La politesse et la politique sont deux termes qu’on n’a guère l’habitude d’associer. Le déclin du politique va pourtant de pair avec le déclin de la politesse. C’est ce que démontre "Politesse et politique" (éditions du Cerf), le dernier livre de Frédéric Rouvillois, qui n’est pas seulement juriste, mais aussi historien des mentalités. Y a-t-il eu un âge d’or de la politesse et sommes-nous dans son âge de fer ? La politesse est-elle de droite ou de gauche ? Où finit la politesse, où commencent les incivilités ? Autant de questions qu’aborde Frédéric Rouvillois dans ce nouvel "Orages de papier".
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00:00Ils ont conduit la France au désastre.
00:03Et pourtant les médias du système, pointe du doigt,
00:05n'ont pas cette élite toxique au pouvoir,
00:08mais le danger des extrêmes, comme ils disent.
00:11Sur TV Liberté, nous ne recevons de consignes de personne
00:15et nous n'en donnons à personne.
00:17Sur TV Liberté, nous vous livrons les clés.
00:20Mais pour vivre, TV Liberté doit compter sur votre soutien financier.
00:25Vous êtes la seule garantie de notre survie,
00:27alors je compte sur vous.
00:30Sous-titrage ST' 501
01:00Foutre, merde, bougre d'enculé
01:02qui ne se souvient de ce passage chavoureux
01:04dans le discours d'un roi joyeux du cinéma britannique
01:06où Bertil Begg, Bertil Duke-Diorc,
01:08qui sera bientôt le roi Georges VI,
01:10hurle à tue-tête ses grossièretés
01:12dans le cabinet de son orthophoniste
01:13pour essayer de surmonter son foutu béguement.
01:17Eh bien voilà un cas typique d'impolitesse royale et de politique,
01:21quand bien même celle-ci ne s'exerce que dans un cadre privé,
01:24comme dans le discours d'un roi.
01:26Mais les apparences sont ici trompeuses.
01:28Malgré le vocabulaire de Chartier et de Bertil Begg,
01:31la politesse sent les têtes couronnées,
01:33les cours d'Ancien Régime
01:34et les hautes civilisations sophistiquées.
01:37Or la nôtre de civilisation touche le fond,
01:40telle est la dé-ci-vi-li-sa-tion.
01:42La politesse y fait vieux jeu,
01:44réac, horriblement ringarde,
01:46son champ sémantique ressemble à la galerie d'un musée de province
01:49à l'abandon, c'est poussié-reux.
01:52Mais voilà, l'homme n'est que poussière, dit l'ecclésiaste,
01:55c'est dire l'importance du plumeau,
01:57comme disait, ajouté, Alexandre Le Grand,
01:59je parlais d'Alexandre Vialat.
02:01Ce plumeau, c'est Frédéric Rouvigua qui le tient,
02:04il redonne du lustre à l'antique politesse
02:06dans un livre à mettre entre toutes les mains,
02:08et d'abord celle des malotrus et des mufles.
02:12Politesse et politique, telle est son titre,
02:15qui vient de sortir aux éditions du Serre.
02:18La politesse et la politique,
02:19deux mots qu'on n'a pas l'habitude d'associer ensemble.
02:22Et pourtant, et pourtant,
02:24le déclin du politique va de pair
02:26avec le déclin de la politesse.
02:27C'est ce que nous dit Frédéric Rouvigua,
02:30qui n'est pas seulement juriste,
02:31qui n'est pas seulement auteur de polars à la Nouvelle Librairie,
02:34mais aussi historien des idées,
02:35historien des mœurs, des mentalités et des bonnes manières.
02:39Cher Frédéric Rouvigua,
02:41bienvenue dans ce nouvel orage de papier
02:43pour politesse et politique.
02:46Est-ce que c'est...
02:47Bonjour Jean-François et merci de m'y accueillir.
02:49Je vous en prie.
02:50Est-ce que c'est le conservateur en vous,
02:52parce qu'on sait que vous êtes attaché au conservatisme,
02:55que vous vous avez consacré, du reste co-dirigé,
02:57à un dictionnaire remarquable sur le conservatisme,
03:00le populisme et rien d'autre,
03:01mais le conservatisme,
03:02est-ce que c'est le conservateur en vous
03:04qui s'est d'abord intéressé à la politesse ?
03:08Pour tout vous dire, non.
03:10C'est d'abord, je dirais,
03:13l'amateur de littérature qui s'intéressait
03:18au dialogue des personnages de Balzac ou de Proust
03:22et qui comprenait que
03:24s'il ne perçait pas à jour certains éléments,
03:26il ne comprendrait rien.
03:27Et ces éléments, c'est notamment la politesse.
03:30La recherche du temps perdu,
03:32que certains pensent être une chose très très ennuyeuse,
03:37est en fait d'une extrême drôlerie
03:39lorsqu'on comprend les codes
03:41et qu'on peut par conséquent voir ce qu'il y a derrière.
03:45Donc je pense que c'est ça qui m'a donné envie de m'y atteler.
03:50Et d'autre part, c'est mon métier de juriste,
03:54de professeur de droit.
03:56En droit, les spectateurs le savent,
04:00peut-être ceux qui sont passés par là,
04:02on essaie d'expliquer généralement aux étudiants
04:05le droit à partir d'un ensemble de règles,
04:09à partir d'un autre ensemble de règles qui est la morale.
04:12Sauf qu'en réalité, la morale,
04:13c'est beaucoup plus compliqué à comprendre que le droit.
04:14Donc essayer d'expliquer quelque chose de relativement simple
04:18par quelque chose de plus compliqué, ça ne va pas.
04:19En revanche, si on explique le droit par rapport à la politesse,
04:22et ça, chacun sait exactement ce que c'est,
04:24c'est voilà, on doit faire ceci, on ne doit pas faire cela,
04:27si on le fait, il y aura de telles conséquences,
04:29c'est beaucoup plus clair.
04:30Et donc c'est au fond cette espèce de combinaison
04:34de mon intérêt pour la littérature
04:36et de mon métier de professeur de droit,
04:38d'enseignant des questions juridiques,
04:41qui m'a initialement poussé vers ça
04:45et qui m'a permis de faire...
04:46Par exemple, je suis professeur de droit constitutionnel,
04:48donc j'ai assez rapidement compris
04:50à quel point, au fond, ces questions de la politesse et de la politique
04:55étaient, au fond, étroitement liées,
04:57comme la proximité entre les mots,
04:59la ressemblance entre les mots, qui est quand même frappante,
05:02politesse, politique, on va y venir, l'indique.
05:06Mais il n'empêche, vous n'avez pas intitulé votre livre
05:10« Politesse et morale » ni « Politesse et droit »,
05:12c'est « Politesse et politique »,
05:15raison pour laquelle j'évoquais la question du conservatisme,
05:17mais évacuons-la, restons sur le politique.
05:20— Ceci, j'assume parfaitement.
05:22— Non, je sais bien.
05:22— Non, non, évidemment.
05:23Et du reste, effectivement, ce livre peut se lire aussi
05:28comme une sorte d'appel au secours,
05:30ou de bouteille à la mer,
05:32en expliquant que si on veut conserver ce qui est important,
05:35ce qui est le propre du conservateur,
05:37le conservateur, il ne veut pas tout conserver,
05:39il veut considérer ce qu'il juge vraiment fondamental.
05:41Or, ce qui est fondamental pour nous, c'est la civilisation,
05:44dire le contraire,
05:46et la civilisation, me semble-t-il,
05:49elle a un certain nombre de fondements, de bases,
05:52et parmi ces bases, il y a le droit,
05:55il y a le langage,
05:57il y a l'autorité et il y a la politesse.
06:00Voilà. Si, effectivement,
06:04tous ces éléments sont inversés,
06:06eh bien la civilisation disparaît aussi,
06:08et effectivement, le conservateur que je suis,
06:11mais également n'importe qui,
06:13se retrouve finalement démuni dans quelque chose
06:16qui pourrait ressembler à terme,
06:19c'est ce qui préoccupe actuellement l'Élysée et Matignon,
06:23donc quelque chose qui pourrait ressembler à une sorte
06:26d'état de nature Hobbesien dans lequel l'homme est à l'eau pour l'homme.
06:30– Paradoxalement qu'il est en train, vous parlez de Macron,
06:32qu'il est en train d'accélérer.
06:33J'en profite pour vous poser la question suivante,
06:36parce que vous donnez, moi je pense qu'il faut aller au-delà,
06:38vous allez au-delà, c'est plus que ça la politesse,
06:41vous le dites dans le livre,
06:42et une des définitions les plus justes et les plus belles
06:44de la politesse que vous donnez, me semble-t-il,
06:46il y en a deux, j'en ai retenu deux, mais il y en a beaucoup d'autres,
06:49une de Heidemann Burke, grand conservateur s'il en fut,
06:53anglais, britannique,
06:55et il plaçait les manières au-dessus des doigts, disait-il,
06:57et je trouve que la plus belle, c'est d'Emmanuel Camp,
07:01et la plus profonde, c'est étonnant,
07:04qui disait des bonnes manières, c'est vous qui les citez,
07:06qu'elles cachent, disait-il, le secret de la vie sociale,
07:10le secret de la vie sociale,
07:11c'est quasiment du Marcel Mousse,
07:13dans le don et le contre-don, parce qu'on échange aussi de la politesse,
07:16donc ça déborde le cadre du droit, me semble-t-il,
07:18c'est encore plus grand que le droit,
07:20mais revenons à la politesse et à la politique,
07:22c'est le début de votre livre,
07:23la politesse est-elle de droite ?
07:24Moi j'aurais tendance à dire oui, d'emblée oui,
07:26raison pour laquelle j'évoquais la question du conservatisme,
07:29la préséance royale, la droite de Dieu,
07:32les maladictions attachées à la main gauche,
07:34donc c'est tout ce qui est valorisé,
07:35tout ce qui est magnifié, exalté, c'est la droite,
07:39est-ce que la politesse est de droite ?
07:41Écoutez, au premier abord, je serais d'accord avec vous,
07:46notamment dans la mesure où la politesse suppose
07:49un certain nombre d'éléments, de conditions,
07:54on ne peut pas admettre le principe même d'une politesse
07:59si on n'a pas un certain regard vers le passé,
08:03vers la continuité, vers la transmission,
08:05vers la tradition,
08:08mais également si on n'admet pas,
08:10c'est très important évidemment,
08:12les différences entre les personnes,
08:15et également il y a les hiérarchies, les inégalités,
08:18que tous les hommes ne sont pas pareils,
08:21tous les hommes ne sont pas égaux,
08:22et à ce titre ils ont droit à des manifestations de politesse,
08:26des mots, des gestes, etc.,
08:27qui sont différenciées en fonction de leur statut,
08:30leur situation, etc.
08:31On ne se comporte pas avec un jeune, avec un adolescent,
08:35comme avec une vieille dame,
08:37ni avec un ambassadeur comme avec sa boulangère.
08:43Voilà, ça ne veut pas dire que c'est...
08:46Voilà, les choses sont quand même compliquées,
08:47parce qu'il y a une chose qui me frappait beaucoup
08:53parmi ces règles de politesse anciennes,
08:55c'est qu'au début du XXe siècle,
08:58dans les manuels de politesse, on explique que
09:00lorsqu'un lieutenant croise un général,
09:04il doit évidemment le saluer avec toutes les formes, etc.
09:09En revanche, lorsque le lieutenant est avec sa jeune épouse à son bras,
09:13c'est le général qui doit le saluer,
09:15parce que c'est à la femme que l'on doit un respect supérieur
09:20encore à celui du grade, par exemple.
09:22En particulier dans des situations comme la nôtre galantes.
09:24Absolument, tout à fait.
09:26Donc voilà, les règles, les codes évidemment sont changeants,
09:30ils dépendent notamment d'une anthropologie bien particulière,
09:34mais ce sont des choses qui sont extrêmement intéressantes,
09:38révélatrices et fondatrices effectivement de cette civilisation,
09:41c'est-à-dire d'un lieu où on peut vivre à peu près harmonieusement
09:49les uns avec les autres, et de ce point de vue-là,
09:51la citation de Kant, homme de gauche, il en faut un,
09:54est évidemment tout à fait intéressante.
09:55Alors c'est un des paradoxes de cette question,
09:58la définition de la politesse et du reste,
10:00vous le soulignez de droite, oui, mais pas que.
10:03De gauche aussi, vous allez me dire pourquoi ?
10:05Parce que vous montrez le dilemme de la politesse,
10:07elle requiert à la fois, vous l'avez dit,
10:09de hiérarchie, donc des formes d'inégalité,
10:11et donc d'inégalité sociale,
10:13mais également un vœu, un projet d'égalité.
10:18Je ne dirais pas d'égalité, c'est-à-dire au sens d'un égal respect en quelque sorte.
10:25Chacun a droit au même respect que les autres
10:28en fonction de la situation qui est la sienne
10:32dans la société.
10:33C'est-à-dire que tout le monde a droit au respect,
10:35mais évidemment, les marques de ce respect ne sont pas les mêmes.
10:37Donc égalité et inégalité, en fait.
10:40Une égalité qui se réalise par l'inégalité, en quelque sorte.
10:47Ce que je souligne effectivement dans un des chapitres,
10:50c'est qu'un système radicalement inégalitaire
10:57est incompatible avec la politesse.
10:59C'est-à-dire un système où l'esclavage subsiste
11:04ou un système de caste indienne, par exemple.
11:09Le brahmin n'a pas à montrer le moindre signe de politesse
11:12à l'égard de l'intouchable.
11:13Oui, il est quasiment un sous-homme,
11:15dans ses perspectives.
11:16Il est un sous-homme, donc dans ses perspectives,
11:18il a les cases, et c'est à l'intérieur de sa case
11:21que l'on va finalement avoir des comportements polis,
11:24mais pas en dehors.
11:27Je cite aussi un passage que j'ai trouvé un peu par hasard
11:31qui est absolument incroyable,
11:35notamment parce que les personnages en question
11:37sont très connus.
11:38Madame du Châtelet, qui est un des grands babeleux
11:41du XVIIIe siècle, la maîtresse de Voltaire,
11:46femme de gauche là encore s'il en est,
11:48considère ses domestiques vraiment comme des objets.
11:51Les Voltaires, c'est la même chose.
11:53Les Voltaires, c'est la même chose.
11:54Mais elle, c'est encore plus.
11:55Il y a une scène qui est relatée par un de ses domestiques
11:58dans laquelle elle ne l'a jamais vue,
12:02elle vient d'être embauchée,
12:04et elle lui demande de la servir
12:07dans sa salle de bain.
12:08Et notamment, elle se déshabille devant lui
12:12sans aucun problème,
12:14elle se met dans sa salle de bain
12:16et elle lui demande de lui verser de l'eau chaude
12:18sur le corps, sur les parties génitales, etc.
12:21Et voilà, comme s'il n'y était qu'une sorte de robinet
12:25auquel...
12:26Voilà, un objet, en dehors de l'humanité.
12:28Un objet, et donc par conséquent,
12:30à qui on ne doit, par définition, aucune politesse.
12:32Mais est-ce que les choses ont vraiment changé
12:33pour ce qui est de la gauche caviar ?
12:34Madame du Châtelet, c'est le mathématicien,
12:37scientifique, progressiste,
12:39les Lumières, Voltaire, on l'a évoqué,
12:41mais il y a eu des affaires,
12:42il y a quelques mois, quelques années,
12:43d'une secrétaire d'État, je crois, de la Macronie
12:45qui ne payait pas ses employés.
12:46Oui, oui.
12:47Les fameuses petites bonnes Philippines, etc.
12:50qui dorment sous la sous-pente et que...
12:53Oui, il y a un peu de ça, effectivement.
12:55Je veux dire, ce n'est pas réservé à la gauche.
12:57Il y a des gens de droite qui votent à droite.
12:59Soyons de mauvaise foi.
13:00Soyons de mauvaise foi.
13:01De mauvaise foi, donc, il n'y a pas de problème.
13:03Mais voilà, c'est...
13:05Tout ça pour revenir au point de départ.
13:07S'il n'y a pas, effectivement, l'idée
13:09d'une certaine égalité
13:11en tant qu'être humain, finalement...
13:13Une commune humanité.
13:15Une commune humanité qui fait que,
13:17pour le chrétien, voilà,
13:19nous sommes tous des créatures de Dieu
13:21et par conséquent, on doit à toute créature
13:23un minimum de respect
13:25qui n'existe pas, enfin.
13:27De respect et donc de politesse.
13:29Alors, venons-en au cœur du sujet.
13:31Politesse, on l'a évoqué.
13:33Et politique.
13:35Au premier abord, on a vraiment le sentiment
13:37que c'est deux choses incompatibles.
13:39Pour quantité de raisons que vous évoquez dans le livre.
13:41D'abord parce que le politique, l'essence du politique
13:43pour Carl Schmitt, pour Freud et pour beaucoup d'autres,
13:45c'est l'ami et l'ennemi.
13:47L'humanisation, c'est le conflit, c'est la violence politique.
13:49Vous rappelez les noms d'oiseaux qu'on échange.
13:51Les fausses politesses que vous appelez
13:53ou d'autres la poly-rudesse
13:55où on affecte les médias de politesse.
13:57On évoquait Macron et l'Élysée.
13:59Macron, c'est un cas typique
14:01d'impolitesse et de politique.
14:03C'est peut-être même parfois impolitique.
14:07Oui, mais s'il voulait, il sait très bien ce qu'il fait.
14:09À mon avis.
14:11Vous croyez ?
14:13Oui, je crois.
14:15J'ai publié il y a quelques années
14:17au CERF également un livre qui s'appelait
14:19« Liquidation sur Macron, le Saint-Simonisme »
14:21où ma thèse était
14:23qu'il y avait effectivement
14:25ce qu'on pourrait dire un Macron profond.
14:27Que Macron avait une véritable
14:29idéologie qui était justement le Saint-Simonisme
14:31et qu'évidemment
14:33il est en permanence
14:35face aux autres.
14:37Et donc je pense que
14:39Macron, lorsqu'il soit
14:41surjoue la politesse,
14:43soit au contraire, lorsqu'il
14:45affecte l'impolitesse, la grossièreté,
14:47le fameux « je les emmerde tous »
14:49pour les vacciner, pour les non-vacciner.
14:51« J'enverrai des mecs à Odessa »
14:53« ça m'en touche une, ça m'en touche une autre »
14:55Oui, ça c'était fabuleux
14:57effectivement.
14:59Essayer de mimer Chirac.
15:01Ou le fait de ne pas mettre
15:03de cravate lorsque tout le monde en met
15:05notamment les inférieurs.
15:07Ou de se promener en manche de chemise
15:09ou de se laisser voir torse nu
15:11avec des gens qui...
15:13Il y a des espèces de...
15:15des choses qui apparaissent
15:17comme des...
15:19des infractions
15:21aux codes les plus élémentaires
15:23mais qu'il manie
15:25je pense avec
15:27sa subtilité
15:29et sa duplicité habituelle.
15:31Il a un regard de duplicité
15:33sur la politesse qu'il utilise
15:35vraiment sur mode purement instrumental
15:37et au service de sa politique.
15:39Alors est-ce qu'il le dit bien ou mal
15:41ça c'est un autre problème
15:43mais je pense que c'est comme ça qu'il faut le voir.
15:45Il faut pas le...
15:47Vous savez qu'il est toujours très dangereux de prendre...
15:49de sous-estimer l'adversaire.
15:51Pour les imbéciles et donc voilà
15:53c'est pas du tout le cas en l'occurrence.
15:55Non mais je suis séduit par votre généalogie du macronisme
15:57à partir de Saint-Simon
15:59mais bon, le personnage parfois, vous l'avez dit, fait des embardés.
16:01Revenons à la politique
16:03et parfois c'est souvent une foire d'empoigne.
16:05Vous vous rappelez qu'il y a même un livre
16:07sur l'insulte en politique de la restauration
16:09à nos jours, c'est un auteur, Thomas Boucher
16:11qui recense
16:13les échanges d'injures
16:15les combats de coqs
16:17que ce livre, les parlementaires en particulier
16:19et l'âge d'or de l'insulte en politique
16:21c'est, vous le rappelez, la troisième république.
16:23En fait, ce que montre ce livre
16:25et ce qu'on constate par ailleurs
16:27notamment les débats parlementaires
16:29depuis la restauration
16:31jusqu'à nos jours
16:33c'est qu'il y a vraiment une corrélation
16:35entre le pouvoir
16:37et l'impolitesse
16:39c'est-à-dire que
16:41plus dans une institution il y a du pouvoir
16:43et plus les rapports sont violents.
16:45Et c'est vraiment, ça corrobore totalement
16:47sur un autre plan, si vous voulez
16:49la thèse freudienne et schmittienne
16:51du rapport ami-ennemi comme définition
16:53du politique.
16:55Et par exemple
16:57le lieu de l'impolitesse
16:59et de la violence
17:01c'est le parlement sous la troisième république
17:03parce que c'est là que se trouve le pouvoir.
17:05En revanche, à l'époque
17:07l'exécutif
17:09est parfaitement poli
17:11parfaitement lissé, parfaitement terne
17:13voilà, c'est ce que
17:15le président Albert Lebrun
17:17c'est un monsieur que
17:19personne, même pas sa femme de ménage
17:21a dû entendre dire
17:23une un jour
17:25pendant ses deux mandats.
17:27Il y en a quelques-uns qui finissent, qui meurent
17:29dans les bras d'un maîtresse.
17:31C'est pas spécifiquement impoli
17:33de mourir dans les bras de sa maîtresse
17:35même si en l'occurence, c'est pas forcément les bras
17:37mais
17:39donc voilà
17:41et de nos jours, qu'est-ce qui se passe ?
17:43C'est l'inverse, sous la cinquième république
17:45le pouvoir n'est plus au parlement, par conséquent
17:47le parlement apparaît
17:49même s'il peut y avoir des
17:51fréquentements d'impolitesse partis par là
17:53mais globalement le parlement est beaucoup plus
17:55calme, beaucoup plus poli, beaucoup plus mesuré
17:57qu'il ne l'était sous la troisième république
17:59et inversement
18:01c'est plutôt l'exécutif
18:03étant le président de la république
18:05qui éventuellement va faire assaut d'impolitesse
18:07prendre des libertés avec
18:09la norme et l'étiquette
18:11parce que c'est là qu'est le pouvoir
18:13vous rappelez quand même, moi, qu'il y a la nupèce
18:15et elle est fille
18:17il y a le coup de la cravate
18:19c'est ça, mais voilà
18:21c'est les fréquentements et c'est justement parce que
18:23la nupèce veut accéder au pouvoir
18:25c'est important parce que vous montrez que c'est très important
18:27à gauche, en tout cas à l'extrême-gauche
18:29si je puis dire
18:31sous la révolution déjà, une tentation
18:33d'une société, on va en parler
18:35parce qu'il y a un procès
18:37en hypocrisie
18:39qui inaugure Rousseau, il y en a avant lui mais Rousseau
18:41lui donne toute l'audience nécessaire
18:43il y a un procès en hypocrisie
18:45l'impolitesse, ce serait presque du bourdieu
18:47en réalité, ce sont des codes
18:49de classe et de domination
18:51exactement, c'est ça, c'est pas seulement l'hypocrisie
18:53ça c'est correctement gentil
18:55du reste, le premier à le dénoncer
18:57c'est Alceste dans le misanthrope de Molière
18:59mais effectivement
19:01Rousseau c'est plus
19:03et ensuite ses successeurs
19:05notamment sur la révolution française
19:07il y a l'hypocrisie mais se rajoute à ça
19:09l'idée que l'impolitesse
19:11est un moyen de domination, un moyen d'écraser
19:13les plus faibles, un moyen
19:15pour la classe dominante
19:17pour reprendre une phrase zéologie marxiste
19:19de
19:21conserver sa domination
19:23sur la classe dominée
19:25et effectivement
19:27sous la révolution française
19:29mais également au XXe siècle
19:31dans tous les grands systèmes totalitaires
19:33on a cette espèce de
19:35volonté
19:37de tablera
19:39de suppression de l'ancienne politesse
19:41qui avait été créée finalement par
19:43la société elle-même
19:45au nom de l'égalité
19:47parce que
19:49la politesse serait fondamentalement
19:51inégalitaire
19:53au nom de la liberté
19:55à Larousseau
19:57parce que ce sont des règles qui n'ont pas été établies
19:59par les représentants du peuple
20:01et au nom de la fraternité
20:03parce que dans cette vision utopique de la fraternité
20:05les frères n'ont pas besoin de faire des courbettes
20:07les uns avec les autres
20:09Mais est-ce qu'il n'y a pas encore un petit peu de ça
20:11chez les Insoumis et chez les Mise en Choseurs ?
20:13Même si on pourra dire que c'est la communication
20:15quand même ils ont fait fort
20:17C'est tout à fait cette même tradition
20:19Du reste
20:21après la Révolution Française
20:27C'est le premier exemple
20:29véritablement de système totalitaire
20:31qui va
20:33vouloir remplacer
20:35la politesse par la loi
20:37et le savoir-vivre
20:39par ce que les gens à l'époque appelaient la civilité républicaine
20:41On passe du vouvoiement au tutoiement
20:43de monsieur à citoyen
20:45Non seulement on passe du vouvoiement au tutoiement
20:47mais on interdit le vouvoiement
20:49c'est-à-dire que ceux qui vouvoient
20:51sont suspectés
20:53d'être au fond
20:55de mauvais français, de mauvais jacobins
20:57de mauvais révolutionnaires
20:59et à l'époque ça peut aller
21:01très loin et surtout très vite
21:03On peut potentiellement
21:05passer devant
21:07le tribunal révolutionnaire
21:09parce qu'on a vouvoyé
21:11son domestique
21:13et je cite
21:15On est ainsi devant un pays citoyen
21:17ainsi devant et donc
21:19un suspect et donc un ennemi
21:21et donc quelqu'un qu'il faut éliminer
21:23et c'est ce qu'on retrouve
21:25à l'époque de la révolution
21:27d'octobre 1917 avec les bolcheviques
21:31et de manière encore plus
21:33dense et plus terrifiante
21:35par exemple sous la révolution culturelle chinoise
21:37ou
21:39dans le Cambodge de Pol Pot
21:41tous ces éléments
21:43se retrouvent absolument à chaque fois
21:45et surtout avec les mêmes justifications
21:47il faut établir l'égalité
21:49il faut établir la fraternité
21:51il faut établir l'émancipation générale
21:53c'est la grande thématique
21:55et pour ça il faut supprimer
21:57la politesse, supprimer
21:59le savoir violentien, supprimer
22:01tous ces marqueurs d'une domination de classe
22:03de même que bientôt
22:05on va supprimer les lois et l'Etat
22:07c'est dans la thématique marxiste
22:09du dépérissement de l'Etat et du droit
22:11donc tout se tient
22:13politesse et politique
22:15il y a une
22:17une homophonie
22:19à défaut d'une homonomie
22:21les deux mots se ressemblent beaucoup
22:23politesse et politique
22:25quelles sont les racines étymologiques
22:27de la politique, c'est la police
22:29donc la cité
22:31quelles sont les racines pour
22:33la politesse, sachant qu'un mot
22:35comme urbs
22:37U-B-R-S, donc la ville
22:39va également donner urbanité
22:41donc il y a quand même un lien montré
22:43entre la naissance des villes
22:45donc des civilisations et
22:47l'apparition de la politesse
22:49pour ce qui est de l'étymologie
22:51du mot politesse
22:53vous savez l'étymologie
22:55n'est pas une différence exacte
22:57et parmi les
22:59étymologies qui ont pu être évoquées
23:01il y a effectivement
23:03le mot police, la cité
23:05il faut se comporter de cette
23:08manière au sein du groupe social
23:10et il y a
23:12sous sa assez jolie
23:14idée, le verbe
23:16polir
23:18le polissage
23:20c'est à dire le fait d'enlever toutes les aspérités
23:22et en l'occurrence
23:24les aspérités des relations entre
23:26personnes afin de
23:28fluidifier finalement ces rapports
23:30de faire en sorte qu'il n'y ait pas de
23:32frottement
23:34qui pourrait amener à des conflits
23:36et qui eux-mêmes pourraient amener à des violences
23:38qui eux-mêmes pourraient amener
23:40à l'explosion du groupe social
23:42et au fond
23:44c'est là-dessus
23:46que j'insiste dans mon bouquin
23:48pour expliquer
23:50que au fond
23:54la finalité utile de la politique
23:56comme la finalité utile de la politesse
23:58c'est ça, c'est d'essayer de maintenir
24:00la paix sociale, de faire en sorte
24:02que les choses n'explosent pas
24:04vous avez noté effectivement
24:06que cette similitude
24:08de mots
24:10on la trouve pas seulement dans politesse et politique
24:12mais dans effectivement
24:14la ville urps et l'urbanité
24:16dans
24:18la cour et la courtoisie
24:20qu'on retrouve par exemple en allemand
24:22avec hof la cour
24:24et hoflichkeit la politesse
24:26dans le mot
24:28civil et civilité
24:30enfin voilà, toutes les...
24:32on voit à quel point c'est imbriqué
24:34c'est très très imbriqué et par ailleurs
24:36les termes qui sont utilisés
24:38en parallèle comme
24:40bienséance, bonne mania etc
24:42supposent effectivement qu'il y a un bien et un mal
24:44donc une prescription, une norme
24:46qui existe à l'arrière-plan
24:48une norme et donc quelqu'un
24:50pour l'établir
24:52donc une autorité
24:54bref, c'est très amusant effectivement
24:56de jongler un petit peu avec
24:58ces mots
25:00parce que
25:02il n'y a pas d'exception
25:04et que d'autre part, dans toutes les langues
25:06indo-européennes finalement
25:08on retrouve la même articulation
25:10dans le sens du poil
25:12mais nous procédons
25:14de ce rameau-là
25:16absolument, tout à fait
25:18on est finalement dans cette même logique
25:20ce sera parmi mes dernières
25:22questions
25:24l'un ne va pas sans l'autre
25:26l'un est conditionné à l'autre et si l'on perd l'un
25:28on perd en général l'autre
25:30on va y revenir
25:32est-ce qu'il n'y a pas eu un âge d'or
25:34c'est frappant
25:36un âge d'or de la politesse
25:38qui est des sociétés d'ancien régime
25:40ce n'est pas le monarchisme
25:42vous êtes attaché je crois au principe
25:44de la monarchie
25:46est-ce que
25:48ce n'est pas
25:50sous les monarchies, en particulier françaises
25:52parce que la France a été
25:54l'incarnation si l'on peut dire
25:56de cette politesse à une époque
25:58qui révolue malheureusement
26:00est-ce qu'il n'y a pas une monarchie
26:02bref une société de cour
26:04pour voir une politesse se déployer complètement
26:06écoutez
26:08on a un cas effectivement en France
26:10qui est bien particulier
26:12qui est la société de cour
26:14et la monarchie
26:16dite absolue
26:18grosso modo entre
26:20le règne de François 1er
26:22et le règne de Louis XVI
26:24d'épanouissement du savoir-vivre
26:26de la politesse française
26:30sur tous les plans
26:32personne ne peut le contester
26:34et l'un de ceux
26:36qui vont développer cette idée
26:38c'est justement Voltaire
26:40qui est un personnage très complexe
26:42qui va écrire
26:44le siècle de Louis XIV
26:46dans lequel il explique
26:48que
26:50ce siècle c'est le grand siècle
26:52de la politesse
26:54le grand siècle des manières
26:56de la civilité
26:58de la galanterie entre hommes et femmes
27:00et il explique qu'effectivement
27:02le roi dans cette perspective-là
27:04et la cour
27:06vont jouer un rôle de modèle
27:08finalement des règles
27:10qui vont ensuite se diffuser
27:12de haut en bas de la société
27:14même si en parallèle
27:16subsistent des politesses
27:18locales
27:20et des politesses régionales
27:22qui ne disparaissent pas pour autant
27:24c'est tout à fait l'inverse
27:26de ce qu'on va voir sous la Révolution française
27:28parce qu'on coupe finalement
27:30la tête à la politesse
27:32et en même temps
27:34on éradique les politesses locales
27:36de même qu'on veut supprimer
27:38les langues régionales
27:40c'est tout à fait dans cette même...
27:42Mais donc voilà
27:44la France de ce point de vue-là
27:46c'est une sorte de chef-d'oeuvre
27:48même que sur d'autres plans
27:50un chef-d'oeuvre de ce point de vue-là
27:52pour autant
27:54toutes les monarchies de l'époque
27:56ne sont pas aussi polies que cela
27:58et à l'époque de Voltaire
28:00notamment
28:02on regarde avec horreur
28:04ce qui se passe en Russie
28:06ou en Allemagne
28:08l'Allemagne qui est considérée
28:10à l'époque comme le vrai pays
28:12de les mauvaises manières
28:14Mais il n'y a pas que l'Allemagne
28:16Il y a un hommage
28:18des grands auteurs étrangers
28:20au génie français, Baltasar Gracian
28:22que vous citez, la France est le centre
28:24de la politesse en tous sens
28:26Taine, français pour le coup, fin 19ème
28:28la monarchie a produit la cour
28:30qui a produit la société polie
28:32Taine dit que c'est le chef-d'oeuvre
28:34de la France, la politesse
28:36et il nous explique qu'en Espagne
28:38l'étiquette produit des momies
28:40l'étiquette produit des momies
28:42en Allemagne, en Angleterre
28:44qui apparemment sont lourds, grossiers
28:46donc c'est vraiment le...
28:48Oui, c'est-à-dire que
28:50ce qui caractérise la politesse d'ancien régime
28:52ce qui va être cassé par la Révolution
28:54et ce qui ne reviendra plus après
28:56parce qu'au 19ème on a une espèce
28:58de politesse bourgeoise qui est codifiée
29:00et qui est importée d'Angleterre presque
29:02en partie
29:04qui est d'abord imposée par Napoléon Bonaparte
29:06qui sait très bien qu'un Etat
29:08a besoin d'une société à peu près polie
29:10et qui va effectivement ensuite
29:12à partir des années 1830
29:14surtout de la Révolution
29:16de juillet 1830
29:18être très très
29:20influencée par le modèle britannique
29:22mais avant ça
29:24donc la politesse d'ancien régime, d'avant la Révolution
29:26c'est une politesse qui est vraiment
29:28multiple
29:30diverse, sophistiquée
29:32mais pas pour autant chinoise
29:34souple
29:36c'est quelque chose d'extrêmement
29:38raffiné
29:40et qui fonctionne bien
29:44mais on a cassé un modèle
29:46tout ça pour dire que
29:51d'autres monarchies n'ont pas eu
29:53les mêmes effets et par conséquent
29:55ce n'est pas une conséquence de la monarchie
29:57c'est une conséquence un peu miraculeuse
29:59de la monarchie française de l'époque
30:01à partir des spécificités françaises
30:03alors qu'est-ce qui nous est arrivé aujourd'hui
30:05je ne veux pas recourir au vocabulaire
30:07de l'ensauvagement, il y a une beauté du sauvage
30:09mais il y a une multiplication des incivilités
30:11vous vous rappelez que
30:13c'est un sondage qui a été fait auprès des maires de France
30:157 maires sur 10
30:17se disent avoir été victimes
30:19d'incivilités
30:21il suffit de regarder les informations chaque jour
30:23il y a une multiplication d'incivilités
30:25de violences, de violences verbales
30:27que s'est-il passé pour que nous tombions si bas
30:29il s'est passé un phénomène
30:31en fait très curieux
30:33parce que
30:35si vous voulez
30:37je dirais le déclin de la politesse en France
30:39il commence en fait
30:41il y a presque un siècle
30:43plus d'un peu plus d'un siècle
30:45après la fin de la première guerre mondiale
30:47et donc on a une espèce de déclin
30:49progressif qui est lié
30:51à les modifications
30:53du mode de vie etc
30:55qui a son acme
30:57justement autour de mai 68
30:59mais à partir des années
31:0180, 90
31:03les français, notamment
31:05confrontés à la crise
31:07à une vie de plus en plus dure etc
31:09comprennent que la politesse c'est quelque chose
31:11qui est un don gratuit
31:13et qui est au fond
31:15un moyen de vivre mieux
31:17et donc il y a une prise de conscience
31:21dans les années 70
31:23la plupart des français considèrent que la politesse
31:25c'est ringard et déplacé
31:27à la fin des années 90
31:29on a presque 90% de français
31:31qui considèrent que c'est absolument essentiel
31:33que c'est vital
31:35et que c'est la valeur principale
31:37qu'ils transmettront à leurs enfants
31:39donc on a une espèce de renversement complet
31:41sur ce plan là
31:43et en même temps
31:45c'est pas forcément les mêmes
31:47ceci dit
31:49on a effectivement une montée
31:51des incivilités
31:53qui sont perçues de manière
31:55d'autant plus
31:57aiguë que
31:59on est très
32:01sensible finalement
32:03à ce qui se passe
32:05on a compris que la politesse était vraiment importante
32:07et on est confronté au phénomène inverse
32:09sans jouer au vieux con
32:11on a un problème
32:13c'est une question
32:15sans jouer au vieux con
32:17parce que c'est le procès qu'on nous fait
32:19on a quand même un problème avec la jeunesse
32:21j'ai pas un repas de famille
32:23sans que mes neveux
32:25des jeunes gens
32:27qui textotent en vous parlant
32:29ils sont enfermés dans leur bulle
32:31voilà
32:33effectivement c'est un petit peu
32:35la conclusion de mon livre
32:37on est confronté aujourd'hui
32:39à une sorte de révolution
32:41des mœurs telle qu'on a probablement
32:43jamais connue
32:45avec comme élément
32:47principal évidemment l'individualisme
32:49radical et
32:51les différents éléments qui font que cet individualisme
32:53radical va être
32:55encore radicalisé et notamment
32:57par la machine
32:59au sens large et notamment
33:01par le portable
33:03qui fait que
33:05les jeunes générations
33:07sont comme des papillons
33:09devant une flamme
33:11ils ont conscience des problèmes que ça va entraîner
33:13mais ils ne peuvent pas y échapper
33:15ils sont totalement attirés par la chose
33:17et effectivement lorsque vous êtes avec votre portable
33:19seul à seul avec lui
33:21comme une espèce de
33:23monade isolée du reste
33:25de la société, cette société
33:27elle ne compte plus et donc les règles
33:29qui rendent la vie en société
33:33douce et vivable
33:35elle ne compte plus
33:37et donc par conséquent effectivement
33:39on voit
33:414 personnes ou 5 personnes
33:43à une même table de restaurant
33:45chacun regardant son portable
33:47sans parler aux autres
33:49et donc sans en l'occurrence
33:51faire droit à
33:53ce art de la conversation
33:55qui est un peu un des fleurons
33:57et d'ailleurs également
33:59peut-être une des conditions
34:01de la démocratie, c'est ça qui est assez
34:03notable
34:05et si vous permettez cette expression atroce
34:07incantatoire et qui n'est jamais
34:09qu'une antiphrase du vivre ensemble
34:11parce que la condition sine qua non pour que la politesse
34:13se déploie, il faut qu'il y ait du collectif, il faut qu'il y ait du social
34:15il faut qu'il y ait de l'inter-subjectivité
34:17il faut qu'il y ait du dialogue
34:19or si nous nous replions sur nous-mêmes
34:21la politesse...
34:23En fait on prédit qu'on ne fait que vivre ensemble
34:25les uns à côté des autres
34:27effectivement
34:29moi l'une des comparaisons
34:31qui m'était venue dans ma conclusion
34:33c'est les zombies
34:35des films si vous voulez
34:37le zombie il ne regarde jamais les autres
34:39en fait, il regarde sa proie
34:41éventuellement
34:43derrière laquelle il va courir
34:45jusqu'au moment où il va pouvoir la dévorer
34:47mais il ne regarde jamais les autres
34:49il va devant soi
34:51l'oeil
34:53les yeux écartillés
34:55et très souvent
34:57voilà
34:59le jeune avec son portable
35:01c'est ça, il ne regarde absolument pas
35:03et il se fiche finalement
35:05du monde qui l'entoure
35:07et de la société qui l'entoure
35:09si vous voulez c'est un phénomène
35:11de désaffiliation absolument tragique
35:13vous parlez de désenracinement
35:15oui c'est ça
35:17c'est le déracinement de désenracinement
35:19c'est à dire que le déracinement barrécien
35:21c'est quelque chose finalement d'extérieur et de brutal
35:23là c'est finalement
35:25un processus plus long
35:27mais peut-être beaucoup plus
35:29beaucoup plus
35:31dangereux
35:33et beaucoup plus irréparable en quelque sorte
35:35voilà
35:37Frédéric Roliouat, cette émission touche à sa fin
35:39cet orage de papier touche à sa fin, ce sera ma dernière question
35:41alors quid de l'avenir
35:43est-ce que c'est le retour de l'état de nature
35:45on est descendu de l'arbre
35:47est-ce qu'on va remonter dans l'arbre
35:49redevenir des zombies
35:51la violence de l'un contre l'autre
35:53l'homme un loup pour l'autre
35:55oui parce que je pense que dans l'arbre
35:57quand on remonte dans l'arbre
35:59on est quand même obligé de faire un peu attention aux autres
36:01à ceux qui sont dans l'arbre également
36:03là on n'est même pas dans l'arbre
36:05on est effectivement comme les zombies
36:07dans une espèce de grande ville aveugle
36:09et sombre
36:11la question est de savoir
36:13si on peut
36:15revenir à quelque chose d'autre
36:17si on peut restaurer cette politesse
36:19autrefois on a essayé de se rassurer
36:21en disant oui mais il y a l'école
36:23il y a la famille
36:25mais est-ce que
36:27dans un monde où la famille
36:29compte presque plus pour rien
36:31et est totalement déstructurée
36:33dans lequel l'autorité est totalement dévaluée
36:35est-ce que
36:37dans un monde où l'école finalement
36:39ne joue plus du tout son rôle
36:41ce rôle là
36:43on pourra revenir en arrière
36:45même avec Gabriel Attal
36:47notre Messie
36:49c'est pas évident
36:51Merci cher Frédéric Ruvisoir
36:53lisez Politesse et Politique aux éditions du CER
36:55et à bientôt