Sandrine Collette : "Ce qui m'intéresse beaucoup, c'est de voir de quoi sont capables les gens ordinaires"

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Sandrine Collette, romancière, autrice de "Madelaine avant l’aube" (Lattès), est l'invitée de Léa Salamé. Elle y évoque les thèmes de la révolte, de la famine, de l'hiver interminable qui pousse les humains à bout.

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Transcript
00:00Bonjour Sandrine Collette, merci d'être avec nous ce matin.
00:04Si vous étiez un animal, un livre, un paysage et une saison, vous seriez quoi ?
00:12Si j'étais un animal, sans aucun doute, je serais un ours.
00:16Ah, pas un loup ?
00:18Non, un ours pour être tranquille.
00:20Vous savez, un ours sur le territoire duquel personne ne rentre.
00:23Si vous étiez un livre ?
00:25Je serais la porte de Mac Dazabo.
00:27Pourquoi ?
00:29C'est l'histoire d'une vieille domestique qui vient choisir son employeuse.
00:36C'est-à-dire qu'elle demande à réfléchir avant d'accepter.
00:39Elle règne sur la maison et chaque soir, elle rentre chez elle.
00:43Elle ferme la porte et personne n'est jamais entré derrière cette porte.
00:46Encore une protection. Si vous étiez un paysage ?
00:50Je serais le prêt de mes chevaux.
00:52Dans le Morvan ?
00:53Oui.
00:54Et une saison ?
00:55Le printemps, la force du printemps.
00:58Jean Gionnaud disait qu'il y a dans la forêt des bruits qui ressemblent à des paroles.
01:03Vous qui habitez depuis dix ans dans le Morvan, qui écrivez près des bois, ça vous parle cette phrase ?
01:08Il y a des bruits dans la forêt qui ressemblent à des paroles ?
01:12Oui, ça me parle complètement.
01:14L'écriture de Gionnaud d'abord me fascine.
01:17Et en dehors de ça, ça m'évoque une anecdote.
01:21J'ai gardé des amis parisiens.
01:25Je ne caricature pas.
01:27Ils sont venus dans le Morvan en me disant que c'était formidable.
01:30La campagne, la grande campagne.
01:33Ils se sont dit qu'on ne pouvait pas manquer ça.
01:36On allait dormir à la belle étoile ou dans des tentes.
01:38Devant la maison, pas dans la maison pour en profiter.
01:41Quand la nuit noire est bien installée, il y a une nouvelle vie qui s'installe à la campagne.
01:47La vie de la nuit, c'est une vie de chasse, de prédateur et de proie.
01:51Et à ce moment-là, on commence à entendre des cris d'animaux extrêmement effrayants.
01:58Je pense que même une souris a une cage thoracique monumentale.
02:01Parce que ça pousse des cris terribles.
02:03Les lapins, plein d'autres choses.
02:05Et les copains parisiens.
02:07Et les copains parisiens m'ont dit que ça hurle et ça crie au secours.
02:11Vraiment, ça crie au secours.
02:13Et vous vous dites, mais allez-y, qu'on en finisse et rentrons.
02:15Étonnant de votre vie.
02:17On va en parler dans un instant.
02:18Vous qui avez toujours habité à la ville avant de choisir la campagne.
02:21Vous qui n'avez pas publié avant l'âge de 40 ans.
02:25Aujourd'hui, vous publiez un des livres dont on parle le plus en cette rentrée littéraire.
02:30« Madeleine avant l'aube » chez J.C.Lattès.
02:32« Notre Goncourt », c'est elle, a titré le Parisien il y a quelques jours en parlant de votre livre,
02:36qui est sur la liste du Goncourt.
02:38C'est votre onzième roman.
02:40Vous avez vendu 100 000 du précédent.
02:42On était des loups.
02:43Et vous continuez dans ce livre-là à explorer les territoires sauvages qui survivent au fin fond de nous.
02:49Ici, à travers Madeleine, une petite fille révoltée et sauvage qui va bouleverser un village.
02:54Sandrine Collette, vous êtes une romancière de l'instinct et de la terre.
02:57Et ce livre, votre livre, est un roman de la terre, un roman rural, un roman ancré.
03:04Oui, je pense que c'est une longue continuité.
03:10J'ai été bercée par la campagne d'abord.
03:13Dès que j'étais bébé, on m'a emmenée dans le Morvan pendant les vacances.
03:16C'était la terre de mon arrière-grand-mère et j'y suis revenue.
03:20Mon arrière-grand-mère a fait l'ouverture de la chasse jusqu'à 92 ans.
03:24Elle est allée faire ses courses en mobilette au bourg jusqu'à 94 ans,
03:28en ne regardant pas au moment où elle sortait du chemin sur la route.
03:32Non que je fasse pareil, mais j'ai gardé cet amour vraiment de la terre.
03:37Et puis des contes, des contes qu'on nous racontait.
03:39J'essaye d'ancrer mes romans de cette façon-là.
03:42À l'origine, avec ce livre, vous vouliez écrire sur le froid.
03:46Le froid.
03:47Les grands hivers ravageurs qui ont ravagé la France, qui ont fait des milliers de morts.
03:52Pourquoi écrire sur le froid en plein réchauffement climatique ?
03:59Justement parce que le réchauffement climatique, le changement climatique,
04:03a fait que les dernières années, bien plus largement que chez moi,
04:08il y a eu des gelées tardives.
04:10Ça a l'air paradoxal, ça ne l'est pas en fait.
04:13Et les gelées tardives ont fait qu'il n'y a eu aucun fruit sur les arbres fruitiers.
04:17Et j'ai pensé à ce moment-là, grand hiver,
04:20et tout ce que ça peut impliquer de famine à une autre époque.
04:23Votre livre est splendide.
04:25Il est après-puissant, il est sauvage, comme vous.
04:28On ne sait pas où ça se passe, ni où.
04:30On imagine qu'on est avant la Révolution française, quelque part,
04:33dans un hameau très reculé, isolé, avec une rivière où il n'y a plus de pont.
04:38Dans ce hameau vivent trois familles.
04:41Ou plutôt, elles survivent pauvrement, au rythme de la nature.
04:44Il y a deux soeurs jumelles qui s'adorent.
04:46L'une a trois enfants, l'autre n'a pas pu avoir d'enfants.
04:49Quand arrive une nuit, une petite fille qu'on retrouve le matin dans le poulailler.
04:53Une petite fille retrouvée par la vieille Rose.
04:56Une petite fille affamée, ébouriffée et indomptable.
04:59Ils l'appellent une fille de faim.
05:02C'est quoi une fille de faim ?
05:04Une fille de faim, c'est une invention personnelle.
05:08Historiquement, ça n'existe pas.
05:10Je pensais qu'on appelait comme ça.
05:12Tout le monde est en train de le croire, donc je voudrais simplement rectifier.
05:15Ça vient de votre tête.
05:17Une fille de faim, c'est une petite fille dont les parents sont probablement morts suite aux différentes famines.
05:23Ce qui est vrai, c'est que pour le coup, à ces époques-là,
05:26personne ne recueillait ses enfants, c'était trop lourd à porter.
05:29On les abandonnait, ils finissaient par mourir.
05:32Et Madeleine arrive au Monté.
05:34Madeleine arrive au Monté, c'est le nom du hameau.
05:37Et Ambre, la jumelle qui n'a pas eu d'enfant, va adopter Madeleine.
05:43Alors Madeleine va grandir entre ces trois familles avec les autres enfants.
05:48Et elle va réveiller ces paysans qui sont des gens qui ont peur.
05:52Peur du terrible seigneur, propriétaire des terres, qui les bat, qui viole les femmes.
05:59Peur de la nature menaçante, des tempêtes et de la grêle.
06:02Sauf que Madeleine, cette petite fille, elle n'a pas peur.
06:05Elle n'obéit pas aux lois des hommes et elle va bouleverser l'ordre des choses.
06:09C'est un livre dans « On était des loups » où vous avez questionné l'instinct paternel.
06:15Ce livre-là, clairement, vous questionnez l'instinct de révolte à travers cette petite fille.
06:20Oui, l'instinct des petites révoltes aussi.
06:23Ce qui m'intéresse beaucoup, ce sont les gens ordinaires.
06:26Là, ce sont les petites gens.
06:28Et de voir de quoi ils sont capables.
06:30Il faut faire attention, ça ne part pas toujours de grands projets et de grands hommes ou de grandes femmes.
06:36L'instinct de révolte, c'est aussi, mais on le sait simplement, c'est romancé.
06:42Historiquement, c'est le moment où on n'a même plus de quoi manger.
06:45Qu'on vous amène au point où, éventuellement, on met sa vie dans la balance.
06:54C'est difficile de mettre sa vie dans la balance.
06:56C'est vrai que jusque-là, la soumission des paysans pendant des siècles,
07:00ça vient du fait qu'on peut survivre au moment où on franchit cette barrière-là.
07:05Et que pour survivre, il faut manger des charognes,
07:09ou rajouter de la sueur de bois ou de la craie dans la farine,
07:12donc être malade et donc mourir de toute façon.
07:14Quelque chose se lève, mais quelque chose qui ne vient pas de l'ordre établi.
07:20L'ordre établi a toujours un intérêt à ce que ça persiste.
07:23Vous écrivez sur la soumission de ces paysans, sur leur peur.
07:26« Le monde n'est pas juste, il ne l'a jamais été.
07:29Nous avons toujours été des gueux et nous avons toujours eu des maîtres.
07:32Nous ne savons pas d'où cela vient, de l'éternité sans doute.
07:35Il n'est pas sûr que nous puissions changer de ce côté-là.
07:38Non que nous n'en ayons pas la force, mais nous n'en avons pas l'idée.
07:42Les maîtres sont les maîtres. »
07:44Et cette petite fille, elle va venir bouleverser l'ordre des choses.
07:48Comme toujours chez vous, la nature est un personnage à part entière
07:51et la nature est souvent menaçante.
07:53La nature qu'il faut essayer d'apprivoiser pour se nourrir.
07:56Vous écrivez « Il faudra faire avec la nature, apprendre la patience,
07:59accepter que tout soit détruit parfois.
08:02Le cycle est rond et infini.
08:04C'est une source d'épuisement mais aussi d'émerveillement
08:07car au contraire des hommes, la nature reprend toujours, même mal, même peu. »
08:14Je me souviens de la réflexion d'un ami à la campagne
08:19qui m'avait aidé à nettoyer des ronces
08:22et qui m'a demandé si l'année d'après les ronces repousseraient.
08:25Je lui ai dit « Oui, bien sûr, la nature repousse toujours. »
08:28Il m'a dit « Mais c'est effrayant, c'est horrible.
08:30Comment tu peux vivre ici ? »
08:32Et pourtant, il y a quelque chose de fascinant.
08:36Regardons le site de Tchernobyl qui est en train d'être absorbé par la végétation.
08:42Ça me fait penser au temple d'Angkor aussi.
08:45Je crois que quoi qu'il arrive, on se donne toujours le beau rôle
08:49ou en tout cas le plus grand rôle, le plus important.
08:52Mais l'humain n'a que très peu de prise sur la nature au fond.
08:55Écoutez sur la nature, sur l'essence de la nature, le penseur Baptiste Morisot.
09:02Je pense que beaucoup des problèmes qui nous obnubilent aujourd'hui,
09:08qui nous aveuglent, se dénouent quand on accepte que le monde est très vieux
09:13et que la vie sur Terre est très ancienne
09:15et que nous héritons d'une diversification, d'une richesse
09:20qui devient intelligible à la lumière du temps profond.
09:23Pour moi, l'essence de la nature, c'est ce qu'on peut appeler
09:27l'aventure de la vie sur Terre depuis environ 4 milliards d'années,
09:31depuis qu'elle se déploie.
09:33Vous êtes d'accord ?
09:34Je suis assez d'accord.
09:36J'ai une petite idée, peut-être, de ce qui reste dans notre cerveau reptilien
09:41de ce long temps.
09:42De ce long temps ?
09:43Oui, c'est ça que vous racontez dans ce livre
09:45et qui, à mon avis, touche tellement de gens, du parisien.
09:50À Télérama, votre livre mérite qu'on en parle ce matin
09:55tant il est magnifique et cette écriture sublime qui vous appartient
10:00et tant il est aussi une invitation à sortir de notre petit nombrilisme,
10:04Sandrine Collette, une invitation à reposer les pieds sur Terre,
10:07à s'ancrer à nouveau.
10:09C'est ce que vous avez voulu provoquer chez les lecteurs
10:12parce que moi, c'est ça que j'ai ressenti.
10:15Oui, s'ancrer.
10:16Je trouve qu'il y a quelque chose de fascinant dans l'humain,
10:19c'est qu'on a les pieds sur Terre.
10:21Je dirais quelques centimètres plus haut, on est déjà dans le ciel.
10:24C'est ce lien-là qui m'intéresse.
10:28Et bien sûr, le rapport aux racines.
10:31Moi, j'ai eu la chance de revenir à un endroit
10:35où, en arrivant, je me suis dit que c'était ma place
10:37et que j'allais m'ancrer, vous l'avez dit au départ,
10:41pour de bon, au point qu'aujourd'hui, quand on me demande
10:44où j'ai envie de passer mes vacances, je dis ici.
10:46Et si je pouvais aller où je voulais, je dirais que je resterais là.
10:50Aussi parce que vous avez peur de l'avion, non ?
10:52Oui, mais il y a des trains qui vont presque partout.
10:55Cet appel de la nature, vous l'avez ressenti il y a dix ans,
10:57à la quarantaine, où vous avez tout quitté, donc votre ville,
11:00Paris, votre boulot, pour vous installer dans le Morvan,
11:03dans ce petit village où il y a plus de vaches que d'habitants,
11:06et assumer enfin d'être écrivaine.
11:08Vous étiez jusque-là titulaire d'un doctorat en sciences politiques,
11:11vous étiez enseignante à l'université de Nanterre,
11:15consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines.
11:18Comment vous avez osé plonger, tout lâcher,
11:20pour aller partir dans le Morvan et faire ce dont vous rêviez, enfin ?
11:24C'est-à-dire que vous disiez, mon rêve absolu,
11:26c'est d'avoir mon nom sur un livre dans une bibliothèque.
11:29Comment on fait le pas ?
11:31Justement, on fait le pas en se souvenant que c'était son rêve
11:34et qu'on est en train de passer à côté.
11:36Alors, on fait le pas aussi parce qu'on a de la chance.
11:39Il ne faut pas se leurrer.
11:40Moi, j'ai eu la chance que mon premier roman marche bien
11:42et donc je savais que je pouvais en tout cas essayer de partir,
11:45essayer de rentrer, je dirais.
11:49La vie fait que j'ai pu continuer.
11:52Mais c'était un vieux rêve.
11:55Ce n'est pas venu d'un coup à 40 ans.
11:57C'était vieux et puis on le laisse de côté
11:59parce qu'on a d'autres choses à faire, des études, s'installer, travailler.
12:02Et à un moment, ça revient, vous savez, un petit toc-toc,
12:05en disant tu es en train de passer à côté.
12:07Tu es en train de passer à côté alors que pour toi,
12:10l'écriture c'est vital.
12:12Vous disiez à Augustin Trapenard il y a quelques années,
12:14c'est ma respiration, je ne peux pas respirer si je n'écris pas
12:17et depuis que je suis petite fille.
12:19Oui, oui, j'ai toujours écrit effectivement.
12:21Evidemment, quand on est tout petit, on fait des plagiats.
12:24Mais c'est quelque chose que j'ai en moi,
12:27pas tout le temps, de façon viscérale.
12:30C'est-à-dire qu'il y a des moments où je ne peux pas m'empêcher d'écrire.
12:33Et quand vous écrivez, vous écoutez ça.
12:37Voilà.
12:44Un guitariste suédois,
12:47Ingui Malmsteen.
12:49Oui, vous le prononcez au moins aussi bien que moi.
12:51Voilà.
12:52Alors ça, c'est quand vous écrivez,
12:54le processus d'écriture, vous écoutez cette guitare à fond.
12:57Je l'écris sur certains passages
12:59où j'ai besoin de respirer,
13:01où j'ai besoin de respirer.
13:03Je l'écris sur certains passages
13:05où j'ai besoin de rythme et de tension.
13:07Pas sur tous.
13:09Parce que ce qu'il faut raconter aux auditeurs,
13:12c'est que vous avez une vie là-bas
13:14entre l'écriture et la toiture.
13:17Puisqu'en dix ans, vous avez écrit dix romans
13:19et rénové sept maisons.
13:21Vous avez quatre tronçonneuses.
13:23Vous êtes en ce moment même
13:25en train de rénover trois autres maisons.
13:27Et est-ce qu'il y a un processus
13:29entre rénover les maisons de vos mains
13:32à battre des arbres ?
13:34C'est vraiment votre vie.
13:36Vous dites que vous avez l'idée
13:38en rénovant les maisons.
13:40Vous l'écrivez sur un petit calepin
13:42et ensuite vous rentrez à la maison
13:44et vous passez au processus d'écriture
13:46devant l'ordinateur.
13:48Oui, j'ai besoin d'un équilibre
13:50et j'ai surtout besoin de ne pas être occupée
13:52tout le temps dans la tête.
13:54Il y a une vacance de l'esprit
13:56au moment où on travaille.
13:58Pas forcément quand on fait de la tronçonneuse
14:00sur d'autres choses.
14:04Ma tête ne travaille pas si le corps
14:06n'est pas droit.
14:08Juste.
14:10Un peu serein.
14:12Et ça concourt à ça.
14:16Je ne peux pas écrire longtemps
14:18chaque jour, si j'écris chaque jour.
14:20J'ai une capacité de concentration
14:22d'une serpillère d'une heure et demie à deux heures.
14:24Et ensuite je ne vaux plus rien
14:26pour me ressourcer.
14:28Il faut sortir.
14:30Il faut bricoler, il faut respirer.
14:32Et il faut monter ses chevaux.
14:36J'ai des chevaux à bisous.
14:38Uniquement pour les bisous ?
14:40Uniquement pour les câlins.
14:42Parce que vous en aviez 20 de chevaux.
14:44Et aujourd'hui vous n'en avez plus que deux.
14:46Et juste pour les bisous. Vous ne montez plus ?
14:48Non, je ne monte plus.
14:50D'abord parce que je me suis fait peur
14:52avec un jeune cheval il y a quelques années
14:54et je me suis fait mal.
14:56Là j'ai deux petits chevaux qui sont
14:58vraiment faits pour les bisous.
15:00Faits pour les câlins.
15:02Vous n'avez jamais peur dans cette maison
15:04du Morvan,
15:06entre la toiture, entre les travaux,
15:08entre l'écriture et vos deux chevaux à bisous ?
15:12D'abord je ne suis pas seule.
15:14J'ai un très chouette chéri
15:16et je pense que les choses seraient assez différentes
15:18sinon.
15:20D'ailleurs quand il n'est pas là, les rares fois où il n'est pas là,
15:22moi aussi j'entends
15:24le bruit de la campagne le soir.
15:26Et vous aussi vous avez peur ?
15:28Oui, je pense que ça sert pour essayer de le retranscrire
15:30ensuite dans les romans.
15:32Vous avez toujours peur de l'eau, Sandrine Collette ?
15:34Oui. Mais qu'est-ce que c'est que ça, peur de l'eau ?
15:38Je me défends
15:40en disant que c'est héréditaire.
15:42Puisque mon arrière-arrière-grand-père
15:44ne prenait pas un bain sans que sa femme lui tienne
15:46la main, paraît-il.
15:48Sa femme devait lui tenir la main ?
15:50On termine avec les impromptus.
15:52Vous répondez sans trop réfléchir.
15:54Petit chaperon rouge ou petit pousset ?
15:56Petit pousset.
15:58Balzac ou Zola ? Balzac.
16:00Duras ou Collette ? Duras.
16:02Duras, c'est votre écrivaine préférée ?
16:04Oui, ce que j'aime c'est son
16:06écriture justement, qu'on reconnaît.
16:08La mer ou la montagne ?
16:10Ni l'un ni l'autre.
16:12La campagne ? La campagne.
16:14Ni l'un ni l'autre ? Non, vraiment.
16:16On imagine que vous n'allez pas vous baigner si vous n'avez pas de l'eau.
16:18Mais la montagne, j'aurais pu... Non ?
16:20Mais la montagne, on peut se perdre
16:22dans une tempête de neige.
16:24La peur est là tout le temps. La radio ou la télé ?
16:26La radio.
16:28Votre réalisateur préféré ?
16:30Vous allez me trouver
16:32partiale, mais c'est
16:34François Bunel. Parce que François Bunel,
16:36il va adapter On était des loups.
16:38Votre précédent livre, et le tournage
16:40commence bientôt au Canada, c'est ça ?
16:42Et vous suivez le processus
16:44d'écriture ? De loin en loin, je pense
16:46qu'il faut laisser de la liberté à un film
16:48qui n'est plus un livre.
16:50Oui, oui, j'attends qu'on me donne des nouvelles.
16:52La dernière fois que vous avez pleuré ?
16:56C'est tous les jours de la mort de mon père.
17:00Vous vous êtes déjà allongée sur un divan ?
17:02Pour regarder la télé.
17:04Seulement ? Oui.
17:06Vous votez ? Oui.
17:08Les réseaux sociaux, vous y êtes déjà allée ?
17:10J'y vais parce qu'il faut.
17:12Ouais, mais...
17:14Pas de plaisir ?
17:16Non, ce n'est pas mon monde.
17:18Vous avez été élue conseillère
17:20municipale de votre village à 93%,
17:22le meilleur score de la commune.
17:24C'est vrai, ça ?
17:26Oui, c'est vrai.
17:28On est un village de 200 habitants.
17:30Nous sommes 11 élues.
17:32Et vous êtes la mieux élue.
17:34C'était la première fois,
17:36donc j'ai dû bénéficier de la nouveauté.
17:38Si je veux maintenir, je ne recommencerai pas.
17:40Liberté, égalité, fraternité,
17:42vous choisissez quoi ?
17:44Liberté.
17:46Et Dieu dans tout ça ?
17:48Dieu...
17:50Dieu...
17:52Pour moi, c'est...
17:54C'est comme l'amour.
17:56On ne peut pas le voir,
17:58on ne peut pas le toucher,
18:00on ne peut pas le prendre dans ses mains
18:02et le montrer en disant tiens, regarde ça, c'est de l'amour.
18:04Et pourtant ça existe.
18:06Sandrine Collette,
18:08Madeleine avant l'aube,
18:10c'est chez J.C.Lattès, c'est sur la liste du Goncourt.
18:12Et ça va aller loin,
18:14c'est pas moi qui vote,
18:16mais je ne sais pas où ça ira,
18:18mais ça ira loin.
18:20Merci infiniment, il est splendide votre livre.
18:22C'est moi qui vous remercie.
18:24Merci de nous avoir aidé à nous ancrer
18:26et à sortir du train-train quotidien.
18:28Belle journée.

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