J.-M. Séronie : « Il faut d’urgence définir une stratégie agricole nationale »

  • il y a 2 mois
Crise agricole

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00:00Bonjour et bienvenue. J'accueille sur ce plateau Jean-Marie Serroni. Bonjour. Bonjour. Vous êtes agroéconomiste et on va parler de conjoncture.
00:15Je voudrais votre point de vue sur la conjoncture et notamment sur les réactions, sur les solutions qui sont mises en avant aujourd'hui pour soutenir les producteurs,
00:24que ce soit de lait ou de céréales. Beaucoup de filières aujourd'hui sont en difficulté. Comment vous analysez la réaction de l'Etat notamment, la réaction de la profession agricole face à cette crise ?
00:36C'est vrai qu'on vit une campagne 2016 exceptionnelle par le bas. On a des difficultés dans à peu près toutes les filières.
00:45Quand on regarde les réactions, il y a des réactions de solution d'urgence, d'aide de trésorerie, de report, etc., qui sont à peu près toujours les mêmes.
00:56Effectivement, je pense que c'est ce qu'il faut faire. Mais ce qui surprend toujours l'observateur, aujourd'hui complètement extérieur et indépendant que je suis,
01:03c'est de se demander pourquoi tout le monde renvoie sur l'autre la façon de réagir. Finalement, en port, c'est reparti. On ne se pose plus de questions.
01:14En lait, on voit bien que le prix du spot remonte très vite. Les industriels ne le disent pas. Mais visiblement, il manque de matière première.
01:22Donc ça va repartir. Ça va prendre un petit peu de temps, mais ça va repartir. Et pour autant, il me semble que chacun devrait faire ce qui est son métier et pas dire aux autres.
01:33Tu devrais faire ça. Je prends 3 exemples. Les agriculteurs, les décisions de gestion reviennent de leur ressort. Or, on sait qu'on a un accident climatique grave, qu'il existe
01:46de l'assurance climatique et qu'à peu près un quart de la surface à peine est couverte. Pourquoi les chefs d'entreprise ne sont pas assurés? Et j'entends maintenant des grands responsables professionnels qui disent.
01:58Je trouve la question judicieuse. Est-ce qu'il ne faudrait pas rendre ses assurances obligatoires? Mais c'est la négation même de ce que c'est qu'un chef d'entreprise que de l'obliger à s'assurer.
02:07Le chef d'entreprise doit savoir prendre ses décisions. Et aujourd'hui, en série A, l'année est très difficile. Mais un agriculteur qui aurait une assurance sur ses récoltes et qui aurait constitué un stock de DPA à peu près normal, même si la DPA est compliquée
02:21et qu'elle doit être améliorée, aurait aujourd'hui assez facilement de quoi répondre. Si on prend la crise laitière, on dit il y avait je ne sais pas combien d'organisations professionnelles face à un acheteur lactalis.
02:34On n'a pas à se retourner contre l'État sur le fait qu'il y ait trop d'organisations professionnelles. C'est bien le rôle des organisations professionnelles, des organisations de producteurs.
02:42Et voilà pourquoi il y avait tant d'OP, chacune d'obédience ou de vision économique un peu différente face à un seul acheteur. On marche sur la tête. Mais ça, c'est bien l'organisation et l'État.
02:52Ne lui demandons pas d'aller agir dans ce qui n'est pas de son ressort, de faire des médiations qu'il fait plus ou moins bien, parfois très bien, parfois... Mais c'est quand même incroyable que des négociations commerciales entre des OP et une entreprise, le résultat soit annoncé par un préfet.
03:09C'est quand même très, très surprenant. L'État a une urgence, me semble-t-il, par rapport à l'agriculture. C'est de réformer la fiscalité. On a une fiscalité agricole et tout le monde est à peu près d'accord aujourd'hui là-dessus, une fiscalité agricole qui n'est pas adaptée à la volatilité des prix.
03:24Des outils comme la DPA, par exemple, qui est mise en avance. C'est pas suffisant. Il faut simplifier la DPA, que ça devienne un système de provision encadré pour pas faire de l'évasion fiscale, mais très simple. Il faut une fiscalité qui facilite les réserves, la constitution de réserve de trésorerie, d'avoir du cash quand ça va pas.
03:43Aujourd'hui, la fiscalité favorise l'immobilisation, les investissements. Il faut changer ça. Donc ça, ça relève complètement du législateur. Donc ça, ça me paraît l'urgence pour l'État et plutôt que de négocier des accords entre les entreprises.
03:59Dans ce contexte particulièrement difficile pour bon nombre de producteurs, on parle déjà de la prochaine réforme de la PAC. Certains défendent une sorte de modèle américain avec des aides contracycliques. Vous pensez que ça peut être une bonne idée de peut être pas transposer, mais d'avoir un modèle à l'américaine?
04:23Alors est-ce qu'il faut un modèle à l'américaine? Il faut un modèle à l'européenne. Mais est-ce que des aides contracycliques, ce serait une bonne chose? C'est vrai que tout le monde a été choqué en 2008 ou 2009, quand les cours d'accès à l'électricité étaient très élevés, qu'il y ait des millions d'euros qui aient été distribués alors qu'il n'y avait à l'évidence pas besoin et qu'aujourd'hui, il y en aurait véritablement besoin.
04:44Donc on peut se dire des aides contracycliques, ce n'est pas totalement idiot. Ça se heurte à deux questions. Une, c'est que vous savez que le budget de la PAC est constant et ne se reporte pas d'une année sur l'autre. Donc permettre des aides contracycliques nécessite de modifier la logique du budget européen. Ce n'est pas infaisable, mais c'est complexe.
05:04Ça, c'est un premier point. Et le deuxième point, c'est que mettre en place des aides contracycliques, ça ne peut pas venir en plus du droit au paiement unique ou le droit au paiement de base, mais à la place. Et donc là, ça commence à gratter dans le dos. Il faudrait imputer cette enveloppe. Pourquoi pas?
05:22Mais ça nécessite derrière d'avoir une stratégie claire, de savoir pourquoi on le fait, c'est-à-dire savoir où on veut aller. Et pour ça, il faut une politique européenne, une stratégie européenne inexistante aujourd'hui. Peu clair, mais pour que la France négocie, il faut que la France ait sa propre stratégie agricole.
05:40Et là, clairement, elle n'en a plus. Clairement, elle n'en a plus. Donc je crois que la première urgence, c'est de bâtir un socle commun, une stratégie agricole nationale. Et quand je dis un socle commun, c'est un socle commun entre les différentes organisations agricoles et les autres parties prenantes que sont les consommateurs, les environnementalistes et les représentants élus de la République.
06:02Une stratégie collective, une vision collective sur les points sur lesquels on est d'accord. Qu'est-ce que c'est qu'une exploitation familiale? Est-ce qu'une exploitation avec 4 salariés, c'est une multinationale? Bien sûr que non. Est-ce que et donc, une fois qu'on l'a dit, on en tire les conséquences au plan réglementaire, au cadre réglementaire?
06:19Est-ce qu'on quelle stratégie exportatrice on veut? Quelle diversité d'exploitation on veut? Est-ce qu'on veut des petites exploitations? Et si personnellement, ce que je crois, il faut une très grande diversité. Et s'il y a des petites exploitations, on a une politique qui leur permet de se développer, de se développer, de ne pas forcément de grossir, mais de vivre. Et donc, mais on ne peut pas avoir des plans d'action clair comme dans une entreprise. On ne peut pas avoir des plans d'action clair s'il n'y a pas une vision commune partagée.
06:47Jean-Marie, merci beaucoup pour cette analyse. Et retrouvez d'autres analyses, d'autres commentaires sur la conjoncture et les réponses à cette crise agricole sur ternet.fr et webagri.fr. Merci.

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