• il y a 3 mois
L’avocat et ancien secrétaire général de l’Elysée, Frédéric Salat-Baroux était l’invité de #LaGrandeInterview de Thomas Bonnet dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.

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Transcription
00:00Bonjour Frédéric Salabarou, bienvenue dans votre grande interview en direct sur Europe 1 et sur CNews.
00:10Bonjour, merci de me recevoir.
00:11On va beaucoup parler de politique française évidemment avec vous ce matin,
00:14mais d'abord un mot sur la situation internationale, la situation au Royaume-Uni, des violences ces derniers jours,
00:20après une nuit qui a été plus calme la nuit dernière.
00:23Quel regard vous portez sur cette situation, sur ces émeutes au Royaume-Uni en ce moment ?
00:28Je pense que ce sont des événements d'une très très grande importance.
00:32Évidemment il faut condamner les violences, la loi doit être respectée, l'état de droit doit être respecté.
00:40Mais c'est intéressant de voir aussi ce que ça signifie.
00:43Et ça n'est pas aujourd'hui parce qu'il y a eu des manifestations antiracistes,
00:47que rien ne s'est passé, qu'on remet le couvercle.
00:50Derrière ça, il y a les symptômes de la crise des sociétés occidentales, des sociétés européennes.
00:57La volonté d'avoir une immigration qui soit pas incontrôlée,
01:01le fait que ça se passe de manière aiguë dans les zones désindustrialisées et les zones paupérisées,
01:07et tout ça sur fond de grand malaise des classes moyennes.
01:11Ce sentiment de déclassement, ce sentiment de désespérance qu'on a vu avec les Gilets jaunes, c'est partout.
01:16Et donc ça renvoie à un message qu'il faut bien avoir en tête, c'est qu'est-ce qui s'exprime et comment on y répond.
01:23Et d'ailleurs, vous parliez de politique française. Je fais le lien aujourd'hui.
01:26Le problème n'est pas de savoir s'il faut Monsieur X ou Madame Y,
01:30ou il faut une grande coalition qui de toute façon n'existera pas.
01:33La question centrale, c'est qu'est-ce qu'ont exprimé les Français durant cette élection et comment on y répond.
01:39On va y revenir, mais restons sur le Royaume-Uni.
01:41Vous nous dites qu'en réalité, les ressorts qui agitent cette crise au Royaume-Uni,
01:45finalement, ils sont aussi présents en France et qu'il faut être vigilant à cela ?
01:49Ils sont présents partout. Ils sont présents aussi aux États-Unis.
01:52La désindustrialisation a amené Trump au pouvoir.
01:57Ce n'est pas par hasard qu'il choisit J.D. Evans, dont le livre majeur qui est un best-seller dans le monde.
02:03C'est la description de ces anciens seigneurs de l'industrie américaine
02:08qui tombent dans la drogue, dans l'alcool et qui en réalité basculent dans le populisme.
02:15Cette crise, elle est partout.
02:17Il faut savoir l'entendre et il faut savoir y répondre dans le respect de l'état de droit et des grands principes.
02:23Sinon, qu'est-ce qui se passe ?
02:25Si on n'agit pas, si on laisse les lois inappliquées, si on ne réagit pas sur le plan économique,
02:30si on ne contrôle pas les flics migratoires, on perd la nécessité.
02:37C'est le rôle de l'État de trouver un bon équilibre et on crée les conditions de la violence ou des violences,
02:43c'est-à-dire des violences dans un sens ou des violences dans un autre, ce qui peut encore se passer au Royaume-Uni.
02:47Je précise que vous êtes également biographe de Léon Blum.
02:50Est-ce que vous pouvez établir un parallèle entre la situation au Royaume-Uni et la situation de février 1934, par exemple ?
02:57Il faut se méfier des parallèles historiques. J'adore l'histoire et l'histoire enseigne.
03:01Évidemment, le Front populaire part des événements du 6 février 1934, mais c'est une autre forme de crise.
03:08En revanche, ce que nous dit cette période et ce que nous dit l'histoire, c'est qu'il faut faire très attention.
03:14C'est-à-dire qu'on a toujours l'impression que les choses sont en place, qu'il ne peut pas se passer des choses graves.
03:21Par exemple, aujourd'hui, on est à la joie des Jeux olympiques, dans la torpeur de l'été,
03:25et on a l'impression que la situation française n'est pas une situation extraordinairement préoccupante.
03:31Or, elle l'est, et le propre de l'histoire, c'est que juste avant le moment de bascule dans la crise ou dans la crise aiguë,
03:38on a l'impression qu'il ne se passe rien avant le 6 février 1934.
03:42L'affaire Stavisky, vous parlez de ça, c'était un scandale parmi d'autres.
03:47Et en revanche, ce qui s'est passé le 6 février 1934 fait complètement basculer tout ça dans un environnement mondial qu'on ne doit jamais perdre de vue.
03:55Quelques mois avant, Hitler était arrivé au pouvoir, d'où le changement de position de Staline.
03:59Donc voilà, l'avis politique, ce n'est pas seulement les personnes, ce n'est pas seulement la course aux médias,
04:04c'est la capacité à comprendre l'environnement et à l'intérieur, à regarder les problèmes.
04:09Et moi, je suis pour une logique démocratique, c'est-à-dire que d'abord et avant tout, on regarde ce qu'on dit les Français.
04:18Alors justement, allons-y sur la situation politique française.
04:22On attend toujours un nouveau Premier ministre, un nouveau gouvernement.
04:25Vous plaidez dans une tribune parue dans Le Monde pour un gouvernement qui répond aux attentes des Français.
04:30Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
04:32Ce que je veux dire, c'est que les Français n'ont pas donné de majorité à l'Assemblée,
04:37mais ils ont exprimé des choses qui me paraissent claires si on fait l'effort de s'abstraire de ces préférences partisanes.
04:44Ils ont exprimé des choses, d'ailleurs, qui empruntent à la droite, à la gauche ou à l'extrême droite.
04:51Moi, ce que je considère, c'est qu'ils ont dit qu'on a besoin de plus de justice sociale, notamment en matière de pouvoir d'achat.
04:57C'est la question du SMIC ou du prix de l'énergie.
04:59On voit bien que la réforme des retraites ne passe pas, donc il y a besoin d'en redébattre.
05:04Plutôt que de se retrouver à l'Assemblée avec des propositions de loi d'abrogation, il faut en redébattre, amender s'il faut, abroger s'il faut.
05:13Et puis ensuite, il y a d'autres formes de préoccupations.
05:16La préoccupation de sécurité, la préoccupation de laïcité, d'ordre à l'école et le fait de maîtriser les flux migratoires.
05:24Ce qui ne veut pas dire qu'on est raciste, c'est juste qu'il faut que la loi soit appliquée.
05:30Et ça, il faut l'entendre.
05:32Aucune coalition, qui d'ailleurs ne se fera pas, n'apportera la réponse.
05:36Il n'y a pas d'homme provident.
05:38Une coalition ne se fera pas.
05:39Vous nous dites ce matin, une coalition ne se fera pas.
05:40Pourquoi ?
05:41Elle ne se fera pas pour une raison assez simple.
05:43Vous ne pouvez pas avoir le Parti socialiste engagé dans cette coalition avec le risque d'une nouvelle dissolution dans un an.
05:50Alors qu'il vient de proposer une candidate au poste de Matignon.
05:54Lucie Castet.
05:55Lucie Castet, vous allez rire.
05:57Maintenant, je rentre dans une grande coalition avec le centre et la droite.
06:01Donc ça ne se fera pas.
06:03Ce qu'il faut, et c'est dans une situation très compliquée, c'est entendre ce qu'on dit les Français et construire autour de ça.
06:10En quelque sorte, ce n'est pas avec les partis de l'Assemblée nationale qu'Emmanuel Macron est en cohabitation, c'est avec les Français.
06:18Et donc, c'est le couple président de la République et ceux qu'on dit les Français qui est peut-être la clé d'une crise qui est, à mon sens, extraordinairement sérieuse.
06:28Parce que, si je peux me permettre, il y a deux crises.
06:30Il y a la crise institutionnelle qui peut parfaitement conduire, si on n'arrive pas à trouver les bons points d'équilibre, à la démission du président de la République.
06:38C'est ce que souhaite très probablement Jean-Luc Mélenchon, on y reviendra peut-être.
06:42Et puis, il y a la crise financière.
06:44On est dans une situation budgétaire extrêmement dangereuse.
06:49Ce n'est pas 5 % de PIB de déficit, c'est 40 %.
06:53Les recettes sont 40 % inférieures aux dépenses.
06:57Toute la paye des fonctionnaires est payée par le déficit, c'est-à-dire par les investisseurs et les investisseurs étrangers.
07:05Si le pays bascule dans deux ans et demi d'instabilité, c'est interminable deux ans et demi d'instabilité.
07:11Les taux vont s'envoler et c'est notre indépendance et notre solvabilité qui risque d'être en cause.
07:16Dans cette même tribune, vous vous en appelez au dépassement des ambitions décorrélées,
07:20justement la formation d'un gouvernement et les ambitions pour la présidentielle de 2027.
07:25Vous reprenez cette citation de Pierre Cotte qui, en 1940, se disait prêt à balayer les escaliers au service de la France,
07:31qui aujourd'hui serait capable d'un tel dévouement ?
07:34Bien plus de gens qu'on imagine.
07:37D'abord, ça découle de ce que je viens de chercher à exprimer, c'est-à-dire la crise est profonde
07:44et c'est un temps où ce n'est pas la course aux ambitions.
07:47On a largement dépassé ces questions-là.
07:51Et pourtant, on a l'impression que c'est dans toutes les têtes.
07:53Non, mais c'est dans des têtes.
07:55Je suis désolé, je ne veux pas critiquer le système, le parisianisme, le monde médiatique, c'est dans ces têtes-là.
08:01Ce n'est pas dans les têtes des Français et ce n'est surtout pas la réalité.
08:05Face à cette situation, il faut avoir une approche patriotique
08:10et beaucoup plus de gens sont prêts à le faire qu'on imagine.
08:15Mais encore faut-il créer les conditions.
08:18Moi, je plaide pour un gouvernement de devoir, c'est-à-dire un gouvernement qui, pendant les deux années et demie,
08:24ne fasse qu'une chose, appliquer une basse programmatique qui correspond à ce que je viens de dire,
08:30c'est-à-dire à ce qui me semble être les attentes minimums des Français, et ne fasse que ça.
08:35J'emploie dans la tribune une image, c'est-à-dire qu'il faut des ministres qui ne courent pas les plateaux,
08:41mais qui aillent au ministère comme on va au bureau, au champ ou à l'usine.
08:47Et il y en a.
08:48Et puis, il faut étanchéiser ce travail gouvernemental de la campagne présidentielle de 2027.
08:54Il faut laisser à ceux qui veulent rencontrer les Français le temps de le faire
08:58et aux Français de choisir leur avenir.
09:01Donc, c'est en ça que le choix du Premier ministre, de l'équipe, est vraiment important.
09:07Mais les personnes ne comptent pas si, avant ça, on n'a pas vu ce qu'on veut faire.
09:13Et si, par exemple, on ne fait que continuer ce qui a été fait,
09:18ou alors, comme le propose la gauche, un programme qui ne répond pas à ce qu'ont exprimé les Français en totalité,
09:25ça ne fonctionnera pas.
09:26Justement, comment on explique aux Français que leur vote a été entendu ?
09:29On ne pourra pas repartir sur une coalition, vous l'avez dit vous-même.
09:33Comment leur montrer que le message a été reçu avec ces deux scrutins,
09:37les élections européennes puis les élections législatives ?
09:40D'abord, en ne proposant pas quelque chose qui relève de, soit, les attendues traditionnelles de la gauche.
09:49C'est en ça que le programme du nouveau Front populaire n'y correspond pas.
09:53À quel moment les Français ont dit, on veut plus de régularisation de sans-papiers
09:59ou la création d'un statut de réfugié climatique ?
10:02Ils n'ont jamais dit que ça ne correspond pas.
10:04Et de côté de la droite, ils ont exprimé des attentes en matière de pouvoir d'achat, et il faut les entendre.
10:12Le pacte législatif de Laurent Wauquiez va dans ce sens-là ?
10:14Le pacte législatif est intéressant en méthode, parce que ça veut dire,
10:18je commence par les propositions avant les personnes et les arrangements d'appareils.
10:23Maintenant, il correspond à la position traditionnelle des Républicains.
10:27Il faut qu'elle s'étende à d'autres sujets, notamment la question du pouvoir d'achat,
10:31la question du SMIC et la question des retraites.
10:34Par exemple, je suis personnellement favorable à l'augmentation du SMIC.
10:37Je mesure ce que ça veut dire pour les petites et moyennes entreprises.
10:41Il faut qu'on trouve le bon point d'équilibre en termes d'augmentation du SMIC,
10:45parce qu'on ne peut pas avoir eu ce qu'on a vécu, c'est-à-dire une flambée d'inflation,
10:50une inflation à deux chiffres dans l'alimentaire pour des ménages qui travaillent
10:54et qui étaient déjà à un euro près avant cette inflation,
10:58et ne pas y répondre par le salaire.
11:00Ça n'est pas possible.
11:02Est-ce que la position de Laurent Wauquiez est tenable ?
11:04C'est-à-dire faire des propositions, mettre des mesures sur la table,
11:06mais dire qu'il ne veut pas les appliquer, ne pas participer à un gouvernement.
11:10Est-ce que c'est tenable, cette position ?
11:12C'est tenable si, dans le même temps, le président de la République prend les décisions qu'il faut,
11:17c'est-à-dire regarder ce qu'il faut proposer,
11:21et ensuite mettre en place une équipe pour les mettre en œuvre.
11:24Ensuite, il appartiendra à Laurent Wauquiez, à la gauche, aux socialistes, de se déterminer.
11:29C'est-à-dire texte par texte, voter ou non des lois.
11:33Est-ce qu'on renverse un gouvernement qui augmente le SMIC,
11:37ouvre un débat à nouveau sur les retraites,
11:39et qui applique strictement la loi en matière de sécurité et d'immigration ?
11:44Moi, je suis convaincu du contraire.
11:46Et dans le même temps, il y a un grand rendez-vous qui est le budget,
11:49qui est essentiel pour les raisons qu'on a indiquées.
11:52Et là, il va falloir trouver des points d'équilibre.
11:54Et les points d'équilibre, c'est à la fois des économies et des sacrifices,
11:59mais également, il faut dire les choses telles qu'elles sont,
12:02des augmentations d'impôts ciblées et qui soient justes.
12:05Donc là, c'est le moment de vérité.
12:06Si le gouvernement de voie que je préconise passe l'échéance du budget,
12:11à ce moment-là, les choses seront possibles.
12:14Ceux qui veulent aller à la présidentielle pour offrir une possibilité de choix aux Français pourront le faire.
12:20Quant à ce gouvernement, ça ne va pas être tous les jours drôle,
12:24puisqu'il va falloir affronter le chaudron de l'Assemblée,
12:27le rapport avec le président de la République qui va être extraordinairement compliqué,
12:30plus toutes les difficultés du quotidien, peut permettre ça.
12:35Il faut un profil politique au gouvernement, à la tête de ce gouvernement,
12:38justement pour affronter ce que vous appelez le chaudron ?
12:40Je l'ai écrit, je suis convaincu de ça,
12:42parce qu'il faut pouvoir avoir une expérience du travail parlementaire.
12:46C'est un chaudron qui est invraisemblable
12:48et il ne faut pas perdre de vue la stratégie de LFI et de Jean-Luc Mélenchon.
12:54Jean-Luc Mélenchon connaît bien l'histoire.
12:56La dissolution, c'est comme la convocation des États généraux,
12:58ça déclenche une machine infernale.
13:00Sa logique, c'est accélérer la crise pour que le président de la République
13:06soit contraint très vite de démissionner,
13:09et je crois que c'est une expression qu'il a employée,
13:12et que les Français n'aient le choix que de se prononcer
13:14pour la personne qu'ils détestent le moins.
13:16Ça, ça n'est pas acceptable.
13:18C'est dangereux, une démission du président de la République ?
13:20Alors, on peut penser ce qu'on veut de l'action du président de la République,
13:24de sa personne, ou du choix de la dissolution,
13:27mais là, on est dans un temps qui est le temps de l'intérêt national,
13:31et pour l'intérêt national, la pire des choses,
13:34ça serait une démission rapide.
13:36Il faut d'abord assumer ces deux ans et demi,
13:39et permettre aux Français d'avoir un vrai débat présidentiel,
13:43et de choisir.
13:45Là encore, moi je ramène toujours les choses au même point,
13:48c'est-à-dire c'est la question démocratique.
13:50Qu'est-ce qu'on dit les Français ?
13:52Il faut le temps de l'exprimer.
13:54Merci beaucoup Frédéric Salabarou, vous êtes avocat,
13:57ancien secrétaire général de l'Elysée sous la présidence de Jacques Chirac.
14:00C'était votre grande interview ce matin en direct sur Europe 1 et sur CNews.
14:03Merci beaucoup.

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