Jacques Pessis reçoit Valérie Fayolle : journaliste à France 24, elle a également signe des chansons, une pièce de théâtre et des romans. Le dernier : « La robe du jaguar se déroule dans une jungle encore plus dangereuse que celle des médias » (Éditions Récamier).
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-05-28##
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NewsTranscription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessus.
00:03 Les clés d'une vie, celles de mon invité.
00:05 Le journalisme menant à tout, à condition de ne pas en sortir tout à fait.
00:09 Vous avez exercé ce métier, mais aussi signé des chansons, une pièce de théâtre et des romans.
00:14 Le dernier vous permet d'être considéré comme une femme de lettres, puisqu'il est épistolaire.
00:18 Bonjour Valérie Fayol.
00:20 Bonjour Jacques, merci de m'accueillir.
00:21 C'est une joie de vous recevoir parce qu'en plus, on vous connaît à travers la télévision, à travers France 24, vos émissions.
00:26 Et puis il y a des tas d'activités à côté, c'est assez rare pour un journaliste ou une journaliste de les exercer.
00:32 Donc on va les évoquer à l'occasion de la sortie de ce roman "La robe du jaguar" chez Ray Camier, dont on va parler tout à l'heure.
00:39 Avec plaisir.
00:40 Alors la première date que j'ai choisie, c'est le 4 septembre 1996, votre premier reportage sur cette chaîne.
00:48 [Musique]
00:52 Le journal de 20 heures de TF1, et j'ai trouvé un reportage qui semble-t-il le premier sur l'augmentation de la taxe foncière dans certaines communes.
00:59 Signé Valérie Fayol.
01:01 Je n'en ai pas de souvenir ému, mais si vous dites que c'est le premier, je vous crois sur parole.
01:06 Oui, il dure une minute quarante-cinq, et c'est la première fois que vous êtes signée sur cette chaîne de TF1.
01:11 D'accord.
01:12 Et vous allez d'ailleurs toucher à tous les sujets.
01:15 J'ai vu qu'il y avait aussi un concours de pêche au bord d'un étang.
01:18 Les remèdes miracles les excluent de l'assurance auto.
01:21 Oui, voilà. J'ai débuté au service consommation de TF1, pour le 13h et pour le 20h.
01:28 J'ai fait tous ces sujets-là, j'ai traité de tous ces sujets-là avant de basculer sur le service société et d'être en charge de l'aspect plus familial des choses.
01:40 On va en parler, mais surtout, c'est assez compliqué parce que vous arrivez sur un sujet qu'on vous donne et que vous ne maîtrisez absolument pas au départ.
01:47 Oui, c'est un peu le jeu. Et puis en plus, il faut aller vite quand on travaille pour les journaux d'information.
01:52 Forcément, il faut se dépêcher parce que le 20h, c'est à 20h. Le 13h, c'est à 13h.
01:58 Donc, oui, je débarque sur ce sujet-là, mais on était quand même très, très bien préparé à TF1 avec une équipe de documentalistes,
02:05 avec plein de gens pour vous aider, pour réfléchir à qui vous allez interviewer.
02:09 Donc, à TF1, c'est quand même une équipe. On ne travaille pas tout seul.
02:15 Voilà, mais c'est quand même il y a longtemps et il se trouve qu'à l'époque, les caméras n'étaient pas ce qu'on les gérait aujourd'hui,
02:21 des petits appareils photo, c'était autre chose.
02:23 Ah non, c'était des grosses, grosses caméras. Donc, on ne voyageait pas exactement les G, mais au moins, on avait de la belle image.
02:32 On a toujours de la belle image, mais en effet, les caméras étaient beaucoup, beaucoup plus lourdes.
02:36 On partait aussi avec un ingénieur du son. Donc voilà, on partait à trois.
02:39 Oui, en même temps, c'était des équipes, moi j'ai connu à TF1 des équipes où ils étaient proches de la retraite et ils employaient le matériel,
02:46 pas d'avant-guerre, mais tout juste.
02:48 Ah, moi, je ne trouve pas, je ne crois pas.
02:50 C'était les années 80.
02:52 Oui, moi, je n'ai pas ce souvenir-là. J'avais plutôt le souvenir, au contraire, d'équipes relativement, richement dotées, en tout cas, en matériel.
03:00 Alors, lorsqu'on a une jeune femme blonde qui arrive là-dedans, il faut se faire respecter aussi. Ce n'est pas simple.
03:06 Non, ce n'est pas simple. Donc, il faut faire ses armes et je crois que c'est partout.
03:11 Peut-être que le côté jeune fille blonde, en effet, n'aide pas exactement, mais voilà, j'ai fait mon petit bonhomme de chemin.
03:18 J'ai surtout eu la chance de rencontrer des gens qui m'ont fait confiance et voilà.
03:23 Oui, et puis en plus, vous êtes une observatrice et vous vous souvenez de tout ce qu'on vous raconte ou ce que vous voyez ?
03:29 Je me souviens de tout ce qu'on me raconte, de tout ce que je vois.
03:32 J'essaye en tout cas, parce que c'est mon métier premier, le reportage, donc c'est à rendre compte.
03:38 Donc, c'est forcément essayer d'écouter l'autre, de tendre le micro et puis de se souvenir de ce qu'il y a de plus intéressant
03:46 et de ce qu'il y a de plus important dans ce que l'autre vous a raconté.
03:50 Oui, et puis en même temps, vous êtes une privilégiée parce que vous rêviez d'exercer ce métier au départ.
03:54 Je rêvais d'exercer ce métier, oui. Je rêvais d'exercer ce métier. J'avais envie de faire un métier qui avait du sens.
04:00 Je trouvais que le journalisme, évidemment, en avait. J'avais envie d'informer.
04:04 Ensuite, j'ai fait un chemin un peu différent de l'information.
04:09 J'ai fait le chemin de l'information à quelque chose de plus "récréatif" avec la culture.
04:16 Mais au départ, oui, je voulais vraiment travailler pour les journaux d'information, pour le news. C'était important pour moi.
04:22 Et vous étiez enfant à Chauny, en Picardie.
04:25 Oui.
04:26 Il se trouve que Chauny, je ne sais pas si vous le savez, est située dans Gargantua.
04:29 Ah non ?
04:29 Rabelais fait allusion dans le chapitre 24. Il dit "Allez voir les battleurs, jongleurs et charlatans, ceux de Chauny en Picardie".
04:37 D'accord. Alors, je ne sais pas si je fais parler des battleurs ou des charlatans.
04:41 Non, je ne savais pas. Vous m'apprenez.
04:44 Alors, vous apprenez aussi à l'école quelques petites choses.
04:48 Mais ce n'est pas simple parce que vous êtes considéré au départ, notamment en maternelle, Valérie Fayol, comme une enfant turbulente.
04:54 Plus que turbulente, carrément débile.
04:56 C'est ce qu'a dit l'institutrice à ma mère.
04:59 En fait, il s'est avéré que je ne voyais rien.
05:02 J'étais astigmate et hyper métrope et on ne le savait pas.
05:05 Donc, j'avais beaucoup de mal à rentrer dans les apprentissages.
05:08 J'imagine, parce que j'en ai un souvenir évidemment un peu confus,
05:11 mais je pense que j'avais du mal à regarder, à comprendre, à lire.
05:15 Et donc, à la fin de la maternelle, ne respectant en général aucune consigne, mes parents ont été convoqués.
05:22 Et l'institutrice a eu ces mots un peu difficiles qui ont fait pleurer ma mère et sourire mon père.
05:29 "Votre enfant est débile, je ne sais pas ce que vous en ferez."
05:31 Donc, ça ne partait pas très bien.
05:32 Et puis, mon père était démonté quand voyant maman pleurer en lui disant "Enfin, tu plaisantes.
05:37 Tu ne vas quand même pas prendre pour argent content ce qu'elle te dit."
05:41 Mais quand même, voilà.
05:43 Donc, on est allé chez l'ophtalmo et là, la révélation, je ne voyais rien.
05:47 Lunettes et tout d'un coup, ça s'est amélioré. J'ai commencé à m'intéresser.
05:50 - Vous vous intéressez aussi à la lecture et à l'écriture, dès que vous aviez des lunettes.
05:54 - Oui, oui, oui. Et puis surtout, c'est passé par un cadeau qu'on m'a fait très très jeune.
05:59 Un journal intime, j'ai adoré.
06:01 Et pour la petite histoire, ce qui est drôle, c'est que la personne qui m'a offert ce journal intime,
06:07 c'est quelqu'un que je n'aime pas beaucoup.
06:09 C'était une amie de mes parents qui, n'ayant pas d'enfant, trouvait qu'on était très turbulent, très bruyant.
06:14 Donc, dès qu'elle arrivait, il fallait marcher sur des oeufs.
06:17 Donc, voilà. Et elle m'a offert cette dame que je n'aimais pas, un journal intime.
06:21 Et ça a été le plus beau cadeau de ma vie parce que j'ai tout de suite compris et ressenti
06:25 qu'on pouvait tout dire, que l'écriture pouvait être un espace où on dépose ses bagages, ses joies, ses peines.
06:31 Et puis quelque chose d'intime et de vrai.
06:35 Parce qu'on ne ment pas, on dit la vérité quand on écrit, surtout dans un journal.
06:38 - Et de 7 à 17 ans, vous avez tenu ce journal en gardant la clé sur vous pour que personne ne le dise.
06:44 - Exactement. Alors, pas toujours sur moi, mais bien, bien, bien caché dans ma chambre.
06:48 - Vous l'avez revu, ce journal intime ?
06:49 - Ah mais je l'ai ! Je l'ai, il est précieux.
06:51 C'est-à-dire que ça fait partie des objets collecteurs dans mon bureau.
06:54 Il est là. Je crois que j'ai perdu la clé.
06:56 Mais depuis, avec une épingle à cheveux, j'arrive à ouvrir.
07:00 - Je me suis un peu renseigné. Il y a eu un top 10 des journaux intimes les plus drôles du monde.
07:04 Et le plus drôle, celui qui arrive numéro 1, c'est "Chers journal, il m'arrive des choses terribles.
07:09 J'ai perdu mon cahier de religion. Je n'ai plus que deux heures pour le retrouver.
07:13 Sinon, qu'est-ce que je vais devenir ? Traverser le Sahara à pieds sans eau ou l'Antarctique en T-shirt et short ?"
07:18 - C'est qui ?
07:18 - C'est une Américaine, une jeune Américaine. Ils ont fait un championnat des journaux intimes.
07:23 - D'accord.
07:24 - Alors, en même temps, dans ce journal, comme dans la vie, vous êtes une rêveuse, Valérie Fayolle. Vous rêvez beaucoup.
07:29 - Oui, oui, oui. L'écriture, il faut forcément que ce soit quelque chose de réjouissant
07:35 et un chemin un peu parallèle à la réalité.
07:38 Donc, dans un journal, tout est possible. Donc, on s'invente mille vies.
07:42 Moi, j'ai été très rêveuse et je crois que je le suis toujours.
07:45 Je me raconte des tas d'histoires. J'ai une vie intérieure assez riche.
07:49 Je suis capable de me projeter dans plein de vies.
07:52 Je ne m'ennuie jamais. Et petite, c'était fabuleux.
07:56 J'embrassais tous les destins. Tout était possible.
07:59 Quand vous êtes enfant, tout est possible. Quand vous êtes adulte, il faut faire des choix.
08:03 Mais oui, oui, oui, j'étais très rêveuse.
08:05 - Et en même temps, vous étiez très sportive.
08:07 - Oui.
08:08 - Vous avez fait partie d'une équipe de gymnastique dans votre région.
08:11 - Oui, oui, oui. Je fais passer ma vie au gymnase.
08:14 C'est vrai que je rentrais de l'école et du collège et la première chose que je faisais,
08:18 c'était chausser mon juste corps et partir au gymnase.
08:22 J'ai adoré ça. C'était une école de la discipline, de la rigueur.
08:29 Et puis aussi, ce que j'aimais dans la gymnastique,
08:33 c'était le fait de participer aux compétitions en équipe.
08:38 Mais en même temps, quand vous êtes sur une poutre, vous êtes toute seule.
08:40 Si vous ratez votre flip arrière ou votre saut périlleux,
08:43 vous ne vous en voulez qu'à vous-même.
08:45 Et donc, j'aimais bien ce côté surpassement de soi.
08:48 On se dépasse et en même temps, on participe aux compétitions avec les équipes,
08:52 enfin avec les copines et ça devient une famille.
08:54 - Oui, alors il y avait aussi cette rigueur que vous aviez à l'école,
08:57 puisque malgré des débuts débiles, vous obtenez le bac avec la mention bien.
09:02 - Oui, oui, alors j'étais plutôt bonne élève.
09:04 Voilà, j'étais plutôt bonne élève. J'étais même plutôt très bonne élève.
09:07 J'ai passé toutes mes années et tous mes diplômes avec mention bien.
09:09 Voilà, je ne m'en félicite pas particulièrement,
09:13 mais voilà, c'était comme ça. C'était plutôt facile.
09:15 - Oui, mais sauf qu'ensuite, il fallait choisir un avenir
09:18 et vous étiez destinée au monde des affaires.
09:20 Et ça ne vous intéressait pas du tout, Valérie Fayol ?
09:22 - Non, pas du tout. Pas du tout.
09:24 Voilà, au grand désespoir de mes parents,
09:27 qui auraient bien aimé que je fasse une prépa HEC,
09:30 qu'une grande école de commerce.
09:32 C'était compliqué pour moi de me projeter dans un métier...
09:37 - Où il n'y avait pas de rêve. - Non.
09:38 - Voilà. - Non. Voilà.
09:40 Vous avez bien résumé.
09:41 - Donc, vous vous retrouvez au CELSA,
09:43 qui est une école qui prépare, je crois, à la communication.
09:45 - Exactement. - Et à la publicité.
09:46 - Et qui prépare aussi au journalisme.
09:48 Mais moi, je n'entre pas par la voie journalistique,
09:50 parce qu'à la maison, on m'a toujours dit,
09:52 "Voilà, on n'est pas des littéraires dans la famille.
09:55 Il faut faire des études de commerce."
09:58 Et donc, je me retrouve...
09:59 Donc, je ne postule même pas pour l'option journalisme.
10:02 Je postule pour l'option, en effet, communication.
10:06 Et je me retrouve dans quelque chose qui, finalement, est assez littéraire.
10:09 Et là, tout d'un coup, j'entrevois la possibilité de changer de chemin,
10:15 de bifurquer, de rattraper ce chemin qui me fait tant rêver,
10:20 qui est celui du journalisme,
10:21 que je vais donc m'attacher à suivre après le CELSA.
10:25 - Oui. Il y a eu l'école de journalisme,
10:26 et puis il y a eu d'abord un stage à FR3, je crois.
10:29 - Oui. - Et à LCI,
10:30 qui a été le point de départ de TF1.
10:32 - Exactement. J'ai commencé à LCI,
10:34 en faisant ce qu'on appelle du "desk",
10:38 donc des commentaires sur images.
10:41 Et puis, je vais commencer par "Découper les dépêches",
10:44 au tout début. - Comme tout le monde.
10:45 - Voilà, comme tout le monde, je vais découper les dépêches.
10:47 Et puis ensuite, j'ai passé un casting pour faire des commentaires sur images.
10:49 Et puis ensuite, je crois beaucoup aussi...
10:54 Alors évidemment, on saisit les opportunités,
10:56 mais la chance, elle y est pour quelque chose.
10:58 J'ai ensuite fait un stage à TF1,
11:00 et il se trouve que parce que j'étais en stage à LCI,
11:03 au lieu de commencer comme tous mes petits camarades en juin,
11:06 et puis de terminer fin août,
11:08 moi j'ai commencé en juillet, j'ai terminé fin septembre.
11:10 Donc étant la dernière dans la place,
11:13 quand il y a eu un congé à Martinique, j'ai pu m'engouffrer.
11:15 C'est comme ça que j'ai saisi ma chance, et voilà l'opportunité.
11:18 - Et il y en a eu une autre, et on va l'évoquer à travers une date
11:20 que vous n'avez pas oubliée, le 6 décembre 2006.
11:24 A tout de suite sur Sud Radio avec Valérie Fayol.
11:26 Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
11:30 - Sur Sud Radio, les clés d'une vie, mon invitée Valérie Fayol,
11:34 journaliste à France 24, mais aussi romancière.
11:37 Elle publie La Robe du Jaguar aux éditions RICAMIR.
11:40 On va en parler tout à l'heure parce que c'est une de vos activités.
11:43 Alors j'ai choisi la date du 6 décembre 2006.
11:46 Ça vous dit quelque chose ? Parce que ce jour-là,
11:48 on va vous voir à la télévision dans le monde entier.
11:50 - Oui, ça me dit quelque chose.
11:51 C'était quand même un grand moment d'anxiété.
11:55 C'était donc l'ouverture de la chaîne française d'information internationale France 24
12:00 à 20 heures précises.
12:02 Il y avait des écrans géants partout dans Paris,
12:05 sur l'Assemblée nationale, sur les Champs-Elysées.
12:10 Et une grande soirée d'ailleurs au Louvre pour ce lancement.
12:14 Et trois minutes avant l'antenne, donc j'avais déjà beaucoup de mal à respirer,
12:18 j'étais déjà en apoplexie, Jacques Chirac débarque,
12:22 me claque la bise, le président de la République quand même,
12:25 et me dit "la France vous regarde, le monde vous regarde, je compte sur vous".
12:29 Et donc là, je crois que je ne respirais plus.
12:31 Et d'ailleurs, j'ai eu deux minutes pour raccourcir mes titres,
12:35 parce que j'avais trois titres le premier lancement,
12:37 j'avais peur de ne pas réussir à respirer assez,
12:40 j'ai raccourci mes titres et puis bon,
12:42 après une fois, vous savez comment c'est, une fois qu'on est parti, on est parti.
12:45 Mais c'était un moment incroyable.
12:47 - Oui, je crois que d'après les images, vous n'avez pas respiré pendant environ une minute trente.
12:51 - C'est exactement ça, mais je m'en souviens,
12:53 quand je regarde les images, j'ai encore du mal à respirer,
12:55 parce que je sais que je ne respire pas,
12:57 j'ai une veste trop grande,
12:59 j'ai les cheveux trop bouclés,
13:01 ces images là, elles sont quand même dans les annales.
13:05 Je ne les regarde pas si souvent que ça,
13:07 parce qu'elles ne me réjouissent pas forcément,
13:09 même si c'est un moment qui compte énormément dans ma carrière.
13:11 - En tout cas, vous n'êtes pas loin du record du monde d'apnée,
13:13 qui est tenu par une italienne, Alessia Zecchini,
13:15 109 mètres sans respirer.
13:17 - 109 mètres ? Waouh !
13:19 - Bon, alors, il se trouve que si Jacques Chirac est là,
13:21 c'est parce qu'il est président,
13:23 mais surtout parce qu'il a voulu, en 2002,
13:25 cette chaîne pour qu'il y ait une voix à l'étranger,
13:27 face aux concurrents américains et qu'Atari.
13:29 - Exactement.
13:31 Il voulait que la France puisse faire entendre sa voix à l'étranger,
13:35 c'est pour ça que dans les bouquets satellitaires,
13:37 on est référencés à côté de BBC, CNN, Al Jazeera, etc.
13:43 On est vraiment dans les chaînes internationales.
13:45 Et l'idée, c'est en effet de faire rayonner la France à l'étranger.
13:47 - Comment êtes-vous arrivée dans cette aventure, Valérie Fayol ?
13:49 - Par TF1, au départ.
13:51 Parce qu'au départ, c'était une sorte de réflexion commune
13:55 entre TF1 et France Télévisions.
13:57 Au départ, le projet France 24,
14:01 et puis finalement TF1 s'est désengagée.
14:03 Mais moi, je suis partie avec une clause de retour à TF1.
14:05 Je venais de faire 10 ans au reportage à TF1,
14:09 j'ai voulu participer à cette aventure.
14:11 Et puis ensuite, en bénéficiant d'une clause de retour,
14:13 si je le souhaitais, j'ai souhaité rester.
14:15 - Il se trouve qu'en fait, si TF1 est dans le coup,
14:19 le projet a commencé en 1987, avec Michel Péricard.
14:21 Il y a eu des rebondissements sans arrêt
14:23 entre le service public et TF1 privé.
14:25 Et le nom de la chaîne au départ,
14:27 il y avait 200 noms qui ont été testés.
14:29 C'était "Version française".
14:31 - Ah, je ne le savais pas. Vous m'apprenez quelque chose.
14:33 "Version française".
14:35 Je ne sais pas, qu'est-ce que vous préférez ?
14:37 - France 24, c'est plus clair.
14:39 Vous êtes donc vue tous les jours,
14:41 par 75 millions de foyers, dans 90 pays, Valérie Fayol.
14:45 On s'en rend compte ou on ne le mesure pas ?
14:47 - On s'en rend compte.
14:49 Je ne me réveille pas le matin en me disant
14:51 que je suis vue dans tant de pays.
14:53 Je le sais parce que je connais notre audience.
14:55 Mais j'essaye de continuer à faire une antenne
15:01 qui est conviviale, de proximité.
15:05 J'ai toujours l'impression que je parle à ma copine
15:11 dans un séjour.
15:13 En tout cas, j'essaye d'avoir ce regard-là,
15:15 cette voix-là et cette proximité-là.
15:19 Si je commence à me dire qu'on est regardé
15:21 dans 35 millions de foyers, ou je ne sais combien de millions
15:23 de foyers, vous me l'avez dit, Rodit,
15:25 75 millions de foyers, là, d'un coup,
15:27 je me mets une pression qui est immédiate.
15:29 - Mais pas forcément en France.
15:31 A l'époque, vous arrivez en même temps que la TNT,
15:33 qui est née un an plus tôt.
15:35 Les gens ne sont pas encore habitués
15:37 à regarder la télé sur Internet en France.
15:39 - Non, pas tellement, mais alors ça change.
15:41 C'est vrai qu'aujourd'hui, l'empreinte numérique
15:43 est plus grande. Aujourd'hui, les modes
15:45 de consommation changent.
15:47 Aujourd'hui, je vois bien, les jeunes, mes enfants
15:49 ne regardent plus jamais la télé.
15:51 Ils ne regardent plus que leur écran
15:53 en replay, ou en effet,
15:55 consomment la télévision
15:57 en live sur les applications.
15:59 Donc, c'est aussi un autre mode de fonctionnement
16:01 et je crois que c'est important de s'adapter.
16:03 - Oui, en même temps, à cette époque-là,
16:05 ce n'est pas le cas.
16:07 Et effectivement, Internet, ça reste encore
16:09 un grand mystère.
16:11 - À l'époque, en tout cas, c'est vrai que
16:13 ce qu'on appelle le "broadcast" dans notre jargon,
16:15 c'est-à-dire le
16:17 produit qu'on réalise,
16:19 l'émission qu'on réalise et qu'on produit
16:21 pour être destinée à être diffusée
16:23 à la télévision,
16:25 c'est ce qu'il y a de plus important.
16:27 Et là, je constate que le discours a vraiment changé.
16:29 C'est qu'aujourd'hui, c'est aussi
16:31 important d'être présent sur le numérique
16:33 qu'à la télévision.
16:35 - Alors, vous allez commenter les grands événements
16:37 du monde et vous allez avoir des éditions spéciales.
16:39 Ça veut dire qu'à toute heure du jour au de la nuit,
16:41 il faut travailler. Ça a été très dur au départ.
16:43 - Ça a été compliqué au départ parce que
16:45 quand on lance une chaîne, évidemment,
16:47 on n'est pas rodé et
16:49 donc il faut acquérir des automatismes,
16:51 apprendre à travailler en équipe.
16:53 Et puis, voilà.
16:55 Et puis, on essuie un peu
16:57 les plâtres. Et ça a été très
16:59 formateur parce que c'est vrai
17:01 qu'on a fait des antennes live
17:03 des heures et des heures et des heures en commentant
17:05 tous les grands événements de ce monde.
17:07 C'est extrêmement réjouissant,
17:09 c'est extrêmement exaltant.
17:11 Mais à un moment donné, il faut en sortir.
17:13 - Oui, mais surtout, on peut se réveiller le matin,
17:15 vous vous appelez d'urgence et vous êtes pris pendant 4 jours.
17:17 - Alors, ça ne se passait pas exactement...
17:19 Oui, oui, oui. Ça ne se passait pas exactement comme ça
17:21 parce que dès le départ à France 24, on avait des tranches
17:23 d'informations. Donc, moi, je savais que je serais sur
17:25 le gris de
17:27 14h à 18h.
17:29 Mais évidemment,
17:31 quand on a des attentats
17:33 le week-end et qu'on a besoin
17:35 de rendre renfort, évidemment, on court à la télévision.
17:37 - Vous avez vécu comme ça
17:39 à la fois le crash Airbus Air France,
17:41 le séisme en Haïti,
17:43 l'élection de Barack Obama et la libération
17:45 d'Ingrid Bettencourt. - Oui, la Libre.
17:47 - Ça a été un moment de tension, ça,
17:49 si je m'en souviens.
17:51 - Non, c'était un moment... Oui, c'était un moment
17:53 de tension, bien sûr, mais c'était un moment réjouissant.
17:55 C'est-à-dire que là, tout d'un coup, on parlait d'une
17:57 actualité réjouissante. C'est-à-dire que la libération
17:59 de quelqu'un qu'on espérait tant, qu'on attendait tant,
18:01 c'était évidemment plus
18:03 réjouissant qu'un crash d'avion où vous allez
18:05 à l'antenne avec juste une ligne de dépêche
18:07 qui vous dit "le vol
18:09 Rio-Paris a disparu des écrans radars"
18:11 et quatre heures plus tard, quand vous sortez de l'écran,
18:13 on sait toujours pas où est l'avion.
18:15 Donc, bon, là, au moins, la libération
18:17 d'Ingrid Bettencourt, on attend quelque chose,
18:19 on est là, on regarde
18:21 les images, on scrute la moindre émotion,
18:23 le moindre geste,
18:25 c'était exaltant. - Elle avait
18:27 publié ses souvenirs
18:29 dans le camp, même "Le silence a une fin",
18:31 et finalement, elle a choisi d'écrire
18:33 en français parce que ça lui
18:35 l'empêchait d'avoir des émotions précises
18:37 puisqu'elle parlait dans toutes les langues
18:39 sauf en français à l'époque, quand elle était prisonnière.
18:41 - Oui, oui. - C'est assez curieux.
18:43 Un réflexe pour écrire en français.
18:45 - Un réflexe pour écrire en français, en effet, échapper aux émotions
18:47 et je pense qu'elle avait peut-être besoin
18:49 aussi d'être à distance de
18:51 ce récit. - Alors, vous avez été
18:53 une pionnière avec France 24,
18:55 mais quelques années plus tôt, vous avez été une pionnière
18:57 à TF1 en traitant
18:59 un thème fédérateur
19:01 évoqué dans cette chanson.
19:03 - La famille, ça fait partie
19:05 des petits soucis quand il vient
19:07 mais pourtant c'est une vie qu'on aime bien.
19:09 - C'est là, on va reparler
19:11 à tout à l'heure, à fait la famille.
19:13 A chaque fois qu'elle faisait une chanson
19:15 pour le palmarès des chansons, c'était vraiment
19:17 des heures de répétition pour l'équivalent d'un clip
19:19 pour trois minutes. - Oui, oui, oui.
19:21 Mais la famille, c'est un thème fédérateur,
19:23 c'est un thème, voilà, je pense qu'on est insatiable
19:25 sur la famille, je pense qu'on a toujours de bonnes
19:27 histoires à raconter sur la famille,
19:29 que ce soit dans le journalisme ou que ce soit
19:31 dans les romans.
19:33 - Alors justement, à la télévision, lorsque vous êtes
19:35 à TF1, là aussi vous innovez
19:37 parce que vous traitez des sujets sur la famille
19:39 qu'on évoque aujourd'hui
19:41 mais à l'époque on n'en parlait pas. Les enfants nés
19:43 sous X,
19:45 les recherches en paternité,
19:47 là vous avez été la première
19:49 à en parler avec des magazines. - Alors je ne sais pas si
19:51 j'ai été la première à en parler, en tout cas je suis assez
19:53 fière de voir que tous les journalistes
19:55 qui ont traité de ce sujet ont
19:57 fini à un moment donné par mettre
19:59 leur petite goutte,
20:01 enfin en tout cas, leur petite pierre à l'édifice
20:03 et faire en sorte que la loi change
20:05 parce que c'est quand même un sujet très douloureux
20:07 pour les enfants qui sont nés sous X,
20:09 qui n'ont aucun repère,
20:11 aucune image. Alors la loi,
20:13 elle n'a pas complètement changé leur situation
20:15 mais il y a aujourd'hui la possibilité
20:17 pour, enfin en tout cas,
20:19 d'avoir un registre avec les mères
20:21 qui laissent leur identité, qui peuvent
20:23 à un moment donné la lever et c'est
20:25 un progrès, à mon sens il n'est pas suffisant
20:27 mais c'est déjà un progrès. Et en effet
20:29 c'est un thème qui m'a beaucoup touchée
20:31 parce qu'évidemment dans le journalisme
20:33 on se doit d'être à distance de son sujet,
20:35 moi j'avais beaucoup de mal à être à distance de ce sujet-là
20:37 précisément parce que
20:39 j'ai évidemment donné
20:41 la parole à ces femmes, à ces hommes
20:43 qui ne savent pas qui ils sont, d'où ils
20:45 viennent, qui tous les matins se regardent dans le miroir
20:47 et se disent "Mais est-ce que je ressemble ?
20:49 Qui je ressemble ?
20:51 Qui suis-je ?
20:53 Quelle est mon histoire ?"
20:55 Et qui parfois d'ailleurs ont des raisonnements
20:57 et des questionnements
20:59 qu'on n'aurait jamais, vous et moi,
21:01 je me souviens notamment d'une jeune femme qui me disait
21:03 "Je suis incapable de construire mon avenir amoureux,
21:05 incapable, parce qu'à chaque fois
21:07 que j'embrasse quelqu'un,
21:09 je me demande si potentiellement c'est pas mon frère, mon cousin
21:11 ça c'est quelque chose qui ne nous arrive pas"
21:13 Et c'est vrai que
21:15 j'ai été très touchée
21:17 par la recherche
21:19 et en tout cas
21:21 par ce vide
21:23 qu'éprouvent tous ces gens
21:25 qui ne connaissent pas leur identité
21:27 et qui ont d'ailleurs souvent des chemins de vie
21:29 qui éclairent
21:31 tout ce qu'ils ont vécu auparavant.
21:33 Et votre chemin de vie a évolué également,
21:35 on en parle avec une autre date, le 13 septembre
21:37 2022.
21:39 A tout de suite sur Sud Radio avec Valérie Fayolle.
21:41 Sud Radio,
21:43 les clés d'une vie, Jacques Pessis.
21:45 Sud Radio, les clés d'une vie,
21:47 Valérie Fayolle.
21:49 Nous parlerons tout à l'heure de "La robe du jaguar",
21:51 votre roman qui sort ces jours-ci.
21:53 Et en même temps, vous êtes journaliste, on a raconté
21:55 votre parcours à TF1 et à France 24.
21:57 Et puis vous n'êtes pas que journaliste
21:59 puisque le 13 septembre 2022,
22:01 ça vous dit quelque chose ? Je crois que c'est la première
22:03 d'une pièce. - C'est la première du comble
22:05 de la valinité au théâtre
22:07 de la Pépinière, mise en scène par
22:09 Ludivine de Chastonnet, c'était un grand grand moment.
22:11 - C'est votre première pièce
22:13 qui est partie je crois d'un souvenir de famille,
22:15 un crâne qui est fait dans un grenier.
22:17 - Oui ! Ma maman ne va pas
22:19 être très contente que je vous raconte ça, mais tant pis.
22:21 Oui, oui, il y avait un crâne
22:23 chez mes grands-parents.
22:25 C'est qui...
22:27 Il y avait un crâne au grenier
22:29 qui venait, vous savez,
22:31 dans les chantiers du Nord, il y a toujours
22:33 beaucoup d'ossements qui ressurgissent
22:35 et le frère de mon
22:37 grand-père, donc je parle de ça il y a
22:39 plus de 80 ans, avait voulu faire
22:41 une mauvaise blague à mon grand-père. Il avait
22:43 trouvé un crâne et l'avait mis dans son lit.
22:45 Et puis le crâne avait fini par suivre
22:47 mes grands-parents de déménagement
22:49 en déménagement et à la mort de
22:51 papy et de mamie, évidemment,
22:53 on a descendu le carton sur la table, il y avait
22:55 le crâne et qu'est-ce qu'on va faire du crâne ?
22:57 Et moi, c'est quelque chose qui a toujours
22:59 alimenté mon imaginaire de petite fille
23:01 parce qu'on savait qu'il y avait un crâne au grenier.
23:03 Évidemment, c'est très mystérieux et
23:05 quand on demandait
23:07 à ma grand-mère, "Mais alors, qui c'est ?"
23:09 Elle me disait "Je ne sais pas, je ne sais pas, c'est sans doute
23:11 quelqu'un qui est mort à la guerre,
23:13 sans doute un Allemand,
23:15 ça semblait moins grave que si
23:17 ça avait été un Français.
23:19 Mais du coup, toute mon enfance
23:21 et mon adolescence, je me suis dit
23:23 "Qui est ce monsieur ?"
23:25 Et donc voilà, il a fallu
23:27 à un moment, il a fallu décider
23:29 de ce qu'on faisait
23:31 de ce crâne au moment où on a vendu la maison
23:33 parce qu'on n'avait pas laissé un crâne dans la maison.
23:35 Je ne vais pas vous révéler inutile de me poser la question
23:37 ce qu'est devenu le crâne, en tout cas
23:39 ce crâne a alimenté ma réflexion
23:41 et mon imagination
23:43 et j'ai eu envie de raconter une histoire qui n'a
23:45 rien à voir avec l'histoire de ma famille
23:47 vraiment rien à voir
23:49 mais voilà, avec une intrigue
23:51 autour d'un crâne qu'on retrouve dans un grenier.
23:53 - Voilà, et une famille qui est
23:55 dans la pagaille à cause de tout ça.
23:57 - Exactement, dans une bonne pagaille
23:59 et on va de révélation en révélation.
24:01 - Écrire une pièce de théâtre, ce n'est quand même pas aussi simple
24:03 qu'écrire un article ou un commentaire.
24:05 - Mais non, parce qu'il faut tout inventer
24:07 donc on ne peut pas
24:09 s'appuyer sur le réel
24:11 donc il faut rêver.
24:13 L'écriture de cette pièce est arrivée à un moment où
24:15 on a parlé de France 24, à un moment où
24:17 j'avais besoin vraiment de m'aérer
24:19 du réel et de
24:21 changer de registre
24:23 c'est-à-dire que c'était très pesant
24:25 je présentais l'actualité
24:27 tous les jours
24:29 et l'actualité, vous le savez,
24:31 c'est quand même un flot, flot, flot de mauvaises nouvelles.
24:35 C'est rare qu'il y ait de bonnes nouvelles
24:37 et quand il y en a en général, on ne les met pas tellement en avant.
24:39 Donc 4 heures par jour
24:41 à raconter la fin du monde, je n'en pouvais plus
24:43 et j'avais besoin de me distraire
24:45 du réel. Et la seule façon
24:47 que j'ai trouvée, ça a été
24:49 l'écriture de chansons et l'écriture
24:51 de cette pièce. Et je me suis échappée comme ça.
24:53 C'était une évasion, j'en avais absolument besoin.
24:55 - Et quand on voit à l'affiche
24:57 une tête de mort souriante d'ailleurs
24:59 j'ai trouvé le symbole de la tête de mort
25:01 ses origines sont au Moyen-Âge, au temps des croisades
25:03 sur les armures
25:05 ou les équipements militaires, on avait une tête de mort
25:07 ça annonçait aux ennemis
25:09 que l'armée allait gagner
25:11 et qu'on allait vaincre les autres.
25:13 - Et ben voilà, moi j'aime bien la tête de mort
25:15 je trouve que c'est un joli symbole.
25:17 C'est vrai qu'on s'est posé la question
25:19 quand on a réfléchi
25:21 à l'affiche, parce qu'il y a plein de gens
25:23 qui peuvent être déroutés en voyant une tête de mort
25:25 mais moi, voilà,
25:27 la tête de mort c'est le souvenir de quelqu'un qui a vécu.
25:29 - Voilà, alors il se trouve que bon
25:31 écrire une pièce c'est bien, mais la monter
25:33 c'est autre chose, c'est pas si simple, surtout quand on n'a jamais fait de théâtre.
25:35 - Ah non, c'est très compliqué, c'est très compliqué
25:37 il faut trouver les gens
25:39 qui vous font confiance, les gens qui portent le texte
25:41 il faut, il faut
25:43 ce qu'il y a de formidable
25:45 ce qu'il y a de très difficile dans le théâtre
25:47 c'est de composer une équipe
25:49 et ce qu'il y a de plus formidable
25:51 dans le théâtre, c'est précisément l'équipe
25:53 parce que quand vous écrivez, c'est un travail
25:55 qui est très solitaire, et quand vous confiez votre pièce
25:57 à un metteur en scène
25:59 il faut accepter de donner son bébé
26:01 et accepter que
26:03 le ou la metteur en scène
26:05 l'emmène
26:07 là où vous n'aviez pas, vous,
26:09 imaginé forcément l'emmener, et c'est ce qui s'est passé
26:11 avec le Comte de la Vanité.
26:13 - Oui, mais en même temps, on vous emmène là-bas
26:15 mais il faut encore trouver les producteurs, il faut trouver le théâtre
26:17 ça c'est vraiment un chemin de croix.
26:19 - C'est un chemin de croix, oui, ça a été compliqué
26:21 pour tout vous dire, cette pièce c'est la seconde
26:23 que j'ai écrite
26:25 la première ne s'est pas montée
26:27 et pourtant, je pourrais vous parler
26:29 je pense que j'ai eu 15 opportunités
26:31 de la monter, et puis
26:33 un projet en chasse l'autre, et puis
26:35 à un moment les étoiles ne s'alignent pas, et puis
26:37 à un moment vous avez les producteurs, quand vous avez les producteurs
26:39 vous n'avez plus le théâtre, quand vous avez le théâtre
26:41 vous n'avez pas forcément la disponibilité
26:43 des comédiens, etc. C'est quand même un
26:45 alignement, le théâtre
26:47 et donc la deuxième s'est montée avant la première.
26:49 - Alors ce théâtre de la Pépinière
26:51 avant s'appelait le théâtre de la Potinière
26:53 il a été inauguré en 1919
26:55 et l'une des premières artistes débutantes
26:57 à se produire dans une revue qui s'appelait
26:59 Mazout alors, c'est une certaine Arletty.
27:01 - Oui, exactement, mais c'est un théâtre
27:03 c'est un théâtre mythique
27:05 qui a vu passer tant de grands noms
27:07 moi je suis très fière d'avoir été jouée dans ce théâtre
27:09 qui est un théâtre qui est
27:11 dirigé par Caroline Verdue, qui a une
27:13 programmation très éclectique et en même temps très exigeante
27:15 donc pour moi c'est une grande fierté
27:17 d'être accueillie là-bas. - Alors le théâtre
27:19 vous aviez vu beaucoup de pièces
27:21 vous êtes souvent nuille d'ailleurs au théâtre, non ?
27:23 - Non ! - Parce que j'ai vu un jour une interview
27:25 où vous disiez que quelques fois dans les pièces
27:27 certaines pièces m'ennuyaient. - Ah oui oui oui
27:29 je suis capable de m'ennuyer, c'est vrai que je suis capable de m'ennuyer
27:31 copieusement et
27:33 alors je ne sors pas
27:35 parce que je ne sors jamais de la salle parce que j'ai du respect
27:37 pour mes camarades
27:39 mais oui oui j'ai pu m'ennuyer
27:41 j'ai pu m'ennuyer au théâtre.
27:43 - Oui moi je me souviens de pièces où
27:45 des spectateurs ont été réveillés par les ronflements
27:47 du voisin. - Ah oui oui oui, ah bah moi j'ai
27:49 pas beaucoup de chance, moi souvent au théâtre
27:51 je suis entourée de voisins qui ronflent
27:53 en effet.
27:55 Mais bon, je sais pas
27:57 je crois que je m'informe mieux maintenant
27:59 avant d'aller au théâtre
28:01 donc je lis les pitchs,
28:03 je lis deux trois articles
28:05 et je me trompe moins qu'avant je crois.
28:07 - Alors vous aviez choisi une Virginie Pradale
28:09 qui à l'époque était en pleine reconversion
28:11 parce qu'elle avait été une actrice
28:13 de boulevard, elle avait fait la comédie française
28:15 maintenant elle est une égérie du théâtre contemporain
28:17 c'était risqué
28:19 parce qu'elle n'était pas au sommet de sa gloire.
28:21 - Elle n'était pas au sommet de sa gloire mais elle était au sommet
28:23 de ce rôle. Franchement elle était exceptionnelle
28:25 dans le rôle, alors je ne dis pas ça parce que c'est
28:27 ma pièce, mais franchement
28:29 elle a... je trouve que c'est pas
28:31 facile à jouer, c'est le rôle
28:33 d'une femme qui a Alzheimer
28:35 qui ne se met pas forcément en valeur
28:37 etc. C'est pas facile pour une comédienne d'abord
28:39 d'accepter ça, d'endosser ce costume-là
28:41 et elle est extrêmement
28:43 crédible et surtout parce qu'elle est drôle.
28:45 - En même temps effectivement ça vous a
28:47 permis de sortir de l'information
28:49 il y a une chose que vous ne supportiez plus dans l'information
28:51 c'est le cynisme de la diplomatie.
28:53 - Ah oui c'est ça, j'avais
28:55 l'impression de raconter la fin du monde tous les jours
28:57 j'avais l'impression
28:59 de parler de ces solutions
29:01 offertes, préconisées par
29:03 les grands de ce monde qui de toute façon
29:05 qui ne m'emboustillent
29:07 pas souvent. - Pas vraiment non plus.
29:09 - Voilà, je ne devrais pas dire ça
29:11 mais je n'en pouvais plus, je trouvais qu'il y avait
29:13 beaucoup de cynisme, beaucoup
29:15 de décisions partisanes
29:17 enfin voilà, il n'a pas laissé à que de le dire
29:19 mais l'actualité
29:21 je la trouvais désespérante et la diplomatie
29:23 je la trouvais encore plus désespérante. - Résultat
29:25 vous apportez votre lettre de démission à l'érection
29:27 qui vous confie dans la foulée une autre émission.
29:29 - C'est-à-dire que oui je suis allée voir mon boss en lui disant
29:31 moi je ne peux plus, je suis arrivée au bout, au bout, au bout
29:33 du bout de ce que je pouvais donner
29:35 dans la présentation des journaux
29:37 et encore une fois je ne voudrais pas
29:39 enfin voilà j'ai un respect infini pour les gens
29:41 enfin pour mes confrères et mes consœurs
29:43 qui présentent les news parce que c'est un métier absolument
29:45 indispensable, tellement important
29:47 c'est une mission tellement noble que d'informer
29:49 les auditeurs
29:51 et les spectateurs
29:53 mais moi j'en pouvais plus
29:55 c'est-à-dire que c'était presque une question de survie
29:57 c'est-à-dire que j'étais comme pour mon premier
29:59 journal totalement asphyxiée
30:01 j'avais vraiment envie de m'aérer
30:03 je n'en pouvais plus.
30:05 - Et c'est comme ça qu'est née Paris des Arts
30:07 une émission que vous présentez depuis plus de dix ans
30:09 et l'un de vos invités est à l'origine
30:11 d'une chanson.
30:13 - Ah ouais !
30:15 - Ah ouais !
30:17 - Alors Alpha Blondie
30:19 j'ai une loi de reconnaissance éternelle car c'est
30:21 le record man des vues pour l'écrit d'une vie
30:23 plus de 300 000 vues dans le monde
30:25 entier pour l'émission qu'on lui a consacrée.
30:27 - Magnifique, on va le taguer dans la mienne alors !
30:29 - Mais c'est vrai que c'est née
30:31 justement au cours de l'émission cette chanson.
30:33 - Mais oui, j'étais alors Alpha Blondie
30:35 alors c'est marrant que vous preniez
30:37 cet invité parce que précisément
30:39 c'est l'un de nos premiers invités
30:41 et qu'en l'occurrence je suis encore
30:43 dans cette période à cheval entre
30:45 le news et l'émission qui
30:47 vient de démarrer donc je présente encore
30:49 très peu mais encore
30:51 de temps en temps les news
30:53 et je m'attelle à cette émission
30:55 à côté et on est en plein
30:57 dans la mort de Nelson Mandela
30:59 et je fais une émission
31:01 avec Alpha et ça se passe
31:03 très bien, on passe deux jours ensemble merveilleux
31:05 on va au musée Rodin, on fait
31:07 plein de choses, on discute
31:09 comme on peut le faire
31:11 quand on a le temps de rencontrer ses invités
31:13 ce que je n'avais absolument pas le temps de faire sur un plateau de télévision
31:15 mais là dans l'émission précisément
31:17 parce qu'on passe deux demi-journées
31:19 avec chaque invité
31:21 on a le temps de leur parler
31:23 et puis de parler aussi d'autre chose
31:25 que de ce qu'on met entre guillemets dans la boîte
31:27 et donc avec Alpha
31:29 on parle de Nelson
31:31 Mandela qui
31:33 va s'éteindre ou qui je sais plus
31:35 exactement où qu'il vient de s'éteindre
31:37 et puis on reste en contact
31:39 et très peu de temps
31:41 après l'émission, je lui dis "écoute
31:43 j'ai écrit
31:45 une chanson sur Nelson Mandela
31:47 est-ce que tu peux me donner ton avis ?"
31:49 juste "est-ce que tu peux me donner ton avis ?"
31:51 il m'a rappelé dans l'heure, il m'a dit
31:53 "est-ce que tu m'autorises
31:55 à essayer de composer sur ce texte
31:57 que je trouve magnifique ?"
31:59 je lui dis "non je ne vais pas réfléchir, je te le réussis tout de suite, je suis d'accord"
32:01 et donc il a enregistré
32:03 il l'a composé, ça s'est passé très vite
32:05 il est venu à Paris, on a enregistré
32:07 c'était un moment incroyable
32:09 un autre moment incroyable c'est que vous aussi
32:11 vous avez commencé à chanter
32:13 oui
32:15 *musique*
32:17 *musique*
32:19 *musique*
32:21 le premier clip qui accompagne
32:23 c'est l'une des 7 chansons
32:25 de la bande originale d'un livre
32:27 exactement, la bande originale
32:29 de mon premier roman qui s'appelle
32:31 K.M. 930 et je précise que ça s'écrit
32:33 K.M. 930
32:35 et c'est un road trip sur la nationale 7
32:37 et comme dans tout bon road trip, évidemment il y a de la musique
32:39 qui sort de l'autoradio, donc au départ j'avais
32:41 imaginé faire voyager mon héroïne avec
32:43 une playlist intime, ma playlist personnelle
32:45 et puis
32:47 j'ai un ami compositeur
32:49 avec lequel j'aime bien
32:51 travailler, qui m'a dit "attends je ne comprends pas
32:53 t'écris des chansons pour les autres, pourquoi
32:55 à l'occasion de ce roman tu n'écrirais pas une playlist
32:57 sur mesure pour refléter les émotions
32:59 de ton héroïne ?" et je trouvais que c'était malin
33:01 et donc j'ai repris le livre
33:03 et je me suis replongée dans mon texte
33:05 et ça a été aussi l'occasion, et c'est un exercice difficile
33:07 de manière
33:09 beaucoup plus impressionniste
33:11 d'essayer de relater des émotions
33:13 en chanson, puisque c'est quand même l'incantescence de l'écriteur de la chanson
33:15 c'est ça, c'est d'essayer de véhiculer des émotions
33:17 et là en l'occurrence, je connaissais parfaitement
33:19 ces émotions puisque c'était celle de mon
33:21 héroïne, donc j'ai écrit une playlist
33:23 de 7 chansons que le
33:25 lecteur peut, s'il le souhaite
33:27 c'est évidemment facultatif, écouter
33:29 en même temps qu'il voyage avec mon héroïne
33:31 donc au début du livre, il y a un flash code
33:33 et vous flashez le code avec votre téléphone
33:35 et puis ça renvoie sur
33:37 toutes les plateformes et vous pouvez écouter en temps
33:39 réel, donc c'est un peu une expérience
33:41 de lecture augmentée
33:43 c'est à dire que vous pouvez, si vous le souhaitez
33:45 voyager avec Lisa dans la voiture
33:47 faire ce road trip et quand elle écoute une autre chanson
33:49 l'écouter en même temps qu'elle. - Et d'ailleurs
33:51 la chanson, ça vous intéresse ? Vous avez lancé
33:53 sur internet
33:55 "Le Rideau Rouge"
33:57 "Le Rideau Rouge" au départ c'est une chanson de Beko
33:59 et c'est aussi le nom de la maison d'édition
34:01 de ces chansons et donc
34:03 vous racontez l'histoire des chansons. - Mais oui
34:05 parce que je trouvais ça passionnant
34:07 moi quand je...
34:09 je suis sans doute déformée
34:11 parce que comme j'écris des chansons
34:13 avant d'écouter la musique, j'écoute
34:15 d'abord les paroles, enfin en tout cas pour moi les paroles sont
34:17 vraiment très importantes et je me demande
34:19 souvent quelles sont les émotions
34:21 qui se cachent derrière ces paroles
34:23 à quel moment elles ont été écrites
34:25 est-ce que ça correspond à
34:27 un événement particulier
34:29 dans quel état d'esprit était l'auteur au moment
34:31 où il les a écrites et donc
34:33 ça, ça me patiente. Donc j'ai eu envie de raconter
34:35 l'histoire des chansons. Je ne suis pas la première.
34:37 - Non, il y en a eu d'autres mais vous le faites
34:39 de façon très particulière et très personnelle comme ce
34:41 livre que nous allons évoquer à travers la date
34:43 du 2 mai 2024.
34:45 A tout de suite sur Sud Radio
34:47 avec Valérie Fayolle.
34:49 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis
34:51 - Sud Radio, les clés d'une vie
34:53 mon invité Valérie Fayolle, on a évoqué
34:55 votre carrière de journaliste ATF1 à France 24
34:57 vos pièces de théâtre, vos chansons
34:59 votre premier roman et là le second roman
35:01 s'appelle "La robe du jaguar"
35:03 il est sorti le 2 mai 2024 chez Récamier
35:05 alors ce roman c'est d'abord
35:07 un rêve d'enfance car vous rêviez
35:09 depuis toujours d'écrire un roman
35:11 épistolaire. - Oui, je voulais écrire
35:13 un roman épistolaire mais on en
35:15 revient à ce fameux journal
35:17 intime
35:19 de manière concomitante
35:21 à l'école j'ai appris le mot "épistolaire"
35:23 et je trouvais ça à l'époque
35:25 ravissant comme mot, je devais avoir
35:27 7-8 ans et j'avais
35:29 écrit dans mon journal intime un jour j'ai écrit un roman
35:31 épistolaire donc l'idée
35:33 est ancienne et ensuite quand j'ai eu mes
35:35 enfants, je ne sais pas pourquoi
35:37 j'ai ressenti un peu l'angoisse
35:39 de me dire "et si je n'ai pas le temps
35:41 de leur dire
35:43 tout ce que j'aimerais leur dire"
35:45 pas forcément leur écrire un bouquin
35:47 mais il y avait 2-3 choses
35:49 qui me semblaient importantes en tant que maman
35:51 de dire et donc je suis
35:53 ravie parce que j'ai l'occasion
35:55 de leur dire mais
35:57 quand ils sont nés j'ai eu un peu cette appréhension là
35:59 et je me suis dit "je ne l'ai jamais fait
36:01 un jour, je devrais leur écrire
36:03 une lettre pour leur dire tout ce que je crois
36:05 tout ce que j'aimerais
36:07 en tant que maman dire à un fils
36:09 et dire à une fille" et puis je ne l'ai
36:11 jamais fait mais c'est pas grave du coup
36:13 je m'en suis servi pour écrire une fiction
36:15 - Il se trouve que le roman épistolaire
36:17 au départ c'était des lettres de Stahel
36:19 et compagnie mais le premier roman
36:21 épistolaire c'est en 1492
36:23 un espagnol, Diego de San Pedro
36:25 qui a publié "Prisonnier de l'amour"
36:27 une histoire
36:29 avec la correspondance de ses personnages
36:31 - Ah ! Vous l'avez lu ?
36:33 - Non, ça a marqué
36:35 une autre époque mais là en plus
36:37 c'est un roman épistolaire moderne
36:39 car les lettres, c'est pas des lettres, c'est des mêles
36:41 - Ce sont des mêles, exactement
36:43 c'est-à-dire que Rose, mon héroïne
36:45 quitte Paris du jour au lendemain
36:47 à l'heure où tout lui sourit
36:49 elle a la vie dont elle a toujours rêvé
36:51 et elle part dans une communauté
36:53 chamanique au Pérou
36:55 elle prétexte d'un repérage
36:57 pour un documentaire
36:59 sur cette communauté chamanique
37:01 et donc c'est le point de départ du roman, elle laisse un mail
37:03 à sa fille sur la table
37:05 et dans cette communauté il y a des règles
37:07 le fait d'être privé
37:09 de son téléphone portable ça fait partie
37:11 des règles du jeu
37:13 des règles de vie en communauté, c'est une sorte de détox
37:15 digital, donc elle n'a accès à son téléphone
37:17 portable qu'une heure par jour, ce qui l'arrange bien
37:19 parce qu'elle n'a pas très envie de communiquer avec ses proches
37:21 mais elle leur envoie des mails
37:23 pour tenter de les rassurer
37:25 et donc
37:27 le secret de Rose, parce qu'évidemment
37:29 Rose a un secret, elle est partie pour une raison bien précise
37:31 qu'on ne va pas révéler - Surtout pas
37:33 - Voilà, et bien
37:35 au fur et à mesure il va être levé, au fur et à mesure
37:37 de cette correspondance avec ses proches et aussi de la rédaction
37:39 de son journal intime
37:41 c'est à dire que ce sont des échanges de mails mais couplés
37:43 avec des extraits de son journal intime
37:45 où dans le journal intime elle raconte la vérité
37:47 ce qu'elle vit, sa vérité, sa réalité
37:49 dans cette communauté chamanique
37:51 et dans les mails elle tente de rassurer
37:53 ses proches avec quelques mensonges
37:55 par omission - Voilà, on découvre aussi
37:57 sa vie, la vie de votre personnage à travers les mails
37:59 échangés par son mari
38:01 son fils, sa fille
38:03 qui raconte et qui ne comprennent pas
38:05 parce que au départ c'est une mère
38:07 très autoritaire
38:09 qui est obsédée du contrôle quotidien
38:11 et là c'est le contraire - Oui, alors
38:13 autoritaire je ne sais pas, en tout cas oui
38:15 très dans le contrôle et qui a besoin de savoir
38:17 qui géolocalise pas forcément ses enfants
38:21 mais qui lui demande où ils vont, ce qu'ils font
38:23 où ils sont et qui en effet
38:25 est très présente dans la vie de ses enfants
38:27 et du jour au lendemain
38:29 alors qu'en plus elle leur a annoncé
38:31 3-4 ans plus tôt qu'elle quittait le journalisme
38:33 pour se livrer à des activités artistiques
38:35 elle décide de partir en repérage
38:37 donc pour les enfants ce n'est pas du tout crédible
38:39 et en effet ça crée tout de suite une sorte de grand point
38:41 d'interrogation, pourquoi Rose est partie
38:43 à quoi tente-t-elle d'échapper
38:45 de quoi a-t-elle peur, pourquoi fuir le succès
38:47 quand il est là, parce que Rose
38:49 chante une chanson, le succès est là et c'est le moment
38:51 où elle s'en va
38:53 donc pourquoi ? Voilà, c'est toute cette énigme-là
38:55 avec beaucoup de rebondissements
38:57 avec beaucoup d'aventures aussi
38:59 parce qu'elle va vivre beaucoup d'aventures, je ne sais pas si vous
39:01 le qualifieriez de roman d'aventure mais il y a
39:03 quand même un petit côté aventurier
39:05 dans la démarche de Rose
39:07 - Oui mais en même temps, elle quitte ce monde
39:09 avec ce succès qui s'appelle "Shot of Eugene"
39:11 qui est une chanson qui est sortie
39:13 à son insu presque
39:15 mais on essaye
39:17 de comprendre pourquoi elle est partie
39:19 alors elle a été journaliste, elle écrit
39:21 des livres, il n'y a pas un rapport
39:23 avec vous ?
39:25 - Elle n'écrit pas des livres, elle fait des documentaires
39:27 Non, non, non, Rose
39:29 ne me ressemble pas, en tout cas elle a des tourments
39:31 que Dieu merci
39:33 je ne traverse pas, après Rose
39:35 c'est quelqu'un qui a habité d'un grand chaos intérieur
39:37 ce en quoi peut-être elle me ressemble
39:39 et qui en effet a besoin
39:41 d'être au plus proche des événements
39:43 pour les ressentir, qui a besoin d'être
39:45 dans l'émotion, qui a besoin de
39:47 vibrer, oui en ça elle me ressemble
39:49 et puis c'est aussi quelqu'un qui
39:51 a besoin
39:53 d'explorer plusieurs univers
39:55 qui n'a pas envie de vivre
39:57 sa vie de manière monomaniaque
39:59 c'est pas une monomaniaque
40:01 de l'expérience unique Rose, elle
40:03 essaie beaucoup de choses, peut-être qu'en ça
40:05 elle me ressemble. - Il se trouve aussi
40:07 "Donc elle fuit" et donc cette chanson
40:09 "Vie sa vie sans elle"
40:11 il y a une chanson française, vous la connaissez
40:13 qui raconte une fuite
40:15 Voilà pourquoi ce lundi-là
40:19 Il sent la laine
40:21 - C'est qui ? - C'est Michel Delpêche
40:23 c'est une des plus belles chansons de Michel Delpêche
40:25 le monsieur qui lundi matin laisse une lettre à sa femme
40:27 en disant "je m'en vais"
40:29 il se dit qu'il y a eu un énorme succès à la radio
40:31 mais c'est celui qui s'est le moins vendu
40:33 parce que les maris n'osaient pas rapporter sa chanson à la maison
40:35 - De peur que leur femme s'échappe
40:37 - Voilà exactement
40:39 et c'est vrai que cette chanson
40:41 ressemble un peu à votre personnage
40:43 et cette histoire dure
40:45 50 jours exactement, pourquoi ?
40:47 - Pourquoi ?
40:49 Pour Rose vous voulez dire
40:51 parce que c'est le temps de la correspondance
40:53 c'est le moment du départ
40:55 et le moment du dénouement
40:57 encore une fois on ne va pas révéler
40:59 mais c'est aussi le chemin
41:01 parcouru par Rose
41:03 là-bas et puis le chemin
41:05 aussi parcouru par ses proches
41:07 parce que c'est l'histoire d'une femme
41:09 une femme on vient de le dire qui est libre
41:11 qui est une femme de son époque qui va vers son risque
41:13 qui décide de ce qu'il y a de mieux pour elle
41:15 mais c'est aussi le portrait d'une famille
41:17 à travers ces échanges de mails
41:19 une famille au départ qui n'est pas désunie
41:21 mais qui n'est pas non plus tout à fait en phase
41:23 avec beaucoup de secrets, avec beaucoup de non-dit
41:25 avec de la poussière sous le tapis
41:27 et ce défi
41:29 et en tout cas ce point
41:31 d'interrogation autour
41:33 de la disparition de Rose
41:35 va faire en sorte que les uns les autres
41:37 se réunissent, resserrent les rangs
41:39 serrent les coudes
41:41 et donc c'est aussi le portrait d'une famille
41:43 qui tout d'un coup
41:45 se réunit. - C'est presque un sujet universel ?
41:47 - Je sais pas
41:49 j'espère en tout cas
41:51 j'espère que ça touchera
41:53 beaucoup de gens
41:55 parce qu'en effet
41:57 je pense que ce que traverse Rose
41:59 on peut parler
42:01 à beaucoup de gens, je pense qu'on l'a pas tous expérimenté
42:03 parce qu'elle
42:05 elle expérimente quelque chose
42:07 de compliqué, de difficile
42:09 à dénouer, mais en tout cas
42:11 autour de nous on connait tous
42:13 des gens qui traversent les mêmes épreuves
42:15 qu'elle, qui se posent les mêmes
42:17 questions qu'elle et je pense
42:19 qu'on a tous aussi des difficultés
42:21 avec les uns et les autres dans nos familles
42:23 les familles idéales
42:25 n'existent pas. - Alors il se trouve
42:27 aussi qu'elle se retrouve, votre héroïne, au Pérou
42:29 ensuite en Amazonie
42:31 avec un chaman
42:33 il faut de la documentation pour créer tout ça ?
42:35 - Ah bah oui il faut de la documentation
42:37 - Vous n'êtes pas allée là-bas ? - Non, non
42:39 pas encore, mais je ne l'exclus pas
42:41 non, oui oui, évidemment je me suis
42:43 beaucoup documentée sur le chamanisme, sur ses pratiques
42:45 sur cette culture millénaire
42:47 et j'ai été très touchée
42:49 par tout ce savoir qui ne se
42:51 transmet que dans une tradition orale
42:53 de génération en génération et qui pourrait
42:55 disparaître parce que la fiorée amazonienne
42:57 vous le savez, elle brûle, elle pourrait
42:59 atteindre son point de non-retour, c'est-à-dire ce moment où elle
43:01 perd sa capacité de résilience, ce moment
43:03 où elle peut devenir un désert aride
43:05 ce moment où elle arrête d'être le
43:07 climatiseur de la planète, j'espère qu'on n'en sera jamais là
43:09 mais on n'en est pas loin si on n'accentue pas
43:11 nos efforts et donc
43:13 j'ai eu envie
43:15 d'envoyer Rose là-bas parce que son drame
43:17 personnel faisait écho au drame de
43:19 la forêt, c'est-à-dire que c'est l'histoire d'une femme qui brûle de l'intérieur
43:21 dans un
43:23 environnement qui brûle à l'extérieur.
43:25 Il y a quelques jours j'ai reçu Guy Lagage dans "Les Clés d'une vie"
43:27 lui c'est au Congo où il s'inquiète
43:29 de déforestation aussi
43:31 et des trafiquants de bois là-bas.
43:33 Oui, je pense qu'il y a quand même de grosses raisons
43:35 de s'inquiéter, c'est vrai
43:37 et puis quand on voit le réchauffement climatique
43:39 en Amazonie, moi je parle
43:41 de ce que je connais, en 2024
43:43 ça a été, depuis qu'on
43:45 a les relevés, ça a été le
43:47 trimestre où il y a eu
43:49 le plus d'incendies, plus de 3000 départs de feu
43:51 ne serait-ce qu'au mois de février, c'est du jamais vu
43:53 depuis qu'on a des statistiques
43:55 c'est effrayant, franchement c'est effrayant
43:57 et puis donc avec
43:59 ces incendies en Amazonie, c'est aussi
44:01 toute une culture, cette culture qui est menacée
44:03 ces peuples autochtones qui quoi
44:05 alors ils vont devenir des
44:07 placés climatiques
44:09 et tout ce savoir
44:11 et toutes ces plantes dans la forêt
44:13 et tous ces trésors médicinaux
44:15 voués à disparaître
44:17 on sait qu'on n'a pas cartographié plus de 15%
44:19 des plantes de l'Amazonie
44:21 des végétaux et
44:23 évidemment, tout ça peut
44:25 partir en fumée, moi je trouve ça dramatique
44:27 Et c'est tellement dramatique que vous l'évoquez
44:29 à travers un incendie dans ce livre
44:31 mais vous évoquez aussi
44:33 quelque chose d'étonnant, ce sont les cérémonies
44:35 avec les chamanes, avec
44:37 les femmes qui sont
44:39 complètement perdues à un moment
44:41 Oui, alors Rose en tout cas
44:43 je crois que
44:45 elle assiste à plusieurs cérémonies
44:47 et au départ elle ne comprend absolument rien
44:49 d'ailleurs quand elle arrive, Rose
44:51 dans cette communauté chamanique
44:53 elle ne comprend absolument pas ce qu'on lui demande de faire
44:55 on lui demande de se livrer à une diète drastique
44:57 de boire des breuvages à base de plantes
44:59 on lui demande de faire de longues marches dans la forêt
45:01 on lui demande de se livrer à des rituels
45:03 dès le matin en frottant des écorces
45:05 sur son ventre
45:07 Tout ça ça existe
45:09 et on lui demande surtout de participer
45:11 à des cérémonies collectives
45:13 au départ elle trouve ça extrêmement folklorique
45:15 elle ne comprend pas
45:17 pour elle tout le sens lui échappe
45:19 en plus il y a la barrière de la langue
45:21 tout ça en espagnol, elle parle espagnol
45:23 mais c'est pas non plus sa langue maternelle
45:25 au départ elle trouve que tout cela
45:27 est très folklorique et puis peu à peu
45:29 elle va se laisser gagner
45:31 par la poésie
45:33 de cette culture qui
45:35 vous amène et vous encourage
45:37 à envisager un monde qui est tellement plus vaste que le nôtre
45:39 vous savez pour les chamagnes
45:41 il y a trois mondes, le monde des vivants, le monde des morts
45:43 le monde des esprits
45:45 au départ ça lui paraît complètement farfelu
45:47 et puis finalement cette idée aussi
45:49 peut-être que dans le vivant
45:51 que ce soit les végétaux
45:53 les plantes, les insectes
45:55 tout
45:57 a une âme
45:59 ça lui paraît pas si fou que ça
46:01 ça lui paraît même tellement poétique
46:03 qu'elle va commencer à regarder le monde
46:05 un peu différemment et à devenir ce qu'elle n'est pas
46:07 du tout Rose, parce que Rose elle est très en intériorité
46:09 Rose elle est très
46:11 centrée sur ses problèmes, tout d'un coup
46:13 elle va s'ouvrir, elle va regarder, elle va devenir contemplative
46:15 et ça va lui faire un bien fou
46:17 - Vous aussi vous êtes passionnée par ces sujets, je crois que le matin
46:19 au petit déjeuner, Valérie Fayol
46:21 vous parlez à votre grand-père - Oui je parle à mon grand-père
46:23 c'est vrai vous êtes bien informée
46:25 oui le matin
46:27 mon grand-père quand j'étais petite, j'ai été élevée de deux ans
46:29 par mes grands-parents, me préparait
46:31 une bouillie de blé avec du confit d'amandes
46:33 et je sais pas pourquoi je me souviens
46:35 de cette odeur, et depuis je prends tous les matins
46:37 mon café avec du lait
46:39 d'amandes que je fais revenir
46:41 et tourner dans mon petit
46:43 mixeur pour que
46:45 il y ait de la mousse, et donc le premier geste que je fais
46:47 en effet le matin je descends un peu au radar dans la cuisine
46:49 j'ouvre mon pack de lait d'amandes
46:51 et je le sens un peu comme des animaux
46:53 avant de le mettre dans mon petit appareil
46:55 et je pense à mon grand-père, et en effet c'est
46:57 la première pensée que j'ai le matin, c'est pour lui
46:59 - Alors dans ce livre il y a le passé à travers le chamanisme
47:01 mais il y a aussi l'avenir quand vous vous
47:03 interrogez Valérie Fayol sur l'intelligence
47:05 artificielle, sujet d'actualité
47:07 - Oui sujet d'actualité, est-ce qu'il
47:09 faut la diaboliser, est-ce qu'il faut en avoir peur
47:11 est-ce qu'il faut l'encadrer, est-ce qu'à
47:13 contrario il faut s'en réjouir
47:15 donc ce sont toutes ces questions, alors évidemment
47:17 qui ne sont qu'effleurées
47:19 dans le roman parce que c'est pas le sujet
47:21 - Non mais ça nous inquiète quand même
47:23 - Alors moi je fais partie
47:25 ça nous inquiète tous, oui
47:27 alors moi je fais partie des optimistes
47:29 je pense qu'il faut s'en réjouir
47:31 c'est-à-dire que je pense que diaboliser l'intelligence
47:33 artificielle revient à la doter
47:35 d'une âme, à considérer qu'elle a une âme
47:37 et que cette... une conscience
47:39 pardon, pas une âme, vous voyez je suis encore
47:41 chez les chamanes, mais qu'elle est dotée
47:43 d'une conscience et que cette conscience va lui permettre
47:45 d'échafauder
47:47 des stratégies de prise
47:49 de contrôle sur l'homme et que la machine
47:51 va dépasser l'homme
47:53 moi ce scénario-là je n'y crois pas
47:55 je pense que l'intelligence artificielle
47:57 ce sera ce que nous on veut bien en faire
47:59 donc pour l'instant je me réjouis, ça ne veut pas
48:01 dire que je ne suis pas sur mes gardes
48:03 je trouve qu'il y a plein de métiers qui sont menacés
48:05 qui sont bêtement menacés parce qu'il y a
48:07 plein de corporations dont on ne pourra jamais
48:09 se passer et l'intelligence artificielle suffit
48:11 ne serait-ce que de lui poser
48:13 des questions extrêmement précises, on voit tout de suite
48:15 l'immense lacune
48:17 qu'elle a dans le savoir
48:19 dans la connaissance, mais
48:21 j'ai envie de croire que quand même
48:23 ça permet
48:25 d'établir des tâches beaucoup plus rapidement
48:27 peut-être qu'avant. - En tout cas l'intelligence
48:29 de votre roman n'est absolument pas artificielle
48:31 on le lit d'une traite
48:33 ça s'appelle "La robe du jaguar"
48:35 c'est Osition Récamier, vous allez continuer
48:37 comme ça, vous n'allez pas vous arrêter avec ce roman ?
48:39 - J'espère bien, oui, j'ai déjà un troisième
48:41 en tête
48:43 et puis qui sait, peut-être que
48:45 "Les aventures de Rose"
48:47 comme j'ai beaucoup de mal à lâcher
48:49 ma rose
48:51 et sa famille
48:53 par moment j'imagine une suite
48:55 - Eh bien pourquoi pas !
48:57 Merci en tout cas de l'avoir écrit
48:59 et merci de vos réponses
49:01 toujours souriantes et précises. - Merci Jacques
49:03 merci de m'avoir accueilli. - Les clés d'une vie c'est terminé
49:05 pour aujourd'hui, on se retrouve bientôt
49:07 restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.