Thierry Guerrier reçoit Géraldine Woessner et Bruno Tertrais
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00:00Sud Radio, l'œil de l'expert.
00:03L'œil de l'expert ce matin, nous allons avoir deux thématiques avec, non pas Valérie Expert, l'œil de ses invités d'habitude,
00:11mais vous savez, pendant quelques jours de repos, eh bien, on va revenir avec ce qui s'appelle encore l'œil de l'expert, deux experts en effet.
00:18Géraldine Vossner, la rédactrice en chef du Point avec qui, dans un instant, nous allons évoquer la question du prix de l'électricité.
00:25Il paraît que ça va coûter moins cher, le kilowattheure, mais pourquoi et comment, alors que c'était les yo-yos,
00:30puisque depuis deux ans, depuis 2022, eh bien, on cessait d'augmenter le prix de l'électricité.
00:35Et puis on va évoquer aussi, bien sûr, la question du risque en 2025 d'un affrontement plus fort avec Vladimir Poutine, la Russie, contre l'Occident.
00:45On va le voir puisqu'il y a des faits récents. Et vous savez, bien sûr, l'avion d'Azerbaïdjan,
00:49cet avion d'Azerbaïdjan qui a été descendu par un missile russe, notamment.
00:56Et on le fera avec Bruno Tertrais, qui est un grand géopolitologue et qui conseille les services français.
01:02L'œil de l'expert, donc, pour un sujet vital, je vous le disais, pour notre vie quotidienne et pour nos portefeuilles,
01:08notre énergie et le coût, le prix de l'électricité. Géraldine Vossner, rédactrice en chef au Point. Bonjour, Géraldine, vous êtes avec nous ?
01:16— Bonjour Thierry Gagné. — Alors on est ravis de vous avoir parce que vous êtes la spécialiste du pôle environnement, énergie depuis 2022 au Point.
01:24Vous couvrez principalement ces sujets qui sont liés aussi à l'agriculture et, je le disais, à l'énergie.
01:30Vous avez publié une sorte de connaissance du nucléaire, j'allais dire pour les nuls. En tout cas, vous dites « Faut-il sortir du nucléaire ? ».
01:38C'était un livre aux éditions First en 2019. Et puis là, vous venez de publier « Les illusionnistes » à propos du climat, de l'agriculture, du nucléaire,
01:47des OGM, de l'énergie, ce que vous appelez les dérives de l'écologie politique. Mais si on vous a invité ce matin, eh bien c'est parce qu'on a
01:55une forme de bonne nouvelle depuis, là, 48 heures, fin 2024. Là, on se retrouve avec une annonce qui serait que les tarifs de l'électricité
02:04devraient baisser. Moins 14%. Alors, on n'y comprend plus rien. D'abord, le Premier ministre, l'ancien Premier ministre, écoutez-le, c'est Michel Barnier,
02:14le 28 novembre, il était encore pas tombé après la censure, et il disait ceci. Écoutez bien.
02:20« J'ai décidé de ne pas augmenter les taxes sur l'électricité. Dans le projet de loi de finances 2025, il n'y aura donc pas d'augmentation
02:28des taxes sur l'électricité, ce qui permettra concrètement une baisse des prix de l'électricité le 1er février de 14%, au lieu des 9% qui étaient prévus initialement. »
02:39Alors c'était passé un peu inaperçu en novembre. Puis on se dit « Il le fera pas », puis ensuite, le gouvernement a sauté. Donc on s'est dit « Bah non ».
02:46Eh bien François Bayrou maintient, et l'Éric Lombard, le nouveau ministre des Finances, maintiennent cet état de fait. Or, 2022 et 2023, c'était plus 10% le prix de l'électricité,
02:57plus 15%. Comment, Géraldine, peut-on expliquer ce yo-yo des prix de l'électricité ?
03:04Alors, vous parlez de yo-yo, c'est très juste. Et il faut se garder de ces effets d'annonce. En réalité, le prix de l'électricité, il augmente.
03:14C'est très compliqué la façon dont on calcule le prix de l'électricité en Europe et en France. Le prix, il est calculé sur les deux dernières années sur les marchés de gros.
03:27Donc c'est vrai qu'on a connu la crise 2021-2022 avec une explosion du prix de l'électricité. Pourquoi cette explosion ? Parce que sur le marché européen de l'énergie,
03:37on calcule le prix de l'électricité sur le dernier moyen de production qu'on a appelé pour la produire. Or, en Europe, c'est souvent le gaz. Et comme avec la crise,
03:49le prix du gaz a flambé, ça a tiré tous les prix de l'électricité vers le haut. Donc ils sont montés très très haut en 2021. Et ils sont rebaissés ensuite.
03:59Comme le prix de l'électricité, le tarif réglementé, il est calculé sur les deux dernières années, on savait qu'il allait de nouveau baisser. Mais les taxes, elles, sur l'électricité,
04:12elles n'ont pas cessé d'augmenter. Pour vous donner un petit peu une perspective, la taxe sur le prix de l'électricité qui a été mise en place au début des années 2000 essentiellement pour financer les renouvelables,
04:24elle était de 3 euros par mégawatt-heure en 2003. Elle est passée avant le Covid à 22,50 euros. Elle a baissé pendant la crise de Covid, on l'a laissée à 1 euro pour éviter justement un trop gros impact sur les factures.
04:39Et là en 2025, elle va augmenter, elle va passer à 32 euros. Elle augmente moins que ce qu'avait prévu Michel Barnier qui lui voulait carrément la passer à 50. Alors pour vous donner quand même une perspective,
04:48oui, ça va baisser là de 14% pour les particuliers et les gens qui sont au tarif réglementé, ça va augmenter pour les autres. Et pour vous donner un ordre de grandeur, entre 2011 et 2023, le prix de l'électricité en France, il a flambé de 120%.
05:04On reste aujourd'hui à des prix toujours 50% supérieurs à ceux de 2019.
05:10Donc ça c'est très intéressant et très important de comprendre cet aspect. On va reparler des ENR, les énergies renouvelables dans un instant et la façon dont elles progressent ou non dans notre mix énergétique.
05:21Mais tout de même une question, pourquoi les prix baissent rapidement ? Pourquoi les prix baissent ? Est-ce que c'est lié à nos propres choix de stratégie énergétique et notamment le retour du nucléaire civil ?
05:32Alors c'est lié en partie au retour du nucléaire en France. C'est lié surtout au fait que l'activité s'est à nouveau contractée. On a connu une grosse reprise d'activité après le Covid, ce qui a entraîné partiellement l'augmentation des prix du gaz. Cette activité s'est beaucoup calmée.
05:53On a même eu des formes de récession. On aurait tort de crier victoire parce qu'encore une fois c'est une baisse modeste, c'est une baisse qui est conjoncturelle sur le long terme.
06:09Les prix de l'électricité sont très élevés en Europe, deux à trois fois plus élevés qu'aux États-Unis par exemple, ce qui entraîne une perte de compétitivité de nos entreprises.
06:20Et si on consomme moins d'électricité, c'est qu'on produit moins et qu'on produit moins de richesse tout simplement.
06:25Mais alors parlons maintenant de ces énergies renouvelables, les ENR, et là encore on n'y comprend plus rien. Je vais vous dire pourquoi.
06:32Parce que l'État dit vouloir les développer, le gouvernement le réaffirme, le précédent, celui-là, et puis les industries, elles, qui fabriquent les centrales solaires et éoliennes vont mal.
06:44On dit qu'elles ne trouvent plus d'investissement, qu'elles ont du mal à obtenir les autorisations pour développer leurs projets, que c'est trop compliqué, que les autorisations administratives sont très longues à être obtenues.
06:55Qu'est-ce qui se passe avec les ENR ? On en veut ou on en veut pas ? Il y avait une forme de consensus sur l'idée quand même qu'il en faut un certain pourcentage dans le mix énergétique. Qu'est-ce qu'il en est ?
07:06Tout ce process un peu complexe, c'est ce que nous décrivons dans notre livre Les Illusionnistes. L'Europe a choisi une stratégie un peu bizarre, c'est-à-dire qu'elle s'est fixé un objectif climatique pour 2050, le zéro émission net,
07:24mais plutôt que de laisser les marchés, les technologies trouver les meilleures voies d'y parvenir, elle a imposé une méthode et elle a dit ce sera sans nucléaire et ce sera uniquement avec des renouvelables.
07:39On a développé à marche forcée ces renouvelables, ça a coûté extrêmement cher, ça coûte toujours extrêmement cher, on a vu en Allemagne 520 milliards dépensés en 20 ans, sauf que quand il n'y a pas de vent et pas de soleil, ça ne fonctionne pas.
07:55On a fixé ces objectifs-là sans s'être assuré en même temps qu'on avait des filières capables de fabriquer ces panneaux photovoltaïques et ces éoliennes.
08:18Aujourd'hui c'est en gros l'Asie, la Chine qui détient une part prépondérante de ce marché, donc ces milliards qu'on met dans le développement de ces nouveaux moyens de production, on les paye au prix fort et c'est de l'argent qui quitte l'Europe ou qui quitte la France pour aller dans d'autres pays, c'est aussi un appauvrissement.
08:37Aujourd'hui on en est évidemment qu'on a besoin de renouvelables, mais la question est de savoir à quel rythme, où, fabriqués par qui et en complément de quoi. Et on est entré dans une espèce de cercle vicieux d'autant plus que l'électricité...
08:54On assure leur capacité à fournir de l'électricité de façon pilotable sur le réseau, parce que comme vous venez de le décrire, en Allemagne qui a fait le choix d'aller quasiment totalement en théorie sur le renouvelable, quand il n'y a pas de vent et quand il n'y a pas de soleil comme en ce moment, du coup c'est le charbon et le gaz qu'il faut utiliser.
09:11Et donc là, comment on peut piloter ce qui n'est pas pilotable au fond, les ENR, sur un grand réseau ? Et c'est ça une des questions posées par le renouvelable aujourd'hui.
09:22L'une des questions posées par le renouvelable aussi est la question des coûts futurs, parce qu'on a déjà une électricité qui est extrêmement chère par rapport à nos concurrents économiques et industriels.
09:35Aujourd'hui, le développement de ces renouvelables va nécessiter des investissements colossaux sur les réseaux électriques.
09:42Enedis et RTE, le gestionnaire de transport, prévoient d'investir 200 milliards d'euros d'ici 2040, c'est demain, c'est dans les 15 ans qui viennent, pour adapter notre réseau à ces sources qui sont intermittentes et qui sont très dispersées dans l'espace.
09:57Alors que les Américains et les Chinois n'ont pas les mêmes problèmes.
10:01Il va falloir tirer des lignes, raccorder l'éolien en mer, ce sont des coûts dont on n'y discute jamais sur la place publique.
10:07Mais vous voyez bien que le coût de l'électricité ne peut qu'augmenter si on suit cette stratégie.
10:13Mais alors Géraldine Vosner, il nous reste deux minutes.
10:17Je voudrais qu'on parle d'un événement qui a peu passé inaperçu, parce qu'au fond, il y a eu tellement de problèmes pendant toutes ces années avec la construction de ce fameux EPR,
10:25cette centrale la plus puissante des centrales françaises, toute neuve aujourd'hui à Flamanville, en Normandie, dans la Manche.
10:31Le raccordement, c'est-à-dire le fonctionnement de cette puissante centrale nucléaire au réseau électrique est un événement considérable technologiquement et pour l'univers de l'énergie.
10:42Et c'est un peu passé par inaperçu, mais enfin on en parle peu, comme si c'était finalement anodin.
10:48En quoi c'est vraiment un événement essentiel ?
10:51C'est essentiel parce que c'est la première fois depuis 1999 qu'on ajoute au réseau électrique une nouvelle centrale qui produit de l'énergie décarbonée en quantité assez colossale.
11:05On parle de 14 TWh de production, c'est équivalent en gros à toute la production solaire française de l'année 2020.
11:11Donc là, c'est d'un coup, d'un seul.
11:13C'est important symboliquement aussi parce que ça marque un peu le renouveau d'une filière qui a été délaissée.
11:18On a eu très longtemps le nucléaire honteux, jusqu'à il y a quelques mois et jusqu'à ce qu'on révise notre législation, on prévoyait le jour de fermer 14 réacteurs.
11:28Donc c'est le renouveau d'une filière, ça va être long et c'est vrai qu'elle va devoir venir en complément de moyens renouvelables dont on ne pourra pas se passer pour faire la transition.
11:41Mais on n'a pas encore eu cette discussion vraiment honnête, ouverte et franche sur ce que sera demain le paysage électrique en France, à quel coût et à quelles conditions sociales on souhaite le faire.
11:57On reste encore dans le district public sur un tournouvelable qui ne paraît pas souhaitable ni économiquement ni industriellement.
12:05Vous venez de dire un peu pourquoi, mais vous venez un peu de répondre à ma dernière question, ça a de l'avenir le nucléaire, le projet de créer 6, 8, 14 même nouveaux EPR, c'est des gros gros investissements.
12:17On aura les moyens, on va le faire vous croyez ? Sans parler des petits réacteurs, les SMR dont on parle beaucoup.
12:23Sans parler des SMR, oui c'est un projet qui a de l'avenir dans la mesure où on sait le faire, ça nous permet une indépendance énergétique.
12:34On ne se met pas dans la dépendance de la Chine comme pour les panneaux photovoltaïques du Qatar, de la Russie ou du gaz Qatari.
12:43Ça a du sens en termes d'indépendance, ça a du sens en termes d'environnement et de biodiversité parce qu'on a déjà les réseaux électriques, on a les sites, ça permet une production importante sur le moins d'espace finalement.
12:56C'est la technologie qui utilise le moins d'espace, le moins de matière.
12:59Maintenant, est-ce qu'on saura le faire ? C'est la vraie question.
13:03On aura besoin de recruter, la Chine parle de 100 000 personnes.
13:06On aura besoin de compétences, on aura besoin d'une stabilité politique.
13:11Arrêter les stop and go de changer de politique tous les 6 mois.
13:14Besoin peut-être d'une législation un peu plus pragmatique, un peu plus ouverte.
13:21Et besoin aussi d'un complément renouvelable dont pour l'instant...
13:30Le temps qu'il s'installe, il faudra...
13:32Parce qu'on parle beaucoup par exemple de l'éolien en mer, mais les appels d'offres sont très limités.
13:38Les projets sont systématiquement attaqués en justice également par les associations environnementales avec sans doute d'excellentes raisons.
13:45Mais du coup, ces débats incessants font qu'on n'avance pas peu, en tout cas trop lentement.
13:50Formidable explication, merci infiniment de cet éclairage.
13:53Géraldine Vosner, rédactrice en chef au Point, notamment sur les questions d'énergie et d'environnement.
13:58Je rappelle que vous avez publié, on peut s'y référer parce que c'est intéressant, vous y donnez beaucoup d'explications, à la fois pour et contre.
14:04Faut-il sortir du nucléaire, qu'on trouve aux éditions First, qui a été publiée en 2019.
14:10Et puis, les illusionnistes, climat, agriculture, nucléaire, OGM.
14:14Une enquête que vous avez publiée sur l'écologie politique, ses fondements, mais aussi ses impasses.
14:19Coécrit avec Erwan Seznek aux éditions Robert Laffont, les illusionnistes Robert Laffont, Erwan Seznek et Géraldine Vosner.
14:27Merci à vous d'avoir été en direct pour parler de l'électricité et de l'énergie en France, avec nous sur Sud Radio.
14:32Sud Radio, l'œil de l'expert.
14:36Et l'expert qui est avec nous en ce moment en direct, c'est Bruno Tertrais. Bonjour Bruno.
14:41Bonjour.
14:42Bruno Tertrais, merci infiniment de nous rejoindre, d'être en direct avec nous ce matin.
14:46Vous êtes géopolitologue, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique.
14:51Vous êtes l'auteur, par exemple, en 2024, de l'Atlas des Frontières, avec une capacité...
14:57C'est vraiment un livre formidable pour pouvoir suivre un peu ce qui se passe,
15:01avec cette capacité à suivre sur les cartes les différents événements, dont celui dont on va parler,
15:06c'est-à-dire notre affrontement avec Poutine.
15:09Vous êtes aussi l'auteur de Pax Atomica, un spécialiste de la question de la dissuasion nucléaire.
15:15Et puis, la guerre des mondes, le retour de la géopolitique et le choc des empires, en 2023, chez Flammarion.
15:21Alors, ce matin, on vous a invité, Bruno Tertrais, parce qu'on a besoin d'éclaircissement sur cette année 2024 qui s'achève,
15:28sur un regain, on pourrait peut-être le juger comme ça, d'agressivité de la part de la Russie, de Poutine, à l'égard de l'Occident.
15:34Il y a un très gros câble d'alimentation électrique qui a été sectionné en mer Baltique,
15:40qui alimente la Finlande, et qui est un câble essentiel.
15:43Donc, on touche, là, à des points névralgiques pour ce pays qui appartient à l'Occident et à l'Union Européenne.
15:50Donc, un câble sectionné par des navires russes qui espionnent l'Europe et l'OTAN, visiblement.
15:56Puis, il y a la tentation de contrôle politique total par la Russie, de la Georgie, on va y revenir.
16:02Et puis, l'avion azerbaïdjanais qui a été abattu par un missile russe.
16:07Qu'est-ce que ça traduit, tout ça, selon vous ?
16:09Est-ce que la Russie nous attaque toujours un petit peu plus, ou est-ce que c'est juste un concours des circonstances ?
16:14Est-ce qu'il y a une menace, en 2025, d'affrontements plus durs avec la Russie ?
16:19Alors, il y a les deux.
16:20D'abord, l'événement dont vous avez parlé le plus récent,
16:23c'est-à-dire l'avion azerbaïdjanais qui a été abattu par la Russie,
16:28c'est sans doute une erreur, une erreur très grave, évidemment,
16:31une erreur qui ne se serait pas produite si la Russie était dans une posture moins agressive,
16:38il n'était pas autant sur les nerfs, mais je pense que c'est une erreur.
16:41En revanche, les événements qui nous concernent, nous, Européens, plus directement,
16:45c'est effectivement ces câbles sous-marins espionnés en général, mais coupés parfois.
16:51Et là, ce qui s'est passé en mer Baltique, c'est la troisième fois que cela arrive en quelques mois,
16:58d'abord avec des navires chinois, ensuite avec un navire russe,
17:02donc c'est très clairement une action agressive de la part de la Russie.
17:05C'est volontaire ou c'est un accident ?
17:07Je serais très surpris que ce soit un accident, on va dire les choses comme ça,
17:12parce qu'une fois ça va, deux fois ça va, trois fois ça fait quand même beaucoup.
17:17Quand on y ajoute les opérations d'influence qui ont lieu sur les pourtours de l'ancien bloc de l'Est,
17:24c'est-à-dire essentiellement en Géorgie, en Moldavie, mais aussi parfois en Europe centrale,
17:29on ne peut qu'en conclure que la Russie est vraiment lancée dans une opération,
17:34non pas de guerre ouverte, mais d'affrontement et de tentative d'affaiblissement de l'Europe.
17:40Mais qu'est-ce qu'on peut faire ?
17:41Parce que certains évoquent l'idée même de fermer la mer Baltique aux bateaux russes
17:47et à cette flotte de tankers qui n'ont pas de pavillon, on ne sait pas à qui ils appartiennent,
17:51mais en fait on sait qu'ils ont été rachetés par la Russie après l'attaque contre l'Ukraine,
17:55qui sont des bateaux un peu fantômes qui passent dans cette mer Baltique
17:58et qui, comme on vient de le voir, coupent les câbles, espionnent.
18:02Jusqu'où ça pourrait aller ? On pourrait avoir un affrontement physique,
18:05voire une fermeture de la Baltique aux bateaux russes, ça vous paraît crédible ?
18:09Alors la fermeture de la Baltique c'est quand même difficile parce qu'il y a des eaux internationales
18:13dans lesquelles les navires, quels qu'ils soient d'ailleurs, ont le droit de passer.
18:19Ce n'est pas que des eaux territoriales, c'est-à-dire qui appartiennent à la Finlande, au Danemark ou à l'Estonie.
18:25Mais ce à quoi vous faites référence, ces bateaux fantômes, on appelle ça la flotte fantôme,
18:29parce que ce sont des tankers qui exportent de manière discrète le pétrole russe
18:36pour pouvoir contourner les divers embargos, les sanctions qui ont été imposées à la Russie.
18:41Alors on ne peut pas leur empêcher le passage, mais on peut en cas de soupçon d'action illégale ou violente,
18:48on peut bien sûr les arraisonner, c'est d'ailleurs ce qu'a fait la Finlande.
18:54Le fameux pétrolier qui aurait coupé ce câble finlandais.
19:00Voilà, donc ça c'est typiquement russe, mais les Chinois le font aussi.
19:04On se sert d'un navire civil, en tout cas apparemment civil, pour conduire des actions violentes.
19:11Alors tant que ça reste dans ce domaine-là, il n'y a pas de raison de craindre un affrontement militaire.
19:16Personne ne pense aujourd'hui que la Russie va s'attaquer en plus de l'Ukraine à un pays de l'OTAN.
19:21Mais dans quelques années, vu l'agressivité de Vladimir Poutine et de son régime,
19:25effectivement la question peut être posée.
19:28Pour l'instant en tout cas, ce genre d'action de sabotage, voire de terrorisme,
19:33ça peut conduire à un nouveau raidissement des relations avec la Russie, bien sûr,
19:37à une riposte des pays européens et des pays de l'OTAN, mais certainement pas à une riposte militaire.
19:42– Mais Bruno Tertrais, vous avez l'air de vouloir nous rassurer
19:45quant à l'affrontement qui se joue régulièrement à Bab-Rouy, en quelque sorte,
19:49dans le nord de l'Europe, entre la Russie et l'OTAN et l'Occident.
19:54Mais tout de même, là-bas, le Danemark, la Norvège se réarment et sont très inquiets,
19:59voudraient interdire certaines eaux aux bateaux russes.
20:03Et puis on a des soldats là-bas de toute l'OTAN
20:07qui assurent la protection aérienne du ciel face aux avions russes,
20:13du ciel finlandais ou des pays baltes,
20:17parce qu'ils n'ont pas d'aviation aussi puissante que celle de l'Angleterre,
20:21de l'Allemagne, de la France réunie, ou même les avions italiens et espagnols.
20:26On a des troupes là-bas présentes.
20:28Donc tout ça est tout de même une forme de test.
20:32Est-ce que le nord de l'Europe n'est pas le maillon faible ?
20:35Le prochain territoire d'affrontement après peut-être l'Ukraine et d'autres disent la Pologne ou la Roumanie ?
20:42Alors je pense que c'est au contraire le maillon fort.
20:45Les pays du nord de l'Europe, notamment du nord-est, ils connaissent bien la Russie,
20:49ils savent qu'elle les a souvent envahis à plusieurs reprises,
20:53ils se réarment, ils sont solides, ils protègent leurs frontières.
20:57Le maillon faible, il est plutôt au sud-est.
20:59Je parlais tout à l'heure de la Géorgie, de la Moldavie, peut-être de la Roumanie.
21:04Encore une fois, on ne peut pas imaginer une offensive militaire russe contre un pays de l'OTAN aujourd'hui.
21:11Dans cinq ans, ça sera peut-être différent parce que si le conflit ukrainien est gelé d'une manière ou d'une autre,
21:20peut-être que la Russie aura d'autres idées dans les années qui viennent.
21:24Mais ce qui se passe avec l'implication des pays européens, dont la France dans cette zone du nord de l'Europe,
21:29c'est justement pour dissuader la Russie de s'en prendre à ces pays.
21:33L'été dernier, j'étais à la frontière entre l'Estonie et la Russie.
21:38Je vois comment l'Estonie, ce petit pays qui est en première ligne, se protège de plus en plus contre la Russie, se prépare.
21:45Et c'est vrai que l'idée, le scénario dans quelques années d'une sorte de petite offensive de prise de gage destinée à faire peur à l'Europe,
21:53c'est une idée qui n'est pas complètement absurde.
21:55Donc on cherche bien sûr à s'en défendre et surtout à dissuader la Russie de le faire.
22:00— Alors revenons sur la destruction d'un avion civil d'Azerbaïdjan, qui est pourtant un allié de la Russie, on va le voir,
22:09par un missile de la défense antiaérienne russe.
22:14On peut s'interroger sur les enseignements géopolitiques que ça peut avoir, cet incident très grave entre deux alliés.
22:24Je voudrais vous proposer d'écouter le président Aliyev.
22:27Donc il est un Aliyev qui est d'habitude quelqu'un qui a des bonnes relations avec Vladimir Poutine.
22:32Et hier, évidemment, sur place, au cours d'une interview de télévision directe à l'aéroport de Bakou,
22:37à propos du crash de son avion d'Azerbaïdjan Airlines, le président Aliyev.
22:42Écoutez-le. Je vais essayer de vous traduire en même temps ce qu'il dit.
22:46— Alors un autre fait regrettable et surprenant pour nous, dit le président Aliyev,
22:52a été que les agences officielles russes ont avancé les théories sur l'explosion d'une bouteille de gaz à bord de l'avion.
22:58En d'autres termes, ça montre clairement que la partie russe voulait dissimuler l'affaire.
23:03Bruno Tertrais, qu'est-ce que ça donne comme enseignement ?
23:07Fabrilité avec... Finalement, il se met en difficulté.
23:11Poutine, c'est une erreur tactique qu'ils ont commise ?
23:16— Oui. Je pense qu'il s'agit d'une erreur. Mais la grande faute de la Russie,
23:23c'est de ne pas avoir tenté de sauver l'avion et surtout de lui proposer d'atterrir dans un autre aéroport en Russie.
23:29Au lieu de cela, ils l'ont envoyé au-dessus de la mer Caspienne, ce qui a conduit au crash.
23:36Alors attention. L'Azerbaïdjan et la Russie ne sont pas des alliés.
23:40On peut dire qu'il y a une certaine connivence entre eux. L'Azerbaïdjan est un allié de la Turquie.
23:44La Turquie et la Russie sont aussi des rivaux, dans le Caucase notamment.
23:48Et les relations entre l'Azerbaïdjan et la Russie sont marquées par le fait que le père du président Aliyev,
23:54eh bien il a très bien connu Vladimir Poutine petit. Ce sont des histoires qu'on vous raconte à bas coût en Azerbaïdjan.
24:02Donc il y a une connivence, parce qu'ils sont tous issus du système communiste.
24:06Mais un incident comme celui-ci peut conduire à ce que la France devienne une rivalité.
24:15Et donc c'est une double erreur. D'abord une erreur tragique, avec beaucoup de morts bien sûr.
24:21Mais c'est une erreur aussi géopolitique, je pense, de la part de la Russie de ne pas avoir essayé de faire toute la lumière tout de suite sur cet accident.
24:29Et donc ça affaiblit, je pense, la position de la Russie dans cette région compliquée du Caucase.
24:35Une dernière question. Vous nous dites, si j'ai bien compris, pas de grand affrontement là en 2025 peut-être avec la Russie de Poutine, peut-être à 5 ans.
24:43Mais moi ma question est très simple. Que doit faire la France ? Que doit-on faire, y compris les citoyens, face à ces menaces récurrentes et même à bas bruit ?
24:53D'abord garder la tête froide, ne pas s'inquiéter excessivement. Ensuite considérer qu'on est tous responsables, tous citoyens,
25:00de l'influence russe, l'influence maligne de la Russie. On la voit presque tous les jours sur les réseaux sociaux.
25:06Moscou cherche à nous affaiblir, à diffuser des fausses rumeurs, des fausses nouvelles. Il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège de la propagande russe.
25:14Ensuite je dirais qu'il faut accepter que la Russie n'est plus un voisin avec lequel on peut traiter normalement.
25:22Ça va devenir un voisin hostile et tout simplement il va falloir se protéger.
25:30Si vous avez une résidence secondaire, parfois si vous n'entendez pas bien avec le voisin, il faut ériger un mur entre les deux.
25:37La coexistence est possible et l'affrontement est évité. Il faut enfin se garder de toute illusion.
25:46J'entends encore parfois dire que la Russie était notre allié naturel contre le terrorisme, etc.
25:51Non, tout ceci est faux. La Russie a décidé de prendre sa revanche sur l'Europe, d'affaiblir l'Europe.
25:56Il faut en prendre conscience sans pour autant paniquer.
25:59Merci Bruno Tertrais d'avoir été avec nous. Je rappelle que vous êtes directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique géopolitologue
26:05et auteur par exemple de l'Atlas des frontières aux éditions des Arènes publiée en 2024,
26:11La guerre des montes chez Flammarion et Pax Atomica chez Odile Jacob.
26:16Bruno Tertrais, merci infiniment et bonne fin d'année à vous.
26:19Bonne fin d'année, merci, au revoir.