Existe t-il vraiment une France des 3 blocs ? - L'air du temps

  • il y a 2 mois
Avec Serge Guérin, sociologue

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##L_AIR_DU_TEMPS-2024-07-13##

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Transcript
00:00Soudradio, l'air du temps. Serge Guérin.
00:05Bonjour Serge Guérin.
00:07Bonjour Laurence.
00:09Wow, quelle pêche. Sociologue, on vous retrouve tout cet été comme d'habitude avec votre rendez-vous, l'air du temps.
00:15Professeur Alin Seck, grande école de Paris, auteur de l'essai « S'il est vieux, sauvez la planète » aux éditions Michelon.
00:21Alors Serge, vous venez de signer sur le site d'Atlantico une analyse intitulée « 18 leçons sur la société française après un scrutin »,
00:30titre en référence à Raymond Aron qui avait publié un ouvrage de sociologie majeure « 18 leçons sur la société industrielle », c'était en 1962.
00:41Alors, on ne va pas pouvoir passer en revue vos 18 leçons, mon cher Serge, mais parmi celles que vous avez retenues,
00:48pour vous, les élections deviennent des référendums très binaires, c'est ce que vous écrivez.
00:54Oui, c'est-à-dire que le système qui a été fait a laissé très peu de temps pour échanger,
01:01mais c'est vrai qu'on voit que ce soit sur les élections européennes où c'était très clairement un référendum anti-Macron,
01:08le premier tour c'était plutôt un référendum pro-Bardella,
01:12et le troisième tour, on pourrait dire le deuxième tour des législatives, c'était une sorte de référendum anti-Bardella ou anti-Rennes.
01:18On voit bien qu'on est beaucoup dans le anti, dans le contre, et que c'est oui ou non,
01:23et qu'il y a une démocratie, c'est quand même avancer les uns vers les autres, trouver un compromis et tout ça,
01:28et là, finalement, on a des... comme si on avait des pays assez coupés.
01:33Et en même temps, ça a mobilisé les gens.
01:38Complètement. Et de ce point de vue-là, ça va à l'inverse de ce qu'on raconte depuis très très longtemps
01:42sur la pratique démocratique, les monuments civiques, et ainsi de suite.
01:45On voit quand les gens considèrent qu'il y a un enjeu fort ou que leur voix peut compter,
01:50du coup, ils se mobilisent beaucoup plus.
01:52Je ne sais pas si après les résultats, ils considéreront que leur voix a vraiment compté, mais ça, c'est encore un autre sujet.
01:57En tout cas, quand ils sentent qu'il faut y aller, ils y vont. Ils s'en bargouillent et ils y vont assez facilement.
02:03Autre leçon que j'ai piochée un petit peu dans toutes vos analyses et qui m'intéresse,
02:07c'est que vous dites que la France n'est pas coupée en trois blocs, comme on le répète assez souvent.
02:11Oui, parce que quand on regarde bien, il y a trois blocs politiques à la fin,
02:17mais finalement, quand on regarde bien, il y a d'un côté, c'est schématique,
02:21il y a toujours plein d'exceptions, bien évidemment.
02:23Mais globalement, d'un côté, on a le vote EREN,
02:26c'est plutôt ce qu'on appelle le vote de la France périphérique,
02:28qui avait été analysé il y a une vingtaine d'années par Christophe Guely.
02:31Donc, plutôt... là, je suis à couture sur Garonne en ce moment.
02:34Et bien, c'est tous ces endroits-là, assez éloignés des grandes villes.
02:39Et puis, de l'autre côté, on a finalement un ensemble grande métropole et banlieue.
02:44Et que ce soit le bloc central, le macroniste, républicain et autre,
02:51ou le bloc, ou les blocs d'ailleurs, un peu bizarres, dits du Front populaire,
02:57finalement, ça s'intercale, ça se mélange.
03:00Donc, on a d'une certaine manière, finalement, deux blocs réellement qui se font face à face.
03:06Et surtout, qui ne se comprennent pas beaucoup.
03:09Je dirais même qu'ils ne se comprennent pas du tout.
03:11Et donc, ils font du mal à dialoguer ensemble.
03:14Et on ne fait pas un pays s'il est complètement coupé de cette manière-là.
03:17On dit souvent aussi, Serge Guérin, on en parlera tout à l'heure d'ailleurs
03:20avec le politologue Arnaud Benedetti,
03:21que la Ve République n'est pas habituée,
03:23elle n'est pas forcément habituée à la culture du compromis d'un régime parlementaire.
03:29Vous avez parfaitement raison.
03:31Et de ce point de vue-là, je ne suis pas politologue,
03:33mais de ce point de vue-là, il n'est pas impossible qu'on soit bien obligé,
03:37à un moment ou à un autre, de trouver des formes de coalition,
03:41je ne sais pas combien de temps ils dureront, mais des formes de coalition.
03:44Et finalement, sans doute que l'idée qui va arriver à un moment ou à un autre,
03:49c'est de faire des...
03:52de changer les règles de vote,
03:53que ce ne soit plus au scrutin majoritaire mais à la proportionnelle.
03:56Parce que là, on entre un peu dans cette logique-là
03:58et au final, en plus, c'est la demande à la fois des citoyens français
04:02et globalement de la plupart des forces politiques.
04:06On voit bien que là, on va être obligé en effet,
04:08à l'inverse de ce que préparait la Constitution de la Ve République,
04:11de réinventer quelque chose en restant dans la Ve République,
04:14mais simplement en intégrant,
04:16alors je ne sais pas si c'est à 100% ou pas,
04:18mais de la proportionnelle,
04:19pour qu'aussi chacun, dès le départ, vote pour qui il a envie de voter.
04:23Parce que souvent, les gens finalement votent,
04:25non, je vais voter pour lui parce que comme ça, ça va éviter que...
04:28Il n'y a pas de contrôle, c'est sûr.
04:29Voilà. Et là, s'il y a un seul tour,
04:31finalement, je vote pour les gens que j'ai envie et les citoyens.
04:32Et après, les gens qui n'arrivent pas nécessairement à la majorité,
04:35c'est assez rare au scrutin proportionnel,
04:37trouvent des accords et ce qui fait qu'il y a une majorité qui se dégage.
04:41Mais du coup, s'il y a une négociation après,
04:43j'irai à une négociation devant tout le monde
04:45et pas dans les petits coins et sans qu'on comprenne grand-chose.
04:49Alors Serge Guérin, parmi les leçons que vous avez tirées de toutes ces élections-là,
04:53l'écologie.
04:54Vous dites que l'écologie a disparu totalement du paysage et des débats.
04:58Alors que pourtant, voilà, il y a une vraie conscience de l'urgence climatique.
05:03Mais en tout cas, ça a disparu totalement des débats politiques pour vous.
05:07Oui, on vit là encore, dans le dérèglement climatique,
05:11qu'on est quand même plein dedans, il y a plein d'endroits.
05:13Il pleut, il ne fait pas bon, ainsi de suite.
05:14Bref, ça ne va pas.
05:16Et en même temps, dans les discussions,
05:18mais même la grande question du nucléaire, par exemple,
05:20elle a totalement disparu parce qu'il n'y avait pas d'accord entre les uns et les autres, par exemple.
05:25Et l'écologie, qui est un des éléments absolument majeurs de notre avenir,
05:30on n'en a pas du tout parlé, y compris d'ailleurs le parti qui officiellement propage ces idées-là.
05:35Donc on voit bien qu'il y a quand même un sujet, une incapacité,
05:39alors même que la situation est de plus en plus importante de ce point de vue-là.
05:43Vraiment, on met ça complètement au rencard.
05:45Au rencard.
05:46Pour terminer, Serge Guérin, pourquoi vous terminez votre tribune-là,
05:49enfin, ce n'est pas une tribune, mais votre analyse,
05:51en disant, la France veut-elle devenir une île, point d'interrogation ?
05:55Parce que ce qui m'a beaucoup surpris,
05:56enfin, surpris,
05:57c'est que, par exemple, le déficit, ça n'existe plus,
06:00que j'ai entendu un des leaders du Front Populaire expliquer
06:03que ce n'est pas grave de ne pas rembourser la dette.
06:05Des choses comme ça, on a l'impression que le monde auto n'existe pas,
06:07que l'on va augmenter les salaires tout ce qu'on veut,
06:10en se disant, on va acheter en France,
06:11alors qu'on sait bien que s'il y a plus de consommation,
06:13elle ira d'abord vers la Chine,
06:15que l'on n'a pas du tout parlé de la question ukrainienne.
06:17Il y a quand même un truc où on se réunit,
06:19on n'est pas du tout au courant de ce qui se passe autour,
06:22et puis ça n'a aucune importance,
06:23et on est suffisamment forts, nous, ensemble,
06:25pour s'en sortir tout seul.
06:26Donc je me disais, peut-être,
06:28en tout cas, est-ce qu'on est devenu une île ?
06:30Et puis moi, je n'ai pas vu, quoi.
06:31Je me suis réveillé et zut,
06:33tiens, il y a la mer autour,
06:35et je n'avais pas compris.
06:36Je n'avais pas compris.
06:38Voilà, en tout cas, merci beaucoup pour vos lumières,
06:40mon cher Serge Guérin,
06:41et puis on vous retrouve samedi prochain
06:42pour réanalyser l'ère du temps via l'angle du sociologue.
06:47Merci beaucoup, Serge Guérin.

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