Jacques Villeret _ l’angoissé qui nous fait rire _ SLICE Qui _ _ DOCUMENTAIRE CO

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Jacques Villeret est considéré comme l’un des plus grands acteurs du cinéma français. Il marque les esprits par son jeu, ses expressions et sa passion pour son métier. Reconnu pour ses interprétations de personnages généralement drôles et attachants, il s'est notamment illustré auprès du public français en incarnant ses rôles dans La Soupe aux choux, Papy fait de la résistance, et Le Dîner de cons.

Il grandit à Loches, en Indre et Loire, au-dessus du salon de coiffure de sa mère. La ville multiplie les fresques et statues à son effigie. Ses anciens camarades de classe et les commerçants de la ville se souviennent de sa jeunesse, faisant déjà rire les autres enfants dans la cour de l’école. A travers leurs récits et la traversée de la ville, nous revenons sur les lieux de l’enfance de ce grand acteur.

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00:00Jacques Villerey, l'un des plus grands acteurs du cinéma français. Les années passant, on mesure
00:11avec quelle intensité son visage, ses expressions, son jeu, son humanité nous ont marqué. Le 6
00:20février 1951, naît Jacques Villerey, de son vrai nom Jackie Bouffronrat. Il naît à Tours,
00:27à une demi-heure de Loche, une petite bourgade au bord de l'Indre que domine une forteresse
00:32médiévale. C'est ici qu'il va passer son enfance, dans cette petite ville qui est aussi le lieu de
00:38naissance d'Alfred de Vigny. Sur la façade de son ancienne école, aujourd'hui une école de
00:43musique, un trompe-l'œil représentant Jacques Villerey nous rappelle qu'il est toujours là,
00:47comme dans le parc de la ville où une statue à son effigie a été érigée. Accidentellement,
00:54il n'est pas né à Loche, c'est comme s'il était né à Loche. Le temps de la délivrance de sa mère,
01:00qui s'est faite à Tours, il est revenu habiter Loche, où habitaient ses grands-parents et où
01:06sa grand-mère habite toujours. Il est revenu habiter avec sa maman, qui était coiffeuse,
01:13qui avait un salon de coiffure. Juste là, dans la rue Cannefolle, son premier salon de coiffure,
01:17l'actuel Breguerie Arc-en-Ciel, qui était le second salon de coiffure de la mère de Jacques
01:22Villerey. Elle avait acquis ce salon, mais encore plus intéressant, c'est qu'au premier étage,
01:26il vivait là comme on le faisait à ces époques-là, où les commerçants vivaient au-dessus de leurs
01:31magasins. Ce qui le caractérisait, je crois, c'est que c'était quelqu'un qui était très
01:35apprécié comme copain. On l'appelait à cette époque-là Pato, parce qu'il était un petit peu
01:41enveloppé. Il était très apprécié parce qu'il jouait très bien au football. Il était très,
01:46très adroit. C'est quelqu'un qui dribblait très, très bien, qui avait un très bon jeu de tête et
01:50qui marquait facilement des buts. Donc, il avait une grosse cote. C'est vrai que c'est assez
01:58émouvant de se dire que le gamin, il a couru sans doute sur ses pistes parce qu'il faisait
02:03aussi un peu d'athlétisme. Et puis surtout, il jouait au foot et il a disputé plus d'un match
02:11sur ce terrain. Il avait une grosse cote aussi parce que c'était un très bon aileur. C'est
02:16quelqu'un qui a commencé à raconter des histoires. C'est quelqu'un qui s'est mis à faire de petits
02:20imitations, imitations de personnages célèbres comme De Gaulle, par exemple. Paul Prébois,
02:26c'était, je ne sais plus, les cinq dernières minutes, un truc comme ça. Non, non, il était
02:31vraiment bon. Déjà, tout gamin, il faisait rire un peu les élèves. Il était algérien gaulois à
02:35son époque. Il était capable d'enchaîner des choses comme ça, amusantes, un peu comme, je
02:41pense, dans les joutes de théâtre. À la veille de chaque vacances, il prenait la place du professeur
02:49sur le bureau et puis il imitait les professeurs. Il imitait tous les professeurs, d'une manière
02:54très humoristique et intelligente parce que ce n'était jamais méchant. Les professeurs appréciaient
03:02même ces imitations. Mais ce sont des imitations qu'il travaillait. Il préparait le texte et
03:09puis il avait repéré toutes les habitudes des professeurs, toutes les petites phrases qu'il
03:14sortait régulièrement. Lorsqu'il est allé aux éclaireurs, ça a été une très bonne ouverture
03:18pour lui justement. On lui a permis de monter sur les premières planches et de se réaliser.
03:27La première fois qu'il est monté sur scène, c'est lors d'un spectacle réalisé par les éclaireurs
03:32qui s'appelait les J-3. Jacques Villerey était beaucoup plus jeune que moi. Il avait 14 ou 15 ans
03:37alors que moi j'étais déjà rentré dans la vie active, dans ma vie professionnelle. Ce qui nous
03:43a rapproché, c'est les répétitions de la pièce les J-3 que nous avons joué sur la scène du Palace
03:50Cinéma. Nous nous sommes là maintenant dans la Grande Rue où se tenait autrefois, à la place du
03:55Passage de Menoux, l'ancien cinéma, le grand cinéma de Loche, le Palace. Et c'est ici même,
04:01à cet emplacement, que Jacques est monté pour la première fois sur des planches puisqu'il a
04:07joué ses premières pièces de théâtre ici. Vraiment, il brûlait les planches. A 14-15 ans,
04:13on sentait qu'il était doué. Il m'avait dit qu'il pensait au métier d'acteur. Bien qu'un
04:18professeur un petit peu découragé, ça l'avait chagriné ça d'ailleurs. Le principal du collège,
04:23à l'époque, M. Aquilon, lui a dit, l'a envoyé à Tours, il a fait ses études au lycée Descartes
04:31à Tours et là il a fait son conservatoire. Il a eu son point de conservatoire à Tours et il est
04:38parti à Paris. La carrière a été lancée. Jacques Villerey s'est présenté au concours
04:54du conservatoire. Il a été reçu. C'était la même génération que Bernard Giraudot,
05:00que Jean-François Balmer. Nous, on était la génération l'année juste avant, avec Jacques
05:07Weber, avec Jacques Spiessère, avec Gérard Caillot, avec Jean-Luc Boutet, avec Jacques Weber,
05:12etc. À la mesure où on joue le jeu de cette maison, à la fin, on est pénalisé ou récompensé.
05:23Il restait un peu terrorisé au conservatoire parce qu'il était chez Louis Saignet et Saignet,
05:31c'était une espèce de... c'était une autorité. Louis Saignet était très prosaïque. Quand je
05:38disais qu'il n'était pas un littéraire, qu'il était dans la matière comme un sculpteur sera
05:44dans la matière, lui, il est dans le texte. Et Villerey rêvait en fait d'aller à la Comédie
05:49Française et de suivre. Il se sentait un peu le fils spirituel, le petit-fils. Louis Saignet
05:58a participé à donner une exigence à Jacques Villerey de son métier d'acteur dans ce qu'on
06:10peut appeler, je vous ai parlé tout à l'heure, du principe de réalité, c'est-à-dire savoir son
06:16texte sur le fil du rasoir. Il a tout de suite compris, Louis Saignet, que la place de Villerey
06:20était à la Comédie Française et qu'il serait une sorte de rémunu français. On était très amis,
06:26on partageait le même hôtel. On était à l'hôtel de Saussure, c'était un hôtel meublé. Et je
06:40crois savoir que c'est les parents d'Husselier qui avaient trouvé cet hôtel. Et d'Husselier,
06:45il n'est pas resté longtemps. En revanche, Villerey et moi, on est resté très longtemps.
06:50On n'avait pas grand chose devant nous, mais on était bien ensemble, on était invulnérable. On
06:57avait moins de soucis de se dire, on avait que le souci de suivre une école, d'y être bien et
07:05d'essayer d'en sortir avec un prix. Il avait une technique, un phrasé extrêmement classique. C'était
07:16un vrai acteur de troupe, un technicien hors pair. Il savait très bien ce qu'il faisait. Ce n'était
07:22pas du tout du laisser-aller d'improvisation. Au contraire, si tu regardes bien les interprétations
07:29de Villerey, elles sont toujours extrêmement précises. Et donc cette qualité primaire,
07:36basique d'un comédien de théâtre, il la possédait. Il avait une grande envie de réussir
07:42quand même. Et si vous voulez, il avait quand même conscience de son pouvoir comique. Il travaillait
07:50énormément, à la virgule près, il n'y avait pas de hasard. Il faisait ce qu'il avait envie de faire,
07:56la manière dont il avait envie de le faire, mais par le travail. C'est un comédien pour lequel toute
08:02notre génération avait un respect et en même temps une terreur. Parce que tout le monde savait
08:12que face à Villerey, si tu n'étais pas au top, c'est foutu. Alors que sa carrière au théâtre débute,
08:17c'est le cinéma qui va lui ouvrir ses portes avec R.A.S d'Yves Boisset. Moi ça me paraissait très
08:25important que les personnages soient vraiment joués par des gens qui ont l'âge qu'ils devraient
08:33avoir dans la réalité. R.A.S, c'est des appelés, des types qui ont à peu près l'âge qu'on a au
08:40conservatoire. À partir du moment où ils avaient dans les 20 ans, ils n'avaient jamais tourné de
08:45films. Et donc c'était le premier film de Jacques Spiesser, c'était le premier film de Jacques
08:52Weber. Il nous restait un personnage à distribuer, qui était le rôle du petit gros dont tout le
09:02monde se paye un peu la tête, mais que tout le monde aime bien. Jacques Weber qui avait lu le
09:07scénario dit écoute moi j'ai un copain, il n'est pas du tout acteur, mais il a vraiment une
09:13personnalité formidable. Il est venu, tout ébobie, moi faire du cinéma et j'ai trouvé formidable.
09:25Je trouvais qu'il avait une personnalité étonnante et je l'ai donc embarqué dans les Aures, à la
09:34frontière algéro-tunisienne, alors qu'il n'avait jamais fait de cinéma et qu'il découvrait tout ça
09:43avec un certain émerveillement. On avait beaucoup de dettes dans un restaurant qui s'appelait
09:48le Sherwood et on avait conscience qu'on allait avec ça payer nos dettes, ce qui nous a encouragé
09:53fortement. Immédiatement après, j'ai fait Dupont la Joie et j'avais trouvé tellement formidable Jacques
10:00que je lui ai fait jouer l'assistant de Jean-Pierre Mariel et c'est là qu'en particulier Claude Lelouch
10:10l'a remarqué. Je crois que je l'ai rencontré grâce à Francis Huster qui un jour m'a dit il faut
10:21que tu rencontres un type absolument incroyable qui va vraiment faire le bonheur de ton cinéma
10:29et c'est vrai que dès que je l'ai vu, je suis tombé sous le charme.
10:34Je me jure que tout va bien. Je te jure que tout va bien, oui. Sur ma tête? Sur ta tête.
10:47Je m'exagère pas alors. Si, plus que les autres. Claude Lelouch qui tourne avec les plus grandes
10:59stars. On est dans les années 80. Il tourne avec les plus grandes stars. Il a le plus grand
11:05succès du cinéma français. Il est couvert de récompenses dans le monde et tout d'un coup,
11:10il va prendre Jacques Villerey pour être la star de ses films. Jacques Villerey? Mais tu te dis mais
11:18il est tombé sur la tête ce Lelouch? Non, il n'est pas tombé sur la tête parce qu'il a vu que c'était
11:22le plus grand. Il avait dit à l'époque de Toute une vie, un jour je ferai un film entièrement bâti
11:26sur toi. Lui est énerve bien entendu en ce qui concerne Robert et Robert et depuis pratiquement
11:31cinq, six ans, nous avions décidé d'un commun accord qu'un jour on ferait ce film qui tournerait
11:36essentiellement autour de Jacques. Qu'il l'a starifié et qui s'appuyait sur sa véritable
11:41séduction. Toutes les histoires de Villerey en star chez Lelouch sont des histoires d'amour,
11:46de coeur. Il en a fait, c'était le côté Jean-Yann ou Sero de Villerey. Vraiment la séduction. Lelouch
11:56a joué là dessus, il a eu raison et il a merveilleusement hissé au niveau de star Jacques Villerey.
12:04Il jouait les innocents et un innocent à qui on avait envie de tout donner. C'était un personnage
12:11qui simplifiait les choses au lieu de les compliquer. Il incarnait la timidité dans ce qu'elle a de plus
12:17noble. Dans Robert et Robert, c'est l'histoire de deux timides qui se rencontrent. Donc je me
12:25suis régalé parce qu'avoir Villerey et Daener face à face, c'est vraiment pour un metteur en scène,
12:31c'est l'aristocratie. Ce qu'il y avait de formidable chez lui, c'est que quand il disait quelque chose,
12:40on avait le sentiment que c'était vrai. Avec Lelouch, il remonte une vraie émotion sur le
12:47travail de l'acteur et de Jacques. Du tronc Villerey, Daener, Villerey, et aussi dans les
12:55uns les autres, Villerey avec Huster, c'est pas mal. Ce qui aurait été formidable, c'est qu'il soit
13:00dans l'aventure, c'est l'aventure. Lelouch consacre Jacques Villerey en le faisant passer progressivement
13:08des seconds rôles au premier rôle. Il obtient le César du meilleur second rôle masculin pour
13:13Robert et Robert. Et Claude Lelouch et Jacques Villerey font six films ensemble. Jacques Villerey
13:17devient un visage connu du cinéma français. En confiance, il peut explorer, partir à l'aventure,
13:23comme avec le passe-montagne de Jean-François Stephen. À l'époque, je voyais le rôle qu'a
13:30finalement fait Jacques dans le film d'un gars qui a 25 ans de plus que moi. Donc je pensais à
13:36Pialat, je pensais à des gens comme ça, j'aurais proposé. Et Maurice m'a dit non, mais non, tu vois,
13:42je suis trop vieux, puis moi je suis malade, tiens, j'arrive même plus à baiser, tiens, je vais te
13:46montrer les ordonnances, voir ce que je prends, alors là, voilà, bon. Pialat que je connaissais de
13:51part Rosier, tu vois que j'avais... Après, j'ai même proposé à Truffaut. Il fallait être à bout. Et
13:58l'autre, il m'a dit non, Jean-François, parce que moi non. Et six mois après, il est parti faire,
14:01pendant que je tournais le passe-montagne, il est parti tourner avec Spielberg. Et je dis à Jacques,
14:10c'est pas possible que tu connaisses pas ça, toi, tu connais tout le monde, au nom de Dieu,
14:13trouve-moi un mec, mais pas connu, pas connu, parce que j'avais peur d'une vedette ou de je
14:19sais pas quoi. Il m'avait dit, mais il n'y en a qu'un, c'est Rousillon. Un jour, je me rappelle,
14:26je suis à l'étoile, j'ai une idée, je m'arrête, du coup, ça me stupéfie tellement, je m'arrête
14:30contre un trottoir, je me dis, mais ça fait un an que je tarabusse ce mec-là, le Villeray,
14:35pour qu'il trouve un mec introuvable. Mais pourquoi il le ferait pas lui ? Voilà, parlons de
14:41Jacques sur un tournage, c'est une merveille. D'ailleurs, ce qui m'a fait chier après, c'est
14:46que de chaque fois qu'il y a des hommages à je sais pas qui et tout ça, il y a plein de gens
14:51qui m'ont dit, mais Villeray, il n'a jamais été aussi bon que dans le passe-montagne. Puisque
14:55j'ai compris d'entrée qu'il voulait me laisser entièrement responsable de tout. Il écoutait
15:00Dutronc dans la bagnole et il jouait à la passe anglaise avec les bûcherons du coin. Donc moi,
15:07je trouvais ça très sévère sur le tournage, j'aurais bien aimé qu'il co-réalise, qu'il soit,
15:14tu vois, ou qu'il soit avec moi. J'avais l'impression qu'il avait rien à foutre. Parce que je lui disais,
15:19tu vois, ce qui serait bien, c'est juste ça, ça, mais tu vois, mais c'est infilmable. Il me dit,
15:22oh bah c'est infilmable, de toute façon. Et moi, j'étais en extase devant mes copains des
15:28Villages Lépiards, que j'avais choisi. On tourne avec 3, 4 mecs bien allumés, le Jacques. Mais
15:38c'est Jacques qui les a drivés, c'est pas moi. Ah, vite d'un seul coup. Et on a fait 4 magasins
15:44cette nuit-là, 4 prises. On commence là, ils sont toujours comme ça, on arrive sur eux,
15:50et l'autre il dit, non mais vous, vous êtes tellement dans vos régions, tellement petits,
15:56l'autre qui se lève, qui dit, un sens du cadre absolument extraordinaire. Mon pote Circus,
16:03qui se lève, qui dit, toi, tu veux sortir ? Oh, oh, oh, bah c'est pas la peine, ne touche pas mon
16:08écharpe, toi. Viens ici, toi, reste assis à la fiche avec lui. Les rapports exactement que je
16:14voulais dans le film, mais que les mecs n'avaient aucune conscience de ça. J'ai découvert l'énorme
16:20boulot qu'il avait fait face à un novice qui était moi, et qui lui avait demandé son aide pour
16:26qu'on s'améliore, et qui m'avait juste dit, oh bon non, c'est un film, après tu voulais le faire,
16:31bah tu le fais. Succès au cinéma, succès aussi sur scène, au théâtre des Blancs Manteaux,
16:39avec son One Man Show, où Jacques Villerey incarne une galerie réjouissante de personnages du quotidien.
16:44Avant c'était la pizza du marais avant d'être les Blancs Manteaux, et la première fois
16:50qu'il a fait son spectacle seul, son petit One Man, on n'était pas beaucoup dans la salle,
16:56et j'étais, mais je tremblais, et après quand j'ai vu que ça a été très rapide, le succès,
17:05c'était une poudre, une traînée de poudre, les gens disaient, il y a un gars qui est vachement
17:10bien, et après c'était plein, c'est magnifique, ça c'est des moments qu'on ne peut pas oublier,
17:17bien sûr. Il faisait pendant une demi-heure des trucs qu'il avait chopé à mon pote le texan,
17:22en disant, plus des trucs que je lui avais appris moi, genre Bergman.
17:26C'est des trucs qu'il faisait le vie, mais qui venaient de moi, tu vois. Dans le texan,
17:49dans le Jura, donc l'eau. Ah bon, le loup, soudain, le machin, 20 minutes, qu'on avait répété dans
17:56le Jura, pas répété, on avait été au bout des nuits dans le Jura, et Jacques il dit, non,
18:05après je revois ça à l'espace Cardin, avec l'eau qui soudain, la pauvre bête, qui attendait que
18:12l'eau, jeta sur elle, et la mangeait. Ah ben oh, des trucs recopiés entièrement du Jura.
18:18L'erreur tragique de sa vie théâtrale, c'est qu'il est tombé dans le one man show avec une
18:28telle virtuosité extraordinaire, qu'il n'a pas, il n'a pas pu interpréter au théâtre des grands
18:37classiques de troupe, où il aurait été prodigieux, prodigieux. D'abord, il était le héros typique des
18:44plus grandes pièces de Jean Hanouille, parce qu'il avait justement la cruauté des héros de Hanouille,
18:49il aurait été sublime dans les Poissons Rouges, Molière, n'en parlons même pas, il était
18:54exactement dans la deuxième partie de l'oeuvre de Molière, ce orgon, ce argon, parce qu'il avait
18:59une énergie, et justement, cette capacité que n'ont pas tous les acteurs, d'être des partenaires.
19:06C'est vrai que c'est bien de faire le boulevard, de faire tout ça, mais de se faire un grand rôle
19:10classique, voilà, il aurait été formidable. Cette carrière sublissime qu'il aurait dû tenir à la
19:17comédie française, il ne l'a pas tenue. La carrière sublissime qu'il aurait dû suivre au théâtre avec
19:24des oeuvres de création, des oeuvres des plus grands auteurs, il ne l'a pas conduite non plus,
19:31et il s'est laissé somnambuliser par ses réussites magnifiques au cinéma, dignes justement de Rému,
19:41de Jean-Yann, de Serot, etc., d'un très grand, c'était le Rému de sa génération. Sa vie est une
19:47tragédie. Une grande rencontre de sa vie, à la lisière du cinéma et du théâtre, c'est Jean-Michel Ribe.
19:52J'ai rencontré Jacques presque quand il est arrivé à Paris, quand il est entré au conservatoire,
19:57il habitait chez un autre comédien de mes amis, qui s'appelle Roland Blanche. C'était un ami,
20:02on riait des mêmes choses, et à l'époque, quand on riait des mêmes choses, on travaillait
20:06ensemble. J'ai fait un premier film avec lui qui s'appelait « Rien ne va plus ». Je me souviens
20:10d'ailleurs, il avait absolument voulu le faire courageusement parce que Fechner, qui l'avait un
20:16peu pris sous sa coupe, ne voulait pas qu'il fasse le film ailleurs, et lui l'avait fait. Il avait
20:20joué 11 rôles différents dans le film, depuis un écrivain perdu jusqu'à une dame. C'était un
20:28numéro de Frégoly absolument extraordinaire. Après, on s'est plus quitté. C'était à la fois
20:36un homme d'une sensibilité extrême, qui avait cet univers dont on a parlé, et cette capacité
20:43d'émouvoir et d'exaler cette espèce de, à la fois, étrangeté magnifique et cette poésie,
20:51et en même temps, c'était une force de la nature. C'était à la fois un poète éthéré et un bûcheron,
20:59qui jouait au football formidablement. On avait fait une école de foot au conservatoire,
21:03dans le hall du conservatoire. Surtout, c'était un tennisman incroyable. J'ai joué au tennis avec
21:10Jacques Villerey. J'ai joué au football avec Villerey. Le petit gros, comme l'appelaient
21:15les autres, il était très très fort. Chaque fois, c'était pareil. Quand un type tombait
21:19contre Villerey, le gars disait, je tombe contre le petit gros, on va se marrer. Il ne se marrait
21:25pas, parce qu'il ressortait, il avait pris deux roues de bicyclette, et le gars disait, je ne
21:28comprends pas, je n'ai pas la forme. Comment je peux perdre contre Villerey ? Je n'ai pas la forme.
21:32Il ne comprenait pas. Et il était très technique, au deux. Donc, ça veut dire que ce n'est pas du
21:36tout l'image du petit gros comme ça, dont on se fout de sa gueule ? Pas du tout. C'était un virtuose,
21:42au point de vue technique. C'est-à-dire qu'il avait aussi cette capacité-là, d'être totalement
21:48dans une réalité qui n'était pas celle du tout du théâtre ou du cinéma. Claude Vidi, réalisateur
21:55de l'Aile ou la cuisse, le met en haut de l'affiche, d'embêtement discipliné. C'est un bide. Le
22:01potentiel comique de l'acteur est cependant énorme. Il réalise un de ses rêves en donnant
22:04la réplique à Louis de Funès, dans La Soupe aux Choux, où il incarne un extraterrestre.
22:09Lui, il était extraordinaire. Quand il fait son truc, ça a tellement marqué, surtout les gamins.
22:16Je sais bien où le faire, mais c'est un texte écrit.
22:18À un moment donné, il me dit, j'en ai marre. J'en ai marre, parce que dès que je suis dans la rue,
22:28je vois quelqu'un sur le trottoir d'en face, il me fait ça. Il y a un moment, j'ai fait autre chose
22:33quand même. Il paraît que vous faites formidablement bien le lézard. Ah oui ? Est-ce que c'est vrai ?
22:39Je ne sais pas. Alors, faites-moi le lézard.
22:42Papy fait la résistance. J'assistais à tout son entraînement. Je n'en pouvais plus. C'est culte.
22:57Il avait peut-être ce formidable génie de savoir se déplacer, aussi bien dans l'humour,
23:04où on sentait quand même que c'était souvent la politesse du désespoir, mais aussi dans les
23:09choses tragiques. C'était quelqu'un qui était un peu comme Serrault. Il avait cette qualité-là de
23:12pouvoir se promener. Villerey est irrésistible dans des compositions délirantes. C'est un acteur
23:18perpétuellement en recherche. C'est plus qu'une recherche. C'est plus que ça. C'est ce qu'on
23:24appelle des rencontres. Quand vous avez des invités, elle se met tout de suite à faire
23:29l'intéressant. Alors, on ne parle plus que d'elle. Si par malheur, il y en a un qui dit qu'il est
23:34très joli, votre violoncelle, alors là, elle fait la gueule. Vous en avez pour huit jours.
23:40Il était formidable dans l'effraction. Il est fabuleux. Les gens ne connaissent pas bien ce
23:45film. C'est drôle. Un personnage totalement à l'inverse de tout ce qu'il a pu faire. Comme
23:51quoi, il pouvait tout jouer. Godard m'a appelé. Il m'a dit bonjour. Je suis avec votre copain
23:58Villerey. Je n'ai plus d'idées. Je fais un film. Vous n'avez pas des gags. J'aimais bien le fait
24:02qu'il puisse aller de Godard à Zidi. D'ailleurs, je trouve que c'est ça les grands acteurs. Les
24:11grands acteurs, ils peuvent aller partout. Le travail de Jacques Villerey était un travail
24:16secret. Je n'ai jamais répété de ma vie avec Jacques. Pour rien. Même pour le dîner de con,
24:22qui est une pièce de théâtre. Même pour tous les films avec l'autre. Jamais. On n'a jamais
24:27répété la scène avant de la tourner. Strictement jamais. Pourquoi? Parce que Villerey était très
24:36exigeant. Sa cruauté, elle était aussi dans le travail. Il ne pardonnait pas l'erreur. Donc,
24:41il travaillait tout seul dans son coin. Mais quand je dis travailler, ça veut dire que je n'ai
24:46jamais vu. Je n'ai jamais vu Villerey bouler un texte. Je n'ai jamais vu Villerey être comme une
24:52digue qui lui ferme ce qu'il a à dire. Tout était nickel chrome. On lui donnait un personnage. Il
24:59travaillait chez lui. Il notait. Il réécrivait tous ses textes à la main. Tous les dialogues
25:06pour mieux se les mémoriser visuellement. Il avait vraiment bossé pour bosser. C'est ce que je fais
25:14aussi. Je peux changer des mots. Je peux changer une virgule. Mais en tout cas, quand on a travaillé,
25:20on a travaillé. Si c'est bien écrit et que la virgule est bien, ça n'arrive pas toujours. C'est
25:24pas toujours le cas. Mais quand la virgule est bien placée, elle a du sens. La guerre, avant
25:29d'être l'affrontement de ceux qui se détestent, était d'abord la séparation de ceux qui s'aiment.
25:34Vous me dites ne rien connaître des hommes. Quant à moi, depuis plus d'un an que je suis
25:41dans cet enfer, je ne sais plus à quoi ressemble une femme. Tu peux jouer avec lui n'importe quoi en
25:51face, il ne changera pas. Ce qui changera, c'est l'émotion qu'il y mettra. C'est à dire que tout
25:55d'un coup, par regarde bien dans les films, décrypte, il est tout d'un coup surpris. C'est
26:02le seul. 99% des acteurs ne sont pas surpris de ce que dit l'autre acteur. Parce qu'ils ne sont
26:08pas des acteurs. Alors, pile, vous prenez le métro, en face, on essaie de se rencontrer quoi, d'accord?
26:33Tu ne parlais pas avec Villerey. Tu n'arrivais pas à le convaincre, même dans le rôle. Non,
26:39non, non, non, non. Il fuyait. Et simplement, tu pouvais le rattraper. C'est un acteur. Tu peux
26:44prendre les scènes typiques de sa vie. On passait notre temps, nous, à le rattraper. Ce qui va
26:50malheureusement le rattraper et freiner cette ascension fulgurante, ce sont ces vieux démons.
26:55J'étais très, très ami avec lui. Jusqu'au jour où on a eu un petit clash, parce qu'il était
27:02dans un état anormal. Et donc, on s'est séparé un petit peu et on a été très malheureux l'un et
27:13l'autre de ce petit clash. Mais à un moment donné, vous avez ce qu'on appelle des adversaires.
27:22L'alcool a joué de très mauvais tours à Jacques. J'étais allé le voir une fois. J'ai espéré le
27:32voir une fois dans la contrebasse. Malheureusement, je n'étais pas en état de jouer ce soir-là. Donc,
27:37ça a été annulé. C'est peut-être un alcoolique, véritablement alcoolique. Et il n'arrivait pas
27:44de s'en séparer. Il a essayé deux, trois fois de faire des cures et rien à faire. Il est tombé
27:49dedans. Moi, je bois un coup. Puis après, j'en bois un autre. Un jour, on me téléphone vers midi.
28:03Est-ce que vous savez où est Monsieur Villerey? On n'a pas de nouvelles de Jacques. Il tourne
28:07demain. Est-ce que je vais me mettre en route? La prod m'appelle. Où est Jacques? Le soir,
28:15je l'ai vu. C'était à l'Espace Cardin, il jouait. Mais on l'a vu ce matin à midi à l'Opéra.
28:20Vous étiez avec lui? Oui. Mais après, je dis, mais moi, je ne suis pas armédiat. Il a disparu.
28:28On l'a retrouvé en prison. Il s'était battu dans un bar. On a annulé des représentations. J'ai
28:34retrouvé Jacques qui me disait dans la répétition, je reviens dans un quart d'heure. Il disparaissait.
28:40On le retrouvait trois jours après dans le bois de Vincennes. Quand il démarrait chez les Russes,
28:45je savais où il terminait. S'il n'était pas chez lui, il ne démarrait pas chez les Russes. C'était
28:50un autre trajet. Et donc, je le retrouvais toujours, bien sûr. Il était où? Il était dans une cabine
28:56téléphonique à Pleskvichi. Il s'était endormi dans la cabine et les gens ne pouvaient pas rouvrir
29:03la cabine parce qu'il y avait son corps qui bouchait la cabine. C'est comme ça qu'on l'a
29:06retrouvé. Fechner arrive, il me dit, Jacques, qu'est-ce qui se passe? Il me dit, tu te rends
29:12compte? Tu es blessé. Comment on va faire? J'ai été attaqué par des Russes. On me prenait pour
29:20le garde du corps de Villerey. Moi, j'étais là, je buvais un petit whisky. Jacques me disait,
29:25bonjour François. Il était beurré. Il était resté avec Corsan ou Sherwood. Il n'a pas joué. C'était
29:34Belmondo qui était propriétaire du théâtre où se jouait des variétés, où se jouait le dîner de
29:40cons. Et foudrage, le lendemain, il est allé chez lui, il s'en est mis chez lui en disant, je te
29:45préviens, t'es fini, t'es là. Et Jacques, derrière la porte, avec cette phrase formidable, avait dit,
29:49arrêtez, je vous préviens, si vous m'emmerdez, je tue ma femme. On m'a tout fait avec ses amis,
29:55avec André, avec André Dusselier, je veux dire, les gens qui touchaient le proche. On a essayé
30:00plusieurs fois de le sortir de là. J'ai la moto à côté. Le casque, la moto, prêt à partir. Jean
30:07François me laisse pas. Il était magique, malgré ça, il était magique, bien sûr. C'était quelqu'un
30:16qui avait besoin d'un autre sang que le sien pour pouvoir tenir. Et ce sang, c'était l'alcool.
30:23Enfin, il est dans la voiture, il part, parce qu'il tourne. Moi, je reprends ma moto, je m'en vais.
30:29Le soir même, il est au téléphone. Non, mais finalement, ça s'est pas mal passé,
30:36parce que, vous savez, il y avait 15 pages, c'est pas un problème. Jusqu'à 4-5 heures de l'après-midi,
30:43ça allait à peu près. Et puis, d'un seul coup, il arrivait à piquer des colères, à devenir d'un
30:49racisme épouvantable, etc., alors qu'il ne l'est pas du tout. Il avait un côté aussi Dr. Jekyll et
30:55Mr. Hyde. C'est-à-dire que c'était quelqu'un qui avait une culture insensée. À un moment,
30:59on voulait faire quelque chose autour de Rabelais. Il me récitait des passages entiers du Carlivre,
31:05il me récitait des passages entiers de Beaumarchais. C'était quelqu'un qui avait à la fois une
31:10musicalité mémorielle qui fait que tous ses textes ressortaient avec une justesse incroyable. Et en
31:16même temps, quand tout d'un coup il avait trop bu, il pouvait devenir quelqu'un, un ogre, quelqu'un,
31:23c'était tout d'un coup un diable, c'était tout d'un coup quelqu'un qui sortait ses fantasmes,
31:29ses terreurs. Quand on a cet acteur qui s'exprime autant devant la caméra ou sur scène, avec tellement
31:36de talent, d'invention, de génie, et puis qui dans la vie devient un petit monsieur qui regarde
31:44en coin, qui marmonne, je ne sais pas trop, et puis qui explose dans la vie, on se doute bien
31:50qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Jacques c'était un bon vivant qui avait beaucoup de mal
31:56à vivre. Mais c'était un homme malheureux dans la vie. Je ne l'ai jamais vu heureux. Il était
32:01heureux que sur scène ou devant une caméra. Mais vous savez, les grands acteurs ne sont jamais
32:07heureux. Sa souffrance qu'il avait, qu'il cachait de ce père inconnu, mais connu qu'il a découvert
32:13être après un père algérien, qu'il a torturé, qu'il a accepté, pas accepté. Il voulait retrouver
32:22son père. Enfant battu quand même, plus ou moins. Lui, il aimait son grand-père, sa mère s'en
32:31faisait m'occuper, des tannées dans le berceau, des machins, il se souvenait de quelques trucs,
32:35il voulait retrouver son père, quitte à repartir en Algérie. Ses valises de l'enfance, il les a
32:41emmenés avec lui tout le temps. On s'était mis tout un plan, on va en Algérie, on retrouve mon père,
32:44on n'a jamais fait ça. Un homme fragile, marchant sur un fil en permanence, comme un funambule,
32:52des figures qui ne l'empêchaient pas de développer une grande humanité. Pour moi, Jacques, c'est comme
32:58mon frère. J'ai toujours considéré Jacques comme ma famille. C'est vrai que ma fille, c'était son
33:06parrain et qu'il y avait de l'amour. Il ne fallait pas quelqu'un d'autre pour s'occuper de ma fille.
33:10Et puis, quand on passait nos vacances, il s'en occupait, il la prenait par la main, il lui faisait
33:18faire des tours, il s'amusait avec. Le choix, il n'était que là. Moi, je le vois quand il a pris la
33:23première fois ma fille dans ses bras. On va vous tirer de là, M. Brochand, ne vous inquiétez pas,
33:28on va vous tirer de là. Vous êtes entre de bonnes mains. Allô, oui, je voulais parler au docteur
33:35Archambault, s'il vous plaît. J'appelle de la part de M. Pierre Brochand. Oh, excusez-moi, je me suis
33:41trompé de numéro. C'est lui qui a proposé à ce que je fasse le dîner de con à Francis Weber. Ce que
33:48j'ai vu du travail, c'est un travail d'une minutie pas possible et que Francis Weber, très, très,
33:55très précis dans la force comique qu'il fallait donner. C'était vraiment du haut vol. C'était
34:04vraiment affiné sur le plancher comme un vieux sac. C'est pathétique. Mais à qui vous parlez,
34:13bordel ? Excusez-moi, qui est à l'appareil ? La grande partition de comédie, on va dire.
34:19Franchement, c'était comme Jacques avait joué le rôle au théâtre, qu'il avait eu un gros succès.
34:27Il était plus que prêt. Il rayonnait. Il possédait son argument d'acteur. C'est quelqu'un qui
34:38fonctionnait par des coups de folie. Très raisonnable, très travaillant, et puis tout à
34:44coup, ça partait. Il y avait des fulgurances, une sorte de dinguerie qui sortait. Il avait une
34:53chance de ça, d'être passé au one-man show. C'est vraiment quelqu'un qui a eu un parcours.
34:59Il aimait composer. Il cherchait. Le dîner de cons, on se connaissait déjà. Parce que vraiment,
35:05on avait bien accroché sur Apolle Luc. Et on se retrouve sur le dîner de cons où on peut dire
35:13qu'on a souffert ensemble. Du nombre de prises, de l'exigence de Francis Weber. Nos états d'âme ne
35:22l'intéressent pas beaucoup. Il veut obtenir ce qu'il a écrit. Et la scène du rire, il dit,
35:33il y avait Thierry et moi. Thierry Lhermitte et moi, on était en face. On va commencer par Francis,
35:38vas-y. On fait une prise. Très bien. C'est parfait. Bon, on en refait juste une. On en a fait
35:4435. Et au bout de 35, Francis dit, on s'arrête là, ça va. De toute façon, c'est la première,
35:50la mieux. En fait, il avait tourné les 35 pour voir, pour attendre, voir quelle est celle que
35:55j'allais rater. Non, c'est une plaisanterie. Mais en même temps, c'est la vérité. Très bien. Et
35:59le lendemain, on a refait Lhermitte. Eh bien, Jacques Villerey, qui contrairement à Lhermitte
36:03et moi, avait joué la pièce près de mille fois. Chaque réplique de Villerey, Francis Weber,
36:11recommençait à le diriger. Avec Jacques, on répétait, on répétait. Parce que c'était
36:16tellement stressant. Les prises étaient tellement longues que quand on répétait pour être sûr du
36:22texte, beaucoup, beaucoup avant. Francis Weber, lui, nous a laissé de Jacques Villerey l'image
36:32d'une merveilleux comédien de théâtre qu'il était du monstre sacré, qui savait ce qu'il
36:40fait. Je dis bien, qui savait ce qu'il fait. Tout est technique et maîtrisé. Je me suis dit,
36:47mais c'est pas possible, ça va être un succès colossal. Et dès la première projection,
36:51je l'ai senti. Un chef-d'oeuvre. Un chef-d'oeuvre. On le sait, une des dix plus grandes comédies
37:00françaises. Le dîner de cons est non seulement en tête du box-office, mais il permet à Jacques
37:07Villerey de remporter le César du meilleur acteur. C'est à ce moment-là, au sommet de sa gloire,
37:12qu'un événement funeste va s'abattre sur lui. Il a vécu une immense déception avec son épouse,
37:18où il a eu un coup de poignard dans le dos quand il s'aperçut que tout l'argent qu'il lui avait
37:26donné, année après année, pour payer ses impôts, car il ne s'en occupait pas, en vérité n'avait
37:32pas payé les impôts. Elle l'avait gardé pour elle. Et tout d'un coup, le fils qui est arrivé,
37:41en lui disant, ça fait dix ans que vous n'avez pas payé, là il est tombé des nues. Et là,
37:46ça a été quelque chose qui l'a beaucoup abîmé. Parce que son épouse Irina, qui en a vécu aussi
37:54des vertes et des pas mûres, parce que ce n'était pas toujours facile d'accompagner Jacques. Mais
38:00là, il y a eu une trahison qui l'a vraiment blessé. C'était un coup, je ne dis pas mortel,
38:05mais c'était un coup. J'ai senti une déception tellement immense par rapport à une femme qu'il
38:15avait connue. Il dit, c'est ma femme, elle dira tout. Dès lors, pour Jacques Villerey, le choix est
38:21simple. Il va travailler sans relâche, enchaîner les films. Et c'est dans cette fuite en avant qu'il
38:27fera pourtant de belles rencontres. J'avais donc, je ne sais plus quel âge. Et quand on m'a dit,
38:32tu fais ce film avec Jacques Villerey, je ne dis pas qu'on est toujours dans un rapport de séduction
38:36quand on tourne avec un autre acteur, mais c'est quelque chose qui existe. Et surtout quand on
38:41tourne une histoire romantique. Et j'avais cette scène de baiser avec lui, et ça m'a troublé. J'avais
38:49une grande tendresse pour lui. Et c'est vrai, peut-être, je ne sais pas, quand je le regardais,
38:54on avait envie de l'aider, on avait envie de le rendre heureux. Et j'ai eu des grands moments
38:58de fou rire parce que dans ce rôle, je faisais une guide. Et donc, on m'avait donné un immense
39:04Land Rover et je conduisais. On faisait beaucoup de scènes. On faisait vraiment 500 bornes et c'est
39:09moi qui conduisais. Et il y avait l'équipe, la caméra était dans une autre voiture ou parfois au
39:14bord de la route. Et nous, on avait des talkie walkie. Donc, on était seuls à trois. Et j'ai le
39:18souvenir de lui très souvent. Moi, je m'en ballais un peu. J'étais guide de montagne au Maroc. J'avais
39:22beaucoup d'expérience alors que j'étais à mon permis depuis trois ans à l'époque. Et du coup,
39:26par moments, je faisais un peu. Il était derrière, il faisait arrête, arrête, c'est pas la conne,
39:29c'est pas la conne, c'est pas la conne, c'est pas la conne. Voilà, mais c'était, on a beaucoup
39:34ri, en fait, beaucoup ri sur ce tournage. Quand j'ai ressorti ce livre que j'avais mis de côté à 25
39:40ans et j'avais dit que j'allais en faire un film un jour. Et pour moi, il y avait Riton, ça a été
39:45tout de suite Villerey. Becker, qui a tiré de Villerey le meilleur, c'est-à-dire le Villerey,
39:54malgré lui, le Villerey qui arrête de jouer, qui a une présence et qui sait même plus ce qu'il fait.
40:03Et j'ai pensé à la Poison, à ce remake parce qu'il y avait un duo à faire entre l'avocat et ce
40:13paysan Madret. Et je savais que ça allait faire quelque chose de très amusant. Il aimait énormément
40:20travailler avec André Dussolier. Dussolier-Villerey, c'était le couple de mes films. On ne s'est plus
40:28mutuellement et on a eu envie de travailler ensemble. Alors, on a fait trois films et on
40:34en aurait fait quatre s'il n'était pas mort. C'était Dialogue avec mon jardinier, que Daoussin a fait
40:43magnifiquement. Mais normalement, au départ, c'était avec lui que je voulais le faire. C'est-à-dire que
40:48d'un seul coup, j'ai, malgré moi, jeté une petite mode de film, disons rural, on va dire ça comme ça.
40:56Donc Villerey s'est transplanté dans ce film à la barre princesse très facilement.
41:03J'ai eu ici, dans ce bureau, un coup de téléphone de Jacques qui... ça a duré une heure et demie,
41:13mais il était bourré. Il était au téléphone pendant une heure et demie et il m'a dit j'ai
41:19adoré votre histoire, etc. Et c'est parti dans un coup de téléphone à ne plus en finir sur ce
41:25personnage, une conversation un peu incohérente. Et je me suis dit, oh là là, mon Dieu, ça va être
41:30difficile. Sur le tournage, il a été quasi irréprochable. Quand je ne le connaissais pas,
41:35je me disais mais c'est un type qui véhicule une certaine ruralité, qui est un type de la
41:42campagne. Moi, il y a des bouts de séquence où il doit fondre du bois, des bouts de séquence où il
41:48emmène un cheval par là. Il n'avait jamais vu ça de sa vie. C'est rigolo, c'était un urbain, quoi.
41:54Malabar Princess est un succès, mais Jacques Villerey est fatigué. Après Vipère au point de
41:59De Broca, Is no good, l'antidote, il joue dans Les âmes grises, son dernier film. Et quand on
42:06lui a fait lire le scénario des âmes grises, il a adoré l'histoire et il voulait absolument faire
42:11le film. Et c'est son dernier film, il l'a fait avec beaucoup de talent, avec beaucoup de plaisir.
42:17Un travail avec Yvangelo qui connaissait de mon film, puisque Yvangelo avait fait La Lumière,
42:23de Malabar Autre Hôte. Il voulait faire une comédie musicale avec moi. Je me souviens de ça,
42:29il avait envie de faire un truc chanté, dansé, loufoque. Ça aurait été bien. Mais on était
42:34prêt à refaire un film. On s'était revus et on avait envie d'aller au bout du voyage. On devait
42:41tourner Napoléon, moi dans Bonaparte et Jacques dans Napoléon, en deuxième partie du film. C'est
42:48un projet prodigieux avec tous les plus grands acteurs du cinéma. Et malheureusement, le projet
42:53n'a pas abouti. Cette nouvelle, je l'ai apprise par la télé. Et puis, à ce moment-là, ma fille
43:03était dans sa chambre et c'est là où on s'est regardé avec ma femme et je lui ai dit, je ne veux
43:08pas qu'elle l'apprenne par les journaux ou par la télé, c'est à nous de lui dire quoi. Ça a été
43:12une des choses les plus pénibles de notre vie, de lui annoncer la mort de son parrain. Cet homme
43:20qui a acquis la mort, la maladie, son diabète, il a volé trente ans de vie et a volé au cinéma
43:29français et au théâtre une trentaine de rôles. C'est une catastrophe. La mort de Jacques Villeret
43:34est une catastrophe et elle était programmée. Sa mort était triste comme toutes les morts,
43:38surtout à son âge. Mais en même temps, quand on vit la vie qui mène, ça s'appelle chercher le suicide.
43:48C'est ça, il fait partie des suicidés quand même. Ce n'est pas très drôle de dire ça.
43:51La liste des acteurs qui se sont suicidés est impressionnante. Tout simplement parce que ce
43:59sont des gens qui ont plus besoin d'amour que les autres. C'est un peu facile de vous dire,
44:06c'est l'alcool qui a tué Villeret. C'est un peu facile de dire ça. Moi je dirais qu'il n'était
44:13pas tout à fait équipé pour vivre dans le monde cruel dans lequel on vivait. Il n'était pas équipé
44:19pour vivre dans une réalité quotidienne qui était celle de la société. On savait que ça
44:27allait arriver un jour, pas si tôt évidemment, dans 5 ans ou dans 10 ans, mais qui serait usé,
44:35épuisé. Mais on pensait que le fait de continuer à jouer le porterait, le porterait miraculeusement.
44:43Donc il y a eu un moment très dur, un peu honteux, un peu honteux. Et puis il y a une
44:55deuxième chose qui m'est apparue, c'est que je me suis dit, il a bien fait, il a bien fait,
45:08il a bien fait de vivre jusqu'au bout comme il voulait, parce que les autres ne se préoccupaient
45:16pas de lui. Et je ne suis pas allé à l'enterrement à Paris, parce qu'il y a certaines personnes,
45:22je savais qu'elles y étaient, j'avais pas envie de les voir parce que je me serais fâché. Il y a
45:26des gens qui n'avaient pas été très bien avec lui, mais qui étaient quand même là pour les
45:31caméras, voilà bon. Et j'ai dit à ma fille, t'inquiète pas, on va aller à Loche et on ira
45:37voir Jacques tranquillement entre nous à Loche. Et quelques temps plus tard, nous sommes partis
45:47à Loche, j'arrive dans un cimetière, on me dit non c'est pas là, M. Vivray n'est pas enterré là,
45:52je dis comment ça ? Il me dit non, on m'indique un autre cimetière. Et je dis bon, je reprends
45:58ma voiture, je vais dans ce cimetière où il n'y a personne, où je rentre, il n'y a pas de nom,
46:03il n'y a rien, il y a toutes les tombes. Et je dis à ma fille et à la femme qui était là,
46:10j'ai dit on va faire chaque tombe et méthodiquement on va le chercher quoi.
46:14Je commençais à désespérer, je me dis putain je suis venu pour ma fille et pour nous pour voir
46:20Jacques, je veux dire je le trouve pas, j'arrive pas, il n'y avait personne, personne. Et au bout
46:26de deux heures, je sais pas pourquoi je dis ça, je dis Jacques aide-moi, Jacques aide-moi.
46:33Vingt secondes plus tard, je sais pas pourquoi je passe et je vois la tombe de Jacques où ils ont
46:40dessiné, où ils l'ont dessiné comme ça avec la main et je vois Jacques qui me fait signe comme ça.
46:46Mon cœur était... Et donc comme ça ma fille a pu voir la tombe de son parrain voilà.
47:09Et on s'en est rendu compte au moment des obsèques de Jacques qu'il y avait un énorme mouvement de
47:15sympathie. Bien sûr il y avait tous les people qui étaient là, mais les people après tout c'est
47:19leur rôle. Mais des gens modestes qui sont venus là, qui voulaient, qui se rappelaient avoir vu
47:24Jacques quand il était jeune. Ils se souvenaient de l'avoir côtoyé et quelque part les gens avaient
47:31plaisir à nous dire ah vous savez on l'aimait bien. Étonnant, ils ne l'avaient jamais rencontré,
47:35ils ne pensaient jamais le rencontrer. Vraiment c'était, il faisait je pense quelque part partie
47:40de la famille de beaucoup d'entre nous. Son ancienne école à Loches est devenue un
47:45lieu de pèlerinage pour ses camarades d'école.
48:10J'aurais pu faire des tas de choses Jacques. C'est ça qui est tellement dommage, c'est qu'il
48:40avait vraiment une carrière énorme qui s'ouvrait à lui, une énorme. Il n'était pas fini en tant
48:46qu'acteur et il n'avait pas fait encore le film rond, c'est à dire le film qui fait qu'à un
48:53moment donné il y a prescription. Il était sur le point de le faire. Villerein est resté un soldat
49:03et la traversée de Jacques Villerein dans ce métier c'est celle du brave soldat de Schweik.
49:11Insacrifié. À sa mort, 52 ans, je me suis dit attendez, vous avez fait quoi vous ? Il s'est
49:19abîmé mais il s'est abîmé dans son métier, il a donné mais il a donné mais il s'est bien abîmé,
49:25mais alors qu'est ce qu'il a donné ? Jacques Villerein m'emmerde parce qu'il est toujours
49:31là, qu'il est toujours avec moi et que si c'était pour en arriver là, il aurait quand même pu
49:38s'éviter de mourir. On s'arrête à 52 mais l'autre il n'a jamais dormi donc tu mets sur le chiffre,
49:46tu dis mais oui il vaut peut-être mieux mourir comme ça. Il a offert à sa fille, un appareil
49:53photo. La fille est photographe. La fille d'un seul coup a eu la passion de la photo, son parrain
50:00lui a offert ça, elle est rentrée dans une école de photo, elle a réussi le concours, elle a fait
50:04trois ans dans cette école de photo, là aujourd'hui elle est dans l'école de cinéma,
50:08c'est Jacques qui a allumé le feu. Voilà et son démarrage dans la vie c'est grâce à lui,
50:14c'est formidable de lui amener une passion.

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