Mickaël Poillion : « Une opération de communication au service du président »

  • il y a 2 mois
« Paroles de Français » sur Tf1 - Interview exclusive

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00:00Bonjour M. Poyon, donc vous êtes intervenu hier sur l'émission Parole de Français avec Nicolas Sarkozy.
00:15Quelle est votre première réaction, justement, suite à cette émission ? Vous êtes satisfait ?
00:20Satisfait ? Non, ce n'est pas le mot, en fait. C'est avec un sentiment légèrement mitigé, mais bon, voilà.
00:26C'est un exercice très très délicat. C'était surtout, mais je n'étais pas dupe là-dessus, un exercice au service de la communication du Président.
00:34Donc je l'avais accepté. Je savais que ça allait être délicat. Maintenant, je regrette juste que je n'ai pas eu plus le temps
00:41pour pouvoir réellement mettre en perspective en tout cas les idées que je voulais proposer ou justement les sujets que je voulais évoquer
00:48plus d'ailleurs avec les téléspectateurs qu'avec le Président.
00:53Vous étiez frustré aujourd'hui ?
00:55Frustré ? Ce n'est pas frustré forcément parce que c'est un peu plus compliqué, ça. C'est-à-dire que cet exercice était vraiment à son service.
01:04Et en fait, il fallait que j'essaye justement de pouvoir, dans un exercice très contraignant, de pouvoir passer un ou deux messages.
01:11J'espère que je l'ai fait. Je ne sais pas. Je n'ai pas de retour là-dessus. Et si je ne l'ai pas fait, oui, je serais un peu frustré.
01:18Si, par contre, ces messages qui étaient autour notamment de la question du renouvellement des générations en agriculture,
01:25si ce message est passé, si la question de l'alimentation des Français est une préoccupation,
01:32eh bien si ça s'est passé, je me dirais que je retire ce sentiment un petit peu mitigé. Et puis je me dis que ça valait la peine quand même.
01:40Mais voilà, quand même, malgré tout, c'est un exercice. C'est au service d'une communication. Et de se trouver là-dedans, ce n'est pas simple.
01:45— Vous trouvez ça dommage en soi que le président n'ait pas donné plus la parole aux Français qui étaient présents à l'occasion de l'émission ?
01:52— Non. Je trouve dommage qu'en fait que l'exercice soit un peu plus chiadé avec des journalistes, quoi. C'est-à-dire que nous ne sommes pas des experts.
02:02Nous pouvons... Ce qui est peut-être intéressant avec les Français, c'est que ça amène une part de vécu que le président ne vit pas
02:08et que forcément, il ne peut pas forcément comprendre. Et d'ailleurs, c'est pas ce qu'on lui demande. Mais ça, c'est plutôt intéressant.
02:17Par contre, qu'il n'y ait pas d'accompagnement journalistique, qu'il n'y ait pas d'accompagnement d'expertise ou de constats
02:23qui permettent de ensuite amener un vrai débat, ça, c'est regrettable, oui.
02:27— Sur votre blog, la veille ou l'avant-veille de ce débat, vous vous êtes mis à la place d'un Français qui pourrait assister à cette émission
02:36en disant que vous souhaiteriez justement sensibiliser le président au renouvellement de la génération, à la transmission de la passion du secteur agricole
02:44et du métier d'agriculteur. Est-ce qu'aujourd'hui, les réponses qu'il a pu vous apporter vous rassurent dans ce sens-là ?
02:49Est-ce que vous pensez qu'on peut encore s'installer en confiance dans le secteur agricole ?
02:57— En fait, moi, oui, c'est ma conviction. C'est ma conviction que le monde agricole est un bivier d'emplois si on renouvelle une réelle politique
03:07alimentaire et agricole européenne et française même, parce qu'il y a aussi les questions françaises encore sur cette question-là.
03:14Donc oui, je suis convaincu que c'est un secteur qui peut installer des gens et qui peut créer de l'emploi, et même créer plein d'emplois,
03:20des emplois qui seront liés peut-être à de la valutabilité et à de la transformation dans les territoires, par exemple à une dynamique.
03:25Par contre, qui m'ait répondu non, il ne m'a pas répondu, parce que... Parce que je ne sais pas me répondre, d'ailleurs.
03:30Je pense qu'il a inclus... Et je pense que beaucoup de Français ou beaucoup, en tout cas, d'économistes ou de leaders ont inclus le fait que les paysans
03:37ne participent pas à une dynamique économique dans un pays industrialisé comme le nôtre, et qu'on est 3% de la population active, et que c'est bien suffisant,
03:46et que si on devait être 200 000 pour faire la même chose demain, ce ne serait pas très grave. Sauf que moi... Voilà. Et je l'ai ressenti, ça, quand il m'a
03:53tout simplement dit, vous savez, on ne peut pas que tout cet agriculteur s'était évolué. Et il avait déjà répondu à ma question, parce que c'est un trintèque, ça.
04:00C'est très fort chez les Français. Enfin, pas forcément chez les Français, mais c'est très fort dans les pays industrialisés. C'est qu'on pense que l'agriculture
04:06n'a pas besoin de ses paysans, en fait. Elle peut très bien être produite dans des endroits très spécialisés, etc. Et moi, je crois tout l'inverse.
04:13Je crois que si on veut une agriculture qui soit intelligente et qui fasse des produits de qualité, et qui participe au territoire, il faut des paysans,
04:20et notamment des jeunes. Donc voilà. Et j'ai eu ma réponse à Thierry Castor. Et donc maintenant, je vais me battre aussi pour ces convictions-là,
04:28parce que si le président de la République n'est pas conscient de ça, et que si ça lui suffit d'installer 7 000 jeunes par an, ça ne répond pas réellement
04:35à la vraie problématique qu'on est en train de vivre. — Le Président a également eu un discours très économiste, très tourné vers la mondialisation.
04:44Qu'est-ce que vous avez pensé de ses propos ? — Je pense qu'il n'a justement pas compris que la seule mondialisation ne pouvait pas répondre
04:53aux problématiques que beaucoup de Français – d'ailleurs, je pense que ça dépasse l'agriculture – vivent. Et ça, je pense qu'il n'a pas d'humilité
05:03ou il n'a plus d'humilité sur cette question-là. Le libre-échange, où en fait le marché libre, comme on peut le vivre aujourd'hui avec des fluctuations
05:10très fortes, ne règle aucune problématique. Elle ne règle pas la question du développement. Et ça, on le voit bien. Il continue d'y avoir autant de gens
05:20qui ne sont pas nourris. Elle ne règle pas la question dans nos pays du renouvellement des générations en agriculture. Elle ne règle pas la question
05:29aussi de l'alimentation de qualité accessible à toutes les populations. Voilà. Donc si son seul projet, c'est de me dire qu'il y a un marché ouvert,
05:38il faut être compétitif et il faut se battre à armes non égales avec des continents qui n'ont pas les mêmes aspirations, voire les mêmes conditions
05:48de travail, voire les mêmes souhaits en termes d'alimentation, eh bien moi, je lui dis que non, ce projet ne m'intéresse pas. Par contre, je ne suis pas
05:54un anti-marché. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Il m'a un peu caricaturé sur là-dessus. Mais je lui ai dit qu'on pouvait imaginer des échanges.
06:02Et je lui ai dit après, par de la coopération, mais pas forcément que par de la compétition. Mais tout ça, on a des domaines. Dans ces domaines-là,
06:10l'État ou la sphère publique doit se réinventer complètement, et notamment la sphère européenne. Aujourd'hui, de nous dire que seule la compétition
06:17est possible, c'est surréaliste. Moi, j'ai juste envie d'entendre qu'on peut créer des partenariats. On peut faire des échanges sur des produits
06:24à valeur ajoutée. Mais voilà, moi, je suis juste producteur de céréales et de lait. Et que me foutent ça sur un marché complètement ouvert, ça ne marche pas
06:31et ça ne marchera pas. Ou si, ça marchera avec 100 000 paysans français. Et ça, moi, je ne suis pas prêt à l'accepter. Mais non, si d'autres l'ont accepté,
06:38pas moi, en tout cas. — Le combat des idées n'est pas encore terminé suite à cette émission. — Ah bah non, il commence. Il commence parce qu'on a bientôt
06:47un truc un petit peu scandaleux, là, qui s'appelle le G20, qui va démarrer. Enfin moi, en tout cas, j'ai envie d'y participer en disant... Oui, on peut parler
06:57d'échanges, mais pas caricaturalement en disant qu'on va juste limiter les positions des spéculateurs, parce que c'est pas ça. On va juste faire de la transparence
07:05sur des stocks. C'est pas ça, la question. C'est est-ce qu'il y a des politiques publiques dans certains continents qui permettent d'éviter les fluctuations de volume
07:13qui arrivent comme ça sur un marché, qui permettent pas de répondre à la demande, qui permettent pas à des jeunes de s'installer dans des territoires
07:20que ce soit chez nous, mais aussi dans des territoires plus difficiles comme l'Afrique. Donc voilà. Donc non, il répond pas à la question, parce que tout simplement,
07:27c'est trop compliqué de s'attaquer aux causes plutôt que de s'attaquer aux conséquences comme il le fait là. Les conséquences, oui, ça spécule.
07:34Et donc il faudrait limiter les spéculateurs. Enfin non, c'est pas suffisant. C'est même médiocre.
07:40— Écoutez, Mickaël Poyon, je vous remercie d'avoir répondu à nos questions. Et je vous souhaite une bonne fin de journée.
07:45— Ça marche, merci.

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