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Travail des femmes, parité, conditions de détention, malades du Sida, humanisation de l'hôpital, autorité parentale, égalité salariale... Simone Veil a mené bien des luttes, aujourd'hui peu connues. Alors que nous allons célébrer les 50 ans de la loi sur l'IVG, promulguée le 17 janvier 1975, l'heure est venue, à travers ce portrait d'une femme en avance sur son temps, de raconter son histoire d'une manière inédite : à l'aune de ses autres combats.
Charismatique, populaire, Simone Veil est une icône qui rassemble au-delà des clivages et des partis politiques. D'elle, on connaît son histoire tragique, celle d'une adolescente rescapée de la Shoah. On connait aussi les images de l'Assemblée nationale du mois de novembre 1974, quand Simone Veil monte à la tribune défendre la loi légalisant l'avortement. Elle entre alors dans la lumière et n'en sortira plus. Mais la vie de Simone Veil ne se limite pas à ces deux épisodes, même s'ils sont fondateurs. Et son engagement pour la cause des femmes ne commence ni ne finit avec la bataille menée pour l'IVG.

Qui sait aujourd'hui que Simone Veil a aidé des militantes Algériennes, leur évitant la torture et parfois l'exécution ? Quel parent est au courant qu'elle est à l'origine de la possibilité de dormir avec son enfant à l'hôpital ? Qui connaît son investissement pour faire connaître le génocide des Tsiganes et des Tutsi ? Son combat pour l'égalité entre les hommes et les femmes a guidé toute sa vie, depuis son enfance, où s'est forgé son désir d'autonomie, jusqu'à sa mort. Ce portrait inédit de Simone Veil, loin des clichés et des idées reçues, raconte ses multiples combats.

« Je ne suis pas militante dans l'âme, mais je me sens féministe, très solidaire des femmes quelles qu'elles soient », Simone Veil (2005).

Documentaire écrit par : Dominique Missika
Réalisé par : Caroline du Saint
Illustratrice : Claire Frossard
Images : Joseph Haley
Montage : Soline Braun
Durée : 52' / Année : 2024
Coproduction : Nova Production / LCP-Assemblée nationale / Fondation Lafue
Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et la Fondation Rotschild

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#LCP #assembleenationale #Documentaire

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Transcription
00:00Mais nous allons ce soir parler de l'adoption.
00:06Le garde des Sceaux a accepté de répondre aux questions de madame Goliard qui vient d'adopter un enfant depuis trois mois.
00:141966.
00:16Dans son bureau, le ministre de la Justice présente sa nouvelle loi sur l'adoption.
00:21Un jugement interviendra qui décidera que cet enfant est un enfant abandonné
00:26Face à lui, un cercle de femmes.
00:34On la découvre enfin, placée tout au bout.
00:44C'est la première apparition de Simone Veil à la télévision.
00:46Les statistiques judiciaires montrent qu'il est extrêmement rare que les jugements ne soient pas favorables en matière d'adoption.
00:55Précise, efficace, elle connaît parfaitement son dossier.
01:03Madame Goliard, vous avez, je crois, des suggestions à faire.
01:08Ne pourrait-on pas mettre les futurs parents en contact privé avec des adoptants ?
01:15Il existe une association de parents d'enfants adoptés et je pense qu'il est très facile pour les personnes qui veulent adopter un enfant de contacter cette association qui est très...
01:26Simone Veil a participé à l'élaboration de cette réforme avec une priorité, défendre avant tout l'intérêt de l'enfant.
01:32Même en ce qui concerne la procédure à suivre.
01:35C'est un de ses innombrables combats.
01:38Pourtant, l'histoire semble n'en retenir qu'un seul.
01:42Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme.
01:45Je m'excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d'hommes.
01:50Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement.
01:54La légalisation de l'avortement marque pour toujours la mémoire des Français.
01:58Simone Veil devient ce jour là une icône.
02:01Il suffit d'écouter les femmes.
02:03C'est toujours un drame.
02:06On réduit toujours Simone Veil à la loi sur l'avortement.
02:09C'est magnifique, la manière dont elle a pu faire passer cette loi.
02:14Mais ce serait dommage d'oublier tous ces autres combats.
02:24Peu de gens le savent, mais la société française a profondément changé grâce à elle.
02:33Progressivement, toute cette période s'est complètement effacée.
02:36Tout son bilan, tout ce qu'elle a fait est complètement disparu.
02:41Et ça, ça lui semblait très injuste.
02:45Les combats de Simone Veil ont toujours été menés avec une seule arme, le droit.
02:50Le dialogue s'instaure de part et d'autre, de la ligne de feu.
02:54Au nom d'une seule cause, celle de la dignité humaine.
02:58On vivait des choses épouvantables.
03:00Et elle venait, elle était là.
03:02Je lui dis bonjour madame Veil, vous savez, je n'ai rien oublié.
03:32Ce qui a marqué dès le départ ma vie, c'est essayer de faire les choses pour ceux auxquels on ne pense pas.
03:51La vie de Simone Veil, c'est d'abord une enfance heureuse à Nice, entourée de ses parents, son frère et ses deux sœurs.
04:03Une vie fracassée par la Shoah, à l'âge de 16 ans.
04:08Parce qu'ils sont juifs, Simone Veil et les membres de sa famille sont arrêtés par les nazis en mars 1944.
04:14Elle est déportée à Auschwitz, puis à Bergen-Belsen.
04:19Sa mère, son père, son frère ne reviendront pas.
04:26L'expérience concentrationnaire, elle est la matrice de sa pensée.
04:32Elle réagit réellement contre tout ce qui est avidissement, tout ce qui est humiliation, tout ce qui est abaissement.
04:42La dignité, c'est ce qu'on lui a enlevé quand elle était à Auschwitz.
04:47Et par conséquent, elle pense que les armes de la loi sont les seules possibles pour se battre.
05:02J'avais très envie d'être avocate depuis que j'étais jeune.
05:07Quand j'ai dit à mon mari que je voulais être avocate, il m'a dit il n'en est pas question.
05:11Parce qu'il trouvait qu'on fréquentait des milieux plus ou moins bien.
05:20Alors nous avons cherché un compromis et nous l'avons trouvé dans la magistrature.
05:26La magistrature est ouverte aux femmes depuis quelques années à peine.
05:29Simone Weil passe le concours en 1956.
05:34Au fond, ce qui m'intéressait beaucoup, parce qu'il y avait encore très peu de temps qui avait passé depuis mon retour de déportation,
05:41c'est tout ce qui concernait les gens détenus.
05:43Les prisons m'interrogeaient.
05:49Simone Weil, elle, elle était une des premières femmes à être déportée.
05:54Simone Weil rejoint alors l'administration pénitentiaire.
06:02Et découvre les conditions déplorables de la détention en France.
06:08Contrairement à l'usage, elle multiplie les visites de prison.
06:12Ce qui empiète parfois sur sa vie de famille.
06:15L'administration pénitentiaire n'avait même pas d'argent pour qu'on puisse aller visiter les prisons.
06:19Alors que c'était nous qui en avions la charge.
06:22Alors quand nous prenions des vacances avec les enfants qui étaient encore petits,
06:27on était en voiture souvent et on allait en Espagne, on profitait de ça.
06:34Je me souviens très bien que la prison de Nîmes était une prison épouvantable.
06:41Je les ai fait attendre toute une matinée.
06:44Les enfants qui étaient pressés d'arriver étaient évidemment furieux.
06:46Mon mari encore plus.
06:55Simone Weil contribue à mettre sur pied des bibliothèques,
06:59des centres médico-psychologiques et des cours du soir pour les détenus.
07:05Mais le sort d'autres prisonniers à l'époque est encore plus préoccupant, en Algérie.
07:11Là-bas, une guerre qui ne dit pas son nom dure depuis plusieurs années.
07:17Les militants du FLN se battent pour l'indépendance de leur pays.
07:21Ils sont arrêtés par milliers et détenus dans des prisons gérées par l'administration française.
07:30Simone Weil est alors proche de Germaine Tillion.
07:33Cette ethnologue, ancienne résistante, a été déportée à Ravenna, en France.
07:38Avec Denise, la sœur de Simone Weil.
07:43Germaine Tillion est sans doute la meilleure spécialiste de l'Algérie en France dans l'immédiate après-guerre.
07:51Germaine Tillion informe très précisément Simone Weil de ce qu'elle a pu observer.
07:59Elle partage le même souci sur la question algérienne,
08:02qui est celle des injustices en cours,
08:04qui est celle des condamnés à mort et des tortures.
08:09La préoccupation du sort des détenus est une préoccupation importante pour ces anciennes déportées.
08:20Alors, en 1959, c'est à Simone Weil que le ministre de la Justice confie une mission sensible.
08:28L'inspection des prisons en Algérie.
08:31J'ai visité énormément de prisons, pratiquement toutes les prisons qu'il y avait en Algérie,
08:36et je suis rentrée épouvantée par les conditions dans lesquelles les détenus étaient gardés.
08:44J'ai souvenir, à Philippeville, d'un directeur de prison.
08:50Je regardais comment les détenus étaient gardés.
08:53Et il m'a dit, oh, ne vous inquiétez pas, la guillotine est toujours prête.
08:57Si vous voulez que je vous la montre, c'est possible.
09:05De retour en métropole, Simone Weil relate en 44 pages tout ce qu'elle a vu sur place.
09:13Les détenus inoccupés, les prisonniers, les prisonniers,
09:17Les détenus inoccupés se tiennent accroupis devant les baraques,
09:21ou tournent les uns derrière les autres.
09:24Aucune occupation n'est organisée pour eux.
09:27Une femme a eu les deux jambes enlevées par une bombe qu'elle avait elle-même posée,
09:31et ses plaies ne sont pas totalement cicatrisées.
09:34Ses co-détenus se refusent à prendre soin d'elle, estimant que c'est le travail d'une infirmière.
09:39Cette détenue n'avait pas mangé depuis son retour de l'hôpital,
09:43cinq jours auparavant, en raison de la mauvaise qualité de la nourriture.
09:46Le rapport est implacable.
09:50Pourtant, il détonne.
09:53Au sein de l'administration,
09:56nombreux sont ceux qui prônent une répression sévère contre les indépendantistes,
10:04et notamment contre les militants condamnés pour terrorisme,
10:08comme Zohra Drian,
10:10Madame Simone Veil m'a donné ma chance,
10:13et ça a été fantastique.
10:40C'est moi, le jour après mon arrestation.
10:43J'ai chassé les services de Godard,
10:46la gendarmerie, les paroles.
10:49J'avais 21 ans.
10:58Ils m'ont sorti,
11:01et j'ai ce regard,
11:04comme si j'étais une femme.
11:06Ils m'ont sorti,
11:09et j'ai ce regard,
11:12parce que j'ai eu les flashes.
11:15Alors là, j'ai décidé
11:18de les regarder de haut,
11:21et de les défier,
11:24pour dire, oui,
11:27tu penses ce que tu veux.
11:31Zohra Drief est une combattante du FLN,
11:33et donc elle est une de ces femmes poseuses de bombes
11:36à Alger, en septembre 1956.
11:39Elle va notamment participer
11:42à l'attentat du Milik Bar,
11:45qui va faire de nombreuses victimes,
11:48notamment des enfants.
11:50Pour ces faits,
11:53Zohra Drief est condamnée à 20 ans de travaux forcés.
11:56Elle est enfermée à la prison de haute sécurité Barberousse,
11:59à Alger.
12:02Les conditions de détention y sont particulièrement dures.
12:09Là,
12:12c'est la prison de Barberousse.
12:15C'est là qu'on a eu la mort.
12:18Là.
12:21Vraiment, c'était l'horreur.
12:24Nous étions très nombreuses.
12:27On pouvait à peine faire trois, quatre pas,
12:30et on se heurtait les unes aux autres.
12:33À Barberousse, les conditions étaient très difficiles.
12:36Mais,
12:39ce que j'ai vécu de la plus terrible,
12:42c'est l'exécution des condamnés à mort.
12:44De ceux
12:47avec qui vous avez milité, avec qui vous avez vécu, tout ça.
12:50La première fois, je n'étais pas encore habituée.
12:53Et puis,
12:56brusquement, j'entends des hurlements.
12:59Et je comprends qu'on exécute
13:02un frère.
13:09Et puis, un matin, on est venu me chercher
13:11pour nous transférer en France.
13:15En fait, cette décision
13:18a été prise par madame Simone Veil.
13:25Dans ce texte, écrit de sa main
13:28quelques semaines après sa mission en Algérie,
13:31Simone Veil réclame le transferment des détenus FLN
13:34dans des prisons en métropole
13:37pour leur sécurité
13:40et parce qu'elles risquent des exécutions sommaires.
13:45C'était du terrorisme qu'ils avaient fait.
13:48Ils avaient posé des bombes, ils avaient tué des gens, etc.
13:51Mais ils risquaient aussi beaucoup
13:54et qu'on a transféré dans les prisons françaises.
13:59Zohra Drif et la plupart des prisonnières algériennes
14:02sont alors transférées dans différentes prisons en métropole,
14:05notamment à Rennes.
14:10Dans les années 1959-1962,
14:13la question algérienne
14:16est une question extrêmement sensible en France
14:19et cet engagement est évidemment à contre-courant
14:22de l'opinion française.
14:25Il ne s'agit jamais, pour Simone Veil,
14:28de mettre en doute les condamnations.
14:31Elle dit, et ça sera aussi toujours sa position,
14:34les détenus ont été jugés,
14:36mais ils ne doivent pas la purger dans des conditions indignes.
14:46Après leur transfert,
14:49Simone Veil continue à veiller au respect de leurs droits.
14:52Droits d'envoyer du courrier,
14:55d'avoir accès à la presse, de bénéficier de soins.
15:00Les dossiers de ces militantes algériennes
15:03sont conservés à Rennes,
15:06mais ils ne sont pas publiés.
15:09Ces documents n'avaient jamais été rendus publics
15:12jusqu'à aujourd'hui.
15:15Dans le dossier Zohra Drif,
15:18le président du tribunal militaire a noté...
15:21-"Antifrançaise absolue.
15:24Décidé à tout, crime compris.
15:27A classé dans la catégorie la moins favorisée."
15:30Quelques pages plus loin,
15:33d'autres documents signés par Simone Veil.
15:37Toujours guidée par le droit,
15:40elle veille personnellement à ce que Zohra Drif
15:43puisse étudier dans de bonnes conditions.
15:54Cette condamnée d'appartenance FLN
15:57a été autorisée à suivre par correspondance
16:00les cours de la faculté de droit.
16:03Afin de pouvoir se préparer dans des conditions satisfaisantes,
16:06le 29 mai 1961,
16:09la détenue Drif Zohra sera extraite
16:12pour être conduite à la faculté de droit
16:15pour y subir les épreuves écrites.
16:18J'ai téléphoné à Mme Veil pour l'escorte.
16:24On m'a mise dans une pièce à part
16:28avec la surveillance requise
16:31des gendarmes, etc.
16:33Et Abdellah j'ai réuni avec Manson.
16:43On retrouve les traces des interventions de Simone Veil
16:46dans de nombreux autres dossiers.
16:57Autorise à adresser chaque semaine
17:00des cours d'arabe dialectale à une autre détenue.
17:04Vous voudrez bien faire examiner la détenue
17:07par le médecin psychiatre de l'établissement
17:10afin qu'il lui prescrive un traitement.
17:13La détenue est autorisée à présenter l'examen d'entrée
17:16à la faculté de lettres.
17:19L'accès aux études en prison
17:22est primordial pour Simone Veil.
17:25Pouvoir apprendre, lire, s'éduquer.
17:27Des principes fondamentaux
17:30hérités de sa mère, Yvonne Jacob.
17:34Son modèle, celle qui guide sa vie.
17:41Ma mère était très belle.
17:44Elle avait fait des études, des études de chimie.
17:47Elle regrettait de les avoir interrompues pour se marier.
17:51Totalement dépendante financièrement,
17:53elle devait faire ses comptes au sous-près.
17:56Loin d'être un détail, cet exemple est le symbole
17:59de sa dépendance.
18:02Nous regrettions toujours, nous, ces trois filles,
18:05de l'avoir ainsi obligée à rendre des comptes
18:08alors que pourtant, mon père l'adorait.
18:11Mais pour lui, ça lui paraissait une chose
18:14tout à fait naturelle.
18:18Il n'y avait pas de doute.
18:20Il n'y avait pas de doute à nous alléguer
18:23l'idée que nous devions avoir une formation
18:26qui nous permettrait d'exercer une profession intéressante
18:29et qui nous permettrait d'être indépendantes
18:32intellectuellement et financièrement.
18:39Travailler, mes filles,
18:42c'est le sens de l'action de Simone Veil
18:45en faveur de l'égalité et l'indépendance des femmes.
18:51Dès son retour de déportation, en 1945,
18:54Simone Veil reprend ses études.
18:57Le droit, puis l'Institut d'études politiques de Paris.
19:00Elle se marie jeune, élève ses trois enfants,
19:03mais entend travailler et mener une carrière.
19:10Il y a une chose que je voulais, une seule,
19:13c'était travailler.
19:16Là-dessus, j'ai toujours dit que jamais je ne céderai.
19:18Sur le travail.
19:21Et la liberté d'exister.
19:29Après sept ans à l'administration pénitentiaire,
19:32elle rejoint la direction des affaires civiles
19:35du ministère de la Justice.
19:38Simone Veil travaille alors à une réforme globale
19:41du droit de la famille.
19:44Un nouveau texte, en 1965, établit
19:46le Conseil juridique des époux.
19:51Et c'est pour défendre cette réforme
19:54que la magistrate participe à un reportage pour la télévision.
20:01Dans une ambiance très nouvelle vague,
20:04le film « Décoloniser la femme »
20:07dresse un état des lieux de leur droit.
20:12Décolonisée en droit, la femme demeure largement
20:14colonisée en fait.
20:17Par l'information ou l'absence d'information.
20:44Les femmes ignorent encore qu'elles ont conquis de nouveaux droits.
20:47Simone Veil elle-même se cherche de les informer.
20:50Dans cette boutique, c'est sa voix que l'on entend.
21:14Cette loi de 1965 a donné à la femme
21:17des pouvoirs très considérables sur les biens de la communauté,
21:20a obligé le mari à tenir compte de la vie de sa femme
21:23pour tous les actes importants, de l'associer réellement
21:26sur le plan de la gestion du patrimoine
21:29à sa propre gestion.
21:45La nouvelle loi autorise les femmes
21:48à ouvrir un compte en banque, à posséder un chéquier
21:51et à travailler sans demander l'autorisation de leur mari.
21:54Quelques années plus tard,
21:57autre progrès décisif.
22:00L'autorité paternelle est abolie au profit de l'autorité parentale
22:03partagée par les deux parents.
22:06C'est Simone Veil qui au ministère de la Justice
22:09va oeuvrer au sein d'une commission pour l'établir
22:11ce qui fait que le père ne sera plus le seul
22:14à pouvoir autoriser ou non
22:17son fils ou sa fille à faire des études,
22:20à demander un passeport pour partir à l'étranger,
22:23à prendre n'importe quelle décision, à être opéré.
22:26L'autorité parentale, ça nous paraît évident aujourd'hui,
22:29ça ne l'était pas à l'époque et c'est aussi
22:32un combat gagné par Simone Veil.
22:37En mai 1974,
22:39Simone Veil est nommée ministre de la Santé
22:42dans le gouvernement de Jacques Chirac.
22:45Elle remporte la bataille pour la légalisation de l'avortement
22:48et devient du jour au lendemain la femme politique française
22:51la plus célèbre et la plus populaire.
22:54Cette fois-ci, c'est elle,
22:57Madame Le Ministre, qui est placée au centre
23:00face à ses collaborateurs.
23:03Chaque fois qu'on veut faire quelque chose,
23:06il y a des fonctionnaires qui sont là pour dire
23:09qu'on se heurte dans ce pays.
23:12C'était la patronne.
23:15Ça a été ma patronne pendant 7 ans.
23:18Et puis plus globalement,
23:21elle avait une vraie autorité intellectuelle,
23:24d'abord parce qu'elle était très forte sur le plan intellectuel,
23:27et puis morale parce que c'était elle, son passé,
23:30la loi sur l'avortement, etc.
23:33Et c'est justement un problème fondamental,
23:36de savoir comment on considère la fonction maternelle.
23:39Elle était chou, il faut le dire,
23:42et on ne dit pas qu'on fait un petit familial.
23:45Non, non, elle n'est pas autoritaire.
23:48Elle était drôle, elle aimait rire,
23:51elle aimait se moquer des gens.
23:54Pas du tout l'image publique qu'elle avait,
23:57qui était très raisonnable, un peu compensée,
24:00avec un vestiaire très convenu.
24:03Mais on ne peut pas sortir, il n'y a aucun problème réglé,
24:06aucun problème financier, aucun problème des adéquations.
24:09Durant les cinq années passées au ministère de la Santé,
24:12Simone Veil prête une grande attention aux métiers exercés par les femmes,
24:16trop souvent discriminées.
24:20Madame le ministre a visité les différentes installations,
24:24en mettant l'accent notamment sur les écoles d'infirmières.
24:30Pour la première fois, grâce à elle,
24:33les infirmières sont associées au fonctionnement des hôpitaux.
24:36Simone Veil améliore leur formation et leur rémunération.
24:40Une fois par semaine,
24:43Madame Simone Veil effectue un voyage en province
24:46dans le but de visiter les hôpitaux.
24:49Un effort a été fait pour humaniser au maximum l'hôpital
24:52et pour le doter de matériel médical à la pointe du progrès.
24:59Simone Veil change la vie des femmes au quotidien.
25:02Elle crée un véritable statut pour les assistantes maternelles,
25:05modernise les crèches et les pouponnières,
25:07et met en place une allocation parents isolés.
25:11On lui doit la fin des salles communes dans les hôpitaux
25:14et l'autorisation pour les parents de dormir avec leurs enfants hospitalisés.
25:20Elle n'utilise jamais le mot révolutionnaire, rupture, tout ça.
25:24C'est, voilà la situation, voilà ce qui est raisonnable,
25:28modéré, rationnel, calme,
25:32et au fond,
25:34c'était à mon avis tellement juste
25:37que ça passait.
25:40Ça a été l'expérience la plus positive de ma vie.
25:43Quand on travaillait pour un dossier pour elle,
25:46on avait vraiment le sentiment
25:49qu'on progressait,
25:52on contribuait au progrès social.
25:55Elle s'inscrivait tout à fait là-dedans.
25:58Alors on se heurte dans ce pays,
26:00les lobbies, les couches...
26:03Il faut se réjouir qu'on groupe des pays de liberté.
26:06En quittant le ministère de la Santé,
26:09Simone Veil est plus que jamais convaincue
26:12que seule la loi peut changer la vie des femmes.
26:15Mais elle s'inquiète de constater que les lieux de pouvoir
26:18leur restent hermétiquement fermés.
26:23En 1995, en France,
26:26seuls 5 % des députés sont des femmes.
26:28Un événement retentissant va alors pousser Simone Veil
26:31à s'engager pour la parité.
26:34Le point de départ, c'est vraiment l'histoire des Jupettes,
26:37ce qu'on appelle les Jupettes,
26:40c'est-à-dire ce très grand nombre de femmes
26:43qui a été nommée par Alain Juppé.
26:46Madame, monsieur, bonsoir. Le premier conseil des ministres
26:49présidé par Jacques Chirac a duré une heure ce matin,
26:52alors qu'une ambiance de festival de Cannes
26:55régnait dans la cour d'honneur du palais de l'Elysée.
26:58Tout le monde se retrouve dans les jardins
27:01pour la traditionnelle photo de famille.
27:04C'est une première, on peut dire.
27:07Près de 30 % de femmes sont nommées, 12 femmes.
27:10Et pour marquer l'événement,
27:13le premier ministre tient à être photographié
27:16au milieu de ces 12 femmes ministres.
27:19Et puis 6 mois après, pouf, elles sont virées.
27:22C'était un grand sentiment de mensonge,
27:25c'est-à-dire que ça n'avait été qu'un coup de com'.
27:28Et puis un sentiment aussi d'humiliation
27:31pour toutes les femmes.
27:34Pour les Juppéennes, bien sûr, mais aussi pour toutes les femmes.
27:37Donc un sentiment de révolte, au fond.
27:40Un peu le... ça suffit, quoi.
27:43Et donc c'est comme ça
27:46qu'est venue l'idée de faire un texte,
27:49un manifeste à 10.
27:52Ils réunissaient à la fois des femmes
27:55de droite et de gauche,
27:58c'est-à-dire que malheureusement,
28:01ça ne se réglerait jamais tout seul.
28:06Et là où on s'est toutes réunies,
28:09c'est sur cette notion de parité.
28:15Le manifeste fait la une de l'Express.
28:18Au centre de la photo, Simone Veil.
28:21Bien que libérale,
28:24elle défend le recours aux quotas réservés aux femmes
28:26pour imposer leur présence en politique.
28:30Pour beaucoup,
28:33cette méthode qui favorise une seule catégorie de la population
28:36est contraire au principe de la République.
28:40Est-ce que vous ne craignez pas que l'idée
28:43justement de citoyen, l'idée d'universalité
28:46ne soit battue en brèche par cette idée de parité ?
28:49L'État suppose, la citoyenneté française suppose
28:52l'universalité des citoyens.
28:54Comment ça diviser en catégories ?
28:57Les jeunes, les beurres, les juifs, les noirs, les femmes.
29:00Est-ce que vous ne craignez pas que ce soit une dérive ?
29:03Les femmes ne sont pas, ce n'est pas une catégorie.
29:06Il y a deux sexes. Je dirais que ça transcende absolument
29:09toutes les catégories de population.
29:12L'humanité est faite de deux sexes.
29:15Il est normal que ces deux sexes soient représentés.
29:18Il est normal qu'ils soient représentés
29:21parce que nous ne sommes pas...
29:24C'est sur les règles de parité.
29:27Moi, j'étais totalement contre.
29:30Je lui disais que je ne comprenais pas du tout.
29:33Est-ce que vous allez le faire en fonction de la race ?
29:36C'est tout à fait différent.
29:39Vous n'y comprenez rien du tout. Je veux la parité.
29:42C'était très agréable parce que quand nous étions en désaccord,
29:45ça se terminait généralement par Bertrand.
29:48De toute façon, c'est comme ça. Et le problème était réglé.
29:51Simone Weil rend crédible ce manifeste.
29:54Si je puis dire de droite modérée.
29:58Ce qui nous liait le plus, c'est les petites humiliations.
30:02Simone Weil en parlait souvent. Cette condescendance.
30:05On ne vous regarde même pas pendant la réunion.
30:08On ne vous demande à peine votre avis.
30:11On vous met dans une tribune politique comme une potiche
30:14sans que vous puissiez parler.
30:17Mille et une petites choses qui sont des humiliations constantes.
30:25On s'était bien amusés ensemble.
30:28Parce qu'on savait qu'on faisait quelque chose qui allait faire bouger les choses.
30:31Et qu'on faisait quelque chose qui allait faire parler.
30:35On savait qu'on allait toutes se faire engueuler par nos propres parties.
30:40Qu'on serait accueillies avec fureur.
30:43Et on l'a été toutes.
30:47L'idée de la parité finit par s'imposer.
30:50Et favorise l'entrée de plus en plus de femmes dans la vie politique.
30:55Aller contre les idées de son camp
30:58n'a jamais arrêté Simone Weil.
31:07Elle l'a prouvé une nouvelle fois en 1993
31:11sur un sujet encore plus sensible à l'époque.
31:14Elle est alors à nouveau ministre de la Santé
31:17au sein du gouvernement d'Edouard Balladur,
31:20dont Charles Pasqua, le ministre de l'Intérieur,
31:22incarne l'aile la plus à droite.
31:29Simone Weil va venir concrètement en aide aux usagers de drogue
31:33qui à l'époque meurent du sida.
31:4110 personnes meurent chaque jour en France à cause du sida.
31:46La situation devient très préoccupante.
31:49En 1993, quand Simone Weil devient ministre,
31:52on mourait du sida. Il n'y avait pas les trithérapies.
31:55Et donc les gens mouraient vraiment de manière très massive.
32:00À ce moment-là, j'étais volontaire de l'association aide
32:04à l'hôpital Brousset.
32:07Et c'était une période parmi les plus épouvantables.
32:12On ne pouvait pas dire à cette époque-là que j'ai le VIH.
32:15On ne pouvait pas dire que j'ai le sida.
32:17C'était dangereux, c'était stigmatisé, c'est tout ça.
32:20En plus d'être homosexuel, en plus d'être usager de drogue.
32:25La stigmatisation et l'exclusion sociale étaient réelles.
32:30François Mitterrand et Simone Weil ont tenu à marquer leur solidarité
32:33avec ceux qui souffrent du sida en se rendant dans des hôpitaux parisiens.
32:38C'était la journée mondiale du sida.
32:41Simone Weil s'est donc pointée à l'hôpital Brousset.
32:45Genre à 19h30, il y avait les équipes de TF1.
32:49Et on m'a dit qu'il faut qu'elle sorte d'une chambre à exactement 19h55.
32:56Il faut qu'elle sorte de la chambre.
32:58Ensuite, deux minutes plus tard, qu'elle arrive ici
33:01et qu'on la voit à deux mètres de la chambre,
33:04c'était très organisé avec les caméras à droite et à gauche, etc.
33:07Et on avait trouvé une chambre vide, mais elle ne voulait pas.
33:15Elle a insisté pour que ce soit avec une vraie personne dedans.
33:23J'ai regardé rapidement qui était hospitalisé.
33:26Il y avait David.
33:29À ce moment-là, il pesait en dessous de 50 kilos.
33:32C'était un jeune, genre 30 ans.
33:35Il était allongé dans un lit, sans énergie du tout.
33:41Juste avec de quoi dire quelques mots.
33:49Simone Weil est entrée dans sa chambre.
33:52Elle est restée 20 minutes, à moins 5.
33:56J'ai frappé à la porte, mais elle n'est pas venue.
34:00Ça n'a pas ouvert.
34:01J'ai ouvert la porte moi-même pour regarder dedans.
34:04Elle était là, dos à la porte.
34:07Elle ne bougeait pas.
34:10De l'autre côté, il y avait les caméramans qui étaient en train de s'énerver.
34:15Donc je suis allé, elle s'est retournée vers moi
34:18et elle avait les larmes qui coulaient sur le visage.
34:23Et c'est là où elle a dit « Non, c'est trop difficile.
34:27J'ai besoin d'aide ».
34:29Elle a dit « Non, c'est trop difficile. Je ne peux pas faire ça.
34:33C'est comme les camps.
34:35C'est trop difficile.
34:37Faites que ces gens s'en aillent.
34:39Faites que ces gens s'en aillent ».
34:42On a fermé la porte et j'ai dit
34:45« Ça n'aura pas lieu ce soir avec madame Weil ».
34:52David est mort assez vite, deux semaines plus tard.
34:59Simon Weil quitte les lieux discrètement.
35:03Les journalistes devront se contenter des images de son arrivée à l'hôpital.
35:08Simon Weil, ministre de la Santé, s'est rendu à l'hôpital Brousset
35:11où elle aussi a rencontré des malades du sida.
35:13Simon Weil, très touché, a rendu hommage au travail des équipes soignantes.
35:18Sauf que le mercredi suivant, une semaine plus tard,
35:23elle est arrivée.
35:24Comme ça, sans s'annoncer.
35:26Elle n'a pas prévu, pas organisé avec les journalistes, quoi que ce soit.
35:29Juste, elle venait pour parler, juste pour écouter.
35:33Et ça, ça a continué pendant des semaines et des semaines.
35:37Tout d'un coup, elle n'était plus Simon Weil, le ministre de la Santé.
35:41Elle était Simon Weil, volontaire de l'association AIDE, dans un certain sens.
35:46Elle faisait la même chose que nous.
35:47Simon Weil a appris le sujet à bras-le-corps,
35:50qui était basé sur deux sujets.
35:53Le sujet des échanges de seringues,
35:55comment faire en sorte que les héroïnomanes aient des seringues propres à disposition
35:59pour pas qu'ils se transmettent le sida à travers les seringues, sales.
36:04Et puis, un programme de produits de substitution
36:08qui s'appelait, à l'époque, essentiellement, la sélection des produits de substitution.
36:12Parce qu'il s'agit d'un problème de santé publique,
36:15Simon Weil impose une politique de réduction des risques,
36:18très novatrice à l'époque.
36:20L'idée n'est plus de réprimer les usagers de drogues,
36:23mais de les accompagner, les aider à changer leurs pratiques,
36:26tout en limitant les contaminations.
36:30Elle a fait une conférence de presse,
36:32où elle a dit qu'il y avait un problème de santé publique,
36:35qui n'était pas un problème de santé publique,
36:39Elle a fait une conférence de presse,
36:41où elle a présenté les kits qu'on avait fabriqués.
36:44Elle a ouvert le petit pochet de plastique,
36:47elle l'a présenté aux journalistes en disant,
36:50voilà, ça c'est une seringue, ça c'est un coton, ça c'est...
36:54Il y avait un espèce de contraste entre Simon Weil et Philippe d'Oustoblasie
36:59au ministère dans les ors de la République,
37:02et puis ces kits qui allaient être utilisés un peu n'importe où,
37:06dans n'importe quelles conditions,
37:08mais qui allaient sauver des vies.
37:13Au sein du gouvernement, la politique de Simon Weil passe mal.
37:17Charles Pasqua, le ministre de l'Intérieur,
37:19prône une tolérance zéro.
37:21La guerre totale contre la drogue.
37:26On mettait des seringues à disposition,
37:28et donc la question de savoir si on n'encourageait pas les gens à se droguer
37:32était une question qui était sur toutes les lèvres.
37:36Et moi je me rappelle, pour vous dire aussi la violence de l'époque,
37:39je me rappelle être sortie d'une réunion interministérielle à Matignon,
37:42où un collègue du ministère de l'Intérieur m'a dit,
37:45vous finirez avec les yeux crevés par des seringues.
37:49C'était pas juste de la menace, c'était vraiment une conviction
37:53qu'il y avait une partie de l'administration,
37:56qu'on était en train de partir dans des politiques d'un laxisme insupportable.
38:00Mais Simone Veil a tenu bon et a imposé le dispositif.
38:05Et j'ai retrouvé des chiffres sur les résultats en termes de santé publique
38:09des mesures qu'on a prises à l'époque,
38:12et ça a diminué en deux ans par trois le nombre de morts par overdose.
38:16C'est très émouvant de regarder la courbe,
38:18je n'ai jamais vu une politique publique qui a des effets aussi spectaculaires.
38:25L'ensemble de ces mesures de réduction des risques
38:27a permis d'éviter plusieurs milliers de morts.
38:29« Je ne fais pas de tri parmi les malades », disait Simone Veil.
38:32Pour elle, il n'y a qu'une seule humanité.
38:47L'autre engagement de sa vie, c'est l'Europe.
38:50En 1979, Simone Veil est devenue la première présidente du Parlement européen
38:55élue au suffrage universel.
39:00Madame Veil a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés.
39:07Je l'invite à prendre place au fauteuil présidentiel.
39:15Là, on sent qu'au moment où Louise Veil donne son nom,
39:19elle est un peu abasourdie par le moment.
39:24On ne sait pas si ça évoque sa famille, son destin,
39:27la déportation, mais il y a quelque chose de très fort
39:30pendant quelques secondes, je trouve, qui se joue.
39:37La construction européenne en est à ses débuts.
39:40Elle repose sur la réconciliation franco-allemande.
39:43Simone Veil en est consciente.
39:47On l'a interrogée en disant « Vous savez que vous allez croiser
39:51parmi les députés allemands des gens qui ont été détruits
39:56ou qui ont été proches des nazis pendant la guerre ? »
40:00Elle répond qu'elle n'a aucun doute à cet égard,
40:03qu'elle sait qu'elle les fréquente, qu'elle a peut-être
40:06à leur serrer la main dans les couloirs,
40:08mais que c'est le prix à payer pour une action de coopération entre États.
40:13Sa mère lui disait « Les nazis sont nos ennemis,
40:16mais le peuple allemand n'est pas notre ennemi
40:18et il faut penser à la réconciliation. »
40:20Donc ça sera une européenne convaincue.
40:24Elle se dit « Si on ne fait pas un effort, y compris sur nous-mêmes,
40:28pour faire la paix, coopérer, etc., la guerre à terme est inéluctable. »
40:40Les paroles de sa mère, mêlées au souvenir de la déportation,
40:44hantent toujours Simone Veil.
40:47Un de ses premiers gestes en tant que présidente du Parlement européen
40:51est de se rendre au camp de Bergen-Belsen,
40:53là où sa mère est morte,
40:55pour rendre hommage aux Roms et Sinti,
40:58victimes du génocide eux aussi.
41:09Dans les années suivantes,
41:11Simone Veil s'emploie à faire rayonner l'Europe dans le monde.
41:16Elle se mobilise dès que possible,
41:18appuyant chaque initiative de paix.
41:20« Vous êtes l'homme d'État,
41:22dont le courage et la ténacité ont permis qu'un jour,
41:26dans ce Moyen-Orient déchiré depuis 30 ans par la fureur des armes,
41:31l'impensable se produise,
41:34le dialogue s'instaure de part et d'autre de la ligne de feu. »
41:42Mais la guerre revient malgré tout en Europe.
41:46En ex-Yougoslavie,
41:48les nationalistes serbes massacrent les croates et les bosniaques.
41:52On parle de purification ethnique.
41:58« Les journalistes britanniques, au mois d'août 1992,
42:01montrent des images de prisonniers croates et bosniaques
42:06dans un camp de concentration,
42:08un camp de prisonniers,
42:10avec des prisonniers maigres, affaiblis,
42:14des prisonniers des serbes.
42:21Et là, elle intervient. »
42:24À Bruxelles se tient alors une réunion extraordinaire du Parlement européen.
42:30Ce jour-là, un expert du Comité de la Croix-Rouge internationale
42:34explique les difficultés pour organiser une intervention dans ces camps de prisonniers.
42:40« Le CICR,
42:42qui parle ici du comité lui-même,
42:44s'interroge également pour savoir jusqu'à quand il devra s'en tenir à ses démarches confidentielles
42:49et à partir de quel moment il devra parler et prendre une position publique
42:53découlant de ses visites aux différents camps. »
42:58C'est une scène rare.
43:01Simone Veil s'emporte.
43:03« Je ne veux pas réentendre ce que j'ai entendu en 1905, il y a 50 ans,
43:07de dire que la première chose, la seule priorité, c'était d'arrêter la guerre
43:11et que pendant ce temps-là, les gens pouvaient être dans des camps de concentration et être exterminés.
43:15Je ne veux pas le réentendre. »
43:17« Il y a un lien qui s'impose à sa mémoire dans tous les sens du terme
43:21et qui fait qu'on sent que ce n'est pas calculé, que ce n'est pas joué
43:25et que c'est plus fort qu'elle, qu'elle explose véritablement. »
43:28« À quel moment est-ce qu'on va intervenir ?
43:30Enfin, de qui se moque-t-on ?
43:32C'est ce que nous avons entendu il y a 50 ans.
43:34Des millions de personnes sont mortes à cause de ça.
43:37Est-ce que c'est le bon moment pour rompre la confidentialité ?
43:41Est-ce qu'il faut distinguer les prisonniers et les gens qui sont des civils ?
43:44Est-ce qu'on peut dire qu'on n'a pas le droit d'entrer dans les camps ? »
43:47« On a des gens qui souffrent dans des camps
43:50et donc il faut les sortir et la priorité doit être là. »
43:54« Mais nous n'avons aucune information.
43:56Nous allons repartir d'ici, nous ne saurons rien de plus. »
43:58Simone Well réclame alors l'utilisation de tous les moyens possibles
44:01pour faire ouvrir les camps de détention serbes.
44:08Mais face à l'horreur de la guerre, elle semble impuissante.
44:12D'autant que quelques mois après les crimes commis en ex-Yougoslavie,
44:16un génocide a lieu.
44:18Celui des Tutsis, au Rwanda.
44:38« Je viens du Rwanda.
44:41Je suis rescapée du génocide perpétré contre les Tutsis.
44:46J'ai survécu en 1994 avec mes trois filles, heureusement.
44:51Mais le reste de la famille a été tuée.
44:54Mon mari, mes parents, ma soeur Stéphanie. »
45:01Esther Mejavajo est devenue psychothérapeute.
45:04En 2004, dix ans après le génocide des Tutsis,
45:07elle raconte ce qu'elle a vécu dans un livre,
45:10écrit avec l'aide d'une autrice, Swad Beladad.
45:13« Swad Beladad a dit, Esther, ton histoire...
45:16Il y a une femme fantastique en France
45:19que tu dois rencontrer, Mme Simone Veil,
45:22parce qu'il y a tellement de similarités. »
45:26La rencontre a lieu dans le bureau de Simone Veil.
45:29Swad Beladad enregistre l'entretien.
45:35« Ce sont des machettes et pas des chambres à gaz.
45:38Mais en définitive, l'objet est très proche. »
45:41« Ils avaient des règles à la radio,
45:44avant de piller, tuer les d'abord. »
45:47« Vous savez, rien que de vous entendre maintenant,
45:50il fait chaud dans cette pièce et j'ai des frissons.
45:53Je ne sais pas pourquoi. »
45:56« Il fait chaud dans cette pièce et j'ai des frissons d'émotion.
46:00D'émotion par rapport à ce passé commun, je dirais.
46:05Et cette similitude de nos situations
46:08avec 50 ans près de différence. »
46:14« Non, c'était très, très touchant.
46:17C'était très, très touchant.
46:20C'était tellement le même oxygène qu'on respirait.
46:23C'étaient les mêmes expériences. »
46:27Simone Veil est alors présidente
46:30de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.
46:35« Le but, c'est d'éliminer la mémoire de la Shoah.
46:39Le plus grand nombre d'entre eux, gazés dès leur arrivée. »
46:44Simone Veil, c'est la voix des témoins de la Shoah.
46:47Elle a magnifiquement incarné la voix
46:51de tous ceux qui ont disparu dans les camps de la mort.
46:54Elle va s'attacher non seulement à ce que l'on travaille
46:58sur le génocide des Tziganes,
47:01mais aussi sur le génocide du Rwanda. »
47:04Simone Veil, elle est, de ce point de vue,
47:07généreuse vis-à-vis des souffrances, si on peut dire.
47:10C'est, encore une fois, je pense,
47:13une éthique de la vérité et de l'exactitude.
47:19« Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion
47:22d'abord de vous rencontrer.
47:25J'en suis vraiment bouleversée.
47:28Et de parler du Rwanda,
47:31que c'est une chose qui me pèse énormément.
47:34On serait vigilants.
47:37On pourrait éviter ce genre de choses.
47:40Et on n'a pas su le faire. »
47:43« Je suis contente de savoir aussi
47:46qu'après notre rencontre,
47:49que ça a apporté des fruits,
47:52que Simone Veil a apporté son message quelque part.
47:55Ça a changé la vision de ceux qui disaient
47:58« Mais oui, mais eux, c'est autre chose.
48:01Il est quelqu'un.
48:04Il porte loin.
48:07Ce n'est pas ma petite voix. »
48:10Simone Veil encourage la recherche,
48:13œuvre pour la transmission de la mémoire de la Shoah
48:16et des autres génocides aux jeunes générations.
48:19Une fois encore, elle puise dans les expériences de sa vie
48:22une force pour les autres.
48:26« Je me souviens d'une chose qu'elle a dit.
48:29Elle m'a demandé « Ça fait combien d'années ? »
48:32« Ça fait 10 ans. »
48:35« Oui, c'est 10 ans. »
48:38« Vous n'avez encore rien vu. »
48:41« Et là, c'est 30 ans après
48:44que je vois ce qu'elle a voulu dire.
48:47Parce que le temps ne guérit pas.
48:50On vit avec. »
48:54« Je devais avoir 66 ans.
48:57Tiens, l'âge que j'ai maintenant.
49:00Et de me dire « Oui, elle est passée au travers.
49:03Elle est encore là. »
49:06Et là, je me dis « Oui, je passe au travers.
49:09Je serai encore là. » »
49:16Les archives nationales ont conservé
49:19les milliers de lettres envoyées à Simone Veil pour la remercier.
49:22« Madame le ministre,
49:25c'est avec une grande admiration et une vive sympathie
49:28que j'ai écouté votre intervention à l'Assemblée nationale.
49:31Je travaille dans un grand magasin et toutes les femmes autour de moi
49:34sont unanimement de votre avis.
49:37Trois années pendant lesquelles mon mari a lutté contre le cancer.
49:40Un immense merci pour l'attention portée à mon petit témoignage.
49:43Vous êtes Madame soutenue par toutes dans votre lutte.
49:46Infirmière diplômée d'État, j'ai pu apprécier concrètement
49:49vos actions en faveur des infirmières.
49:52Je vous remercie pour ce que vous avez fait pour la profession.
49:55Vous avez défendu un beau dossier.
49:58Vous l'avez levé au-dessus des hypocrisies et des tabous. »
50:01Autant de Françaises et de Français reconnaissants
50:04pour l'ensemble de son œuvre.
50:07« Madame, je ne peux remettre le désir de vous écrire à plus tard.
50:10Merci Madame de nous faire ce cadeau. »
50:13Et on essayait de faire le maximum avec le couple que nous avions.
50:44« Droit à la sécurité sociale pour les députés. »
50:47« Programme d'action en faveur des personnes d'autisme. »
50:49« Accès autonome des jeunes à l'assurance maladie dès l'âge de 10 ans d'urgence. »
50:52« Éternal employeur pré-organisation. »
50:54« Première loi d'autorité. »
50:55« Programme de prévention des objectifs. »
50:57« La vie vaut la peine d'être vécue si tu la vis comme Simone Veil. »

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