est bien ça ?
00:32C'est exact.
00:33Alors, on va commencer par des dates clés et qui concernent votre parcours.
00:37La première est assez étonnante, c'est le 19 mars 1987.
00:41C'est une télé de 2 minutes sur France 3 Côtes d'Azur, un reportage dans le 12-15.
00:47On vous présente comme une styliste cannoise dans un bar parisien où vous faites un mini défilé.
00:52Ah oui, absolument.
00:54Mais alors je ne savais même plus que c'était en 87.
00:56C'est dingue.
00:57Je croyais que c'était en 89.
00:58Oui, c'était à l'écluse.
01:00Oui, oui, absolument.
01:02C'était un bar à vin, déjà.
01:04Et comment êtes-vous arrivée à faire un défilé dans un bar à vin ?
01:08Je crois que je n'avais aucun moyen.
01:10C'est toujours les situations qui font les actes.
01:13Et j'étais très copine avec le patron.
01:16Il m'a dit mais pourquoi pas, ça peut être drôle.
01:18Et en fait, ça a été assez formidable, oui.
01:21Ça ne se faisait pas du tout à l'époque.
01:23Devant les clients, en plus.
01:24Oui, oui, devant les clients.
01:26Alors j'avais quelques tables réservées pour des journalistes qui étaient venus gentiment.
01:30Et voilà, ça a lancé les choses.
01:32Et l'écluse était une chaîne de restaurants qui porte ce nom parce que le premier restaurant a été construit à l'emplacement de l'écluse, le cabaret où a débuté Barbara.
01:41Ah, je ne savais pas.
01:43Alors à propos de chansons, vous êtes née à Cannes et il y a une mélodie qui évoque une rue chère à votre cœur.
01:52Dans les rues d'Antibes par Sidney Béchet.
01:56Il faut savoir que Sidney Béchet a célébré son troisième mariage dans les rues d'Antibes avec Miss Tinguette comme témoin en 1951.
02:06Et il a créé cette mélodie qui a fait le tour du monde.
02:08C'est dingue.
02:09Et la rue d'Antibes, je crois que c'est là où se trouvait l'hôtel Wellsdorf Victoria de votre grand-père maternel.
02:13Absolument.
02:14Et dans le livre d'or, il y a d'ailleurs une dédicace de Miss Tinguette.
02:18C'est fou.
02:19Pour ce fameux mariage.
02:21Voilà.
02:22D'ailleurs, le nom de la reine Victoria a souvent été donné à des hôtels ou des palaces sur la rivière.
02:26Et là, je crois que j'ai vu une affiche où on voit un groupe souriant sur l'affiche.
02:31Oui, mon grand-père était très excentrique, très amusant.
02:36Et cet hôtel, c'est votre souvenir de jeunesse.
02:40Je crois que la jeunesse, ou en tout cas la petite enfance, c'est vraiment ce qui fonde le nerf de la création.
02:49Donc oui, on peut le dire.
02:51Et cet hôtel, ce qui appartenait à votre grand-père, vous y avez souvent déjeuné ou dîné parce qu'il n'y avait rien dans le frigo à la maison.
02:58Oui.
02:59Et j'avais l'impression qu'on était pauvres.
03:02On avait toujours le frigo vide parce qu'effectivement, on mangeait à l'hôtel et puis on allait se servir à l'économat.
03:11Mais en tout cas, les frigos étaient vides chez moi.
03:14Oui, parce que je crois que votre mère faisait du tennis et ne pensait qu'à ça.
03:17Elle pensait qu'à ça et à son mari.
03:19Voilà.
03:20Son mari qui était votre père, qui était agent immobilier aussi, je crois.
03:24On pourrait dire ça, oui.
03:26Votre mère, championne de tennis quand même.
03:28Et puis cet hôtel, c'était un palace quand même.
03:30Oui, c'était un des palaces de Cannes qui se trouvait juste derrière l'ancien palais des festivals.
03:36Il y avait le Walser Victoria et à côté, il y avait le Canberra aussi.
03:41Qui étaient des lieux fréquentés par les stars, notamment pendant le festival.
03:44Oui, absolument, pendant le festival et puis aussi tout l'hiver.
03:47Les gens venaient passer l'hiver à Cannes.
03:49Oui, parce qu'à cette époque, depuis les années 1920, les Américains et les Anglais venaient avec des grandes malles passer l'hiver à Cannes.
03:55Oui, absolument.
03:56Et beaucoup d'excentriques et beaucoup de gens, beaucoup de Russes aussi, beaucoup de Russes blancs.
04:01C'était très hétéroclite en fait.
04:03Il y avait de l'argent et ceux qui n'en avaient pas du tout.
04:06Ou plus du tout plutôt.
04:07Plus du tout, mais ils arrivaient quand même à se débrouiller.
04:10Et se débrouiller.
04:11On se débrouille toujours.
04:12Moi, je me souviens à Cannes au festival, un garçon qui avait une fausse carte de journaliste,
04:16il a réussi pendant des années à entrer, à aller à tous les lignes officielles avec un smoking
04:21et personne n'a jamais remarqué qu'il n'était pas journaliste.
04:24Alors, ce qui était très gai, je pense qu'on a connu la même époque, c'est que tant que c'était dans l'ancien palais,
04:30c'était un festival qui était un petit peu comme celui de Deauville ou de Cabourg.
04:35C'est-à-dire que c'était aussi ouvert, c'était beaucoup moins strict.
04:39Donc, il y avait des Cannois qui pouvaient y assister, il y avait des gens comme ça qui s'infiltraient,
04:43il y avait des faux journalistes.
04:45C'était très drôle.
04:46Ce n'était pas du tout la même ambiance que ce qu'elle est aujourd'hui.
04:49Mais en même temps, vous pouviez vous-même voir des stars.
04:52Oui, parce que mon père avait une...
04:54C'était peut-être lui que vous avez connu qui avait une fausse carte de journaliste.
04:57C'est peut-être lui.
04:58Et ça marchait.
04:59Et ça marchait très bien.
05:00Et donc, je le suivais à petits pas derrière et j'ai vu tout le monde.
05:04Oui, je crois d'ailleurs qu'il y a eu des émeutes quelquefois sur les marges du palais.
05:08Alors ça, c'était mai 68.
05:10Mais avant, quand Sophia Loren ou Schéla sont arrivées, c'était des émeutes.
05:15Sophia Loren était tellement grande, ça m'avait impressionnée.
05:18Il y avait aussi Ginalo Brigida dont le premier film a été écrit d'un roman de quelqu'un
05:24que vous avez connu à 10 ans, je crois.
05:26C'est Alberto Moravia.
05:28Je l'ai connu un peu plus tard, oui.
05:30Comment ça se fait ?
05:31Je l'ai connu parce que j'ai suivi une équipe de tournage qui faisait un documentaire sur lui à Rome.
05:37Et en fait, j'avais quand même 17 ans.
05:41Et quand je suis arrivée, il était très étrange.
05:46J'ai jamais vu quelqu'un qui conduisait aussi mal.
05:49Ah bon ?
05:50Et en fait, toute l'équipe m'avait dit, oui, il ne faut pas parler, il ne faut rien dire.
05:56Alberto Moravia est quand même un grand homme et tout ça.
05:59Et en fait, on a beaucoup ri.
06:01Et je crois que le lendemain, il a appelé pour dire, avant de commencer le tournage,
06:04j'aimerais bien faire visiter Rome à Nathalie.
06:08Donc ça avait beaucoup énervé l'équipe de tournage.
06:12En fait, il était à Cannes au départ pour La Provinciale,
06:14qui est le premier film où Gina Lollobrigida était en vedette, en 1953.
06:19Alors, j'en reviens à votre hôtel, à votre palace,
06:22parce que les tenues excentriques, c'est ça qui vous a donné, Nathalie Garçon, le goût de la mode.
06:26Alors, c'était des tenues excentriques et c'était très personnel.
06:29C'est-à-dire qu'il n'y avait pas de mode, en fait.
06:31Il y avait la mode de la haute couture.
06:33Bon, il y avait ces grandes et grosses tendances
06:36qui étaient données par Dior ou par Chanel ou par quelques personnalités.
06:41Mais le reste, c'était vraiment encore des couturières
06:46qui faisaient beaucoup les tendances, qui adaptaient les patronages.
06:50Donc c'était formidable parce qu'il y avait une grande liberté.
06:54Et une certaine élégance.
06:55Et une grande élégance, oui.
06:57Parce qu'il y avait une liberté et une volonté d'être au mieux de soi-même.
07:01Et là, vous avez compris, Nathalie Garçon, l'importance de la mode dans la vie sociale.
07:06Oui, le vêtement qui est vraiment, je pense, c'est notre seconde peau.
07:11C'est-à-dire que c'est la première chose qu'on voit chez quelqu'un avant qu'il parle.
07:15Je pense que c'est ce qu'il porte.
07:17Sans notion de jugement.
07:19Je ne suis pas en train de dire c'est beau ou ce n'est pas beau.
07:21Mais c'est vraiment un langage.
07:23Et puis, ce sont des tenues qu'on voit encore dans les films en noir et blanc de jadis,
07:28mais qu'on ne porte plus du tout aujourd'hui.
07:30Ah oui, alors ça, c'est vrai que quand on voit les films dont vous parlez,
07:34on se demande même comment ça existait quand on voit la rue aujourd'hui.
07:39C'est incroyable.
07:41En si peu de temps, finalement, parce qu'on parle de 50 ans.
07:44Oui, c'est rien du tout.
07:46Il y avait aussi des vêtements qui vous ont marqué, je crois, dans les vestiaires de clubs de tennis
07:50que fréquentait votre mère, Nathalie Garçon.
07:52Oui, c'était un club de tennis qui était à côté de l'hôtel.
07:55Et toutes les meilleures joueuses venaient jouer avec ma mère qui était championne.
08:00Donc, elle était très demandée.
08:03Et donc, elles accrochaient leur robe de cocktail dans les vestiaires.
08:09Et après, parce qu'évidemment, après le tennis, il y avait le drink.
08:13Donc, on ne pouvait pas y échapper.
08:17Ça aussi, on ne peut plus l'imaginer aujourd'hui.
08:19On ne peut plus l'imaginer.
08:21Et donc, c'était très amusant quand même.
08:23Et vos jeunes années, vous avez vu la mode évoluer avec l'arrivée de la mini-jupe
08:27attribuée à Marie Kant ou à André Courrèges, le pantalon smoking,
08:31les prémisses de la mode unisexe.
08:33Ça vous a marqué à l'époque ?
08:35Alors, vous parlez d'unisexe.
08:37Moi, j'ai un nom déjà, Garçon, qui m'a toujours aidée à assumer ma partie féminine.
08:45Je n'ai jamais eu à jouer tellement sur les deux tableaux
08:48parce que je porte un nom qui est déjà tellement dans l'ambivalence
08:51que le reste est facile à assumer.
08:54En tout cas, ce que j'ai vu, c'est les débuts du prêt-à-porter.
08:57C'est vrai qu'existait Saint-Laurent, mais j'ai vu les débuts de Saint-Laurent-Rive-Gauche,
09:02Sonia Riquel, les premières collections de Kenzo.
09:06Tout ça a été absolument ébouriffant pour moi.
09:09Ça me mettait la tête à l'envers.
09:11Alors, avant, il y a eu vos études.
09:13D'abord, les études à l'École Sainte-Marie de Chavagne qui a une excellente réputation.
09:18Oui, on y mettait toutes les mauvaises élèves et celles qui étaient absolument, je dirais, ingérables.
09:26Avant, vous étiez ingérable ?
09:27On nous mettait chez les bonnes sœurs.
09:28Vous étiez ingérable ?
09:29Un peu, oui.
09:30C'est-à-dire révoltée ?
09:32Je crois que c'était juste une famille qui n'avait pas vraiment de limites ni de règles.
09:37Donc, les enfants faisaient absolument ce qu'ils voulaient.
09:40Dans un système scolaire classique, c'était quand même un peu compliqué.
09:44Et pour votre information, en 2023, sur 95 candidats de l'École Sainte-Marie de Chavagne au bac, 100% ont obtenu.
09:53Mais ça ne m'étonne pas.
09:55C'est une très bonne école.
09:57Alors, vos dons, c'est le dessin.
09:59Et immédiatement, on vous dit, tu feras plus tard de la sculpture.
10:04Oui, parce qu'être artiste, c'était plus simple que de travailler dans la mode.
10:08Il n'y avait pas de clé pour travailler dans la mode.
10:10À part être mannequin, il n'y avait pas de ficelle.
10:13Enfin, on n'avait pas d'ouverture.
10:15Donc, on s'est dit, bon, elle peut faire littérature aussi, j'étais pas mauvaise.
10:22Et puis le reste, c'était les beaux-arts, en fait.
10:25Donc, vous allez la prépa des arts déco et les beaux-arts.
10:29Oui, mais je suis restée très peu de temps aux beaux-arts, parce que j'avais qu'une trouille.
10:33C'était ce qu'on appelle le bizutage.
10:36Et j'étais absolument terrorisée par ça.
10:38Et en plus, j'étais une très mauvaise sculptrice.
10:40Donc, heureusement, je m'en suis rendue compte assez vite.
10:43Et puis, il y a une école que vous avez suivie, mais qui ne vous a pas survécu apparemment,
10:46le Studio Berthaud, puisqu'il a disparu l'an dernier.
10:49Ah, c'est triste, ça.
10:50Oui, parce que c'est une école de mode qui existait depuis 1954 et qui n'a pas survécu au confinement.
10:55C'était une école formidable, d'où sont sortis beaucoup de grands créateurs.
11:01C'était une personnalité...
11:04Marie Rucki était une personnalité intraitable.
11:08Et je ne suis pas sûre qu'aujourd'hui, la manière dont elle parlait aux élèves
11:12et l'exigence qu'elle avait à notre égard passerait.
11:16En tout cas, ce qui est passé, c'est que votre exigence vous a mené à des succès.
11:20Et il y a une autre date importante dans votre vie, c'est le 15 novembre 1998.
11:25A tout de suite sur Sud Radio, avec Nathalie Garçon.
11:28Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessus.
11:31Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Nathalie Garçon.
11:34Nous parlerons tout à l'heure de vos 35 ans de mode à l'Hôtel Raphaël.
11:38C'est un événement que vous célébrez de façon insolite, un peu comme tout ce que vous faites.
11:42Alors, on a parlé de vos débuts à Cannes, de vos débuts dans les écoles de mode.
11:47Et j'ai trouvé une date importante, le 15 novembre 1998.
11:51C'est la sortie d'un livre que vous signez avec le photographe Jean-François Jonvel,
11:55qui s'appelle Balcon.
11:57Et c'est un livre assez étonnant, car vous avez habillé 11 actrices,
12:00et le photographe les a moralement déshabillées ensuite.
12:04Oui, c'était Jean-François Jonvel.
12:06J'ai réussi à lui faire faire des photos de femmes habillées.
12:12C'était une autre époque.
12:15C'était intéressant pour moi, parce que personnellement, j'ai eu un moment saturation,
12:20et même une espèce de rejet des mannequins qui étaient à cette époque-là très anorexiques.
12:27Je ne voulais plus faire de défilé, donc je n'existais plus.
12:30Parce que sans un défilé dans la mode, c'est difficile d'exister.
12:34Donc j'ai décidé de faire un livre avec des femmes que j'aimais,
12:37en montrant leur décolleté, et surtout en montrant qu'il n'y avait pas de critères de beauté figés.
12:44Donc il y avait des filles très minces, il y avait aussi Horatica, Catherine Jacob,
12:52il y avait Natacha Regnier, il y avait plein de...
12:55Mathilde Saignet, Karine Liard...
12:57Toutes des amies qui n'étaient pas forcément des superstars à l'époque.
13:00Oui, qui n'étaient pas connues à l'époque.
13:02Clotilde Couraud n'était pas connue.
13:05Mais elles ont eu envie de le faire, et moi j'avais très envie de les montrer telles que je les voyais.
13:11Et ces amies, justement, ces amies comédiennes,
13:14et finalement votre présence à Cannes et la découverte du festival n'est pas étrangère à ces amitiés ?
13:18Elle n'est pas du tout étrangère, parce que c'est vrai que...
13:22Ce qui m'a vraiment inspirée dans la vie, ce sont les artistes.
13:25Donc les comédiennes, mais aussi des journalistes.
13:28Des gens qui prennent des femmes, qui prennent des risques, en fait.
13:31Et donc, il y avait notamment Marie Gilin,
13:34qui avait débuté avec Depardieu en étant sa fille dans un film de Lausier,
13:38qui s'appelait Mon père, ce héros,
13:40et qui avait été réécrit discrètement par Francis Weber, chez qui Gérard Lausier habitait.
13:45Ah bah vous voyez, vous savez des choses que j'ignore.
13:48C'est bien, j'ai eu raison de venir.
13:50Alors, justement, ce côté mannequin,
13:53vous avez été mannequin d'ailleurs peu de temps, mais ça ne vous a pas intéressé ?
13:56Je faisais tellement la tête, ça ne se faisait pas tellement à l'époque,
13:59que ça n'a pas duré longtemps.
14:02Et le titre balcon, ça n'a pas été choisi au hasard.
14:05J'ai retrouvé les archives, balcon, se mettre au balcon.
14:09Il y a du monde au balcon.
14:11Les balcons sont une écriture, une écriture pour la femme.
14:13Oui, je pense que...
14:15En plus, elles étaient toutes dans des robes,
14:17parce que je pense que le corps bouge différemment selon le vêtement qu'on porte.
14:21Et j'avais envie de les présenter un peu comme des chats,
14:25un peu comme des animaux,
14:28avec une forme de sensualité qu'elles ont,
14:32tout en étant très différentes les unes des autres.
14:35Et effectivement, le balcon, c'est le décolleté.
14:39Le décolleté, c'est aussi quelque chose que je trouve absolument ravissant chez une femme.
14:44Et je sais aussi que la scène du balcon de Roméo et Juliette,
14:47que vous n'évoquez pas, n'a jamais existé,
14:49que le balcon n'a pas existé dans le texte de Shakespeare.
14:52Il a été construit au XIXe siècle.
14:55Et il y a un million de visiteurs qui viennent chaque année voir ce balcon à Véronne,
14:59qui est une imposture totale.
15:01C'est formidable.
15:03Alors, ce livre balcon, Nathalie Garçon, il est à contre-courant de la mode à l'époque.
15:07Complètement, oui.
15:09C'est-à-dire ?
15:10C'est-à-dire que ça ne se faisait pas du tout, en fait.
15:13Moi, je me rappelle les premières fois où j'ai fait des...
15:16J'ai pris en photo des actrices au lieu de prendre des mannequins
15:19pour ce qu'on appelle des catalogues ou des books.
15:23Enfin bon, tout le monde trouvait ça déplacé.
15:26Ça faisait people.
15:28J'étais une styliste people à l'époque.
15:31Et c'était assez déprécié.
15:34En même temps, c'était innovant.
15:36Aujourd'hui, beaucoup d'actrices posent pour des photos.
15:39Alors aujourd'hui, les marques courent après les actrices.
15:42Et les actrices sont ravies qu'on les sollicite pour des marques.
15:45Exactement.
15:46Donc vous avez inventé quelque chose à contre-courant.
15:48Et déjà, à votre arrivée à Paris, vous étiez à contre-courant.
15:51Vous portiez des jupes féminines avec des bottes de moto et un chapeau.
15:54Oui.
15:55C'est Elsa Wolinsky qui m'avait dit
15:57« Tu es une princesse en moto » ou je ne sais pas.
16:00Enfin, quelque chose comme ça.
16:02Oui, c'est vrai.
16:03Puis en plus, j'étais une styliste canoise.
16:05Et canoise, ce n'était pas du tout à la mode à l'époque.
16:07C'était vraiment le côté...
16:09Comment dirais-je ?
16:11Cagole, quoi.
16:13Et puis vous n'aviez pas de moto mais un Solex parce que vous ne connaissiez pas Paris.
16:16Exactement, oui. J'adore les Solex.
16:18Exactement, j'avais des bottes et un Solex.
16:20Et on circulait à Paris sans danger en Solex à l'époque.
16:23On circulait sans danger, sans casque.
16:26Oui.
16:27Et surtout moi, il fallait absolument que je comprenne la géographie de cette ville.
16:33Il fallait que je me l'accapare.
16:35Donc je suis devenue un vrai chauffeur de taxi maintenant.
16:37Alors, Nathalie Garçon aussi, je sais que vous avez beaucoup déménagé à cette époque-là.
16:41Vous êtes passée d'une chambre de bonne à Pigalle, à une autre, dans un autre quartier, à Montreuil, un peu partout.
16:47Oui, j'ai déménagé je crois 19 fois depuis que je suis à Paris.
16:50Comment ça se fait ?
16:52Eh bien, je dirais que c'est ma vie, ça. C'est toute ma vie.
16:55Je suis restée fidèle à la Galerie Vivienne, par contre.
16:58Oui, ça, on va en parler.
17:00Mais au début, c'était des chambres de bonnes minuscules parce qu'il n'y avait pas d'argent.
17:04Oui. Enfin, je ne vais pas non plus jouer la misérable.
17:08Mais oui, j'ai habité une chambre de bonne qui était comme l'avenue Victor Hugo, au septième étage.
17:14Par contre, je ne réalisais pas ce qu'était la météo parisienne.
17:19Et je me rappelle, je descendais toujours l'hiver sans manteau.
17:22Et je me disais, mais quel idiote, quel idiote.
17:24Tu sais bien qu'il faut un manteau dans cette ville.
17:27Et j'étais obligée de remonter les sept étages pour chercher un manteau.
17:32Eh bien, c'est pas Cannes, Paris, effectivement.
17:34C'était pas Cannes.
17:35Mais la nuit, en revanche, là, vous aviez un lieu de prédilection qui était le Palace.
17:39Oui.
17:40Les grandes années du Palace.
17:41Ça allait en même temps que le studio Berceau.
17:43On était toute une bande comme ça, plus ou moins amies, mais on se retrouvait toujours au Palace.
17:49Et c'est vrai que le Palace, c'est vraiment un tournant aussi, je trouve,
17:53dans l'évolution un peu souterraine des mœurs et des mentalités.
17:59Je trouve que ça a été très important.
18:01Vous avez des souvenirs particuliers de défilés de mode, de moments de folie ?
18:04Alors, j'ai des défilés de mode.
18:06J'ai aussi des soirées de dingue.
18:08Les soirées de Karl Lagerfeld, les soirées de Kenzo, les dix ans du Palace.
18:14Non, j'ai plein de souvenirs.
18:16J'ai un défilé aussi d'un défilé de mode de Kate Berry,
18:20qui s'était lancé dans la mode avant de faire de la photo.
18:23Oui.
18:24Oui, j'ai plein de...
18:26Et puis, c'était un endroit où on riait beaucoup, en fait.
18:29On riait énormément.
18:30On riait, tout était possible.
18:32Moi, je me souviens de Frédéric Mitterrand sur une balançoire,
18:35faisant un défilé.
18:37C'était extraordinaire.
18:38Mais oui, oui, oui.
18:39Il n'y avait pas de...
18:41Et puis, c'était sans jugement.
18:43Encore une fois, il n'y avait pas de...
18:45Une fois qu'on était à l'intérieur, on n'était pas jugé.
18:49Alors, vous parlez de photos, mais justement, vous devez votre carrière,
18:52vos débuts de carrière, à une photographe,
18:54Sarah Moon, qui a été mannequin avant de devenir la photographe de Cacharel.
18:58Alors, c'est Sarah Moon, par son frère,
19:01qui m'a présenté, effectivement, Corinne Saru,
19:04qui était la styliste de Cacharel.
19:07C'est elle qui a vraiment été à l'origine de la marque,
19:10avec son beau-frère, qui était Jean Bousquet.
19:13Jean Bousquet, qui est ensuite devenu maire de Nîmes.
19:15Exactement.
19:16Qui a beaucoup travaillé avec Régine,
19:17et qui a marié Yves Moreauzy à Nîmes, dans une ferrière.
19:20Vous voyez, c'est incroyable.
19:22Ce qui est étonnant, c'est que vous êtes engagée pour un stage de trois mois,
19:25et qu'il n'y a pas de RH à l'époque.
19:27Totalement, vous oubliez Nathalie Garçon.
19:29Je me fais oublier.
19:30C'est-à-dire qu'à la fin du stage, au lieu de retourner au Studio Berceau,
19:33parce que je devais y retourner, je suis restée plusieurs mois.
19:36Et à cette époque, c'était peut-être plus facile de grimper, je dirais.
19:42En tout cas, si on voulait faire des choses, on pouvait les faire.
19:45Et je me suis retrouvée à faire les accessoires,
19:47à travailler avec Corinne, qui ne se souciait pas du tout de savoir
19:50si j'étais stagiaire, assistante.
19:54Personne ne se souciait vraiment de ce que j'étais.
19:56Et un jour, j'ai croisé le DRH, parce que je partais aux Etats-Unis faire un défilé,
20:00qui me dit « Mais qui êtes-vous ? »
20:03Je lui ai dit « Je suis l'assistante de Corinne Saru, mais je ne vous connais pas ! »
20:07« Venez tout de suite dans mon bureau ! »
20:10Et j'ai eu un contrat immédiatement.
20:12C'est extraordinaire, parce qu'on ne peut pas imaginer ça aujourd'hui, Nathalie Garçon.
20:15Non, et puis surtout, tout le monde à l'époque me disait
20:17« Oh là là, mais tu es en train de te faire exploiter,
20:19mais comment tu peux rester dans cette boîte sans être salariée ? »
20:23Et je leur ai toujours dit « Non, non, non, c'est moi qui ai raison,
20:26c'est moi qui gagne dans l'histoire. »
20:28Et vous avez connu d'autres créatrices ? Agnès B. aussi ?
20:31Alors, Agnès B., beaucoup de stylistes sont venus chez Cacharel.
20:36On travaillait chez Cacharel.
20:37Donc Agnès B. a travaillé assez longuement.
20:42Il y a eu Azdin Alaya aussi, que je n'ai pas connue,
20:46mais qui a travaillé chez Cacharel.
20:47C'était un peu une passerelle.
20:49Cacharel a été une passerelle.
20:51Et c'était justement le point de départ,
20:53ça vous a donné envie de faire ce métier ?
20:55Oui, j'ai adoré.
20:57Évidemment, de toute manière, j'avais qu'une envie,
20:59c'était de faire ce métier.
21:01Ça m'a confortée en tout cas.
21:03Et ça vous a donné envie d'aller plus loin,
21:05même si au départ, vous n'étiez pas un nom,
21:07vous n'aviez pas d'argent ?
21:08Je n'avais ni argent, ni aucun nom,
21:11et en fait, je n'avais même pas envie de faire ma marque.
21:15Je n'avais pas du tout envie d'avoir mon nom sur l'affiche.
21:19C'est juste parce que Corinne Sarru,
21:21dont j'étais très proche,
21:24m'a annoncé un jour qu'elle partait.
21:27Et tout le monde pensait que j'allais prendre sa succession.
21:30Et je me suis dit, je ne peux pas prendre la succession
21:32de quelqu'un qui m'a tout appris comme ça.
21:34Et elle m'a dit, je pars en mars.
21:36Et j'ai dit, je pars en janvier.
21:38Donc je me suis retrouvée sans rien.
21:41Oui, mais après, vous avez eu beaucoup.
21:43Et on va évoquer une autre date de votre parcours,
21:45le 17 juin 2019.
21:47A tout de suite sur Sud Radio avec Nathalie Garçon.
21:50Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
21:53Sud Radio, les clés d'une vie.
21:55Mon invité Nathalie Garçon.
21:57On connaît votre nom, on connaît moins votre parcours.
21:59On le découvre aujourd'hui dans les clés d'une vie.
22:01Avec vos débuts à Cannes, vos débuts chez Cacharel.
22:03Dans quelques jours, vos 35 ans de carrière.
22:07Quand on aime, on ne compte pas.
22:10À l'hôtel Raphael.
22:13Et là, on revient à une date importante
22:15qui a marqué l'histoire de la mode.
22:17C'est le 17 juin 2019.
22:19Vous organisez, à la Galerie Vivienne,
22:21un défilé que vous baptisez Over 50.
22:23Et alors ?
22:25Oui, alors c'est un défilé,
22:27mais c'est une association en fait
22:29que j'ai créée en 2019.
22:31Sur les conseils, je dois le dire,
22:33de Sheikheba Achemi,
22:35qui est une amie très chère
22:37qui a créé cette association
22:39qui s'appelle Afghanistan Libre.
22:41Qui s'occupait des femmes
22:43qui s'occupent toujours.
22:45Et qui me dit,
22:47mais je voulais faire un défilé,
22:49et en fait, quand je lui en ai parlé,
22:51il y avait énormément de femmes que j'aimais.
22:53Et de femmes qui avaient traversé ma vie
22:55et qui avaient plus de 50 ans.
22:57Et en en parlant, elle me dit,
22:59mais il faut faire une association là-dessus.
23:01Et j'ai enchaîné, parce que
23:03effectivement, je trouve que ça manquait
23:05beaucoup de visibilité.
23:07L'important dans la mode, c'est de voir.
23:09C'est de donner à voir.
23:11Il y a eu une grande visibilité des femmes depuis de 50 ans.
23:13Et là, oui,
23:15il y a eu 50 femmes depuis de 50 ans qui ont défilé.
23:17Et c'était surtout sur un mode
23:19très léger, très gai.
23:21Ce n'était pas du tout donneur de leçons.
23:23Moi, j'aime bien faire passer
23:25des messages comme ça.
23:27Je ne suis pas une intellectuelle.
23:29Je ne suis pas une militante.
23:31Je suis féministe dans l'âme.
23:33Mais je préfère le montrer
23:35de cette manière-là.
23:37Il y avait Maria James, il y avait Lio,
23:39il y avait plein de femmes.
23:41Et tout était, j'ai vu dans un extrait télé,
23:43tout était joyeuse, heureuse d'être là.
23:45Oui, parce que
23:47parce qu'en fait, il y a quand même
23:49plein de choses qui sont formidables
23:51quand on a plus de 50 ans.
23:53Alors, c'est un peu
23:55angélique de dire ça, mais il y a
23:57une liberté qu'on peut
23:59gagner. Elle est souvent payée
24:01assez cher. Toutes les femmes dont vous parlez
24:03l'ont payée cher, cette liberté.
24:05Mais quand on l'a, ça peut nous rendre
24:07gaies, joyeuses et drôles.
24:09Et c'était un petit peu ce que j'avais envie de montrer
24:11lors de ce défilé.
24:13Oui, c'était aussi un pied de nez au jeunisme.
24:15Et c'était un pied de nez au jeunisme.
24:17Et c'est aussi un pied de nez à une vision de la mode
24:19que la mode a des femmes
24:21depuis de 50 ans, qui quand même,
24:23même si aujourd'hui on en voit plus,
24:25elles sont toutes
24:27très minces, iconiques.
24:29En général,
24:31moi j'adore, mais ça va, de Charlotte Rampling
24:33en passant par Jane Birkin
24:35et tout ça, que des femmes
24:37iconiques et donc
24:39c'est pas non plus représentatif
24:41de la femme de plus de 50 ans.
24:43La première et la plus célèbre jeune
24:45a été Twiggy en son temps à Londres
24:47qui a fini avec
24:49un award dans une comédie
24:51musicale à Broadway et qui a
24:53ensuite tranquillement grossi.
24:55C'est le genre de
24:57photos qu'on voit dans ce défilé
24:59qu'on n'imagine pas dans les magazines de mode.
25:01Pas du tout.
25:03Et surtout,
25:05ce qui était intéressant, c'était de mélanger.
25:07Moi j'aime bien le côté mélangé, c'est-à-dire
25:09je trouvais intéressant d'avoir aussi des
25:11journalistes, il y avait Catherine Sélac,
25:13il y avait aussi
25:15des écrivains,
25:17il y avait des femmes d'affaires.
25:19Ce qui est intéressant, c'est de montrer
25:21la
25:23multiplicité
25:25ou la variété,
25:27la diversité de ces femmes.
25:29Et moi j'ai trouvé
25:31le mannequin le plus âgé du monde,
25:33elle s'appelle Carmen de Loréfice, elle a 92 ans,
25:35elle est blonde aux yeux verts et elle travaille
25:37encore aujourd'hui.
25:39Le concept
25:41de ménagère de moins de 50 ans, ça a été
25:43créé je crois en 89,
25:45par rapport au pouvoir d'achat
25:47plus élevé à cette
25:49tranche d'âge.
25:51Mais ce n'est pas ce qui vous concernait, parce que finalement
25:53vous avez créé autre chose pour ces femmes.
25:57En fait, moi je n'ai jamais pensé
25:59à l'âge quand je fais quelque chose.
26:01Je pense plus à un style de
26:03femme, à une famille de femmes.
26:05Donc à partir du moment où on
26:07habille une famille de femmes,
26:09je pense que
26:11ça traverse l'âge.
26:13Et puis vos débuts justement,
26:15vous avez toujours créé, vous avez commencé
26:17avec je crois 3000 euros et des
26:19petites robes noires, de coiffure à 200 robes noires.
26:21Oui,
26:23je me suis retrouvée dans une session un petit peu
26:25compliquée, donc je crois que
26:27je devais avoir l'équivalent de
26:293000 euros.
26:31Donc j'avais une collection de
26:33ce qu'on appelle les petites robes noires,
26:35exactement. Je suis allée, je me
26:37rappelle, les présenter dans
26:39un panier, parce que j'avais toujours des
26:41grands paniers, chez Victoire,
26:43au Garry Lafayette et au Printemps.
26:45Et une fois que j'avais dépassé mon quota,
26:47les ventes étaient... c'était
26:49fini, on ne pouvait plus commander.
26:51Et ça a commencé comme ça, oui.
26:53Avec des stringles dans mon studio qui était
26:55dans l'île Saint-Louis, où toutes les robes étaient
26:57accrochées, et
26:59c'était... les débuts
27:01étaient comme ça. Des robes noires
27:03ressemblant un peu à celles que portait Edith Piaf à la scène.
27:05Un peu plus sexy quand même.
27:07La première petite robe noire
27:09en scène, c'est pas Edith Piaf, c'est Damia,
27:11qui était une chanteuse des années 30, et
27:13Piaf s'est inspirée de ça pour créer
27:15sa robe. C'est génial
27:17que vous nous disiez tout ça.
27:19Il y a eu aussi des articles, les premiers articles, qui vous ont
27:21porté bonheur. Je crois que Marie-Claire est le premier journal
27:23à avoir parlé de vous.
27:25Marie-Claire, ils m'ont beaucoup soutenue.
27:27J'aimais beaucoup les rédactrices
27:29en chef.
27:31C'était des femmes qui étaient
27:33terriblement érudies.
27:35Et qui connaissaient l'art, qui connaissaient
27:37les journalistes, toute l'équipe du
27:39Marie-Claire, moi je les connais moins maintenant,
27:41mais c'était vraiment des femmes qui
27:43connaissaient leur métier,
27:45et qui avaient une ouverture d'esprit très large.
27:47Donc,
27:49c'est vrai
27:51que j'ai eu ce plaisir-là
27:53de faire pas mal de choses avec elle.
27:55Et puis, vous ouvrez enfin votre boutique
27:57dans un lieu historique, la Galerie Vivienne,
27:59qui est un des plus beaux lieux de Paris.
28:01Alors,
28:03quand j'ai vu la Galerie Vivienne,
28:05j'étais à l'époque avec un groupe,
28:07associé à un groupe,
28:09et on cherchait un lieu, c'était en
28:1198, un lieu
28:13un peu emblématique pour faire ce qu'on appelle
28:15en anglais, les flagships.
28:17Je trouve assez prétentieux pour moi.
28:19Je sais pas ce que ça veut dire.
28:21Flagship,
28:23ça veut dire que c'est votre
28:25bateau, votre emblème.
28:27Et en fait,
28:29cette partie de la galerie était
28:31complètement morte à l'époque. Il y avait juste
28:33les caves Legrand, c'est déjà énorme.
28:37Mais j'ai eu un coup de foot pour le lieu.
28:39Et petit à petit, cette galerie
28:41est devenue de plus en plus vivante.
28:43Et maintenant, il y a même des jours où on a du mal
28:45à marcher, tellement il y a du monde.
28:47Vous êtes toujours là.
28:49Ces grands groupes au départ, c'était pas simple de les trouver
28:51car quand on débute, même les banques
28:53vous font pas confiance.
28:55Les banques
28:57vous font pas confiance.
28:59Les banques vous demandent toujours des cautions.
29:01Maintenant, je crois que ça a changé.
29:03Ils ne croient plus rien, du tout.
29:07Je pense que la difficulté, c'est pas
29:09tellement de commencer, je trouve que c'est de durer
29:11qui est très difficile.
29:13L'aventure, c'est ça, c'est de durer.
29:15Et vous avez énormément travaillé.
29:17Énormément. Pendant des années.
29:19Ah oui, je travaille toujours d'ailleurs.
29:21Énormément.
29:23Mais vous avez aussi beaucoup voyagé.
29:25Ça vous a beaucoup apporté, Nathalie Garçon.
29:27Alors moi, je crois
29:29que si je suis encore là aujourd'hui, c'est parce que
29:31justement, j'ai passé presque
29:33la moitié de mon temps à
29:35être dans des pays lointains, comme on dit.
29:37Voilà. Pour voir ce qui se passait ?
29:39Pour travailler,
29:41pour faire fabriquer,
29:43aussi pour vendre, parce que j'avais des clients
29:45dans beaucoup de pays.
29:47La Russie, les Etats-Unis,
29:49tous les pays dans lesquels la mode française est présente.
29:51On est bien représentés.
29:53Et puis aussi pour la fabrication.
29:55Et ça m'a beaucoup, beaucoup
29:57apporté.
29:59Et puis cet échange comme ça, avec des gens
30:01qui ne parlent pas la même langue que vous,
30:03qui n'ont pas du tout les mêmes valeurs, mais avec qui
30:05on trouve un terrain d'entente
30:07tacite, je trouve ça magique.
30:09Et puis un jour, vous avez vu,
30:11Nathalie Garçon, débouler
30:13Galerie Vivienne, une vingtaine de Chinois
30:15venus vous faire une proposition.
30:17Oui.
30:19Pour devenir directrice artistique
30:21d'un groupe chinois. C'était ça ?
30:23Oui, c'est ça.
30:25Oui, j'ai été directrice artistique
30:27d'un groupe chinois pendant plus de 12 ans.
30:29Une fois par mois,
30:31j'allais en Chine.
30:33C'est fou, parce que Pierre Cardin, on sait, a eu
30:35le génie d'ouvrir des usines en Chine
30:37et d'habiller les ouvriers chinois.
30:39Mais comment les Chinois sont arrivés vers vous, Nathalie Garçon ?
30:41Alors, en fait, ils ont débarqué
30:43Galerie Vivienne, mais avant, ils m'ont trouvé
30:45sur un salon où j'étais esselée
30:47à Beijing,
30:49où j'étais absolument effondrée,
30:51parce qu'il n'y avait personne qui passait sur mon stand.
30:53Et tout d'un coup, je vois une petite Chinoise
30:55qui arrive et qui,
30:57avec l'aide de la
30:59traductrice, m'explique
31:01si cela m'intéresserait de faire
31:03une collection pour
31:05un gros groupe chinois.
31:07Et j'ai dit oui.
31:09Donc, dans la seconde, ils ont débarqué à Paris.
31:11Voilà, c'est des gens...
31:13Moi, j'ai gardé un souvenir extraordinaire de tout ça.
31:15C'est comme une
31:17BD, quoi. Enfin, c'était une BD
31:19sur pattes, tout ça.
31:21C'est-à-dire, ils étaient là, et ça avançait, ça fonçait ?
31:23Ça avançait, ça fonçait, c'était des conditions
31:25très dures, parce que
31:27la Chine, c'était... On parle de ça
31:29il y a 25 ans,
31:31et franchement,
31:33c'était Shanghai... Enfin, c'était pas Shanghai,
31:35parce que Shanghai, c'est très agréable, mais c'était vraiment
31:37la Chine du Sud, ou alors
31:39carrément au Nord, dans des usines.
31:43Mais, ça m'a...
31:45J'étais dans une machine à laver,
31:47et ça m'a fait du bien. On sort de son confort.
31:49Voilà, et là, vous avez beaucoup travaillé.
31:51Et la Chine
31:53était le moteur de la reprise des exportations
31:55de mode française en 2021.
31:57Ça a permis
31:59à la mode de s'exporter.
32:01Ah oui, absolument.
32:03Ils sont très demandeurs.
32:05Après, à un moment donné,
32:07ce sont des...
32:09Ils ont une philosophie
32:11qui est intéressante, c'est-à-dire que
32:13quand ça marche pas, ils trouvent que nous,
32:15on s'obstine. Ils disent, vous, vous vous obstinez
32:17à essayer d'ouvrir une porte qui ne s'ouvre pas.
32:19Nous, on contourne la porte.
32:21Donc, en fait, ce sont des gens qui changent très vite
32:23de sujet ou d'objectif.
32:25Donc, il faut vraiment
32:27les suivre, parce que ça change d'objectif
32:29très vite.
32:31Vous auriez pu les suivre longtemps,
32:33parce qu'ils vous ont proposé de travailler complètement avec eux.
32:35Oui, mais là, j'ai dit non. Là, j'ai dit, je m'installe pas en Chine.
32:37Vous aviez d'autres choses à faire,
32:39et notamment
32:41d'aller dans un univers très différent,
32:43par exemple, celui de l'opéra.
32:51La Flûte enchantée,
32:53créée le 30 septembre 1791
32:55à Vienne,
32:57vous avez créé les costumes
32:59de cet opéra
33:01pour l'opéra en plein air, mis en scène par
33:03Caroline Huppert. Oui, c'était vraiment
33:05une rencontre formidable.
33:07On s'est très, très bien entendus, et c'était
33:09très gai aussi. C'était un truc de fou.
33:11Moi, j'avais
33:13jamais fait de costumes d'opéra.
33:15Et je dois dire que ça avait été
33:17une sacrée aventure.
33:19Et les opéras
33:21en plein air avaient été créés
33:23par Tristan Duval.
33:25Qui a été maire de Cabourg.
33:27Et c'était
33:29au Sénat, dans des châteaux,
33:31c'était exceptionnel. Oui, absolument.
33:33C'était exceptionnel.
33:35C'était vraiment
33:37un moment
33:39suspendu pour moi. Il y a eu des choses
33:41très insolites que vous avez faites dans votre carrière.
33:43Notamment, je crois qu'il y a eu un retour aux sources
33:45à Cannes, au Majestic, avec une bouteille
33:47de champagne. Ah oui, j'ai fait un bar
33:49à Champagne, au Majestic,
33:51et j'étais
33:53la marraine de la Louise,
33:55la cuvée Louise
33:57de Pomery,
33:59qui est une merveilleuse cuvée de champagne.
34:01Et en tant que marraine,
34:03j'ai demandé à faire le bar
34:05à Champagne de l'Hôtel Majestic
34:07pendant le festival.
34:09Donc ça, c'était très sympa aussi, parce que j'adore
34:11le champagne. Et puis, vous avez aussi
34:13créé une collection de chaussures pour André.
34:15Ça, c'est assez étonnant. Ah oui.
34:17Elles sont
34:19toujours d'actualité.
34:21J'en suis très fière de cette collection.
34:23Et ils m'ont fait une confiance
34:25absolue. Elles étaient
34:27incroyablement coutures,
34:29incroyablement bien faites. Je crois que
34:31j'aurais jamais pu les faire avec qui que ce soit
34:33d'autres. Et
34:35voilà, ça a été un one-shot.
34:37Mais je les ai toujours, et
34:39elles vont toutes défiler le 19.
34:41Voilà. On va parler du 19, mais
34:43je précise qu'André a un slogan,
34:45le chausseur sachant chausser,
34:47difficile à dire, qui a été trouvé
34:49par Charles Trainet et Johnny S. à leur début, en
34:511936, sur Radio Cité.
34:53Et ça a lancé les chaussures André.
34:55C'est formidable.
34:57J'adore, j'adore. Je crois que
34:59vraiment, c'est formidable d'être là.
35:01Et bien, c'est un bonheur qu'on va continuer ensemble
35:03avec la date du 19 novembre
35:052024. A tout de suite sur Sud Radio
35:07avec Nathalie Garçon.
35:09Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
35:11Sud Radio, les clés d'une vie. Mon invité
35:13est Nathalie Garçon. Donc, on a évoqué
35:15votre parcours dans la mode. On en sait un peu plus
35:17sur vous maintenant, sur vos débuts,
35:19sur vos voyages, sur
35:21tout ce que vous avez fait. Et puis, ce sont vos
35:2335 ans de carrière. Et le 19
35:25novembre, dans quelques jours, vous organisez
35:27alors, je ne sais pas, le mot ne me plaît pas beaucoup
35:29mais il y en a d'autres, une closing party
35:31à l'Hôtel Raphael, c'est-à-dire un défilé
35:33exceptionnel pour vos 35 ans
35:35de carrière. Alors, en fait,
35:37je comprends, je vais vous expliquer.
35:39C'est une rencontre avec
35:41Véronique Refker, qui est donc
35:43la propriétaire de cet hôtel.
35:45C'est une famille. C'est une famille,
35:47voilà. Et en fait,
35:49l'hôtel va fermer pour de gros travaux.
35:51Donc, il y a toujours une soirée,
35:53ce qu'on appelle la closing party, que vous n'aimez pas.
35:55La clôture.
35:57La clôture, voilà.
35:59Et elle m'a dit, est-ce que
36:01tu ne voudrais pas faire un défilé ? Or, moi,
36:03j'ai une petite collection maintenant, parce que je travaille vraiment
36:05avec des artisans
36:07et des petits ateliers. Donc,
36:09j'ai toujours des toutes petites productions.
36:11Donc, je ne pouvais pas vraiment faire un défilé.
36:13D'abord, je ne fais plus de saison.
36:15Donc, je suis hors circuit là-dessus.
36:17Par contre, je lui ai dit, ce qui pourrait être drôle,
36:19c'est de faire, de ressortir
36:2135 ans de mode
36:23de mes archives
36:25et de les présenter sur
36:27des femmes qui ont traversé cette vie.
36:29Et elle m'a dit, elle m'a fait confiance
36:31et ça, c'est vraiment
36:33la preuve aussi d'une complicité
36:35féminine que je trouve
36:37importante. Et donc, on va faire ce défilé
36:39qui va être comme ça, sous cet angle.
36:41Alors, un défilé avec des personnalités
36:43que vous avez choisies, des amis
36:45et pas des gens forcément qu'on retrouve
36:47forcément à la une des journaux régulièrement.
36:49Non, il y a de tout.
36:51Mais, il y a de tout.
36:53Il y a des amis, il y a des clientes,
36:55il y a des artistes,
36:57il y a des comédiennes, il y a des journalistes,
36:59il y a des hommes aussi.
37:01Mais ce sont des gens, en tout cas, qui
37:03à un moment donné, ont compté.
37:05Et des gens qui ont accepté de jouer
37:07le jeu de ceux qui n'ont jamais défilé.
37:09Non, non. Alors, il y a aussi
37:11trois anciens mannequins que j'ai aimés.
37:13Parce qu'il y en a aussi
37:15qui ont fait partie de ma vie.
37:17Elles n'étaient pas toutes anorexiques.
37:19Et elles ont bien sûr
37:21accepté. Et c'était même
37:23souvent elles qui me l'ont proposé.
37:25C'est plutôt dans ce sens-là
37:27que ça s'est passé.
37:29Et vous aviez conservé vos archives, Nathalie Garçon.
37:31Alors, un vrai bordel, par contre.
37:33C'est pour ça que là, c'est compliqué
37:35parce que c'est pas du tout une reconstitution
37:37parfaite, comme
37:39font certaines marques, comme a fait, par exemple,
37:41pour une exposition Chantal Thomas.
37:43Moi, j'ai des vêtements
37:45depuis 35 ans
37:47qui sont... J'ai plus
37:49les silhouettes complètes. Donc, je vais les mélanger
37:51avec des vêtements d'il y a 10 ans,
37:53avec un jean qui sera celui
37:55de... Ariane Massé va mettre son jean.
37:57Une autre... Voilà. Donc, ça va être
37:59une espèce de mélange comme ça.
38:01Et en même temps, c'est intéressant parce que ça veut dire que
38:03ce sont des vêtements
38:05qu'on peut vraiment garder.
38:07Je vais avoir essentiellement
38:09des vêtements d'il y a 35, 25,
38:1120, 15 ans.
38:13Donc, c'est pas de la fast fashion, en tout cas.
38:15Oui, mais en les retrouvant, vous avez constaté
38:17qu'ils n'étaient pas aussi démodés qu'on pourrait imaginer.
38:19Alors, après, je constate
38:21vraiment que tout dépend de la manière
38:23dont on les porte.
38:25À part certains... Moi, je suis pas dans l'excès
38:27au niveau des coupes.
38:29J'ai jamais fait des épaulettes surdimensionnées,
38:31des choses comme ça. Donc, en fait,
38:33ce sont des pièces
38:35qu'on peut vraiment porter
38:37différemment, selon la manière
38:39dont on l'accessoirise.
38:41Un défilé, ça se répète
38:43normalement. Vous allez répéter
38:45à l'Hôtel Raphael ? On va répéter.
38:47Et ce sera où ? Dans les salons de l'Hôtel Raphael ?
38:49On va faire ça dans l'entrée, dans la grande
38:51entrée du Raphael.
38:53Et puis, dans le restaurant, on va
38:55envahir le rez-de-chaussée.
38:57C'est un hôtel où il y a quand même beaucoup de fantômes.
38:59Walt Disney y a habité,
39:01Eva Gardner, Catherine Hepburn.
39:03Il y a une photo où on voit
39:05révéler sa liaison avec Spencer Tracy.
39:07Et il y a même Robert
39:09de Niro qui a appelé son fils Raphael
39:11après avoir séjourné à l'Hôtel Raphael.
39:13C'est génial, ça. Est-ce qu'ils sont au courant
39:15de tout ça ? Je ne sais pas. Je pense, oui.
39:17Alors, ça veut dire aussi
39:19un travail
39:21précis. Beaucoup de gens autour de vous,
39:23pour que ces 35 personnes défilent, ou 40 personnes
39:25défilent. 50 !
39:29Vous voulez dire pas mal de personnes autour
39:31de moi qui travaillent avec moi ? Oui.
39:33On n'est pas très nombreux.
39:35Parce que, moi, j'aime pas travailler
39:37en grand nombre. Je préfère faire pas
39:39mal de choses moi-même.
39:41Et puis, là aussi, je travaille avec des gens que j'aime
39:43beaucoup, que je connais
39:45depuis longtemps. Et puis, quelques jeunes
39:47qui sont super, qui sont fans
39:49de ce qu'on a
39:51tous fait il y a 35 ans. C'est ça qui est assez
39:53drôle. Donc, c'est très
39:55agréable de les avoir à mes côtés.
39:57Et on se rend compte combien la mode était différente il y a 35 ans ?
39:59Alors, elles se rendent compte, oui.
40:01Elles sont... Parce que j'ai quelques jeunes
40:03femmes qui travaillent avec moi, là, qui ont
40:0522, 23 ans. Alors, chaque
40:07fois qu'on sort une pièce, elles sont
40:09estomaquées. C'est-à-dire ?
40:11Ah, mais qu'est-ce que c'est bien fait !
40:13Mais c'est incroyable ! Mais on peut plus faire ça !
40:15Mais on voit plus ça !
40:17Donc, je me demande...
40:19Quelquefois, je me dis, ah bon, c'est à ce point ?
40:21Il y a un tel décalage ?
40:23Mais sans jouer à la nostalgie,
40:25comment expliquer qu'on ne les voit plus aujourd'hui ?
40:27Je ne sais pas.
40:29Je pense que les tissus, aussi, ont changé.
40:31On travaillait avec... Il y a beaucoup
40:33de filateurs qui ont disparu.
40:35Il y a beaucoup de brodeurs qui ont
40:37disparu. Enfin, il y a beaucoup de choses qui, malgré...
40:39Alors, je ne parle pas de la haute couture.
40:41La haute couture peut tout se permettre.
40:43Mais, effectivement, je pense que pour les jeunes
40:45qui vont dans les magasins où elles ont l'habitude
40:47d'aller, c'est très répétitif.
40:49Oui. Et puis, il y a la mode
40:51et il y a le reste. Moi, j'ai constaté au Moulin Rouge,
40:53en allant traîner là-bas,
40:55qu'il y a des tas d'artisans du quartier qui allaient
40:57disparaître, qui ont été rachetés par le Moulin Rouge
40:59pour ne pas disparaître. Des brodeurs,
41:01des plumaciers. C'est ce que font les
41:03très grandes marques. C'est ce que fait Chanel,
41:05c'est ce que fait Hermès, Dior.
41:07Eux, ils font ça. Et heureusement.
41:09Heureusement qu'ils le font. Et quand vous voyez
41:11tout ce que vous avez fait depuis 35 ans,
41:13vous êtes surprise,
41:15Nathalie Garçon ?
41:17Alors, moi, je me considère
41:19très proche des chefs en cuisine.
41:21C'est-à-dire que
41:23j'ai un métier qui est à emporter tout de suite.
41:25J'ai toujours considéré que c'était pas
41:27justement... Les archives,
41:29c'est assez antinomique avec ce que je suis.
41:31Parce que je compare mon métier
41:33avec celui des chefs. C'est de l'instant.
41:35C'est-à-dire que
41:37je fais mon marché comme
41:39les chefs font leur marché. Je fais
41:41avec ce que je trouve, maintenant.
41:43Je pense
41:45qu'il faut que les gens aiment
41:47tout de suite. Il faut pas qu'ils aiment
41:49dans 10 ans. Un magasin
41:51comme le mien, il faut qu'il tourne.
41:53Il faut qu'il trouve une clientèle.
41:55Je n'ai pas de regard
41:57sur ce que j'ai fait précédemment.
41:59J'ai pas de retour en arrière.
42:01Non, mais vous vous êtes étonnée que vous aviez oublié
42:03certaines choses. J'avais oublié.
42:05Ça, par contre, j'avais vraiment oublié.
42:07Je me fais même un peu engueuler par la personne
42:09qui m'aide, Sophie Guyot, qui me dit
42:11« Mais t'aurais dû me sortir ça tout de suite ! Pourquoi t'attends
42:13le dernier jour ? »
42:15« Mais tu te rends pas compte ! »
42:17Sophie me fait la même réflexion.
42:19Tu as oublié des choses.
42:21Alors, Nathalie Garçon, c'est aussi
42:23un défilé de transmission, puisqu'il y a votre fils
42:25Émile Garçon qui est
42:27dans l'aventure.
42:29J'ai un fils, mon fils aîné, qui est
42:31designer et qui fait
42:33aussi de l'architecture intérieure.
42:35Et qui, pendant le Covid, est venu avec moi en Tunisie
42:37parce que maintenant je travaille là-bas.
42:39J'ai des ateliers là-bas de brodeuses
42:41et de confections pour des
42:43mini-collections.
42:45Et il s'est mis à faire des chemises d'hommes
42:47avec des foulards anciens, en soie.
42:49Et à récupérer
42:51des pièces de couture,
42:53mais pour hommes.
42:55Des couturiers américains ou des couturiers anglais.
42:57Parce qu'il y a beaucoup de couturiers anglais aux fripes.
42:59Et il les retransforme
43:01complètement.
43:03Je crois qu'au départ, il a fait ça un peu pour s'amuser.
43:05Pas pour faire
43:07comme moi, mais pour...
43:09« Je vais faire plaisir à ma mère. »
43:11Et en fait, ça marche très bien.
43:13Il est très content et je suis ravie de voir
43:15qu'il commence à être passionné par le sujet.
43:17La Tunisie, justement,
43:19c'est aujourd'hui votre seconde patrie.
43:21Comment c'est arrivé ?
43:23Par amitié.
43:25J'ai des amis.
43:27Je trouve que les femmes tunisiennes sont incroyables.
43:29Je pense que vous connaissez
43:31bien l'histoire de la Tunisie.
43:35J'ai commencé à y aller par amitié.
43:37Et comme partout, je commence à chercher
43:39toujours un ou deux artisans parce que je m'ennuie en vacances.
43:41Et puis petit à petit,
43:43je me suis dit que c'est à deux heures de Paris.
43:45Les gens sont formidables.
43:47Je pourrais très bien
43:49me faire fabriquer en Tunisie
43:51au lieu d'aller à l'autre bout du monde.
43:53Parce qu'il y a un savoir-faire.
43:55Je ne pars pas à l'autre bout du monde uniquement.
43:57Ce n'est pas une question de prix parce que je paye
43:59des prix qui sont
44:01équivalents aux prix français.
44:03Mais en tout cas,
44:05il y a un savoir-faire.
44:07Je peux faire des pièces uniques.
44:09Je peux faire des broderies
44:11très particulières.
44:13C'est comme ça que je me suis installée
44:15petit à petit là-bas.
44:17Vous avez pratiqué avant tout le monde
44:19le recyclage.
44:21Oui.
44:23La Tunisie est la plaque tournante des fripes
44:25d'Afrique.
44:27J'ai toujours été à la pêche
44:29que ce soit
44:31aux puces
44:33à Serpette, à Paulbert.
44:35J'ai toujours passé ma vie là.
44:37Pareil pour les fripes.
44:39En Tunisie, j'étais absolument
44:41ébahie par tout ce qu'on peut trouver.
44:43Je me suis dit, on va en faire
44:45il y a déjà 18 ans maintenant.
44:4715 ans, oui.
44:49Je vais leur donner
44:51une seconde vie.
44:53Ce qui est assez récurrent aujourd'hui
44:55comme formule mais qui est vrai.
44:57Je les recoupe,
44:59je les transforme,
45:01je change les doublures,
45:03je fais des broderies à la main,
45:05ça devient vraiment des pièces complètement transformées.
45:07C'est à tel point que vous avez
45:09organisé un second défilé
45:11Over 50 en Tunisie.
45:13Oui.
45:15C'est un défilé
45:17que j'ai fait sur Over 50.
45:19J'ai fait une exposition
45:21Reborn by Nathalie Garçon
45:23sur le recyclage. Une très grosse exposition
45:25en Tunisie pour justement
45:27montrer à quel point
45:29ces fripes sont une vraie richesse pour le pays
45:31et pour les créateurs.
45:33Vous y avez pensé avant tout le monde, Nathalie Garçon.
45:35Oui.
45:37C'était instinctif.
45:39Par nécessité aussi.
45:41Parce que j'avais envie d'avoir des très belles pièces,
45:43de très belles vestes
45:45et j'avais plus en Tunisie.
45:47C'était un peu compliqué de faire faire des choses
45:49que je faisais d'habitude dans d'autres pays.
45:51Donc je me suis dit, je vais utiliser
45:53ces très belles pièces que je trouve qui sont des pièces
45:55anciennes des années 50
45:57et je vais les
45:59recouper, les retailler.
46:01Je me suis servi de ces
46:03pièces comme de la matière première.
46:05En fait, c'est une matière première.
46:07Oui. En même temps, pour vous lancer dans cette aventure,
46:09vous avez fermé 400 points de vente,
46:11vous étiez tranquille, tout allait bien et vous êtes repartie
46:13de zéro.
46:15Disons que j'ai arrêté de distribuer. Oui, j'ai dit
46:17j'arrête. Je préfère vivre
46:19petit.
46:21Petit, ce n'est pas un mot que je trouve
46:23très flatteur.
46:25En tout cas, d'être
46:27un artisan.
46:29Voilà.
46:31Je ne supportais plus cette course en avant
46:33et d'avoir tout le temps des contacts
46:35avec les banques,
46:37avec les commerciaux,
46:39avec les clients. Je trouvais que c'était
46:41plus mon métier.
46:43Et le 19 novembre, vous retrouvez donc le Raphael.
46:45Vous alliez souvent au Raphael ?
46:47Très souvent.
46:49J'adore cet endroit, j'adore l'Origina aussi.
46:51J'adore les gens
46:53qui s'en occupent.
46:55Je trouve que c'est encore une chaîne
46:57d'hôtels qui reste
46:59terriblement parisienne.
47:01Et je pense que vous avez un jour
47:03ou l'autre croisé au Raphael
47:05celui dont vous allez entendre la voix.
47:07Je fais des trous, des petits trous,
47:09encore des petits trous.
47:11Serge Gainsbourg a
47:13habité le Raphael, vous l'avez croisé.
47:15Je l'ai croisé, oui, absolument.
47:17C'est assez tendance que moi, j'ai interviewé régulièrement.
47:19Au micro, il parlait, on ne comprenait rien
47:21et dès que le micro se fermait, il parlait normalement.
47:23Comme moi un peu, non ?
47:25C'était volontaire chez lui.
47:27C'était un numéro qu'il faisait.
47:29Il était toujours au bar et à écrire des chansons.
47:31Oui, je m'en rappelle très bien.
47:33C'est vraiment un hôtel
47:35où je crois que tout le monde a...
47:37Je ne sais pas, il y a énormément de gens qui ont une vraie
47:39affection pour ce lieu et d'ailleurs
47:41ils ne vont pas toucher au bar.
47:43C'est-à-dire ?
47:45Les travaux qui vont avoir lieu,
47:47apparemment, ne touchent absolument pas le bar,
47:49la décoration et tout ça.
47:51Ce sont des travaux plutôt
47:53sur l'électricité et les bases.
47:55Et vous, vous restez une femme branchée
47:57avec ce défilé justement,
47:59mais l'avenir maintenant, qu'est-ce que c'est ?
48:01L'avenir pour qui ?
48:03Pour vous !
48:05Alors moi, je pense
48:07au jour le jour, je m'adapte.
48:09Je pense que l'avenir, c'est s'adapter
48:11en permanence.
48:13C'est un travail quotidien
48:15d'adaptation.
48:17Et vous dites que vous donnez un avenir au passé.
48:19Et je donne un avenir au passé, absolument.
48:21Je trouve que c'est très joli cette formule.
48:23C'est-à-dire ?
48:25C'est un avenir au passé.
48:27C'est moins usiter
48:29que redonner vie
48:31au passé.
48:33Mais en tout cas,
48:35c'est en permanence retravailler
48:37sur cette source qui est notre passé,
48:39qui sont nos souvenirs,
48:41et en faire quelque chose de neuf.
48:43Donc,
48:45c'est vrai que je travaille comme ça, oui.
48:47Et en inventant sans cesse, Nathalie Garçon.
48:49En étant créatif, oui.
48:51Il faut être créatif.
48:53Et c'est ça qui vous permet de continuer ?
48:55Oui, mais je crois que c'est ce qui va nous permettre de continuer tous.
48:57Si on est créatif, autrement, ça va être dur.
48:59Je pense qu'il faut continuer ainsi.
49:01Merci, Nathalie Garçon. Bravo pour
49:03ses 35 ans de carrière.
49:05Et puis, continuez à œuvrer pour la mode,
49:07celle que vous aimez, celle que nous aimons.
49:09Merci beaucoup.
49:11Merci. L'éclat d'une vie, c'est terminé pour aujourd'hui.
49:13On se retrouve bientôt. Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.