Avec Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’IRIS, ancien ambassadeur de France à Moscou et auteur du livre “ France, une diplomatie déboussolée”
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00:00Sud Radio, les débats de l'été, 10h-13h, Benjamin Gleize.
00:06Sud Radio, il est 10h20, la réponse est sanglante, c'est un grand non, la Russie refuse de négocier le Kremlin.
00:12Fait savoir qu'il ne parlera pas à l'Ukraine après l'offensive lancée par Kiev, il y a maintenant deux semaines, tout pile, dans la région de Kursk.
00:18En territoire russe, Jean de Glignassi, bonjour.
00:21Bonjour.
00:22Un grand merci d'être avec nous ce matin, vous êtes ancien ambassadeur de France à Moscou, directeur de recherche à l'IRIS,
00:27auteur notamment du livre France, une diplomatie déboussolée, c'est aux éditions à l'inventaire, Jean de Glignassi,
00:32selon vous, quel message le Kremlin, Poutine, veut-il faire passer à l'Ukraine et au reste du monde,
00:38en indiquant qu'il ferme la porte à toute négociation de paix ? Quelle est votre interprétation à ce sujet ?
00:44Alors, d'abord il y a, j'allais dire, une constante de la position russe,
00:51et on pouvait deviner que Poutine ne se prêterait pas à la négociation avant d'éradiquer en quelque sorte le gage pris par les Ukrainiens à Kursk.
01:01Les Ukrainiens avaient annoncé, Zelensky lui-même avait dit qu'il souhaitait prendre des gages pour renforcer la position de négociation des Ukrainiens,
01:11et donc les Russes ne le laisseront pas faire, et leur objectif, une fois qu'ils auront gagné, parce que c'est leur objectif principal à Pokrovsk,
01:20et bien à ce moment-là ils se retourneront vers Kursk pour mettre fin à la présence ukrainienne.
01:26Donc il y a un aspect, j'allais dire, culturel, on ne négocie pas quand on est en pleine guerre sur le territoire russe.
01:34Donc ça c'est un premier élément.
01:36Puis deuxième élément, il y avait des négociations qui, semble-t-il, d'après le Washington Post, avaient été annulées à cause de l'offensive ukrainienne,
01:47et donc c'est clair qu'elles ont été annulées, reportées, c'était une négociation partielle sur les questions énergétiques,
01:55mais qu'il n'est pas question de les reprendre dans les circonstances actuelles.
02:01Et puis troisième élément, les Russes comme les Ukrainiens veulent négocier en position de force.
02:09Justement, qui est en position de force aujourd'hui ?
02:11Parce que c'est vrai qu'on parle beaucoup de l'offensive ukrainienne dans l'Ouest, au niveau de la frontière entre la Russie et l'Ukraine,
02:18l'Ukraine qui s'est enfoncée dans le territoire russe.
02:21On oublie peut-être aussi que du côté du Donbass, les taux se resserrent très sérieusement sur l'Ukraine.
02:29Vous avez parfaitement raison.
02:32Parmi les obligatoires des objectifs psychologiques qui ont été remplis à 100%,
02:37parmi les objectifs militaires de l'offensive ukrainienne sur Kursk,
02:40l'objectif principal c'était d'alléger le poids, la charge, la pression sur Pokrovsk,
02:46qui est un point central, névralgique du front ukrainien.
02:51Et là, les Ukrainiens n'ont pas réussi, parce que les Russes ont maintenu leur pression
02:56et n'ont pas distrait de force de Pokrovsk vers Kursk.
02:59Ils ont préféré prendre le risque de laisser les Ukrainiens s'installer quelques temps,
03:04quitte à régler, si j'ose dire, leur compte après.
03:07Ça reste quand même un profond désaveu, une certaine humiliation pour Vladimir Poutine, cette offensive ukrainienne.
03:12Sans aucun doute.
03:14Sur le plan psychologique, l'offensive ukrainienne a eu un effet très positif pour l'Ukraine.
03:22Le pouvoir est déstabilisé, il suffisait de voir la figure de Poutine quand il a annoncé l'offensive.
03:28D'autre part, les troupes ukrainiennes sont galvanisées,
03:32elles retrouvent espoir alors qu'elles étaient sous pression.
03:35Les Russes comprennent le poids de la guerre, ils ne l'avaient jamais compris jusque-là.
03:39C'était une opération spéciale lointaine dans les plaines ukrainiennes.
03:43Et puis même les étrangers qui fournissèrent d'armes voient que, finalement,
03:48leurs armements servent à quelque chose et que le temps n'est pas venu de faire pression pour l'Ukraine,
03:53sur l'Ukraine, pour négocier dans des conditions négatives, de faibles actions.
04:00Et comment expliquer qu'une telle percée ait pu avoir lieu ?
04:04C'était difficile d'envisager cela de la part de l'Ukraine il y a encore quelques petits mois.
04:11Elle est fragilisée cette Russie ?
04:15Écoutez, c'est difficile à dire. Sans aucun doute, le pouvoir, c'est un coup pour le pouvoir.
04:19Mais il y aura, d'ailleurs, Poutine l'a annoncé lui-même, des règlements de compte ensuite.
04:24Il y aura des règlements de compte. Les officiers responsables du laxisme, de l'absence d'information,
04:30de la faiblesse du renseignement, de la faiblesse des gardes-frontières, etc.
04:36Ils auront à rendre compte, ça c'est clair. Et le pouvoir a été ébranlé.
04:42Mais ébranlé, il ne faut pas surestimer trop.
04:46A long terme, tout se joue à Pokrovsk.
04:50Et si les Russes enregistrent une victoire à Pokrovsk,
04:54finalement, le coup de poker ukrainien aura en grande partie raté.
04:59Il y a une information qui est importante aussi pour cette semaine, Jean Degnassi.
05:03C'est le Premier ministre indien Modi qui sera en Ukraine vendredi.
05:06Il avait rencontré Poutine le mois dernier.
05:08L'Inde, qui est un allié de Moscou,
05:11cette visite, qu'est-ce qu'elle nous dit finalement, Jean Degnassi ?
05:16Que la perspective d'une paix n'est pas complètement enterrée ?
05:21Absolument.
05:23Le Sud n'aime pas cette guerre.
05:28Parce que ça gêne les échanges économiques, le développement.
05:32Ils ne sont pas forcément pro-russes.
05:34L'Inde achète beaucoup d'armements à la Russie,
05:37mais elle n'a jamais approuvé l'invasion de l'Ukraine, etc.
05:44Mais il est de fait que l'Occident n'est pas en capacité actuellement de négocier.
05:50Les États-Unis sont en pleine période électorale.
05:54Les occidentaux, les autres occidentaux soutiennent l'Ukraine et ont choisi leur camp.
06:00Donc on voit que parallèlement, toutes les initiatives de paix viennent du Sud.
06:05Il y a le plan africain, il y a le plan chinois,
06:09il y a les Indiens qui, effectivement, servent d'intermédiaire.
06:14Vous avez un plan indonésien qui avait été présenté au moment du G7.
06:18Les Brésiliens ont leur plan, même le Vatican.
06:22Donc ceux qui sont en position d'arbitre actuellement, c'est plutôt le Sud.
06:28Et évidemment, il y a une concurrence sous-jacente entre l'Inde et la Chine.
06:34Toutes deux, cependant, membres du BRICS,
06:37pour apparaître comme un grand acteur de la diplomatie mondiale.
06:41Jean Deglina, si vous n'avez pas parlé de la France...
06:44La France a choisi son camp.
06:48La France et l'Allemagne avaient essayé, avec les accords de Minsk,
06:53de se poser en intermédiaire.
06:56Mais pour de multiples raisons, elles n'ont pas été capables,
07:00diplomatiquement capables, assez fortes,
07:03pour imposer le règlement qu'elles avaient fait négocier.
07:06Ensuite, après l'invasion russe,
07:11elles ont, ce qui est parfaitement explicable, choisi leur camp,
07:14elles soutiennent l'Ukraine,
07:15donc elles ne sont plus en position de pouvoir négocier un accord
07:21ou en position d'arbitre.
07:23Mais l'Allemagne est en train d'évoluer un petit peu.
07:25On l'a vu, notamment sur les crédits, soutien militaire alloué à l'Ukraine.
07:30On est sur une certaine reculade du côté de l'Allemagne,
07:34qui a décidé de réduire de moitié son aide militaire à l'Ukraine.
07:36Ce n'est pas rien ?
07:37Non, ça n'est pas rien.
07:39C'est d'ailleurs un peu un avertissement pour les Ukrainiens.
07:42L'Ukraine a reçu en deux ans plus que le plan Marshall
07:47pendant toute sa durée.
07:49Les Ukrainiens sont parfaitement lucides
07:52et ils savent que ce niveau de soutien ne pourra pas durer,
07:56ce qui est une incitation supplémentaire à essayer de négocier dans de bonnes conditions,
08:01comme ils disent, une paix équitable.
08:03Avec ça, il y a aussi le risque évidemment de l'élection de Trump,
08:07dont l'adjoint est opposé, enfin le colistier est opposé,
08:11à toute aide à l'Ukraine.
08:14Donc, difficultés aussi politiques en Allemagne,
08:18puisque l'AFD, les Landes de l'Est, les Landers de l'Est
08:23sont pour la régularisation de la relation avec la Russie.
08:28Et puis en France, il y a aussi une incertitude,
08:30puisqu'on sait que le Front National et le Nouveau Front Populaire
08:35ne sont pas enthousiastes,
08:39même s'ils ne le disent pas trop fort,
08:42pour le maintien de cette guerre.
08:44Mais de toute façon, pour l'Allemagne,
08:47l'Allemagne ne renoncera pas à l'aide,
08:49elle passera par des canaux internationaux,
08:52mais elle sera tentée,
08:54mais en essayant d'utiliser les avoirs russes
08:59pour garantir en quelque sorte de nouveau paix,
09:02en utilisant l'Union Européenne entre les principales donateurs.
09:05Mais c'est le début d'un signal d'affaiblissement de l'aide,
09:11et il n'est pas exclu que l'Allemagne change encore plus de position
09:16compte tenu de la faiblesse du gouvernement Scholtz,
09:19du gouvernement Tricolore.
09:21Un grand merci d'avoir été avec nous ce matin,
09:23Jean Deglignassi, ancien ambassadeur de France à Moscou,
09:25directeur de recherche de l'IRIS,
09:27et puis je cite l'un de vos ouvrages, le dernier,
09:29France, une diplomatie déboussolée.
09:31C'est aux éditions à l'inventaire.
09:32Très bonne journée à vous, Sud Radio.
09:3410h29 dans un instant, les coups de cœur, les coups de gueule.
09:37On débat de l'actualité, toute l'actualité Sud Radio.
09:40Avec nos débatteurs en plateau,
09:42et puis avec vous 0826 300 300,
09:44et puis sur nos réseaux sociaux,
09:46vous n'allez pas commenter.
09:48Laissez vos petits commentaires sur le Facebook de Sud Radio.
09:50Notamment, je lirai vos messages,
09:52et puis tenez cette question, notamment.
09:54Le nouveau Front Populaire vit-il en ce moment,
09:56ces dernières heures ?
09:58On y répond juste après ça.