Aurore et Victorien - 1975 - Episode 03

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DB - 19-08-2024

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Transcript
00:00Vers 1760, un jeune paysan d'Auvergne, Victorien Liotades, a tué une bête monstrueuse qui terrorisait la région.
00:09Le comte de Requista, pour le récompenser, l'a nommé régisseur de cette terre.
00:13Le comte a deux filles, Agnès et Aurore.
00:16Agnès se marie avec le baron du Coufour et devient, à la mort du comte, maîtresse du domaine.
00:21Sa sœur, Aurore, qui a 15 ans, éprouve un sentiment pour Victorien qu'elle admire passionnément.
00:27La comtesse Agnès met au monde un fils.
00:30Un bal est donné au village pour fêter cette naissance.
00:33Aurore s'y rend. Dans la soirée, elle demande à Victorien de la ramener au château en troupe sur son cheval.
00:38Elle lui avoue son amour.
00:40La comtesse Agnès, qui a appris le retour de sa sœur en pleine nuit avec Victorien, le convoque et sèchement lui reproche sa conduite.
00:47Elle décide, d'accord avec sa mère, la comtesse Douairière, de mettre un terme aux relations de sa sœur et de Victorien.
00:53La Douairière et Aurore partent pour l'Anzac, une propriété que possède la Douairière.
00:58Une semaine, déjà. Le temps passe vite.
01:26Je me sens bien ici. J'y ai tant de souvenirs.
01:31Je vous comprends, madame la comtesse.
01:34Il me semble que je parcours ma vie à l'envers, tant je retrouve les traces de ma jeunesse.
01:40C'est dans cette pièce qu'un beau jour de 1745, mon père a réuni une poignée de gentils hommes pour aller rejoindre le régiment du bien-aimé.
01:51Je le vois encore, là, dans l'angle.
01:55Il était avec son ami, monsieur de Haute-Roche.
01:59Verneau-Jacques, ce nom ne vous dit rien ?
02:01Madame la comtesse ne me prendra pas en défaut sur l'histoire.
02:04Monsieur de Haute-Roche, l'officier des grenadiers.
02:07Lui-même, aristocrate jusqu'à la dentelle de son jambon.
02:11Celui qui cria à l'ennemi, messieurs les Anglais, tirez les premiers.
02:15Les Anglais ont obéi, monsieur de Haute-Roche est tombé.
02:20Je vous montrerai des lettres que mon père a écrites après cette bataille de Fontenoy.
02:25Il me serait très agréable que vous surpreniez Aurore en les lui montrant, ou de la manière la plus naturelle à vous, au cours d'une leçon d'histoire.
02:49L'Histoire d'Aurore
03:19L'Histoire d'Aurore
03:28Je m'ennuie, je m'ennuie.
03:39Ah oui, cette maison était pleine de vie à l'époque.
03:43Nous étions heureux.
03:46Oh, je voulais vous dire, Vernoujac, j'ai invité mes amis d'entre vous à venir passer quelques jours avec nous ici à l'Anzac.
03:52Je crois que c'est une bonne idée, ça distraira Aurore.
03:55Ils ont une fille qui est à peu près de son âge et deux fils.
03:59L'aîné, Adolphe, et le plus jeune, Gustave.
04:03Pas mal de sa personne.
04:07Et charmant.
04:10Madame la Comtesse, ne se fasse pas trop diluer.
04:16Mes amis, laissons le salon à la jeunesse et allons dans l'autre pièce.
04:19Nous serons beaucoup plus tranquilles pour notre bruit, Gustave.
04:30Et voilà, on nous abandonne.
04:33C'est vrai ce que vous nous avez dit tout à l'heure, que vous n'aimeriez pas aller à la cour.
04:37C'est la vérité, Gustave. Je ne me sens aucun coup pour les courbettes.
04:41Pourtant, Aurore, vous feriez une très jolie noiselle d'honneur de la reine.
04:45Et puis à Paris, on a une vie très agréable.
04:47Il y a les balles, il y a le théâtre.
04:49Moi, à ce propos, est-ce vrai que M. de Beaumarchais a réussi à faire jouer une pièce que le roi avait interdite?
04:53Parfaitement exact. Le barbier de Séville. Quel triomphe, ma chère.
04:57Que raconte la pièce?
04:59Oh, le sujet n'a rien de bien neuf, apparemment.
05:04La victoire de l'amour et de la jeunesse sur le calcul et la vieillesse, grâce aux russes d'un ballet.
05:09Il n'y avait pas là de quoi fouetter un chat.
05:11Ah, il faut entendre le texte.
05:14Mais ça, c'est de l'histoire ancienne. Il y a trois ans qu'on joue le barbier.
05:17Trois ans? Jugez de notre retard dans nos provinces.
05:20Gustave, dis-nous le monologue de Figaro.
05:23Aurore, il s'agit là d'une nouveauté d'un genre particulier,
05:27puisque c'est une sorte de pamphlet secret.
05:29Oui, oui, secret.
05:31La nouvelle pièce de M. de Beaumarchais a pour titre le mariage de Figaro.
05:34Elle fait suite au barbier de Séville.
05:36M. de Beaumarchais a la réputation d'un bon financier.
05:39Il exploite le succès du barbier.
05:41Rien de plus normal.
05:43Mais le piquant vient de ce qu'on ne joue pas le mariage de Figaro.
05:46On n'ose pas le jouer.
05:48Et pour cause.
05:49Figaro frotte les oreilles des journalistes, celle de l'archevêque.
05:52Il attaque la censure et l'ironie sur la Bastille.
05:54Vous excitez ma curiosité.
05:56Mais il y a une chose que je ne comprends pas.
05:58Puisque la pièce n'est pas jouée,
06:00comment pouvez-vous savoir ce qu'elle contient?
06:02Est-elle imprimée?
06:03Voilà bien votre innocence à vous, gens de la province.
06:06À Paris, on sait tout.
06:08Ne dis pas de mal de la province, Adolphe.
06:10Ici, tout se sait, rien ne se dit.
06:12Gustave, je voudrais que tu déclames le monologue sans éclat
06:16pour qu'on ne t'entende pas du petit salon.
06:18On t'écoute.
06:19Permet que j'explique à Aurore.
06:21Le roi et la reine se sont fait lire la pièce.
06:24Et après avoir entendu le monologue,
06:26que je vais avoir le privilège, mon ami, de vous réciter,
06:29le roi a déclaré, c'est détestable.
06:31Cela ne sera jamais joué.
06:33Cet homme râle tout ce qu'il faut respecter dans un gouvernement.
06:36La reine était très contrariée.
06:38On ne jouera donc pas cette pièce, a-t-elle demandé?
06:41Non, certainement pas, répondit le roi.
06:43Vous pouvez en être sûr.
06:45Seulement, comme Paris est Paris,
06:47c'est-à-dire frondeur dans l'âme,
06:49il s'est trouvé des gens habiles pour prendre connaissance du texte.
06:52M. de Beaumarchais s'entend à merveille
06:54pour monnayer ce genre de révélations.
06:56Et le monologue de Figaro, copié et recopié,
06:59court de main en main et se débite dans les salons à longueur de...
07:02Bien, Gustave, félicitations pour avoir su toi aussi ta petite copie.
07:06Maintenant, tu la connais par cœur à force de l'avoir lue.
07:09On t'écoute.
07:11Un instant.
07:12Ne vous inquiétez pas, Gustave a le sens du théâtre.
07:15Il a été préparé sans entrée.
07:17Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand...
07:20Si ma mère entendait.
07:22Pourquoi, elle n'a pas de goût pour les philosophes?
07:24Pas le moindre, non. Elle déteste M. de Voltaire.
07:27Eh bien, j'aurais voulu qu'elle soit à Paris
07:29le jour où la foule lui a fait une ovation.
07:31J'ai vu la chose la plus inouïe qui se puisse voir.
07:34À la sortie du théâtre,
07:36on venait de couronner son buste sur la scène,
07:38le carrosse a dû s'arrêter
07:40parce que les chevaux refusaient d'écraser la foule.
07:42Les gentils hommes, les manants, les bourgeois,
07:45tous criaient, vive Voltaire, vive Calas, vive la République.
07:48Même les aristocrates, dites-vous?
07:50J'en étais, ma chère, et je criais aussi fort que les autres.
07:53Voilà comme nous sommes, nous, les entrebeaux.
07:55Nous transportons dans notre coffre de voyage
07:57de quoi nous faire une tête,
07:59pour que la vie soit une comédie permanente.
08:02Où est le vrai?
08:04Du masque ou du visage?
08:06Devinez-le, chérot.
08:10Parce que vous êtes un grand seigneur,
08:12vous vous croyez un grand génie.
08:14Noblesse, fortune, un grand déplace.
08:16Tout cela rend si fier.
08:18Qu'avez-vous fait?
08:20Tout cela rend si fier.
08:22Qu'avez-vous fait pour tant de bien?
08:26Vous vous êtes donné la peine d'honnêtre et rien de plus.
08:30Du reste, homme assez ordinaire.
08:34Tandis que moi, mort bleue, perdu dans la foule obscure,
08:37il m'a fallu déployer plus de science et de calcul
08:39pour subsister seulement.
08:41Qu'on en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes.
08:43Pas si fort, Gustave.
08:44Mais ces choses-là ne se murmurent pas dans le creux de l'oreille.
08:46Elles traversent les murs, elles passent les frontières, elles volent.
08:49Comme on est loin de tout cela ici.
08:51S'ils entendaient votre Figaro,
08:53nos barons lui passeraient l'épée à travers le corps.
08:56Ils auraient tort.
08:59On ne doit pas être plus royaliste que le roi.
09:03Enlève cette coiffure. Je t'admire, Gustave.
09:06Je ne déteste pas Figaro.
09:10Vous comprenez pourquoi je vous disais tout à l'heure
09:12qu'il est bien hommage que vous ne veniez pas à Paris?
09:14Gustave, moi j'ai des raisons personnelles qui m'attachent à Requista.
09:18Je ne suis pas ici de mon plein gré.
09:20Et j'espère y retourner prochainement.
09:23Savez-vous ce que vous devriez faire quand vous repartirez de l'Anzac?
09:27Vous devriez vous arrêter quelques jours entre vous.
09:29Et je pourrais vous accompagner jusqu'à Requista.
09:32Et pourquoi ne ferions-nous pas route à cheval tous les deux?
09:34Ce sera maison, qu'en pensez-vous?
09:36Quelle bonne idée!
09:42J'en parlerai à ma mère.
09:49Oh, pardon.
09:51Que tu es désoeuvrée.
09:53Depuis le départ des entre vous, tu erres comme une âme en peine.
09:56La faute à qui si je suis en peine?
09:58Ne sois pas insolente, Aurore.
10:00Je vais faire un tour chez les fermiers.
10:02C'est ça. Ça te changera les idées.
10:04Je ne peux pas.
10:06Je ne peux pas.
10:08Je ne peux pas.
10:10Je ne peux pas.
10:12Je ne peux pas.
10:14Je ne peux pas.
10:16Ça te changera les idées.
10:26Bonjour, madame Goulet.
10:28Oh, mademoiselle.
10:30Je passais près de la ferme, alors je me suis dit que j'allais vous dire bonjour.
10:32Mais oui, bien sûr.
10:34Oh, ne faites pas attention.
10:36Bonjour, monsieur Goulet.
10:40Ne faites pas attention, mademoiselle.
10:42C'est une breville que j'ai mis sur les drodons.
10:44Elle est mal née, celle-là.
10:46Elle a besoin de chaleur.
10:48Elle ne tiendrait pas sur ses pattes.
10:50Elle ne souillerait pas auprès des autres, la ferait crever.
10:52Et pour l'instant, elle tient chaud au petit.
10:54Mademoiselle, vous prendrez bien quelque chose?
10:56Non, non, merci, Maria, ne vous dérangez pas.
10:58Non, non, je passais juste pour voir si tout allait bien.
11:00Eh bien, depuis huit jours, on n'a pas d'eau.
11:02Oui, le puits est presque à sec.
11:04Oh, c'est tous les ans la même chose.
11:06Pensez qu'on mène les bêtes à la rivière, la brevoire ne donne plus.
11:08Heureusement qu'on a les gosses.
11:10Ce sont vos petits-enfants?
11:12Ils ont quel âge?
11:14Entre cinq et douze ans.
11:16Ce sont ceux de notre fille Marguerite, elle en a six.
11:18Vous vivez tous ici?
11:20Eh oui. Mademoiselle comprendra qu'il faut bien loger quelque part.
11:22Moi, j'en prends deux.
11:24Moi, un. La Marguerite, elle prend sa gamine,
11:26elle a son pote, et puis les deux grands, ils couchent à la table.
11:28Oh, ben, c'est pas plus mal l'hiver.
11:32Si Mademoiselle pouvait dire à Madame la Comtesse qu'il pleut dans la maison.
11:34Comment, vous ne l'avez pas dit?
11:36Oh, on ne veut pas avoir l'air de se plaindre.
11:38On a un toit, c'est déjà ça, non?
11:40Mademoiselle comprendra que ce n'est pas plaisant
11:42de recevoir de l'eau sur la tête, la nuit, surtout.
11:44On est douillés parce qu'on devient vieux,
11:46on se plaint toujours.
11:48Je vais en parler à ma mère tout de suite.
11:50Vous pouvez compter sur moi.
11:52Mademoiselle est trop bonne.
11:56Mademoiselle!
11:58Mademoiselle n'en répète pas ce qu'on lui a dit.
12:00Et qu'elle ne croit pas qu'on est mal ici.
12:02On s'arrangera comme on pourra.
12:04Oui, il faut bien voir les choses comme elles sont.
12:06On ne doit pas tenir bien propre à cause des gosses.
12:08Si vous voulez, lui, il récrimine toujours, il ne se rend pas compte.
12:10Ne craignez rien, Maria, je n'en dirai pas plus ce qu'il en fout.
12:12Comptez sur moi.
12:14Et venez me voir si vous avez besoin de quelque chose pour les enfants.
12:16Merci, Mademoiselle.
12:18Que Dieu vous garde!
12:20Maria!
12:34Il y a du nouveau.
12:36C'est le grand Camadou qui vient d'arriver.
12:38Il est en grande conversation avec madame la douerrière.
12:40Mais on ne l'attendait pas.
12:44Qu'est-ce qu'il peut bien venir faire, ce mondat?
12:46Je me le demande aussi.
12:48J'aimerais bien avoir l'oreille contre la cloison
12:50pour entendre ce qu'il se raconte.
13:00Oui, vous avez eu raison de ne pas brusquer les événements.
13:02Aurore a un caractère peu malléable.
13:04Oh, Gaétan, je me suis trouvée en face d'une situation aussi délicate.
13:06Oui.
13:08Et votre mari,
13:10pauvre Bertrand,
13:12il a été très imprudent.
13:14Mais comment aurait-il pu prévoir
13:16qu'une enfant s'éprendrait en grandissant d'un régisseur
13:18qui n'avait pour tâche que de la surveiller?
13:20La différence d'âge n'était-elle pas une assurance
13:22que nous pouvions fort bien nous donner?
13:24Oui.
13:26Récemment, vous vivez à Riquista,
13:28en basse-clos.
13:30Le cœur s'accroche à ce qu'il rencontre.
13:32Mais d'après ce que vous m'avez dit
13:34de la vaillance et du courage de ce lieu d'Adès,
13:36il était presque fatal
13:38qu'une adolescente un peu romanesque
13:40le considérât comme un homme au-dessus de sa condition,
13:42comme un héros,
13:44un chevalier presque.
13:46Eh oui, voilà le danger.
13:48Tu le définis très justement.
13:50Victorien à l'âme noble,
13:52il n'est pas sot, au contraire,
13:54et il a fait preuve d'une grande aptitude au commandement.
13:56Et puis,
13:58il a de la prestance.
14:00Oui, et de la prestance au prestige,
14:02le passage est vite franchi.
14:04Bertrand avait
14:06un certain faible pour lui.
14:08Aurore aussi a subi son ascendant.
14:10Ah, tout s'en est mêlé,
14:12les lectures qu'elle a faites,
14:14Victorien,
14:16et surtout sa sœur.
14:18Agnès?
14:20Je ne comprends pas pourquoi Agnès...
14:22Écoute-moi.
14:24Nous n'avons eu que deux filles.
14:26Agnès avait le droit d'Agnès, bien,
14:28mais qu'elle vienne à disparaître,
14:30Aurore devenait la maîtresse d'Orequista
14:32jusqu'à la majorité du petit Bertrand.
14:34Tandis que
14:36si Aurore perdait son honneur
14:38avec un returier...
14:40Oui, Gaétan,
14:42Agnès est jalouse d'Aurore.
14:44Aurore jouit d'une popularité
14:46qui la contrarie.
14:48Et pour tout avouer,
14:50c'est aussi l'attitude des bourgeois,
14:52des paysans, du bas-clergé
14:54qui nous a empêchés d'agir.
14:56Peut-être n'avez-vous pas pris assez tôt
14:58les précautions qui s'imposent.
15:00Le conseil du comté s'était prononcé pour les sanctions.
15:02Mais Monseigneur de Saint-Flour a insisté
15:04pour que nous évitions tout scandale.
15:06Alors j'ai...
15:08j'ai essayé de mettre un terme aux relations
15:10entre Aurore et Victorien.
15:12Vous n'avez pas réussi.
15:14Il est presque impossible
15:16de retenir un être
15:18qui n'obéit qu'à sa passion.
15:20Et je me demande même
15:22si le remède n'a pas été pire que le mal.
15:24J'ai réussi à les séparer,
15:26mais ils correspondent.
15:28Je n'ai pas pu m'y opposer.
15:30Ça, c'est un comble. Mais comment avez-vous pu s'aider?
15:32Aurore était dans un tel état.
15:34Tu ne sais pas ce que c'est, Gaëtan,
15:36qu'une adolescente emprunt à la passion.
15:40Et je me demande aussi
15:42si elle ne bénéficie pas
15:44de certaines complicités.
15:46Comment? Quelle complicité?
15:48Enfin, tout de même pas celle du père Cortat
15:51Je n'en suis pas si sûre.
15:55Cette situation ne peut pas durer.
15:58Il faut prendre des mesures énergiques.
16:00Laissez-moi y réfléchir.
16:04De toute façon,
16:06il faut éviter à tout prix
16:08la compromission d'une aristocrate
16:10avec un rôturier,
16:12quels que soient les titres qu'il peut avoir
16:14à la reconnaissance populaire.
16:16Tu es fin diplomate.
16:18Il faut comprendre ce qu'elle a dans la tête
16:20et dans le cœur.
16:24Je vais m'y employer de mon mieux, ma cousine.
16:31La cloche, mademoiselle.
16:34Heureusement que je t'aime, ma bonne Vernie.
16:38Ce bonheur-là ne me l'enlèvera pas.
16:40Mais ne parlez pas si fort. Le vent porte les paroles.
16:42Tu ne peux pas savoir ce que les lettres de Victorien
16:44m'aident à dire.
16:46J'ai peur d'être trop joyeuse tout de même.
16:48Surtout quand je viens de vous apporter une lettre.
16:50Tu as raison. Je vais me surveiller.
16:52Mais même quand vous lisez, je devine votre sourire.
16:54On peut très bien croire que ce sont les mots
16:56que je lis qui me font rire.
16:58Ne vous y fiez pas, madame. Votre mère est fine.
17:01Et maintenant, écoutons mon cousin Gaëtan
17:03qui nous apporte des nouvelles d'Aversa.
17:05Les nouvelles sont pour vous, mademoiselle.
17:07Vous m'étonnez. Je ne connais personne à la cour.
17:09Et toi, Vernou ?
17:11Moquez-vous de moi.
17:13Les détails que je vais vous donner
17:15intéresseraient toutes les femmes de la terre.
17:17Alors, elles m'intéressent aussi ?
17:19Oui, bien sûr.
17:21C'est ce que j'ai dit.
17:23C'est ce que j'ai dit.
17:25C'est ce que j'ai dit.
17:27C'est ce que j'ai dit.
17:29Alors, elles m'intéressent aussi ?
17:31Si je comprends bien, je suis de trop.
17:33Non, il n'est pas interdit aux abbés
17:35de connaître les mœurs de la cour, voyons.
17:37Sachez que la mode est aux cheveux poudrés de roux.
17:40Cette teinte donne à la peau sa meilleure blancheur.
17:43Après cela, il suffit de mettre le rouge.
17:45Mais attention, le pot coûte plus d'un louis.
17:47Cela n'est rien.
17:49Surtout si la dame a gagné au jeu.
17:51Oui, on joue gros jeu à la cour.
17:53Nous sommes plus simplettes, nous.
17:55Nous devons compter sur le vent
17:57qui nous joue et nous décoiffe.
18:27Tu fais de la peine, Victorien.
18:29Tu n'es pas ici.
18:31Tu n'es plus le même.
18:37Tu ne vas même plus à la chasse.
18:39Comprends-moi, maman. Je suis malheureux.
18:41Mais c'est une folie, mon fils.
18:43Tu dois bien te rendre compte
18:45de l'amour que tu as pour Mademoiselle.
18:47Jamais, jamais, jamais.
18:49Tu n'es plus le même.
18:51Tu n'es plus le même.
18:53Tu n'es plus le même.
18:55Tu n'as plus l'amour que tu as pour Mademoiselle.
18:57Jamais, jamais, ça ne s'est jamais vu.
18:59Je sais qu'elle m'aime.
19:01Caprice de nobles.
19:03Maman, tu te trompes.
19:05Je sais qu'elle m'aime et qu'elle n'aime que moi.
19:07Il ne manque pourtant pas de filles
19:09qui t'ont courue après dans le pays.
19:11Quel besoin as-tu d'aller t'amouracher
19:13de la Demoiselle du Château ?
19:17Tout régisseur que tu es,
19:19tu oublies que tu n'es qu'un paysan.
19:21Si tu continues,
19:23tout le monde à dos, aussi bien les nôtres que les nobles,
19:25et tu finiras par être seul, tout seul.
19:29Je suis seul maintenant.
19:34Et je ne le serai peut-être pas toujours.
19:39Oh, Gaëtan, tu ne vas pas nous lâcher.
19:40J'en ai bien peur, ma cousine.
19:42Monsieur Drocamadour, j'ai l'impression
19:43que vous jetez la consternation dans le clan des dames.
19:46Pas de ouiste sans vous, monsieur Drocamadour.
19:48Oh, il fait très beau, vous allez me promener,
19:50nous nous jouerons ce soir.
19:51Je ne te comprends pas.
19:52Mais ne compte pas sur moi pour la promenade.
19:54Ni sur moi.
19:55Ici, je me sens envoué à la méditation.
19:58Vous avez raison, mon cousin.
19:59Rien ne vaut une bonne promenade solitaire.
20:01Oh, ma chère cousine, je m'étais flatté
20:02que vous me feriez le très grand plaisir de m'accompagner.
20:05Mais si vous ne m'avez pas invitée,
20:07et si Virnou voulait...
20:07Oh, vous ne m'enlèverez pas Virnou, Jacques.
20:10Mon invitation serait-elle acceptée?
20:12On ne résiste pas à un galant chevalier.
20:14Eh bien, si la petite maîtresse de ces lieux
20:15daigne me montrer le chemin.
20:23Sans chaleur, madame.
20:34Petite maîtresse,
20:35il ne se doute pas qu'il a employé la seule expression
20:37qui lui est interdite,
20:38réservée à Victoria.
20:41Si ce cher Gaétan veut jouer les séducteurs,
20:42il en sera pour ses frais.
20:45Mon père, ils s'en vont comme deux tourtereaux.
20:47Si Dieu pouvait inspirer ces deux cœurs,
20:49cela arrangerait bien vos affaires.
20:51Gaétan désire surtout attirer Aurore à la cour.
20:54Il prétend que nos jeunes filles,
20:55pourvu des grâces de l'esprit et du corps,
20:57ne laisseraient pas indifférents
20:58certains de ses amis bien en place.
21:00Nous devons cependant compter que mademoiselle Aurore
21:02n'est que votre cadette.
21:04Gaétan connaît son monde.
21:06Et il estime que le charme féminin
21:09est le plus important.
21:11Et il estime que le charme féminin
21:14vaut la plus belle des nerfs.
21:32Peut-être aurais-je dû vous demander une audience.
21:34C'est ce que vous auriez dû faire, en effet.
21:36Me l'auriez-vous accordé?
21:38Mais bien sûr, voyons.
21:40Il faut que je refuse un rendez-vous
21:41que ma mère vous a certainement permis de solliciter.
21:44Je n'ai pas fait plus tôt de crainte d'orfure.
21:46Alors j'ai pris un biais.
21:48C'était superflu.
21:49Je ne suis pas une sauvage.
21:51Je me rends compte agréablement, ma jolie cousine.
21:54J'en suis ravi, d'ailleurs,
21:55parce que j'ai quelque chose à vous confier.
21:56Parlez, mon cousin.
21:58Par là?
22:00Sivez-moi.
22:11N'y a-t-il pas quelque part un banc ou un tronc d'arbre
22:13où l'on puisse s'asseoir?
22:14J'en ai assez de me débattre au milieu de ces feuilles.
22:16Un banc? En voici un.
22:19Oh!
22:20Bien la douaillère laisse la végétation envahir la propriété.
22:23Ce banc est couvert de mousse.
22:25Vous pouvez quand même vous asseoir.
22:31Ma cousine, tel que vous me voyez,
22:33je suis chargé d'une mission.
22:35On dit que c'est votre métier.
22:37Joli costume pour un ambassadeur, me direz-vous.
22:40Enfin, je pense que vous m'excuserez.
22:42Vous êtes tout excusé, mon cousin.
22:44Nous sommes ici en pleine nature et je suis la seule à vous voir.
22:47Je suis habituée aux vêtements des paysans.
22:49Toujours en piteux état.
22:53Enfin, au roi, vous connaissez mes liens avec Réquista.
22:55Et c'est pour cela que je suis venu en ambassade
22:57auprès de madame votre mère.
22:58Quelle est au juste votre mission?
23:01Obtenir de ma cousine
23:03qu'elle vous laisse venir à la cour
23:05en qualité de demoiselle d'honneur de la princesse de Lamballe.
23:07C'est en vous plaisantant, j'espère.
23:09Pas le moins du monde.
23:10Il ne tient qu'à vous de dire oui.
23:13Et si je dis non?
23:14Oh, là, vous me désobligeriez.
23:17Ainsi que les aimables personnes qui se sont entremises.
23:20De plus, je crois pouvoir dire que
23:22vous causeriez une grande peine à votre mère si vous refusiez.
23:28Vous me prenez vraiment au dépourvu, monsieur l'ambassadeur.
23:31Enfin, au roi, il arrive un âge où on doit quitter sa famille.
23:33Réquista a une maîtresse.
23:35Moi, je n'ignore pas.
23:36Comme je n'ignore pas non plus que j'y suis la cinquième rue du chat.
23:39Pas même, disons, la septième ou la dixième.
23:42Aurore!
23:43Aurore, une personne aussi raffinée que vous
23:45ne doit pas se résigner à vivre dans l'ombre d'une sœur brillante.
23:49Et si je m'y résignais?
23:52Écoutez-moi.
23:54J'ai quinze ans de plus que vous.
23:56Je peux donc vous parler raison.
23:59Votre place est à Paris.
24:00Parmi nous.
24:02Ce n'est pas mon sentiment.
24:04Mais on vous y attend.
24:05Enfin, avez-vous quelque chose contre madame de Lambin?
24:07Trop par-dessus, non.
24:08Vous savez qu'elle devient un personnage très important.
24:11Grand bien lui fasse.
24:12Elle court sur la trentaine.
24:14Son avance en âge lui donne de l'influence sur la reine
24:16qui n'a que cinq ans de plus que vous.
24:18Vous la verrez, d'ailleurs.
24:20La reine?
24:21Quelle honneur!
24:22Dont je me sens bien indigne.
24:24D'ailleurs, j'aurais dû dire, vous les verrez.
24:26La reine et la princesse sont inséparables.
24:29La princesse vous aimera, j'en suis certain.
24:31Vous vous avancez, mon cousin.
24:33Mais qui pourrait résister à votre charme?
24:36Mais vous me déclarez votre flamme, ma parole.
24:38Oh, si c'était la différence d'âge,
24:40j'aurais jeté sur vous des regards passionnés.
24:43Aurore,
24:44Aurore, regardez-moi.
24:47Je plaisante.
24:52Eh bien, mon cousin, pardon excellence,
24:55je dois dire que vous n'êtes pas du tout si mal conservé.
24:58Votre âge ne me déplaît point.
25:00Mais soyons sérieux.
25:02En quoi consiste la position de demoiselle d'honneur?
25:05Demoiselle d'honneur?
25:06Mais enfin, voyons.
25:07Oui, et c'est une situation honorable.
25:09Aurore.
25:11Pardonnez-moi, je vous prie, si je m'exprime un peu soitement.
25:14Je ne suis qu'une provinciale un peu idiote.
25:16Vous savez quelles sont les principales fonctions d'une demoiselle d'honneur.
25:20Enfin, peut-être pas exactement,
25:22quand il s'agit de les exercer auprès d'une princesse du plus haut rang.
25:25Justement.
25:26Alors, écoutez-moi.
25:27Vous serez auprès de madame de Lambal d'abord dans les emplois modestes.
25:30Oui, on vous mettra à l'épreuve en quelque sorte.
25:33Ensuite, on vous confiera des charges simples,
25:35porter un billet par exemple.
25:37Seulement après, vous assisterez au petit lever.
25:39Vous choisirez les toilettes qui vous paraîtront le mieux convenir pour la journée,
25:42vous accompagner votre dame au spectacle le soir,
25:44l'après-midi à la promenade.
25:46On pourra avoir besoin de vous d'un instant à l'autre.
25:49Demoiselle d'honneur n'est pas un rouage inutile, croyez-moi.
25:55Mon cousin, vous avez très bien présenté votre cause.
25:58Hélas, votre discours se trompe d'adresse.
26:01Nous autres provinciaux nous sentons tellement étrangers aux infétries du monde.
26:05Passe encore pour ma soeur qui aime le faste,
26:07qui se plaide à dominer.
26:09Je le dis sans aigreur,
26:10et plutôt même à son éloge puisqu'elle remplit une charge.
26:13Moi, j'avoue n'avoir aucun goût pour les révérences,
26:16ni le désir d'ailleurs qu'on m'en fasse.
26:19J'irai même plus loin, Gaétan.
26:21J'ai une fâcheuse tendance à préférer les paysans,
26:24les rustres.
26:26On a tort de penser que leur rudesse n'est que grossièreté.
26:29Ils sont pauvres, miséreux,
26:31mal élevés souvent, c'est exact.
26:33Mais ils sont sensibles,
26:35pleins d'une bonté naturelle.
26:37Mais enfin, Aurore, il semble que le sujet ne soit pas là.
26:39Mais si.
26:40Mais non, mais pas du tout. Dans le cas présent, il s'agit de vous.
26:44Et de votre avenir.
26:46En vous indiquant mes préférences, Gaétan,
26:48je vous parlais de moi.
26:50Ici à Lanzac, comme à Riquista d'ailleurs,
26:53au moins j'ai la liberté d'aimer qui je veux.
26:56Certes, je ne suis la demoiselle d'honneur de personne,
26:59mais ne suis-je pas la princesse d'un petit peuple
27:01qui me rend au centuple l'amour que je lui porte ?
27:05Finalement, je vous le dis tout net, Gaétan.
27:07C'est cela qui fait mon bonheur.
27:09Je n'en désire pas d'autre.
27:13Et oui, mon cousin,
27:15voilà ce que je pense, ce que je ressens.
27:18J'aime les paysans plus que les nobles.
27:20J'éprouve pour eux une immense pitié.
27:24Ce sont eux les vrais aristocrates.
27:26La noblesse ne vient-elle pas des sentiments plus que de la naissance ?
27:28Assez de sottises, voulez-vous.
27:30Votre lieu d'adresse vous a complètement tourné la tête, ma parole.
27:32Mais enfin, calmez-vous, vous allez éclater.
27:34Maintenant, je commence à comprendre pourquoi votre mère et votre sœur
27:36attachaient tant d'importance à un état de choses que je prenais moi à la légère.
27:39Elles ont fort bien mesuré le péril où vous risquiez de sombrer.
27:42Laissez-leur dans le soin de veiller sur moi, monsieur.
27:45Je n'ai que faire de votre secours.
27:47C'est ce que je ferais, croyez-moi, si le scandale ne débordait pas Réquista.
27:50Tiens, tiens.
27:51On s'occupe de moi au-delà de notre domaine, maintenant.
27:53Première nouvelle.
27:54Le scandale de votre liaison a volé jusqu'à Paris,
27:56en passant par Clermont.
27:59Et madame de Lamballe m'accepterait malgré tout comme demoiselle d'honneur.
28:02Non, non, pas d'ironie, je vous en prie.
28:07D'aurore.
28:10D'aurore.
28:13Je vous en prie.
28:15D'aurore.
28:18Je veux vous sauver.
28:21Et vous rejimber.
28:24Faut-il vraiment que vous soyez atteinte?
28:26Pour une personne blessée, je ne me porte pas trop mal, reconnaissez-le.
28:30Pourtant, je...
28:31Je ne peux pas croire que vous résisterez à ce que je vais vous dire, maintenant.
28:36Si vous n'émettiez pas autant de gentilles douceurs, Gaétan,
28:38je ne vous écouterais pas.
28:41Chère...
28:42Chère petite cousine,
28:44l'abîme où on vous a entraîné est un gouffre grand ouvert.
28:49Vous n'êtes pas la seule à vous y être précipitée, d'ailleurs.
28:54Je ne sais pas quel est ce...
28:55ce vertige qui tourne la tête à tous nos seigneurs.
28:58Il y a comme une...
28:59comme une contagion.
29:03C'est que l'exemple vient du plus haut.
29:06Notre Louis XV n'épousait pas les retireurs, non.
29:08Il en faisait des favorites.
29:10Maîtresse du roi est un titre envié, n'est-ce pas?
29:12Et vous-même auriez servi avec zèle la politique d'une poisson ou d'une bécue.
29:16Oh, pardon, je veux dire d'une...
29:17d'une marquise de Pompadour ou d'une duchesse du Barry.
29:20Eh bien, à la bonne heure.
29:22Votre gouvernante vous a enseigné l'histoire de la façon la plus élégante,
29:27mais fausse.
29:29Ni madame de Pompadour ni madame du Barry n'ont tenu les rênes de la politique.
29:32Ah oui, je vois.
29:33Elle n'était en somme que de simple dame d'honneur au service de sa majesté.
29:37Comme moi, j'aurais été demoiselle d'honneur de la princesse,
29:40de domestique supérieur en quelque sorte.
29:41Oh, vraiment, alors, Aurore, je ne vous comprends pas.
29:44C'est vrai, à la différence de ces roturières qui cherchent par tous les moyens à s'élever,
29:47vous, au contraire, vous cherchez à vous encanailler.
29:50Pour un peu, vous renieriez votre noblesse.
29:54Vous êtes contaminée, vous dis-je.
29:56Non, je ne risque pas d'être contaminée,
30:00puisque je ne me considère plus comme une aristocrate.
30:08Si une requista persiste dans cette attitude,
30:12c'est un signe très fâcheux.
30:15Nous sommes perdus.
30:18Ne souriez pas.
30:20Je généralise.
30:22Là, vous avez tort.
30:23Non, non.
30:24Non, parce que je sais de quoi je parle.
30:27Cette faiblesse pour la roture est contagieuse.
30:31Et vous avez attrapé la maladie.
30:33Alors, chassez-moi au lieu de devoir m'emmener à Paris.
30:36Vous n'êtes pas la seule, d'ailleurs.
30:38Ça me consolerait plutôt.
30:40Il y a à la cour des gens qui pensent comme vous,
30:43qui ont vos idées, vos sentiments.
30:46Ils pensent qu'en rognant sur nos privilèges, sur nos principes,
30:49sur nos droits, même, pour nous rapprocher des rustres,
30:53nous réduirons à néon le travail de sable des philosophes.
30:58Le roi lui-même, d'ailleurs, n'est pas loin de penser la même chose.
31:02Seulement, voyez-vous, si vous vous imaginez qu'un jour,
31:04un victorien prendra la direction des affaires,
31:06alors là, vous vous trompez complètement.
31:09Où avez-vous pris, Gainton, que victorien ait une telle prétention?
31:13Aurore!
31:15J'essaye de vous mettre en garde.
31:17Il y a à Rion de très solides prisons
31:19qui sont justement faites pour les gens de cette sorte.
31:23On enferme les gens bien vite, je le sais.
31:25Encore faut-il qu'ils aient commis une faute.
31:28Et quelle faute auraient donc commis victorien Eliottades?
31:31Une faute de lèse-noblesse, d'abord.
31:37Une faute de séducteur, ensuite.
31:41Alors, pardonnez-moi,
31:44ne dirait-on pas que je vous fais une querelle d'amoureux?
31:46Vous ne vous y prenez pas si mal, après tout.
31:49C'est que vous troubleriez le cœur le plus ferme.
31:52Il était guère dans mes intentions de vous troubler, monsieur l'ambassadeur.
31:56Bon, restons-en là, ma cousine, voulez-vous?
31:59Ce serait préférable, en effet.
32:26Eh bien, vous, vous réfléchirez à la proposition que je vous ai faite.
32:30Je vais quitter l'Anzac demain.
32:32Déjà? Vous allez priver la compagnie?
32:34Vous m'écrierez à Réquistan.
32:36J'ai l'intention de m'y arrêter sur le chemin du retour.
32:38Votre sœur m'y a invité.
32:40Et puis, vous devez rendre compte de votre mission.
32:44Je ne veux pas considérer qu'elle a échoué.
32:46Pas encore.
32:50Eh bien, mon cousin, vous voici arrivé au bout de vos petits ennuis.
32:53Oui, oui, mais dans un piteux état, comme vous le voyez.
32:57Vous êtes sur le bon chemin, maintenant.
32:59Moi, je vais flâner seul encore un peu.
33:01Je dois réfléchir à tout ce que vous m'avez dit.
33:04Car vous m'en avez dit des choses.
33:06Vous pouvez vous moquer.
33:08Ce qui est dit est dit.
33:10Je ne le regrette pas.
33:12C'était mon devoir.
33:16N'oubliez pas de me donner des nouvelles de votre cœur.
33:20Ma jolie cousine.
33:23Ne craignez rien pour mon cœur, Gaétan.
33:25Il est aussi solide que la Bastille.
33:53Vous avez des nouvelles de Rockamadour ?
33:55Il devrait arriver aujourd'hui.
33:57Dans son dernier courrier, ma belle-mère nous disait que le cousin devait s'arrêter entre vous.
34:02Ah, c'est vrai qu'il y a aussi une petite intrigue de ce côté-là.
34:05En ce moment, il n'y a pas d'intrigue.
34:07C'est bien.
34:09Je ne sais pas.
34:11Je ne sais pas.
34:13Je ne sais pas.
34:15Je ne sais pas.
34:17Je ne sais pas.
34:19Je ne sais pas.
34:21C'est une petite intrigue de ce côté-là.
34:23On se met en frais pour la cadette.
34:25Beaucoup trop, à mon avis.
34:27C'est tout de même extravagant que le Péronnel tienne la noblesse du Comté en échec.
34:30Oh.
34:31Elle se sera peut-être laissée tenter par le tabouret de la princesse.
34:33Ça m'étonnerait.
34:35Elle est bien trop accrochée au basque de son régisseur.
34:37Ah, quelle époque.
34:39Quel âge stupide aussi.
34:4117 ans.
34:42L'amour, la passion.
34:44On joue les Héloïses.
34:45Ah, c'est au lieu de lire Rousseau.
34:47Aurore pratiquait notre chant fort.
34:49Vous connaissez sa définition de l'amour ?
34:51Non, mais je la devine.
34:53Un peu de fiel, de laïer l'or du vinaigre.
34:55Tout juste.
34:56L'amour n'est que l'échange de deux fantaisies
34:58et le contact de deux épidermes.
35:00Je la retiendrai.
35:01Non, c'est Rocamadour qu'il aurait fallu lui donner comme mari.
35:04Et qui vous dit qu'il n'a pas tenté sa chance ?
35:06Il en serait bien capable.
35:08Ne serait-ce que pour faire sa cour à la douerrière.
35:11On dit qu'elle l'a couché sur son testament.
35:13Ah.
35:14Oui.
35:15Elle lui réserve l'anzac.
35:18Mais j'y pense, L'Espinasse.
35:20Vous qui êtes célibataire.
35:22Oh.
35:23Vous nous voyez dans nos réjouissances libertines.
35:26Vous le mari de la comtesse Agnès, moi celui de sa sœur.
35:29Les dames de Rikistan ne seraient pas gâtées.
35:32Non, je ne me marie pas.
35:34Les célibataires constituent le bouclier moral de la société.
35:38Je lis.
35:41Allez.
35:43Oui, entrez.
35:46M. de Rocamadour demande si Mme la comtesse veut bien le recevoir.
35:49Attendez ici M. de Rocamadour, je vous prie.
35:54Ah, Gaétan, vous voici enfin.
35:56Bon voyage ?
35:57Oui, une bien que l'état des routes dans votre région laisse un peu à désirer.
36:00Asseyez-vous.
36:01Vous devez avoir beaucoup de choses à me raconter.
36:03Oui, oui.
36:04À vrai dire, non.
36:05Non, je ne suis pas très satisfait de ma mission.
36:07Ah.
36:08Oror, c'est rebiffé.
36:09Pas exactement.
36:10Enfin, elle a accueilli ma démarche sur le ton de l'ironie.
36:13Oui, j'ai eu beau lui faire miroiter les avantages de la vie à Paris,
36:15lui dire que Mme de Lambal était une femme charmante,
36:18qu'elle était entourée des plus brillants gentils hommes,
36:20enfin que c'était là pour elle un avenir plein de promesses.
36:22Non, je me suis heurté à un entêtement...
36:25Que je connais fort bien.
36:27Je ne vous cacherai pas, mon cousin, que je m'attendais à un feu.
36:30Enfin, voyons la situation bien en face.
36:32Notre plan a échoué.
36:35Que devons-nous faire ?
36:41Il est évident que ni votre mère, ni votre sœur ne resteront éternellement à l'Anzac.
36:47Donc, si Oror refuse de partir pour Paris,
36:49c'est l'Ile d'Hadès qu'il faut éliminer.
36:53Voilà bien où est la difficulté, mon cousin.
36:56Par qui vais-je le remplacer ?
36:58La direction du comté n'est pas une petite affaire.
37:00Et je dois dire honnêtement que l'Ile d'Hadès remplit admirablement sa tâche.
37:05De ce côté, je n'ai vraiment rien à lui reprocher.
37:10Après tout, votre mari pourrait prendre les règles.
37:14Claude Emile, il ne saurait t'en être question.
37:18Pour bien des raisons qu'il s'en fasse,
37:21je ne suis pas d'accord.
37:23Claude Emile, il ne saurait t'en être question.
37:26Pour bien des raisons qu'il serait trop long de vous énumérer.
37:30Non, ce n'est pas possible.
37:33Ma chère Agnès, dans la vie, on a rarement le choix entre les avantages.
37:38Mais le plus souvent, on doit trancher entre les inconvénients.
37:42Enfin, voyons les choses en face.
37:44D'un côté, vous avez la difficulté de remplacer un régisseur.
37:47Et de l'autre, une affaire de famille qui risque d'amener la gangrène dans tout le pays.
37:52A mon avis, il n'y a pas à hésiter.
37:54Admettons que je me rende à vos raisons, Gaëtan.
37:57Comment faire partir l'Iotades ?
37:59Sous quel prétexte ?
38:02Pendant mon bref séjour à Lanzac,
38:05au cours de mon voyage, j'ai pensé à plusieurs solutions possibles.
38:08En voici une, qui me paraît être la meilleure.
38:11Il faudrait acheter un brevet de sous-lieutenant à l'Iotades.
38:14Un brevet de sous-lieutenant ?
38:16Vous n'y pensez pas, à quel titre ?
38:18Bien sûr, il ne s'agit pas d'envoyer aux gardes du roi.
38:21Non, mais tout bonnement aux 500 000 diables.
38:25En Amérique.
38:27Oui, pour ce qui est du recrutement, ce monsieur de Lafayette n'est pas très regardant.
38:31Et justement, il a besoin d'hommes comme votre Iotades.
38:34Si vous pensez que c'est possible, après tout, pourquoi pas ?
38:37Ça ne paraît pas impossible du tout.
38:40D'ailleurs, je me charge de régler cette affaire à Paris.
38:42Seulement, vous ne tergiversez pas.
38:45Voyez Iotades dès maintenant, et jouez frangement avec lui.
39:01Asseyez-vous.
39:03Où en sommes-nous du procès des détournements d'eau ?
39:06Il y a une convocation au tribunal de Saint-Flour pour les deux parties le mois prochain.
39:11Et toute cette paperasse ?
39:13Les affaires courantes.
39:15Les rentrées d'impôts, les foires du comté, tout se passe normalement, tout va bien.
39:21Il y a une chose qui ne va pas bien, Iotades.
39:26Ce sont vos rapports avec ma sœur.
39:29Ils ont créé une situation difficile à Requista.
39:32La noblesse du comté est mécontente.
39:36Je ne vois pas en quoi mes relations avec Mlle Aurore, le garde de légende du comté.
39:40Personne n'a rien à me reprocher, sur quelque plan que ce soit.
39:43Vous vous trompez.
39:45Il est normal que les nobles soient choqués par les sentiments qu'Aurore a manifestés à votre égard.
39:49Les sentiments de Mlle Aurore ne regardent qu'elle.
39:53Mais vous y répondez.
39:55Vous oubliez qu'Aurore est ma sœur.
39:58S'il m'arrivait quelque chose de fâcheux à moi et à mon fils, c'est elle qui deviendrait la maîtresse du comté.
40:04Mme la comtesse se porte bien.
40:07Et la santé du jeune vicomte Bertrand de Requista ne donne aucun souci.
40:12En tout cas, d'ores et déjà, je vous le dis,
40:15il est inconcevable qu'une Requista épouse un roturier.
40:19Mais pour l'instant, là, n'est pas la question.
40:22Il est devenu impossible que vous restiez ici lorsque ma mère et ma sœur reviendront.
40:28Depuis la mort de M. le comte, quelque chose a bien changé.
40:31Par votre faute, Victorien.
40:34Cette raison ne me paraît pas suffisante pour qu'on me dépouille de ma charge.
40:38Nous faisons en sorte que vous ne perdiez rien, nous change.
40:46Alors, que veux-t-on faire de moi ?
40:48Je ne sais pas.
40:51Je ne sais pas.
40:55Alors, que veux-t-on faire de moi ?
40:57Mon cousin Recamadour et M. de l'Espinasse cherchent une solution
41:01qui ne pourrait être qu'avantageuse pour vous.
41:04Avec tout le respect que je vous dois, madame,
41:07je dois vous dire que je ne suis pas disposé à me laisser manœuvrer comme un pion sur un échiquier.
41:12De toute manière, on vous laissera le temps de réfléchir.
41:24Merci, madame.
41:55Qu'est-ce qu'on t'a dit au château ?
42:04Ma pauvre maman, tu avais raison.
42:09On veut m'éloigner de Rikistan.
42:12Tu vas partir ?
42:15Oui.
42:19On veut m'éloigner de Rikistan.
42:22Tu vas partir ?
42:29Sans doute.
42:31Et moi, qu'est-ce que je vais devenir ?
42:33Tu resteras ici.
42:35La maison est à nous. M. le Comte nous l'avait donnée. On ne va pas nous la reprendre.
42:38Mais sans toi, je n'ai que toi au monde.
42:42Où que je sois, je ne te laisserai manquer de rien.
42:47Je deviens vieille.
42:50Et si je n'allais plus te revoir ?
42:55Je savais bien que tout ça finirait mal.
43:17Qu'est-ce que tu en penses, Vernon ?
43:20Tu trouves que c'est ressemblant ?
43:26Je ne suis pas tellement contente, maman.
43:29Je vais en refaire un autre.
43:32Non, non, non, pas de découragement, je vous en prie.
43:35Mais enfin, tu vois bien que je n'y arrive pas.
43:38Oui, c'est ce trait-là qui ne va pas.
43:47Ah oui, c'est vrai, c'est beaucoup mieux comme ça.
43:51Fais-le, toi, mon portrait.
43:53Non, non, non, non. Ce serait fausser votre cadeau à Victorien.
43:56Vous ne pourriez plus dire que le portrait est de votre main.
43:58Mais on ne dira pas à Victorien qui a fait le portrait.
44:00Et on mentira, c'est très mal, mademoiselle.
44:02Mais non, par omission, simplement.
44:05Par omission, comme dirait le père Cortat.
44:08Allez, oui, oui, oui, oui, là, là, là, ne bougez plus.
44:13Je ne t'ai pas garanti le résultat.
44:16Les jolis visages sont très difficiles à saisir.
44:19Allez, reprenez la pose, comme ça.
44:28Ne bougez pas.
44:31Allez, reprenez la pose.
44:34Allez, reprenez la pose.
44:37Allez, reprenez la pose.
44:40Ne bougez pas.
44:49La proposition de Gaëtan me semble excellente.
44:52Achetons ce brevet de sous-lieutenant Aliotades.
44:54Vous lui en avez parlé?
44:56Je ne lui ai parlé de rien de précis.
44:58Je l'ai simplement préparé à un éloignement lorsque ma mère et ma sœur reviendront ici.
45:01Il en a accepté le principe? J'espère.
45:03Comment vous espérez? Cela signifie que vous avez quelques doutes.
45:07Et pharaon, à quel point notre autorité est battue en brèche?
45:10Qui vous dit qu'il se laissera embarquer?
45:12Est-ce qu'il aura envie d'aller se battre en Amérique?
45:14L'espinasse a raison.
45:16Le régisseur est plus porté aux aventures galantes qu'aux exploits guerriers.
45:20Ne confondez pas, je vous prie, Liotades avec quelques-uns de nos barons.
45:24La façon dont il s'est jeté à 20 ans sur la bête prouve qu'il est courageux.
45:28Vous avez raison, ma cousine.
45:30Liotades est un homme courageux et dur à la souffrance.
45:33Je soupçonne même d'avoir de la fierté à revendre.
45:35Mais alors, comment procéder pour qu'il accepte?
45:37On ne va tout de même pas se laisser manœuvrer comme des pions sur un échiquier.
45:40Du calme, Clodomir.
45:42Sachez que Liotades a justement employé la même expression que vous.
45:46Il entend ne pas être manœuvré comme un pion sur un échiquier.
45:49Voilà un signe.
45:50La confusion des classes de la société s'annonce le plus souvent par une transfusion du langage.
45:54Je vais écrire à ma mère pour lui dire la décision que nous avons prise.
45:57Je pense qu'il serait préférable de ne pas mêler votre mère à cette affaire.
46:01Laissez-la donc bien tranquillement dans son lanzac.
46:04Non, Clodomir. Je ne veux pas que ma mère ait quoi que ce soit à me reprocher.
46:08Il est normal qu'elle soit tenue au courant.
46:11Oui, ma cousine a raison, Clodomir.
46:13La Loirière sera très satisfaite du tour que prennent les choses.
46:16Quant à moi, je vais filer sans tarder sur Paris et préparer le départ de ce Liotades.
47:04L'Histoire du Liotades
47:34L'Histoire du Liotades
48:04Un film par Clodomir Chirac
48:09Un film par Clodomir Chirac

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