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Retour sur l'émergence des mouvements de défense des libertés sur Internet, nés en réaction à la régulation croissante du Web par les gouvernements et les multinationales.
Internet a été créé par des hippies tout en étant financé par des militaires ! Cet improbable choc des cultures a donné naissance à un espace de libertés impossible à censurer ou à contrôler. C’est pourtant ce que cherchent à faire, depuis des années, un certain nombre de responsables politiques, poussant hackers et défenseurs des libertés à entrer dans l’arène politique.

RÉSEAU SOUS SURVEILLANCE
Richard Stallman, l'inventeur des logiciels libres, Rick Falvinge, créateur du Parti pirate suédois (le premier du genre au monde) ou Julian Assange, fondateur de WikiLeaks reclus dans l'ambassade d'Équateur à Londres : au fil des entretiens avec ces militants de la liberté 2.0, les auteurs du documentaire dénoncent avec humour et vigueur les tentatives de régulation d'Internet par les gouvernements et les multinationales, et dévoilent le rapport souvent conflictuel qui persiste entre les acteurs de la culture web et les pouvoirs publics. Hébergeurs, fournisseurs d'accès ou simples internautes, tous sont susceptibles de se retrouver dans le collimateur de la justice, voire même des services secrets, sous couvert de protection des droits d'auteur et de la défense de la sécurité nationale. Une contre-histoire de l'Internet montre comment ces hackers, plus pionniers du Web que pirates, ont été dépossédés d'un espace d'échange qu'ils ont contribué à développer, par des États et des entreprises soucieux de transformer la Toile en réseau sous surveillance.

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00:00:00
00:00:10Ah! Non! C'est pas vrai!
00:00:19
00:00:23Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh
00:00:53oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh
00:01:23oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh
00:01:53oh oh oh oh ohieten
00:02:14parce que je ne pense pas que je suis du même planète.
00:02:44Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle Jeff Jarvis de l'Université de New York.
00:02:48Un officiel américain a annoncé qu'un 8ème continent est un nouveau pays.
00:02:53Alors, quand vous allez à la G8, j'ai une petite demande.
00:02:57J'aimerais demander au gouvernement d'envoyer un avocat hypocrite pour l'Internet.
00:03:01Et c'est la première chose. Ne faites pas de mal.
00:03:14Ne pas vous nuire. Mais bien sûr. Pourquoi voudriez-vous qu'on vous nuise ?
00:03:20Vous êtes un potentiel de croissance, de connaissance extraordinaire.
00:03:25J'aime votre expression, le 8ème continent.
00:03:28Je l'imaginais déjà plantant le drapeau de la France dans ce nouveau continent de l'Internet.
00:03:34Mais si n'importe quel gouvernement peut proclamer sa souveraineté sur l'Internet,
00:03:38alors ce n'est plus du tout l'Internet.
00:03:41Je résume. IG8, grand ponte, net économie, contrôle, droit d'auteur.
00:03:46Les thèmes sont clairs, simples, efficaces et civilisés.
00:03:54C'est quoi ce bruit ? Le printemps arabe ?
00:03:58Des dissidents qui protestent et le font savoir au monde en utilisant Internet.
00:04:03Ça aurait pu être un thème intéressant pour cet IG8.
00:04:06Mais bon, la liberté d'expression, c'est moins sympa que les dirigeants d'entreprises privées
00:04:10qui viennent défendre leur business. Ça, c'est glamour et plus rentable.
00:04:15On a donc d'un côté des gens, connectés, qui utilisent un outil, le réseau Internet,
00:04:20pour s'exprimer librement, pour se parler, échanger.
00:04:23Et puis de l'autre, certains politiques ou industriels qui ne comprennent pas d'où vient ce bruit,
00:04:28ce brouhaha où n'importe qui peut dire n'importe quoi,
00:04:31et qui cherchent à baisser le volume, question de confort.
00:04:34Ceux qui parlent, depuis toujours, c'est eux, ceux qui passent à la télé, normalement.
00:04:39Et ça, ça donne une contre-histoire à Internet. Et elle commencerait comme ça.
00:04:48Vous pensez qu'Internet a été créé par des militaires pour protéger les communications en cas d'attaque nucléaire ?
00:04:53Eh ben, c'est plus compliqué.
00:04:56La plupart des gens qui l'ont créé étaient des hippies, même s'ils travaillaient pour la DARPA.
00:05:03Une grande partie des gens qui ont créé l'Internet prenaient du LSD.
00:05:08Donc, c'était naturellement un environnement plutôt ouvert d'esprit.
00:05:26Été 1967, San Francisco, Summer of Love, le climax de la culture hippie.
00:05:34C'est juste après qu'ils vont tous dans les forêts, les hippies.
00:05:37Et c'est vraiment les mêmes qui, quelques années plus tard, vont dire
00:05:41« On a un autre lieu, on a un autre territoire pour faire communauté,
00:05:44pour réinstaller ce qu'on n'a pas su faire dans le monde réel, qu'est le territoire virtuel.
00:05:48L'informatique, c'est tout comme le LSD qu'ils prenaient par ailleurs, c'est la même chose,
00:05:51ça augmente l'esprit.
00:05:52Ça va être un outil qu'on va bricoler, qu'on va fabriquer,
00:05:54dont on va pouvoir agir sur le code soi-même.
00:05:57Et en faisant ça, on élargit son rapport au monde
00:06:01depuis les individus qui vont se connecter un par un.
00:06:06En parallèle, sur la côte est des États-Unis,
00:06:09ce même esprit de bidouille et de bricolage se diffuse.
00:06:12Le MIT, célèbre institut de recherche, se met à embaucher des systèmes hackers
00:06:17comme Richard Stallman, qui inventera dix ans plus tard les logiciels libres.
00:06:21Et à l'époque, jusque dans la technique, rien ne verrouille cet esprit d'ouverture.
00:06:26Au début, nous n'avions pas de mot de passe.
00:06:29Il n'y avait aucune sécurité dans notre système informatique.
00:06:33Et la raison est que les hackers qui avaient créé le système
00:06:37quelques années avant que je n'arrive,
00:06:40s'étaient rendus compte que n'importe quel système
00:06:43de sécurité aurait permis aux administrateurs
00:06:46de contrôler et de restreindre les hackers.
00:06:49Donc, ils se sont dit, pourquoi leur fournir un outil
00:06:52qu'ils pourront utiliser contre nous ?
00:06:55Et c'était très bien comme ça.
00:06:58Tout le monde pouvait faire ce qu'il voulait.
00:07:01Le système n'essayait pas de contrôler les êtres humains.
00:07:04Plus tard, l'administration a essayé de mettre des mesures de sécurité
00:07:08et a fait pression sur les systèmes.
00:07:11Donc, j'ai écrit un programme informatique
00:07:14pour récupérer puis décrypter les mots de passe des gens.
00:07:17Et puis, je leur ai envoyé un message en leur disant,
00:07:20j'ai vu que ton mot de passe c'était le suivant.
00:07:23Pourquoi ne pas me rejoindre et n'utiliser aucun mot de passe ?
00:07:26Tu as juste à appuyer sur la touche Entrée.
00:07:29C'est le mot de passe le plus court qui existe.
00:07:32C'est très rapide à écrire et c'est tout aussi sécurisé
00:07:35que le mot de passe des gens.
00:07:38Ce qui nous unit, c'est le partage.
00:07:41C'est la notion de partage.
00:07:44Si une information ne peut pas passer par là, elle passe par là.
00:07:47Elle passera par tel ordinateur ou par tel autre,
00:07:50mais elle finira par se rejoindre.
00:07:53C'est comme ça que c'est conçu par les militaires américains.
00:07:56Et finalement, c'est comme ça que c'est détourné par la suite,
00:07:59à un moment donné par les universitaires américains,
00:08:02puis par les militaires américains.
00:08:05À un moment donné par les universitaires américains,
00:08:08puis par des gens comme nous,
00:08:11et puis maintenant par la planète entière.
00:08:14Soudain, les gens ont découvert qu'ils avaient la capacité
00:08:17d'utiliser ce médium pour partager des informations entre eux.
00:08:20Et quand il y a eu suffisamment d'informations sur le réseau,
00:08:23il a fallu des moteurs de recherche pour trouver des choses.
00:08:26Cette combinaison entre le World Wide Web et les moteurs de recherche
00:08:29a permis aux gens de se découvrir les uns les autres,
00:08:32même s'ils ne se connaissaient pas.
00:08:35Qu'est-ce que c'est que le Net ?
00:08:38C'est ça, c'est un échange de paire à paire,
00:08:41pire tout pire, de un à un, ou de un à mille,
00:08:44ou de mille à un.
00:08:47C'est d'inverser complètement les choses telles qu'elles ont été jusqu'ici,
00:08:50avec le clergé, l'église qui donnait la bonne parole,
00:08:53puis le politique qui donnait la bonne parole,
00:08:56puis l'imprimeur qui donnait la bonne parole.
00:08:59Là-dedans, il y a des choses formidables.
00:09:02Mais on disait juste, changeons ça.
00:09:05Il y a un outil qui permet de changer ça. Essayons.
00:09:14Je m'exprime, et potentiellement mon voisin,
00:09:17tout comme le reste du monde, peut me lire.
00:09:20Voilà ce qu'apporte ce réseau pensé sous LSD.
00:09:23Parmi les premiers, les ados s'en emparent vite, très vite.
00:09:26Certains les appellent pirates, d'autres, hackers ou corsaires.
00:09:29Mais ce sont surtout des curieux. Ils cherchent, testent, bidouillent.
00:09:32Et leur jeune âge n'est pas un hasard.
00:09:35C'est l'endroit rêvé pour échapper à la censure parentale,
00:09:38le lieu des possibles, de l'aventure.
00:09:41Ah, fichue jeunesse !
00:09:47J'ai pensé que ces gosses, ces hackers,
00:09:50étaient un peu consternants.
00:09:53Ils radaient, ils étaient provocants.
00:09:56Et je me suis dit qu'il n'y avait pas trop de différence
00:09:59entre eux et ceux qui faisaient du skate.
00:10:05Je me suis dit qu'on pouvait leur prendre leur modem
00:10:08et leur filer un skate, ce serait la même chose.
00:10:13Mais ensuite, j'ai entendu que l'un d'entre eux
00:10:16était rentré chez lui et avait retrouvé sa soeur de 12 ans
00:10:19entourée de pas mal de gens des services secrets
00:10:22qui pointaient leurs armes sur elle,
00:10:25pendant que d'autres vérifiaient tous les trucs électroniques
00:10:28de la maison, y compris son radio-réveil
00:10:31et ses cassettes de Metallica.
00:10:34Et je me suis dit, tiens, peut-être que ces loustics
00:10:37sont plus dangereux que je ne l'imaginais
00:10:40si le gouvernement les traite comme ça.
00:10:43Mais le gouvernement agissait comme s'il menaçait
00:10:46notre civilisation. Mais selon moi, ce n'était pas ça du tout.
00:10:49Ils me paraissaient même sacrément civilisés,
00:10:52d'une manière plutôt avancée.
00:10:59Et rapidement, les différents services de renseignement
00:11:02ont tous cherché à intégrer les compétences
00:11:05de ces bidouilleurs d'Erez.
00:11:08Ça nous est arrivé à 6h du matin d'arriver à un pavillon
00:11:11situé en province à Tours et de taper à la porte
00:11:14pour dire voilà police, perquisition,
00:11:17des parents qui nous ouvraient les yeux ronds
00:11:20en disant, mais mon fils, il n'a jamais quitté sa chambre,
00:11:23il est toujours dans sa chambre, etc.
00:11:26En fait, c'était un pirate réputé et il était mineur.
00:11:29Donc ça veut dire qu'on a affaire à une population nouvelle,
00:11:32on est un peu démuni face à ce problème-là
00:11:35et nous ne pouvions pas recruter des gens comme ça
00:11:38pour la maison.
00:11:41Par contre, pourquoi est-ce qu'on ne ferait pas faire
00:11:44l'intérêt du service national, de gens réputés, etc.
00:11:47et qui pourraient travailler non pas dans l'ombre
00:11:50mais pour la nation.
00:11:53Donc on a commencé à recruter effectivement des gens,
00:11:56à l'époque on ne disait pas lacœurs, on disait plutôt pirates,
00:11:59qui nous ont aidés à comprendre.
00:12:02En France, c'est l'époque où débarquent dans les sous-sols
00:12:05de la DST les baleineaux recrutés par le général Guyot,
00:12:08alias la baleine.
00:12:11Alors là j'en avais qu'un la première année, j'en ai eu deux la deuxième année
00:12:14puis après c'est monté jusqu'à une dizaine, une quinzaine.
00:12:17Je les recevais tous personnellement avant.
00:12:20Alors j'avais averti les centres de recrutement,
00:12:23des profils que je recherchais, je recevais les gars
00:12:26et j'ai sélectionné souvent leur sens de l'humour.
00:12:29Plus ils savaient rigoler, plus ils étaient sérieux pour moi.
00:12:32Parce qu'il faut être fou pour faire ces choses, il faut s'amuser.
00:12:35Tous les ans on avait de nouveaux baleineaux
00:12:39mais c'était des gens pour la plupart valables.
00:12:42D'autres, on se méfiait parce qu'on les triait sur le volet tout de même.
00:12:45Le KGB l'avait fait la même chose que nous,
00:12:48comme il n'avait pas beaucoup d'informaticiens chez eux à ce moment-là,
00:12:51ils ont recruté, enfin ils ont détecté des gens qui étaient hackers
00:12:54et ils leur ont dit, au lieu de vous amuser pour rien,
00:12:57moi je vous paye un petit peu plus si vous allez voir tel ou tel système.
00:13:00Les Anglais et les Américains ne s'en prévaient pas non plus.
00:13:03En 1991, je suis sur un plateau de télévision
00:13:07et je vois un hacker, présenté comme un hacker,
00:13:10qui s'appelle Jean-Bernard Konda,
00:13:13qui représente un groupe né très récemment qui s'appelle le Chaos Computer Club de France.
00:13:16Et je m'aperçois sur le plateau qu'il est en fait de mèche
00:13:19avec les policiers qui sont aussi présents.
00:13:24Je veux savoir, est-ce que je peux rentrer dans le ministère de la Défense irakien ?
00:13:27Je veux savoir combien de munitions ils ont en ce moment dans leur stock.
00:13:31Voilà, page 629 de ce chemin.
00:13:34Irak, le réseau est IDAS,
00:13:37géré par l'associé C qui s'appelle BTC.
00:13:40Le code d'accès, 0 pour sortir, 4180 code d'accès.
00:13:43Ensuite, vous cherchez dans le paragraphe d'avant, je n'irai pas,
00:13:46le numéro de l'ordinateur central de la société BTC
00:13:49à qui vous allez demander l'ensemble des ordinateurs gouvernementaux, médicaux.
00:13:55J'arrive à Irak et je peux ensuite décliner ?
00:13:58Vous descendez dans l'arborescence, comme dans une architecture,
00:14:01en demandant systématiquement...
00:14:03Mais personne ne s'en aperçoit.
00:14:05Je pense qu'il y a des mots de passe à l'intérieur.
00:14:08Il n'y a pas de mots de passe qui bloquent à l'intérieur ?
00:14:10Comme le disait mon cher collègue,
00:14:13il est totalement possible et directement...
00:14:15Philippe Legorgiou, oui c'est vrai, vous êtes devenu collègue.
00:14:18Il m'a sorti mon fichier personnel tout à l'heure.
00:14:20D'accord, il en fait d'autres.
00:14:22Philippe Legorgiou, le collègue en question,
00:14:25était en fait un ancien gendarme, ex-patron du GIGN.
00:14:30Je vais le voir et il m'explique qu'il travaille avec la police.
00:14:35C'est quelque chose qui a eu un effet un peu dévastateur.
00:14:37Ça s'est su évidemment très vite,
00:14:39comme tout se sait très vite sur Internet,
00:14:41ça s'est su super vite.
00:14:43On s'est retrouvés avec une communauté qui a complètement éclaté,
00:14:46qui s'est orientée plutôt vers le logiciel libre
00:14:49plutôt que vers la culture de la bidouille, vers le hacking.
00:14:53Il s'est eu un autre effet dévastateur,
00:14:55il n'y a pas de culture du hacking forte.
00:14:59Et donc les médias, les grands médias,
00:15:02quand ils commencent à causer de hacking,
00:15:04on se retourne toujours vers le cliché du pirate
00:15:06et non pas du maker, du doubler,
00:15:08de la personne qui va fabriquer et qui va détourner des objets.
00:15:11Et on perd vraiment l'essence du mot.
00:15:14Des agents de la police judiciaire ont perquisitionné
00:15:17les locaux du Chaos Computer Club de Hambourg la nuit dernière.
00:15:20Des membres du club, qu'on appelle des hackers,
00:15:22sont soupçonnés d'avoir pénétré dans le système informatique
00:15:25du Centre européen de recherche nucléaire.
00:15:27Récemment, le club aurait hacké le système informatique de la NASA.
00:15:33La police crée la surprise.
00:15:35Perquisition au Chaos Computer Club de Hambourg.
00:15:38Quinze spécialistes de la police de Hambourg,
00:15:40accompagnés de leurs collègues français et de la police judiciaire,
00:15:43ont perquisitionné les locaux du club,
00:15:45ainsi que trois appartements.
00:15:48En créant le CCCF,
00:15:50les services de renseignement français s'étaient en fait inspirés
00:15:53du premier grand groupe de hackers,
00:15:55le Chaos Computer Club,
00:15:57créé dix ans plus tôt en Allemagne,
00:15:59et qui, malgré les tentatives d'infiltration,
00:16:01a toujours su rester indépendant.
00:16:03Andy Muller-Magoon, l'un des membres historiques de ce club,
00:16:06est bien loin des pirates décrits par les médias.
00:16:12L'éthique des hackers a toujours joué un grand rôle
00:16:15pour le Chaos Computer Club.
00:16:18A commencer par l'idée que l'ordinateur est un outil
00:16:21pour résoudre collectivement des problèmes.
00:16:26Donc l'idée est de garantir l'accès à l'information pour tous
00:16:30et qu'il y ait moins de concentration du pouvoir.
00:16:35C'est ce qu'Internet nous permet en nous donnant les moyens
00:16:38de communiquer librement, sans limites,
00:16:40ni contraintes, avec le monde entier.
00:16:44Bien sûr, derrière cela, il y a un but pacifique,
00:16:48car des personnes qui discutent ne se tirent pas dessus.
00:16:57Le hacking, c'est la démarche scientifique.
00:17:00On observe quelque chose qu'on ne comprend pas
00:17:03et on se demande comment, pourquoi,
00:17:06et on va chercher à comprendre.
00:17:08C'est ça, le hacking.
00:17:10C'est les hackers qui ont construit les premiers ordinateurs,
00:17:13les premiers langages de programmation.
00:17:15C'est les hackers qui ont construit Internet
00:17:17et qu'ils construisent tous les jours.
00:17:20La morale du hacker, ça veut dire en quelque sorte
00:17:23que vous pouvez contourner les problèmes.
00:17:26Donc on essaye toujours de contourner les problèmes
00:17:29plutôt que de les affronter.
00:17:31Mais il y a des menaces contre l'Internet
00:17:33auxquelles nous devons faire face.
00:17:35Il y a des États tyranniques qui essaient de contrôler l'Internet.
00:17:38Il y a de bons gouvernements qui se comportent mal sur Internet
00:17:41en essayant de filtrer tous nos contenus,
00:17:43en essayant de nous surveiller
00:17:45ou de contrôler le Net de différentes manières.
00:17:48On ne peut pas simplement contourner cela
00:17:50parce qu'on pense parfois faire quelque chose de juste
00:17:52et de libre sur le Net,
00:17:54mais on finit en prison.
00:17:58C'est un fait que quasiment tout ce qui circule sur Internet
00:18:01est enregistré par la NSA.
00:18:05Et je connais bien la NSA.
00:18:08De l'intérieur.
00:18:10Et je peux vous dire que leur despotisme
00:18:12est amoindri par leur incompétence.
00:18:16Ils peuvent enregistrer tout Internet,
00:18:19mais ils n'ont aucune idée de quoi faire de ces données.
00:18:23Et plus ils en ont, plus ils sont confus.
00:18:34Quels instruments merveilleux !
00:18:36Le Yerscope, le Teletalker qui sait tout,
00:18:39le Cosmic Telescope, le Master Eye.
00:18:42Rien qui se passe sur Terre n'est inconnu à Santa Claus.
00:18:46Qui va donc chercher une réponse
00:18:48à cette surveillance massive du réseau qui pointe à l'horizon ?
00:18:51Les mêmes ados, les bidouilleurs, les hackers.
00:18:54Depuis le début, ils construisent le réseau
00:18:57en fonction de leurs envies ou besoins.
00:18:59Il y a un nouveau besoin, préserver nos échanges,
00:19:02donc arrive un nouvel outil.
00:19:05En 1984, j'étais très actif dans les mouvements pacifistes.
00:19:09Je développais aussi des logiciels
00:19:11qui permettaient d'aider certains mouvements pour la paix et la justice,
00:19:14comme le Comité de solidarité avec le peuple du Salvador.
00:19:19J'avais remarqué que leur bureau avait été cambriolé par le FBI
00:19:22qui avait pris la liste de leurs membres et donateurs.
00:19:28Ça m'a semblé évident que ce genre d'organisation
00:19:30puisse chiffrer leurs documents
00:19:32afin de les protéger en cas de cambriolage par le gouvernement.
00:19:38Donc, j'ai voulu créer un logiciel qui pourrait chiffrer des fichiers
00:19:41en utilisant un système de cryptographie à clé publique,
00:19:44ce qui a donné naissance à PGP.
00:19:49On a commencé à voir arriver un tas de choses
00:19:51qui accentuaient la pression en termes de surveillance,
00:19:53et c'est ce qui m'a motivé pour que PGP soit libre et gratuit.
00:19:57Et c'est ainsi que le code source s'est répandu dans le monde entier.
00:20:04Ah, satanée manie du partage !
00:20:06Sauf qu'à l'époque, la cryptographie,
00:20:08considérée comme une arme de guerre,
00:20:10était exclusivement utilisée par les militaires
00:20:13et interdite à l'exportation.
00:20:15Autant dire que les autorités américaines
00:20:17ont commencé par les grandes oreilles de la NSA,
00:20:20l'agence qui écoute les communications,
00:20:22dont guerre apprécie.
00:20:27J'ai vu un fichier qui contenait la première version du programme,
00:20:31son manuel et son code source.
00:20:34Je l'ai téléchargé et j'ai tout lu.
00:20:37Et la nuit même, je lui écrivais un message
00:20:40où je lui disais
00:20:42« Félicitations, vous avez fait quelque chose de formidable.
00:20:45Vous allez changer le monde.
00:20:47Vous allez aussi vous mettre dans un sacré pétrin.
00:20:51Quand les problèmes arriveront, je pourrai vous aider.
00:20:54Voilà qui je suis, voilà ce que je fais,
00:20:56et vous pouvez me demander tout ce que vous voulez. »
00:20:59C'était dix jours avant qu'un officier fédéral
00:21:02ne vienne frapper à sa porte, à Boulder, dans le Colorado.
00:21:08Trois ans plus tard, ils ont laissé tomber l'affaire.
00:21:12Il y a eu beaucoup de réactions très vives
00:21:14contre cette enquête criminelle.
00:21:16Toute l'industrie informatique était de mon côté
00:21:18et c'est l'industrie la plus puissante aux Etats-Unis.
00:21:22Avec du recul, la vraie réponse,
00:21:25c'est que le e-commerce avait besoin du chiffrement fort.
00:21:28Et donc ils nous ont laissé faire
00:21:30parce que ça a permis aux banques de faire de l'argent.
00:21:33Si nous pouvons chiffrer nos données,
00:21:35ce n'est pas parce que les gouvernements ont capitulé
00:21:37face à M. Zimmerman,
00:21:39mais c'est parce que les gouvernements ont capitulé
00:21:41face à des banques comme Citibank, Deutsche Bank
00:21:43et la Société Générale.
00:21:48Il est assez choquant d'entendre dire
00:21:50que la cryptographie devrait être hors-la-loi.
00:21:52Car si on nous interdit de protéger nos données,
00:21:55les criminels, eux, pourront toujours le faire.
00:21:58Ils peuvent embaucher toute la mafia russe pour le faire.
00:22:01Donc si la protection de la vie privée est hors-la-loi,
00:22:04ça veut dire que seuls les hors-la-loi
00:22:06ont droit à une vie privée.
00:22:10L'idée d'origine, c'est pourtant juste le respect de la vie privée.
00:22:13Internet en soi, c'est autant la communication totale
00:22:16que la surveillance globale.
00:22:18Donc permettre d'échanger sans risquer d'être surveillé,
00:22:21ce n'est pas un crime.
00:22:23Ça pourrait même être plutôt utile et sain.
00:22:26Et on va nous dire après que ceux qui font vivre le réseau,
00:22:29qui pensent que ce genre de solutions pour le préserver
00:22:32sont des illuminés, fallait pas les chercher.
00:22:49Un jour, j'ai écrit une sorte de déclaration d'indépendance
00:22:53du cyberspace, et je l'ai envoyée à mes amis.
00:22:58Je ne pensais pas vraiment que ça irait plus loin.
00:23:01Mais le lendemain matin, j'ai réalisé que ça avait fait
00:23:04le tour du monde.
00:23:06Et je me suis dit que j'allais m'en occuper.
00:23:09Je me suis dit que j'allais m'en occuper.
00:23:12Je me suis dit que j'allais m'en occuper.
00:23:15Le lendemain matin, j'ai réalisé que ça avait fait
00:23:18le tour du monde.
00:23:20Je recevais des e-mails de gens d'un peu partout.
00:23:23C'était un sacré moment.
00:23:29J'étais un peu déconcerté parce que je n'avais pas franchement
00:23:32fait attention quand j'avais écrit ce texte.
00:23:35Et je ne pouvais pas imaginer une seconde que ça allait
00:23:38devenir un document de référence.
00:23:42Mais ça l'est devenu en une nuit.
00:24:01Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que
00:24:04les autorités réagissent ? Combien faudra-t-il de morts
00:24:07suite à l'absorption de faux médicaments ?
00:24:10Combien faudra-t-il d'adolescents manipulés ?
00:24:13Combien faudra-t-il de bombes artisanales
00:24:16explosant aux quatre coins du monde ?
00:24:19Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage
00:24:22de leurs œuvres ? Il est temps, mes chers collègues,
00:24:25que se réunisse un G20 du net qui décide de réguler
00:24:28ce mode de communication moderne envahi
00:24:31par toutes les mafias du monde.
00:24:36Ah, ce fameux réseau mafieux !
00:24:39Depuis de nombreuses années, les autorités posent sans cesse
00:24:42la même question. Mais qui se cache derrière cet Internet ?
00:24:45Et donc, qui tenir pour responsable ?
00:24:486 mai 1996, première tentative de réponse en France,
00:24:51une descente policière a lieu chez deux fournisseurs
00:24:54d'accès à Internet indépendants, Worldnet et France Net.
00:24:57Des photos pornographiques mettant en scène de jeunes enfants.
00:25:00Voilà ce qu'ont trouvé les gendarmes sur les deux réseaux
00:25:03incriminés. Les deux gérants ont été envoyés devant la justice.
00:25:06On les tient ! Les responsables seraient donc
00:25:09ceux qui gèrent les tuyaux par lesquels passent les contenus,
00:25:12comme si le facteur était responsable du courrier qu'ils transportent.
00:25:15Raphaël Hadjian, fondateur de France Net, fut l'un des deux PDG
00:25:18menottés ce matin-là.
00:25:20Le problème avec la pédophilie, c'est que c'est un sujet facile.
00:25:23C'est ça le truc, c'est que la pédophilie est le seul sujet
00:25:26dans lequel il y a de manière non-ambiguë...
00:25:29Quand on voit une photo pédophile, on sait qu'elle est pédophile
00:25:32et on peut décider directement de la supprimer.
00:25:36Mais le problème, c'est qu'en supprimant cette photo pédophile,
00:25:39on reconnaît immédiatement qu'on a cette capacité de censure
00:25:42et donc de responsabilité sur tous les contenus,
00:25:45y compris tous ceux qui sont beaucoup plus ambigus.
00:25:48Donc si vous supprimez des images pédophiles,
00:25:51vous êtes aussi responsable de tout message à caractère haineux
00:25:54dans lequel il y a de l'exercice illégal de la médecine,
00:25:57toute violation de copyright, que vous connaissez ou pas.
00:26:00Ce qui était en jeu, c'était quel est le rôle d'un fournisseur d'accès,
00:26:03est-ce que c'est un type qui censure tout le web
00:26:06et qui fait une espèce de jardin censuré,
00:26:09ou bien c'est un type qui dit voilà un tuyau et tout ce qui est derrière,
00:26:12c'est à vous, c'était ma position à moi.
00:26:15C'était marrant parce qu'on voyait à la fois des médias populaires
00:26:18type TF1 qui ont titré sur un réseau pédophile arrêté en France,
00:26:25mais quand après on a su plus ce qui s'était passé,
00:26:30ils n'ont pas corrigé.
00:26:32L'Inglès ne va jamais comprendre ce qu'est Internet.
00:26:37Par fainéantise, par peur, par corporatisme, on mélange tout ça.
00:26:46On paye encore aujourd'hui ce malentendu,
00:26:49c'est-à-dire Internet c'est les pédos nazis,
00:26:52Internet c'est forcément le mal, c'est forcément de la connerie,
00:26:57c'est forcément des chats qui font du skateboard en vidéo,
00:27:02ou des bébés qui rient pendant 3 minutes,
00:27:05mais non, non.
00:27:11En 1999, le Conseil supérieur de l'audiovisuel en France,
00:27:16dirigé à l'époque par Hervé Bourges,
00:27:18va même organiser le premier sommet mondial des régulateurs consacrés à Internet.
00:27:23Parce que bon sang, il faut bien faire quelque chose pour contrôler ce réseau.
00:27:27Nous avons dit bien évidemment, il n'a aucunement question de censurer Internet,
00:27:31ni même d'essayer d'empêcher le développement d'Internet, au contraire,
00:27:35mais de le réguler.
00:27:36Internet peut dire n'importe quoi, n'importe quoi sur n'importe qui,
00:27:40et on le sait bien aujourd'hui.
00:27:42On peut dire que vous êtes un salopard qui avait tué votre femme,
00:27:46ou qui avait couché avec votre fille,
00:27:49et vous avez beau protester, c'est passé, c'est parti.
00:27:52Alors à ce moment-là, vous avez la justice qui peut intervenir si vous portez plainte,
00:27:56mais combien de temps faudra-t-il ?
00:27:58Et votre image est abîmée à tout jamais.
00:28:00Alors c'est ça tout de même qu'il doit se poser.
00:28:02Il y a une autorégulation de la parole et des propos qui s'est mise en place sur Internet.
00:28:07Ce phénomène d'autorégulation, et ça maintenant on a de bonnes études qui le montrent,
00:28:11il ne va pas valoriser des discours qui seraient des discours
00:28:15où les faits seraient absolument faux, conspirationnistes, racistes, dangereux, etc.
00:28:20C'est que ce travail collectif des internautes, il se fait de façon souvent heurtée, violente,
00:28:24on connaît les discussions enflammées sur Internet,
00:28:26mais si quelqu'un dit n'importe quoi, et que c'est complètement faux,
00:28:29il ne va pas voir son discours reproduit partout, sauf pour dire qu'il a tort.
00:28:33Et donc il y a une capacité collective de vérification, de validation,
00:28:37à la fois factuelle et normative, qu'opèrent les internautes entre eux.
00:28:41Mais certains, politiques, industriels ou personnes publiques, ne sont pas convaincus.
00:28:46Il faut trouver qui a la clé de cet Internet.
00:28:49Si ce ne sont pas les fournisseurs d'accès, ce sont donc leurs frères, les hébergeurs,
00:28:53ceux qui permettent aux internautes de créer sites web, pages perso, et donc de s'exprimer.
00:28:59Tout d'un coup il y a une dépêche AFP qui sort, Estelle Halidé attaque un hébergeur Internet
00:29:08qui diffuse des photos d'elle dénudée qui avaient déjà été publiées dans un journal.
00:29:14Un hébergeur c'est quoi ? Internet c'est quoi ? Dénudée, du sexe, du stupe, c'était parti !
00:29:22Valentin Lacambre, internaute libertaire, ne s'attendait vraiment pas à devenir un jour
00:29:27l'objet de la colère d'un mannequin célèbre.
00:29:29Une colère qui pourrait bien lui coûter très cher.
00:29:34Valentin Lacambre est hébergeur, cela signifie qu'il accueille dans la mémoire de son ordinateur
00:29:38toutes sortes de pages web qui l'aident gratuitement à accéder à l'Internet.
00:29:43Il se rémunère en vendant parallèlement des services informatiques, il est loin de rouler sur l'or.
00:29:48En premier instant j'ai été condamné de manière assez légère, mais pour le principe,
00:29:52parce que j'avais été condamné et que je voyais d'autres processus profilés,
00:29:57donc j'ai fait appel, et là j'aurais pas dû parce qu'en appel je suis tombé sur Marie-Françoise Marais,
00:30:03un juge qui m'a aligné d'une force, et donc elle m'a condamné à payer 300 000 francs.
00:30:18On avait dit nous allons lancer en fait une espèce de pavé dans la mare,
00:30:22en disant on veut pas savoir si c'est un espace de liberté ou pas,
00:30:27il y a une atteinte à la vie privée puisqu'on retrouve une photo,
00:30:30on fait abstraction de la technique extérieure, et par voie de conséquence,
00:30:34on intervient, on interdit, et on octroie des dommages et intérêts,
00:30:39je sais plus ce qu'on avait octroyé comme dommages et intérêts à Estelle Halidé pour atteinte à sa vie privée.
00:30:46Là je devais payer, j'étais vraiment à la rue, je suis parti de mon appart un peu à la cloche de bois,
00:30:50parce que j'avais pas très payé, l'ambiance elle était pas terrible.
00:30:55La justice choisit donc de faire pression sur l'hébergeur
00:30:57plutôt que de s'adresser directement au citoyen qui a mis en ligne les contenus incriminés.
00:31:01Logique et astucieux, on solutionne le problème en supprimant l'intermédiaire.
00:31:06On m'a fait porter la responsabilité des 47 000 sites qui sont hébergés sur mes serveurs,
00:31:12en conséquence ne pouvant assumer cette responsabilité,
00:31:15j'ai qu'une seule solution à ma disposition, c'est de fermer l'intégralité des contenus,
00:31:20ça veut dire plusieurs centaines, plusieurs milliers de petites entreprises, d'associations,
00:31:26de services d'information, qui aujourd'hui n'existent plus,
00:31:31parce que je suis incapable d'assumer la responsabilité de contenus qui seraient délectueux.
00:31:38Mais ça ne marche pas à chaque fois.
00:31:40Raphie Aladjian, lui, s'en est mieux tiré.
00:31:43Tant qu'un juge n'a pas décidé que ce contenu est illégal,
00:31:47il n'appartient pas à des gens qui ne sont rien, c'est-à-dire un fournisseur d'accès, de décider.
00:31:53Et en toutes les dates de cause, le jugement de non-lieu,
00:31:56qui a été rendu en ma faveur dans cette histoire de pédophilie,
00:32:00a considéré qu'il était anticonstitutionnel qu'une entité privée comme un fournisseur d'accès
00:32:09ait un droit de jugement a priori sur les contenus qui peuvent être vus ou pas vus par les choses.
00:32:17Donc non seulement on ne pouvait pas le faire, mais c'était anticonstitutionnel.
00:32:21Qui sommes-nous pour décider, pour appliquer de la censure,
00:32:24ou décider de ce que les gens doivent voir ou pas voir ?
00:32:27Dès lors qu'une autorité a décidé que ce contenu est interdit,
00:32:32nous le signalons et nous enjoignons de l'enlever.
00:32:36On a l'obligation de l'enlever, mais on n'a pas autorité pour décider de ce qui doit être enlevé ou pas.
00:32:41Il faut quand même se rappeler, et je pense que c'est unique dans l'histoire des états de droit modernes,
00:32:48que les premières décisions qui ont été rendues par des juridictions,
00:32:53que ce soit aux Etats-Unis ou en France, sur Internet,
00:32:57et c'était dans les années 90, c'était l'année 1996,
00:33:00la première décision rendue, ce n'est pas un tribunal de commerce ou un tribunal de grandes instances locales,
00:33:08c'est le conseil constitutionnel, donc la plus haute des juridictions,
00:33:13avant même qu'aucun juge en France n'ait un code d'Internet,
00:33:16qui va censurer un amendement qui a été présenté par le ministre chargé des télécommunications en 1983,
00:33:22qui s'appelait François Fillon,
00:33:24et dans le cadre de la loi de libéralisation du secteur des télécoms,
00:33:27ils avaient voté à la hussarde, en pleine nuit, un amendement
00:33:33qui responsabilisait très fortement les intermédiaires techniques.
00:33:36C'était déjà dans l'idée de contrôler le truc par les intermédiaires techniques.
00:33:41Et aux Etats-Unis, Bill Clinton fait voter le Dissency Act
00:33:45et la Cour suprême va annuler les dispositions relatives à Internet.
00:33:49Et c'est des faits uniques, encore une fois dans l'histoire des Etats de droit,
00:33:53c'est les plus hautes juridictions qui se prononcent et qui protègent Internet,
00:33:57consciemment ou inconsciemment.
00:34:00Mais c'est quand même unique.
00:34:07Internet a besoin d'être un endroit dédié à la liberté et non au contrôle.
00:34:12Donc moi, j'aimerais bien voir les gouvernements s'intéresser à Internet,
00:34:15mais d'une manière intelligente.
00:34:17En ce moment, les gouvernements s'intéressent à Internet, mais pas de la bonne façon.
00:34:21Je crois qu'il y a beaucoup de pression pour le contrôler.
00:34:24Et on a des législateurs qui ne comprennent pas comment il fonctionne,
00:34:27ni quels sont les effets de leurs actions
00:34:29quand ils essayent de le réguler d'une façon beaucoup trop lourde et restrictive.
00:34:33Et je pense que ça, ça sera un problème majeur dans les 5 à 10 années à venir.
00:34:42Qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que ça signifie?
00:34:48On dirait presque un message venant de l'espace.
00:35:00Capitaine,
00:35:03notre ordinateur reçoit un signal étrange.
00:35:05Ici, monsieur, il vaut mieux que vous le regardiez.
00:35:07Merci.
00:35:09C'est impossible, le ordinateur doit être faible.
00:35:18Avec ces notions de régulation, de contrôle ou de liberté,
00:35:21vient la question de la neutralité d'Internet.
00:35:24Le principe est simple.
00:35:25Pour que le Net soit neutre, rien ni personne
00:35:28ne doit modifier les contenus qui circulent dans les tuyaux.
00:35:32Allez, allez, détendez-vous.
00:35:35Je suis d'accord que ce ne sont pas des signaux normaux,
00:35:37mais je pense aussi que le ordinateur ne fonctionne pas correctement.
00:35:40C'est tout.
00:35:41Alors, restez calme.
00:35:42Je pense vraiment que ce ordinateur,
00:35:44il doit juste être bêlé.
00:36:05C'est une des grosses bases de données mondiales
00:36:07avec laquelle on peut discuter avec tout le monde.
00:36:09Et surtout, se dire que l'intelligence n'est pas concentrée
00:36:12à un endroit du réseau, c'est-à-dire chez Orange,
00:36:14chez Numéricab, chez Intel ou chez Intel.
00:36:16Mais l'intelligence vient des extrémités du réseau,
00:36:18donc des utilisateurs.
00:36:20La neutralité des réseaux
00:36:23est la pierre angulaire de la liberté d'expression sur Internet.
00:36:26Il n'y a pas de liberté d'expression possible
00:36:29s'il n'y a pas de neutralité des réseaux.
00:36:31Sinon, tu ne sais pas ce que tu regardes.
00:36:34En fait, sinon, tu es dans Matrix.
00:36:36Tu es dans la matrice.
00:36:38On te présente des choses
00:36:40dont tu ne sais pas si elles sont vraies,
00:36:42dont tu ne sais pas si les textes sont bien ceux
00:36:44que les auteurs ont écrits, etc.
00:36:46C'est-à-dire, on te présente tel article,
00:36:49on te dit que tel homme politique a dit ça.
00:36:51Qu'est-ce que tu en sais ?
00:36:53Il faut que tu aies confiance.
00:36:55Et il faut que tu aies confiance,
00:36:57pas que dans le journaliste qui rédige l'article
00:36:59disant « machin a dit que Bidule était un con ».
00:37:02Il faut que tu aies confiance dans le réseau
00:37:04qui a transporté l'article pour ne pas l'avoir réécrit à la volée.
00:37:07Et il faut que tu aies confiance dans la tablette
00:37:09qui t'a présenté l'article pour ne pas l'avoir réécrit à la volée.
00:37:11On n'est pas du tout habitués à un système
00:37:14dans lequel la prise de parole publique
00:37:16est aussi facile et libre.
00:37:19On a l'habitude quand même d'un certain contrôle.
00:37:22On est quand même un vieux pays catholique.
00:37:25On aime les hiérarchies,
00:37:27on aime les intermédiaires entre Dieu et nous.
00:37:30L'internet, c'est quand même d'une certaine manière
00:37:34être en direct avec Dieu.
00:37:37Donc les intermédiaires résistent.
00:38:00C'est comme ça.
00:38:30La quête infinie se poursuit donc.
00:38:32Mais qui contrôle Internet ?
00:38:34Les procédures, les lois s'enchaînent.
00:38:36Et la question reste.
00:38:38Ce ne sont ni les fournisseurs d'accès,
00:38:40ni les hébergeurs très bien.
00:38:42Alors ce sont les internautes.
00:38:44Voilà une nouvelle cible à contrôler
00:38:46pour assainir le réseau.
00:38:52C'est ce qu'il y a de mieux.
00:38:54C'est ce qu'il y a de mieux.
00:38:56C'est ce qu'il y a de mieux.
00:38:59Aujourd'hui, on a condamné en septembre 2012
00:39:03un artisan sur le fondement de la Depie.
00:39:07C'est la première condamnation
00:39:09à une contravention de quelques centaines d'euros
00:39:12parce que son épouse avait téléchargé
00:39:14Route Boy de Rihanna,
00:39:16qu'elle ne savait pas faire fonctionner un ICL peer-to-peer
00:39:19et qu'il a été flashé 1500 fois
00:39:21parce qu'il a été partagé,
00:39:23mais j'ai presque envie de dire, à son corps défendant.
00:39:26C'est la même logique.
00:39:28C'est-à-dire sanctionner, responsabiliser,
00:39:30alors qu'on sait que les gens ne sont pas, je dirais,
00:39:33ceux qui personnellement ont pris part
00:39:35à la problématique qui est posée.
00:39:37La Depie, en fait, a normalisé, quelque part,
00:39:40la surveillance d'une société privée
00:39:44pour des raisons, mais totalement affondées,
00:39:47qui sont des raisons de copyright.
00:39:50Les 1ers copyrights datent de 1557.
00:39:53C'était en Angleterre
00:39:55et le but était de supprimer toute dissidence politique.
00:39:59La reine avait alors accordé le monopole de l'impression
00:40:03à l'imprimerie londonienne
00:40:05et, en échange, elle pouvait censurer
00:40:07tout ce qui sortait de ces presses.
00:40:09Ça remonte à cette époque.
00:40:11Nous avons eu cette culture fermée
00:40:13où une petite élite,
00:40:16Nous avons eu cette culture fermée
00:40:18où une petite élite privilégiée
00:40:20pouvait décider quelle culture
00:40:22et quel savoir seraient délivrés au peuple.
00:40:25Mais Internet a changé tout cela.
00:40:28Internet a donné une voix à chacun.
00:40:31Pour la 1re fois dans l'histoire,
00:40:33une petite fille de 9 ans au Paraguay
00:40:36qui vient d'avoir son 1er ordinateur portable
00:40:39peut aller sur Wikipédia
00:40:41et ajouter du savoir
00:40:43commun de l'humanité.
00:40:46Ça n'est jamais arrivé avant.
00:40:49Il y a vraiment un domaine
00:40:51dans lequel la France a pu être en avance.
00:40:54C'est la répression en matière de droits d'auteur.
00:40:57Dès que Sarkozy a été élu,
00:40:59John Kennedy, le président de l'IFPI,
00:41:02l'Organisation mondiale de lobbying des producteurs de disques,
00:41:08a dit qu'avec Sarkozy,
00:41:11on tient notre champion,
00:41:13lui défendra nos idées.
00:41:17Une fois entrée en vigueur,
00:41:19l'ADOPI a pu envoyer Marie-Françoise Marais,
00:41:22présidente de la commission de répression,
00:41:25aux quatre coins du monde,
00:41:27aux frais de la princesse,
00:41:29pour participer dans tous les routs de l'industrie
00:41:32pour dire qu'en France, ça marche,
00:41:34sortir des chiffres bidons de son chapeau
00:41:37et vendre le modèle français à l'international.
00:41:40Ça, elle continue aujourd'hui.
00:41:42Ce n'est pas un petit changement technique.
00:41:45C'est véritablement une révolution,
00:41:47parce que je pense que nous sommes
00:41:49à un changement de civilisation.
00:41:51Il va y avoir des modèles qui vont apparaître,
00:41:54mais il ne s'agit pas de faire la course avec le gourdin.
00:41:57Arrêtez de m'appeler la mère Fouettard-Dunet !
00:42:00Non, je ne suis pas la mère Fouettard-Dunet !
00:42:03Sûrement pas !
00:42:05Que l'échange de fichiers se fasse,
00:42:08je pense que c'est une possibilité,
00:42:11mais qu'elle se fasse d'une façon qui préserve
00:42:14tout ce qui est droit d'auteur,
00:42:19de tous les internautes,
00:42:23de tous ceux qui participent à l'industrie.
00:42:27Je pense que là, il y a un véritable problème.
00:42:30Est-ce qu'on rémunère une rente
00:42:32ou est-ce qu'on rémunère un travail ?
00:42:34C'est un truc de fond.
00:42:36Chercher le vaccin contre le sida
00:42:38quand il y a 200 malades connus dans le monde,
00:42:40ça ne sert à rien.
00:42:41Par contre, quand il commence à y avoir
00:42:43quelques millions de malades un peu partout et des morts,
00:42:45au niveau de pépettes, c'est mieux.
00:42:47Donc ça, c'est un modèle où tu rémunères la rente.
00:42:50Et donc, il faut créer des rentes
00:42:52si tu veux créer de la rémunération.
00:42:54Puis tu as un autre modèle qui te dit
00:42:56qu'on rémunère le travail.
00:42:58C'est-à-dire que la société, par un biais ou par un autre,
00:43:01que ce soit l'économie de marché
00:43:03ou que ce soit une autre forme d'économie,
00:43:05que tel travail soit fait
00:43:07et donc je vais rémunérer les gens pour le faire.
00:43:10C'est un modèle qui est assez classique en France.
00:43:12C'est ce qui fait de nous un pays soviétique aux yeux de beaucoup.
00:43:15Mais on a une recherche publique qui est très développée.
00:43:17C'est le modèle du CNRS.
00:43:19C'est le modèle normal du CNRS.
00:43:21On paye des chercheurs à chercher.
00:43:23Et le gars qui trouve, il ne gagne pas des millions.
00:43:25Il a juste fait son travail de chercheur
00:43:27pendant lequel il a été payé
00:43:29une paye de chercheur honorable.
00:43:31Et puis c'est tout.
00:43:33Et c'est ce choix-là
00:43:35qui est entre autres caché derrière
00:43:37ce que font les ayatollahs du copyright.
00:43:39C'est un monde du revenu de la rente
00:43:41contre un monde de revenu du travail.
00:43:43Et c'est un choix de société très profond.
00:43:45Si ne pas réguler, c'est laisser le marché réguler,
00:43:48moi ça ne va pas.
00:43:50Non.
00:43:51Parce que c'est une forme
00:43:53fallacieuse de réguler les choses.
00:43:56Moi je suis pour l'éducation, tout simplement.
00:43:59C'est-à-dire qu'apprendre les pratiques,
00:44:02transmettre des pratiques,
00:44:04je trouve ça beaucoup plus fort que d'interdire.
00:44:07Et il se trouve que la vie m'a amené
00:44:09à côtoyer des univers comme celui de la musique,
00:44:12celui du cinéma, etc.
00:44:14Où on a bien vu que ce sont des industries
00:44:17anciennes, lourdes,
00:44:19qui n'ont absolument pas compris ce qui se passait
00:44:21et qui ont essayé d'interdire et qui ont perdu.
00:44:23L'interdit ne sera jamais
00:44:27porteur d'intelligence.
00:44:29Jamais.
00:44:32Il y a des gens qui essayent de contrôler
00:44:35l'accès à la culture du 20e siècle.
00:44:39Il y aura des gens qui voudront contrôler
00:44:42la culture du 19e siècle.
00:44:46Et partout, il y a des gens qui pensent
00:44:49que quand on prend un bouquin de physique
00:44:51et qu'on fait une copie pour quelqu'un
00:44:53qui est trop pauvre pour se l'acheter,
00:44:55c'est potentiellement criminel.
00:45:00On criminalise la lecture
00:45:02de la même manière qu'on criminalise
00:45:04le fait d'être pauvre.
00:45:06Ça me fait penser à Victor Hugo qui a dit
00:45:08« Par la volonté de sa majesté,
00:45:10il est interdit aux riches comme aux pauvres
00:45:12de dormir sous les ponts. »
00:45:14Et de la même façon,
00:45:16nous interdisons aux riches comme aux pauvres
00:45:18d'apprendre gratuitement.
00:45:20Ce qui ne pénalise pas du tout les riches
00:45:22mais écrase les pauvres.
00:45:25Eh bien, si on pouvait mettre un terme
00:45:28aux lois diaboliques comme la loi Adopi,
00:45:31nous aurions alors un Internet
00:45:33qui respecterait les droits de l'homme.
00:45:36Internet perturbe les entreprises,
00:45:38des commerçants aux médias
00:45:40et tout type d'industrie.
00:45:42Mais Internet perturbe aussi les gouvernements
00:45:44parce qu'il permet aux gens de créer
00:45:46une nouvelle forme de société,
00:45:48sans frontières ni limites.
00:45:50Et ça, ça remet en cause l'autorité
00:45:52des gouvernements.
00:45:54Donc, ces gouvernements et les entreprises
00:45:56qui restent sur de vieux modèles
00:45:58se regroupent parfois pour essayer
00:46:00de restreindre Internet
00:46:02et lutter contre ces changements.
00:46:18Donc, il faut surveiller, nous répétons.
00:46:20Des fois qu'on attrape des pirates.
00:46:22Or, les outils de surveillance du réseau
00:46:24sont multiples.
00:46:26Ce n'est pas que le grand méchant Etat
00:46:28qui surveille les gentils petits citoyens.
00:46:30C'est bien plus complexe.
00:46:32Car nous tous, dans notre frénésie
00:46:34de partage et d'échange,
00:46:36nous créons un peu plus chaque jour
00:46:38cette société de surveillance.
00:46:40Timo Tutz est Estonien.
00:46:42Il a bêtement construit une machine
00:46:44qui, en scannant notre pièce d'identité,
00:46:46retrouve et affiche toutes les infos
00:46:48que nous avons laissées en ligne
00:46:50de notre plein gré.
00:46:56Ça a été assez effrayant pour moi
00:46:58de voir que les gens aimaient
00:47:00vraiment cette machine.
00:47:02Pour moi, il y avait de bonnes raisons
00:47:04de la rendre effrayante.
00:47:06Mais pourtant, les gens sont vraiment excités
00:47:08à l'idée de pouvoir voir leurs données.
00:47:12Mais ça arrive aussi tous les jours
00:47:14sur Facebook, partout dans le monde.
00:47:16Les gens partagent leur vie
00:47:18et ils adorent ça.
00:47:22Aucun dictateur n'aurait osé rêver
00:47:24un outil aussi puissant
00:47:26pour surveiller toute une population.
00:47:28Le grand risque d'Internet,
00:47:30ce ne sont peut-être pas ces pirates
00:47:32qui partagent, mais plutôt ces entreprises
00:47:34qui stockent les données qu'on leur cède
00:47:36volontairement chaque jour.
00:47:40Facebook est la version
00:47:42post-moderne de la stasie.
00:47:44C'est comme ça qu'il faut le voir.
00:47:48Si on regarde le nombre
00:47:50d'informateurs, la stasie avait infiltré
00:47:52un peu plus de 10% de la population
00:47:54en Allemagne de l'Est.
00:47:56Facebook, dans certains pays comme l'Islande,
00:47:58atteint près de 88%
00:48:00de la population.
00:48:02Les informations que les utilisateurs
00:48:04mettent sur Facebook à propos de leurs amis,
00:48:06de ce qu'ils font, sont déposées
00:48:08bien plus régulièrement que ne pouvaient le faire
00:48:10les agents de la stasie quand ils rapportaient
00:48:12l'information à leurs supérieurs.
00:48:16À partir d'une carte de crédit Visa,
00:48:18il est possible de prévoir
00:48:20un divorce un an avant
00:48:22que vous ne le sachiez vous-même,
00:48:24et cela uniquement en regardant
00:48:26vos habitudes d'achat.
00:48:28Alors imaginez
00:48:30ce que Google ou Facebook
00:48:32peuvent savoir sur vous.
00:48:34Si on vous diagnostique
00:48:36une maladie grave, la première
00:48:38personne à le savoir, ce n'est ni vos parents,
00:48:40ni vos amis proches,
00:48:42ni vos enfants, votre mari ou votre femme.
00:48:44C'est Google.
00:48:46Nous avons construit le net
00:48:48de façon à ce que toute utilisation
00:48:50qui en est faite puisse être surveillée,
00:48:52d'une façon où chaque serveur
00:48:54web stocke l'information
00:48:56de qui accède à quoi.
00:48:58Et si ce serveur est celui de Facebook,
00:49:00et si 800 millions de personnes l'utilisent pour communiquer,
00:49:02alors il y a un homme qui a le droit
00:49:04de savoir ce que tout le monde regarde et fait.
00:49:06Et ce type sera alors sous pression
00:49:08de donner au gouvernement et aux maléfiques de la Terre
00:49:10les informations cruciales de ce que tout le monde fait.
00:49:22Les réseaux sociaux
00:49:24vivent sur le fil rouge
00:49:26de la confiance, en essayant d'aller le plus loin
00:49:28possible en termes d'utilisation
00:49:30des données personnelles.
00:49:32C'est ce que disait aussi
00:49:34le patron de Google, Eric Schmidt,
00:49:36qui disait que nous sommes juste à côté
00:49:38de la ligne jaune, nous essayons de ne pas la dépasser.
00:49:40Je ne sais pas si ce propos
00:49:42dit par une société comme Google n'est pas le plus inquiétant
00:49:44qui puisse se faire dans ce domaine.
00:49:46Avoir un accès libre
00:49:48à Internet ne veut donc pas forcément
00:49:50dire être libre.
00:49:52En 2012, l'Azerbaïdjan,
00:49:54pays classé 162ème sur 179
00:49:56sur la liberté de la presse,
00:49:58accueille le Forum sur la gouvernance de l'Internet
00:50:00des Nations Unies, histoire de
00:50:02planter l'arbre qui cache la forêt.
00:50:04Les centaines de défenseurs de la liberté
00:50:06d'expression se retrouvent donc à Bakou,
00:50:08la capitale. Cela même que Nicolas
00:50:10Sarkozy, dans son IG8 de businessman,
00:50:12avait mis de côté. On n'est pas un paradoxe
00:50:14près.
00:50:22Pourtant, dans ce même
00:50:24pays, se déguiser en âne, comme ce
00:50:26blogueur, Emin Milli, et mettre en ligne
00:50:28une vidéo où l'on se moque du
00:50:30gouvernement lorsqu'il investit dans un grand
00:50:32cheptel d'âne, c'est risqué.
00:50:34Après l'avoir fait,
00:50:36Emin a été tabassé par deux gros
00:50:38bras qui l'ont évidemment accusé d'avoir frappé
00:50:40le premier. Il passera donc
00:50:42près d'un an et demi en prison pour
00:50:44hooliganisme. Frais, léger,
00:50:46courtois.
00:50:52Internet n'est pas libre en Azerbaïdjan.
00:50:54Bien sûr, on est libre d'utiliser
00:50:56Internet techniquement.
00:50:58Je peux, là, aller écrire n'importe quoi
00:51:00sur Facebook ou Twitter, mais ça ne
00:51:02veut pas dire que quand je vais quitter ma maison,
00:51:04je vais être libre.
00:51:06Je vais marcher dans la rue comme si
00:51:08de rien n'était. Je peux être attaqué,
00:51:10remis en prison,
00:51:12et il ne s'agit pas que de moi.
00:51:14Il y a plein de gens à qui c'est arrivé.
00:51:18Ce que j'essaie de dire,
00:51:20c'est que ce gouvernement annonce aujourd'hui
00:51:22« Regardez, on a plus de 60%
00:51:24de pénétration Internet.
00:51:26Il y a 900 000 personnes
00:51:28sur 9 millions qui sont sur Facebook
00:51:30en Azerbaïdjan. Et ils disent
00:51:32« Regardez, ça grandit
00:51:34vite. On est un pays libre. »
00:51:36Mais ce n'est pas vrai.
00:51:38Tu ne peux pas mesurer la liberté d'un pays
00:51:40en mesurant son accès technique
00:51:42à Internet.
00:51:48Autre exemple,
00:51:50toujours en Azerbaïdjan,
00:51:52Khadija Ismailova, journaliste
00:51:54pour une radio interdite sur la bande FM,
00:51:56mais diffusée sur Internet.
00:51:58Alors qu'elle enquête sur une affaire de corruption
00:52:00qui touche la famille du Président,
00:52:02elle reçoit une lettre.
00:52:04Dedans, une photo d'elle faisant l'amour avec son compagnon.
00:52:06En fait, trois caméras avaient
00:52:08été installées dans son appartement, jusque
00:52:10dans sa salle de bain. Et cette lettre
00:52:12était une menace pour qu'elle stoppe son enquête.
00:52:14Elle a continué. La sextape
00:52:16a été mise en ligne.
00:52:18Et plutôt que de demander à censurer le site
00:52:20qui hébergeait la vidéo, Khadija
00:52:22a choisi de sacrifier sa vie privée
00:52:24au nom de la défense des libertés.
00:52:28Il ne s'attendait pas du tout à ma réaction.
00:52:32Je n'ai pas fait marche arrière.
00:52:34J'ai dit que je n'avais pas honte
00:52:36de ce qu'il s'était passé,
00:52:38de ce que j'avais fait.
00:52:40J'ai dit que ceux qui devaient avoir honte
00:52:42étaient ceux qui volent l'argent du peuple,
00:52:44qui détournent les opportunités du peuple
00:52:46pour enrichir leur propre famille.
00:52:50J'ai fait une déclaration publique sur Facebook
00:52:52et ensuite,
00:52:54les médias l'ont reprise.
00:52:56L'enquête fut ouverte
00:52:58et mes amis et ma famille
00:53:00m'ont dit de demander aux enquêteurs,
00:53:02au gouvernement ou aux ministres
00:53:04de la communication
00:53:06de bloquer en Azerbaïdjan le site web
00:53:08qui hébergeait la vidéo
00:53:10afin que ma vie ne soit pas en danger.
00:53:16J'ai décidé de ne pas le faire
00:53:18parce que notre gouvernement
00:53:20n'a pas la moindre occasion
00:53:22pour légitimer la censure de sites web.
00:53:26Si moi, je demande de bloquer ce site web,
00:53:28ça leur servira d'excuse
00:53:30pour le faire à nouveau plus tard.
00:53:36Donc, je n'ai pas fait cette demande.
00:53:50Aujourd'hui,
00:53:52si les tentations de censure
00:53:54ou de surveillance du réseau
00:53:56sont de plus en plus grandes,
00:53:58c'est peut-être aussi
00:54:00une bête question de finances.
00:54:02L'appât du low-cost
00:54:04jusque dans la surveillance.
00:54:06Il y a quelques années,
00:54:08acheter une antenne radar
00:54:10pour espionner les réseaux
00:54:12n'était pas une bonne idée.
00:54:14Mais aujourd'hui,
00:54:16les réseaux ne sont pas seulement
00:54:18un système de communication.
00:54:20Acheter une antenne radar
00:54:22pour espionner un satellite
00:54:24de communication
00:54:26n'était pas donné
00:54:28et réservé
00:54:30aux grandes nations industrialisées.
00:54:32Mais cette époque est révolue.
00:54:34Dans un monde
00:54:36où toutes les communications
00:54:38ou presque sont numérisées,
00:54:40les coûts chutent,
00:54:42la tentation grimpe
00:54:44et le business de la surveillance
00:54:46s'arrête.
00:54:48Eh bien, c'est simple.
00:54:50C'est parce qu'il y a
00:54:52tout un tas de lobbies
00:54:54richissimes impliqués
00:54:56dans ces opérations de cyberguerre.
00:54:58Et toutes ces entreprises
00:55:00essayent de terroriser
00:55:02le Congrès américain,
00:55:04entre autres,
00:55:06pour qu'ils financent
00:55:08ces programmes
00:55:10et ainsi obtenir
00:55:12leur part du gâteau.
00:55:16Je suis au Parlement européen
00:55:18depuis 2009,
00:55:20date à laquelle il y avait
00:55:22aussi des élections en Iran.
00:55:24À l'époque,
00:55:26de nombreux Iraniens
00:55:28mettaient en ligne des vidéos
00:55:30pour montrer que des milliers
00:55:32d'hommes et de femmes
00:55:34manifestaient dans les rues
00:55:36pour demander
00:55:38où est mon vote.
00:55:40J'étais en contact
00:55:42avec de nombreux activistes
00:55:44tracés, traqués
00:55:46et emprisonnés à l'aide
00:55:48de technologies répressives.
00:55:50Et je me suis dit
00:55:52qu'il fallait enquêter.
00:55:54En creusant,
00:55:56j'ai découvert que ces technologies
00:55:58n'étaient pas utilisées qu'en Iran,
00:56:00mais également en Égypte, en Tunisie,
00:56:02en Syrie ou au Bahreïn
00:56:04et dans beaucoup d'autres pays
00:56:06où la répression est systématique,
00:56:08mais où des entreprises européennes
00:56:10ont été en mesure d'exporter
00:56:12Il est grand temps que nous mettions
00:56:14un frein à ces exportations
00:56:16et que ces entreprises se comportent
00:56:18de manière plus transparente
00:56:20et responsable.
00:56:22Il y a un énorme marché
00:56:24avec plus d'un millier d'entreprises
00:56:26commercialisant des technologies
00:56:28de surveillance massive.
00:56:30Une compagnie sud-africaine
00:56:32vend par exemple un kit
00:56:34pour 10 millions de dollars par an
00:56:36qui permet d'enregistrer en permanence
00:56:38toutes les communications téléphoniques
00:56:40des entreprises européennes.
00:56:42C'est ce que William Binney,
00:56:44un ancien directeur de la NSA,
00:56:46a qualifié de totalitarisme
00:56:48clé en main.
00:56:50Le moteur,
00:56:52les roues et le châssis ont été construits,
00:56:54la clé est sur le démarreur
00:56:56et il ne reste plus qu'à mettre
00:56:58le contact.
00:57:00En vérité,
00:57:02le contact a déjà été mis
00:57:04pour certaines populations,
00:57:06les musulmans par exemple,
00:57:08nous avons là
00:57:10tous les ingrédients essentiels
00:57:12à une nouvelle dystopie transnationale
00:57:14et totalitaire.
00:57:20Je veux être le président
00:57:22de la France des droits de l'homme.
00:57:24Je ne crois pas à la réale politique
00:57:26qui fait renoncer à ses valeurs
00:57:28sans gagner des contrats.
00:57:30Eh bien justement,
00:57:32à propos de contrats,
00:57:34la France en a gagné un beau
00:57:36par exemple avec le président
00:57:38Emmanuel Kadhafi.
00:57:40La livraison de toute une infrastructure
00:57:42permettant de surveiller
00:57:44l'ensemble de l'internet libyen.
00:57:46Pratique pour un dictateur.
00:57:48Mais ça, bien sûr,
00:57:50c'était bien avant la victorieuse
00:57:52opération tricolore lancée
00:57:54pour libérer le pays.
00:57:58Quand la situation a commencé
00:58:00à dégénérer un petit peu
00:58:02en Libye,
00:58:04on avait vendu un système
00:58:06de surveillance globale
00:58:08de toute la population
00:58:10à Abdallah Senoussi
00:58:12qui était une personne
00:58:14activement recherchée
00:58:16par la Cour pénale internationale
00:58:18qui a été condamnée
00:58:20par Contumace en France
00:58:22pour des actes de terrorisme.
00:58:24On a commencé à gratter un petit peu
00:58:26et on est tombé assez rapidement
00:58:28sur une entreprise
00:58:30qui s'appelle Amazis
00:58:32dans une prison qui avait été désaffectée
00:58:34et qui avait été réhabilitée pour devenir un centre d'écoute.
00:58:36C'est légal ou c'est pas légal ?
00:58:38Quand c'est pas légal, on vend pas.
00:58:40Est-ce que vous êtes conscient qu'il y avait des vies humaines
00:58:42qui étaient menacées ?
00:58:442003, levé de l'embargo.
00:58:462007, il sert la main des plus grands.
00:58:48Et vous venez en 2011
00:58:50me demander
00:58:52si j'ai pu poser une question
00:58:54de savoir si ça allait servir
00:58:56à traquer des opposants
00:58:58dans son pays.
00:59:00Moi, personnellement,
00:59:02quand je vous vends un stylo
00:59:04ou quand vous faites une interview,
00:59:06enfin, le stylo,
00:59:08ce que vous écrivez,
00:59:10le responsable, c'est pas le vendeur du stylo.
00:59:12Comment on peut,
00:59:14sans trembler des genoux,
00:59:16dire qu'on vient de vendre un stylo
00:59:18à un pays qui était en pleine révolution
00:59:20et avec qui on a aidé un dictateur notoire
00:59:22et même un terroriste,
00:59:24on n'est personne de la scène aussi,
00:59:26dire sans trembler des genoux
00:59:28« Ok, je te file un stylo, moi je vends un stylo. »
00:59:30Il faut être vraiment gonflé
00:59:32pour comparer
00:59:34ce qui a été vendu à la Libye à un stylo.
00:59:36Il n'y a pas qu'Amesis qui vend
00:59:38ce genre d'outils.
00:59:40Amesis s'est fait une spécialité
00:59:42de l'interception légale
00:59:44et de l'interception massive
00:59:46à l'échelle d'une nation.
00:59:48Maintenant, la technologie elle-même
00:59:50est d'origine française.
00:59:52C'est quelque chose qui est né au laboratoire de l'Ipsys
00:59:54qui a donné naissance à une entreprise
00:59:56sur laquelle on tombe assez régulièrement
00:59:58quand on fait des recherches
01:00:00sur des pays dans lesquels
01:00:02on soupçonne que ces technologies sont utilisées
01:00:04qui est une entreprise qui s'appelle Kosmos.
01:00:06On a beau nous assurer
01:00:08que Kosmos
01:00:10ne vend pas de système de surveillance
01:00:12on a énormément d'éléments
01:00:14qui nous prouvent le contraire.
01:00:16Il faut savoir que cette entreprise Kosmos
01:00:18a été prise la main dans le sac
01:00:20en train de vendre un système de surveillance
01:00:22à travers un consortium italien à Bachar el-Assad.
01:00:24Et elle n'a pas fait ça il y a 10 ans
01:00:26elle n'a pas fait ça il y a 5 ans.
01:00:28Elle était en train de s'apprêter à le vendre il y a à peine quelques mois.
01:00:30Depuis, Kosmos
01:00:32a annoncé qu'elle se retirait du projet syrien
01:00:34tout en précisant
01:00:36être restée en parfaite conformité
01:00:38avec l'ensemble des législations en vigueur.
01:00:40Une position également défendue par Amésis.
01:00:42Après tout, c'est vrai.
01:00:44Aujourd'hui, aucune loi n'interdit
01:00:46à une entreprise occidentale
01:00:48de vendre des armes de surveillance
01:00:50à un dictateur.
01:00:52Traditionnellement, les pays démocratiques
01:00:54établissent une liste des armes
01:00:56qu'ils ne peuvent pas vendre sans autorisation.
01:00:58Et une autre des pays à qui ils ne peuvent pas vendre ces armes.
01:01:00Les technologies de surveillance
01:01:02et de contrôle de l'Internet ne sont pas dans cette liste.
01:01:04Ce ne sont pas des technologies interdites.
01:01:06Si on est sérieux,
01:01:08quand on veut promouvoir la démocratie,
01:01:10on ne doit pas vendre ces technologies
01:01:12aux pays qui vont en abuser.
01:01:14Et en plus de ça, on ne doit pas être un mauvais exemple.
01:01:18Nous ne pouvons pas ignorer
01:01:20le besoin de sécurité.
01:01:22C'est important.
01:01:24Mais on ne peut pas ignorer
01:01:26l'équilibre qu'il faut avoir
01:01:28avec les libertés civiles non plus.
01:01:30Et c'est de cet équilibre
01:01:32dont nous parlons.
01:01:36On doit juste être assez courageux
01:01:38pour faire face à ce challenge.
01:01:40Démontrer pourquoi
01:01:42on a vraiment besoin d'une mesure
01:01:44comme celle de la surveillance,
01:01:46mais également rester critiques
01:01:48et préserver cet équilibre à tous les niveaux.
01:01:54Ça m'énerve à chaque fois
01:01:56que j'entends l'expression
01:01:58« interception légale »,
01:02:00qui est le terme officiel
01:02:02utilisé pour décrire la mise sur écoute.
01:02:06Parce que la notion même
01:02:08d'interception légale
01:02:10implique que c'est OK,
01:02:12que c'est bien,
01:02:14parce qu'elle respecte la loi.
01:02:16Mais c'est une connerie.
01:02:18Ce n'est pas parce que c'est légal
01:02:20que c'est juste ou moralement justifiable.
01:02:24Et l'Histoire
01:02:26a toujours été très dure
01:02:28avec ceux qui ont choisi de suivre la loi
01:02:30quand la loi était mauvaise.
01:02:34Je pense que la loi est mauvaise
01:02:36et c'est pour cela que je suis entré en politique
01:02:38afin de changer tout cela.
01:02:40La vice-présidente
01:02:42de la Commission européenne,
01:02:44Viviane Reding,
01:02:46a dit il y a quelques années
01:02:48devant le Parlement européen
01:02:50que nous avions sacrifié nos libertés
01:02:52depuis trop longtemps
01:02:54sur l'autel de la sécurité
01:02:56et qu'il était temps
01:02:58de rendre justice à nos libertés.
01:03:02Maintenant que le temps a passé,
01:03:04que la nervosité générale
01:03:06du 11 septembre
01:03:08a disparu,
01:03:10on devrait peut-être se demander
01:03:12avons-nous vraiment
01:03:14besoin de ça ?
01:03:16Parce que c'est
01:03:18pire que d'être sur une pente glissante.
01:03:24La plus grande bataille
01:03:26porte sur les libertés individuelles
01:03:28afin de défaire certaines choses,
01:03:30à commencer par le fait que mon téléphone portable
01:03:32puisse être tracé par le gouvernement.
01:03:34C'était impensable
01:03:36au milieu des années 80.
01:03:38Comment sommes-nous arrivés là ?
01:03:40Et comment revenir en arrière ?
01:03:44Les technologies ne sont pas plus
01:03:46un outil de libération
01:03:48qu'un outil d'asservissement.
01:03:50La vision un peu angélique
01:03:52de John Perry Barlow
01:03:54sur un monde libéré des États
01:03:56et qui irait vers un mieux-être global
01:03:58parce qu'il utiliserait les technologies
01:04:00est une vision qui doit être sérieusement teintée
01:04:02non pas de pessimisme mais de pragmatisme.
01:04:05Le calculateur
01:04:07aide à définir
01:04:09les problèmes les plus compliqués de la société.
01:04:11C'est un outil
01:04:13pour transformer l'inspiration
01:04:15en une prédiction fruite.
01:04:17Comme une machine d'information,
01:04:19elle a fait beaucoup
01:04:21pour étendre la base
01:04:23de nos concepts.
01:04:25Mais le véritable miracle
01:04:27est la promesse
01:04:29qu'il y aura aussi de l'espace
01:04:31pour les petits détails
01:04:33qui ont été la base
01:04:35pour les souhaits les plus récompensés.
01:04:39C'est une histoire d'une technique
01:04:41au service de l'humanité.
01:05:04On remet le roi,
01:05:06on appelle Bonaparte,
01:05:08on est tous des Robespierres,
01:05:10qu'est-ce qu'on fait ?
01:05:12On sait que ça va mal tourner
01:05:14mais ce qu'il faut c'est repousser
01:05:16le plus possible le moment où ça va mal tourner
01:05:18et puis surtout si ça tourne mal,
01:05:20que ça tourne mal pour tout le monde.
01:05:30Certains choisissent donc d'agir
01:05:32et ils le font avec cette sacrée
01:05:34habitude qu'offre Internet,
01:05:36sans demander la permission.
01:05:38Comme le collectif international Telecomix
01:05:40qui, en Syrie, a aidé les internautes
01:05:42à contourner la surveillance du régime.
01:05:44On peut les appeler hackers
01:05:46mais ce sont avant tout des gens
01:05:48connectés à d'autres grâce à un réseau
01:05:50et qui cherchent à s'entraider.
01:05:52En Syrie, le réseau
01:05:54est totalement surveillé
01:05:56par le gouvernement.
01:05:58Des gens ont été arrêtés
01:06:00chez eux en raison d'activités
01:06:02sur le net et ça doit toujours être le cas.
01:06:04Des gens ont dû mourir
01:06:06parce qu'ils avaient mis
01:06:08je ne sais quoi sur Facebook.
01:06:10Et nous, nous avons mis à disposition
01:06:12des infrastructures permettant
01:06:14de mettre en ligne des choses
01:06:16en contournant la surveillance.
01:06:20Cela peut paraître prétentieux
01:06:22mais nous étions à ce moment-là
01:06:24les seuls à pouvoir le faire.
01:06:26Une ONG ne peut pas intervenir
01:06:28comme nous l'avons fait.
01:06:30Nous avons attaqué les décisions
01:06:32d'un État souverain.
01:06:34En d'autres circonstances,
01:06:36cela serait considéré
01:06:38comme une déclaration de guerre.
01:06:44Nous, Télécomix,
01:06:46avons décidé qu'il était important
01:06:48pour les gens de pouvoir mettre en ligne
01:06:50des informations et nous avons décidé
01:06:52de contourner les décisions
01:06:54d'un État par tous les moyens.
01:06:58Un État ne peut pas le faire
01:07:00un service secret non plus
01:07:02mais nous, nous l'avons fait.
01:07:04Je ne sais pas encore
01:07:06si c'était bien
01:07:08j'y réfléchis toujours
01:07:10mais je pense qu'à ce moment-là
01:07:12c'était la bonne décision à prendre.
01:07:28L'État ne peut pas le faire
01:07:30un service secret non plus
01:07:32mais nous, nous l'avons fait.
01:07:58Je connais toute son histoire,
01:08:00il me l'a racontée.
01:08:02J'avais organisé des interviews
01:08:04avec un journal allemand.
01:08:06Lorsqu'on a voulu faire
01:08:08la troisième interview,
01:08:10je l'ai cherchée et je ne l'ai pas trouvée.
01:08:12J'ai demandé à des gens
01:08:14où il était.
01:08:20Et nous avons obtenu,
01:08:22tout à fait par hasard,
01:08:24une vidéo sur laquelle
01:08:26un homme allemand
01:08:28a été tué dans une cellule.
01:08:34Il avait tout juste 20 ans,
01:08:36rêvé d'un monde libre,
01:08:38d'un pays libre.
01:08:42Et parce qu'il voulait
01:08:44exprimer librement ses rêves,
01:08:46il a été tué.
01:08:56Nous sommes heureux pour vous.
01:08:58Récemment, il y a eu
01:09:00des révoltes massives
01:09:02dans de nombreux pays,
01:09:04de Tunisie à l'Égypte.
01:09:06Nous sommes très heureux
01:09:08de voir le succès
01:09:10de vos luttes pour la démocratie
01:09:12et la liberté.
01:09:14Nous sommes aussi tristes
01:09:16de voir la violence
01:09:18qui se produit.
01:09:20Télécomix travaille
01:09:22pour défendre
01:09:24les réseaux sociaux
01:09:26qui sont fermés
01:09:28complètement en Égypte.
01:09:30Nous fournissons aussi
01:09:32des méthodes pour
01:09:34circuler les filtres internet,
01:09:36ainsi que les plus fortes
01:09:38softwares cryptographiques
01:09:40disponibles pour les computers
01:09:42modernes,
01:09:44pour éviter la surveillance
01:09:46et la répression du gouvernement.
01:09:48Télécomix consiste
01:09:50de centaines,
01:09:52de centaines de millions
01:09:54de télécomix.
01:09:56Vous pouvez demander
01:09:58n'importe quoi de nous.
01:10:00Nous faisons de notre mieux.
01:10:02Nous sommes des réseaux sociaux.
01:10:04Nous venons en paix.
01:10:06Laissez-y la liberté
01:10:08pour tous les gens et les computers.
01:10:14La question est,
01:10:16je pense,
01:10:18est-ce que les hackers
01:10:20peuvent individuellement
01:10:22changer le monde ?
01:10:24Peut-être à certains niveaux,
01:10:26sur quelques détails.
01:10:28Peuvent-ils changer le monde
01:10:30ensemble, en tant que collectif ?
01:10:34Sans doute pas tant que ça.
01:10:36Ils ne travaillent pas si souvent
01:10:38de manière collective.
01:10:40Maintenant, est-ce qu'en s'associant
01:10:42avec d'autres gens,
01:10:44ils peuvent faire quelque chose ?
01:10:46Là, la réponse est oui.
01:10:48Il n'est plus temps
01:10:50d'apprendre à nos enfants à surfer.
01:10:52Il est temps de leur apprendre
01:10:54à créer des vagues.
01:10:56Je crois que le citoyen
01:10:58doit créer la vague.
01:11:00Je pense que l'on est en train
01:11:02de vivre un profond changement
01:11:04de société. Et cela change si vite
01:11:06que nous n'avons pas le temps
01:11:08de comprendre ce qui arrive.
01:11:10Nous ne savons pas comment réagir.
01:11:12On va avoir besoin
01:11:14d'une génération de personnes
01:11:16pour que ce soit elles
01:11:18qui soient au pouvoir.
01:11:20Et là, on commencera
01:11:22à voir un vrai changement.
01:11:24Le parti pirate est une vague
01:11:26née du réseau. Grâce à lui,
01:11:28il a même fini par atteindre
01:11:30les plages du Parlement européen.
01:11:32J'ai mis en ligne
01:11:34un site vraiment moche
01:11:36qui disait, vous savez les gars,
01:11:38je pense qu'on peut réunir
01:11:40225 000 voix. Et si on y arrive,
01:11:42on sera au Parlement.
01:11:44Voilà comment on va le faire.
01:11:46Je pense qu'on peut le faire.
01:11:48Trois ans et demi plus tard,
01:11:50aux élections européennes de 2009,
01:11:52on a obtenu 225 915 voix,
01:11:54ce qui nous a propulsés
01:11:56au Parlement européen.
01:11:58Quand Nicolas Sarkozy
01:12:00s'est fait élire et qu'on a lu
01:12:02en filigrane de son programme
01:12:04le délire sécuritaire
01:12:06d'Internet, on s'est dit
01:12:08qu'il fallait se mettre
01:12:10en ordre de bataille, qu'il fallait
01:12:12se mettre en ordre de bataille.
01:12:14C'est là qu'on a créé
01:12:16la quadrature du Net.
01:12:18Et on s'est dit, on va
01:12:20hacker la politique.
01:12:22Ils sont légions,
01:12:24les exemples d'initiatives citoyennes
01:12:26qui émergent du réseau.
01:12:28Tout comme le parti pirate,
01:12:30la quadrature du Net,
01:12:32à l'origine une petite
01:12:34association française,
01:12:36bouscule l'agenda politique
01:12:38jusqu'au Parlement européen.
01:12:40On a demandé la permission.
01:12:42Derrière, le même rêve,
01:12:44modifier la société comme on corrige
01:12:46trois lignes de colle.
01:12:48En tant que la quadrature du Net,
01:12:50on fabrique tous les jours des outils
01:12:52pour permettre aux citoyens de comprendre
01:12:54les enjeux sur ces dossiers,
01:12:56mais aussi pour leur permettre de participer.
01:12:58On a par exemple développé un truc
01:13:00qui s'appelle le Pifone,
01:13:02qui permet aux gens d'appeler
01:13:04gratuitement le Parlement européen.
01:13:06Nous choisissons la liste des eurodéputés
01:13:08entre ceux qu'il faut bien cibler,
01:13:10et les gens entrent leur numéro de téléphone,
01:13:12il y a leur téléphone qui sonne,
01:13:14et ils sont directement mis en contact
01:13:16avec les eurodéputés.
01:13:18C'est un truc qu'on peut faire
01:13:20avec trois bouts de voix sur IP
01:13:22et quatre morceaux de code
01:13:24et cinq Rustines sur Internet.
01:13:26Et l'esprit de bidouille, les Rustines,
01:13:28ça fonctionne, même en politique.
01:13:30Les initiateurs du traité Acta
01:13:32s'en souviennent encore.
01:13:34Acta, qu'est-ce que c'est ?
01:13:36C'est un accord international
01:13:38protégeant le droit d'auteur,
01:13:40le copyright et la propriété intellectuelle.
01:13:42Nous ne nous battons pas contre ces valeurs
01:13:44qui existent déjà,
01:13:46mais contre des aspects de ce traité
01:13:48qui vont à l'encontre des intérêts du peuple
01:13:50et de beaucoup de nos libertés.
01:13:52Liberté ! Liberté ! Liberté !
01:13:54Liberté ! Liberté ! Liberté !
01:13:56Acta, c'était l'accord commercial anti-contrefaçon.
01:13:58C'est un texte négocié en secret,
01:14:00comme un accord commercial
01:14:02que font les pays entre eux,
01:14:04avec un nombre de dispositions répressives
01:14:06en matière de copyright
01:14:08et qui allaient littéralement
01:14:10transformer les intermédiaires de l'Internet
01:14:12en une police privée du copyright
01:14:14et imposer des mesures répressives absolument inacceptables.
01:14:16Pendant 4 ans,
01:14:18on a fait campagne,
01:14:20on a informé les citoyens pour que les citoyens
01:14:22se saisissent de ce dossier,
01:14:24aillent au contact des élus du Parlement européen
01:14:26et le 4 juillet dernier,
01:14:28le Parlement européen a rejeté par 478 voix
01:14:30contre 39,
01:14:3231 UMP français
01:14:34ce texte qui est une victoire historique.
01:14:36Quelques mois avant,
01:14:38les gens nous disaient que c'était complètement impossible.
01:14:40Personne n'a vu venir
01:14:42le raz-de-marée qui a submergé
01:14:44le Parlement autour de l'Acta,
01:14:46mais tout le monde l'a senti passer.
01:14:48C'est ça, la force de l'Internet
01:14:50lorsqu'elle est appliquée
01:14:52à la participation démocratique,
01:14:54à la participation citoyenne,
01:14:56et c'est ça qui, quelque part,
01:14:58est beau et un peu magique
01:15:00parce que ça ne se contrôle pas,
01:15:02ça ne se commande pas,
01:15:04on ne siffle pas dans un sifflet
01:15:06et il y a 100 000 personnes alignées
01:15:08avec une seule tête qui dépasse
01:15:10qui font chef-oui-chef,
01:15:12ça ne se passe pas comme ça,
01:15:14c'est complètement spontané, organique,
01:15:16on est surpris nous-mêmes.
01:15:24Il y a une nouvelle génération
01:15:26d'hommes et de femmes politiques
01:15:28qui font ce qu'ils veulent devenir.
01:15:34Ils font désormais ce boulot de politiciens
01:15:36qui ont grandi sur Internet
01:15:38et avec Internet.
01:15:40Ils savent ce que signifie
01:15:42le terme de transparence,
01:15:44ce que cela signifie de prendre
01:15:46des décisions de manière compréhensible.
01:15:48Ils sont habitués à communiquer
01:15:50de manière réactive, rapide.
01:15:52Ils sont aussi habitués au fait
01:15:54qu'il existe un certain nombre
01:15:56d'hommes et d'femmes politiques
01:15:58qui font ce qu'ils veulent.
01:16:00Donc la classe politique allemande
01:16:02ne peut désormais plus prétendre
01:16:04ne rien savoir de tout ça.
01:16:06Ce n'est plus possible.
01:16:08Ce qui me préoccupe profondément,
01:16:10c'est ce qu'il va se passer
01:16:12entre maintenant et dans 20 ou 30 ans
01:16:14quand la génération Internet sera au pouvoir
01:16:16et donnera le ton dans les partis politiques.
01:16:18Parce que nous sommes au bord
01:16:20d'un risque majeur,
01:16:22celui de construire une société
01:16:24bien pire que ce qu'aucun auteur
01:16:26de science-fiction n'a jamais imaginé.
01:16:38D'ici là, comme le disent certains,
01:16:40il faut continuer à coder.
01:16:42Car ce qu'il y a sous le capot d'Internet,
01:16:44ce qui fait tourner le réseau,
01:16:46c'est le code.
01:16:48Ce code informatique n'est qu'un langage
01:16:50qui permet, entre autres, à nos ordinateurs
01:16:52et à nos logiciels de faire ce qu'on leur demande.
01:16:54C'est comme un alphabet que les machines interprètent
01:16:56et qui font que les informations peuvent circuler
01:16:58d'un utilisateur à l'autre.
01:17:00Comme tout langage, ce code est essentiel
01:17:02à la communication, libre à chacun
01:17:04de l'apprendre.
01:17:06Pour quelqu'un qui fait du web,
01:17:08le code est magique. Il faut comprendre le code
01:17:10si on veut pouvoir aller plus loin
01:17:12et surtout si on veut ne pas
01:17:14se laisser enfermer dans une expression
01:17:16qui serait encadrée
01:17:18par les marchands, encadrée par les logiciels,
01:17:20encadrée par les législateurs.
01:17:22C'est pour ça que toute la défense du code,
01:17:24ce qu'on appelle les logiciels libres,
01:17:26est si importante.
01:17:28Avec les ordinateurs,
01:17:30il n'y a que deux possibilités.
01:17:32Soit l'utilisateur contrôle le logiciel,
01:17:34soit le logiciel contrôle l'utilisateur.
01:17:36Si c'est le logiciel qui contrôle
01:17:38les utilisateurs, vers où allons-nous ?
01:17:40Eh bien, le propriétaire du logiciel
01:17:42contrôle les utilisateurs
01:17:44qui utilisent ce logiciel.
01:17:46Et ce logiciel devient alors
01:17:48un instrument de pouvoir.
01:17:50Afin que les utilisateurs gardent
01:17:52le contrôle sur le logiciel,
01:17:54ils ont besoin de certaines libertés.
01:17:56Et ce sont ces libertés qui définissent
01:17:58ce qu'est un logiciel libre.
01:18:00Donc, nous avons construit
01:18:02le monde du logiciel libre.
01:18:04C'est un monde où vous pouvez utiliser
01:18:06les logiciels en toute liberté.
01:18:08Ça existe parce que nous l'avons créé.
01:18:10Et maintenant, c'est à vous de vous échapper
01:18:12du monde des logiciels propriétaires
01:18:14pour nous rejoindre dans le monde libre.
01:18:16Écrire du code informatique est une vraie compétence
01:18:18qui demande beaucoup d'efforts.
01:18:20Vous ne pouvez pas apprendre ça en un jour.
01:18:22Mais je pense vraiment que nous avons besoin
01:18:24d'un apprentissage de ce code.
01:18:26Les gens doivent comprendre comment la technologie
01:18:28fonctionne et non voir celle-ci
01:18:30comme une mystérieuse boîte noire.
01:18:32La transparence du code est une prérogative démocratique.
01:18:34Et donc, l'intérêt du code libre et ouvert,
01:18:36de l'accès possible par les citoyens
01:18:38à ce code, est évident.
01:18:40Donc, le logiciel libre,
01:18:42les mouvements open source, c'est une chose.
01:18:44Mais ne pas se tromper.
01:18:46Aujourd'hui, le code est accessible
01:18:48qu'à ceux qui savent le manier.
01:18:50C'est-à-dire une extrême minorité.
01:18:52Une extrême minorité.
01:18:54Et donc, l'un des enjeux pour les temps qui viennent,
01:18:56ce n'est pas là encore
01:18:58que l'on puisse accéder au code.
01:19:00Mais que les citoyens puissent devenir
01:19:02promoteurs, créateurs du code.
01:19:04Et là,
01:19:06les choses changent.
01:19:08Si vous avez non pas une techno-élite
01:19:10de 1,5% ou de 1%,
01:19:12mais une capacité pour 10, 15, 20%,
01:19:14voire pourquoi pas un jour
01:19:1650 ou 60% des citoyens
01:19:18de créer, non pas simplement leur code,
01:19:20mais à terme, les services qu'ils devront utiliser.
01:19:22Et pourquoi pas, puisqu'on en parle,
01:19:24des objets qu'ils pourront créer un jour
01:19:26avec des imprimantes 3D, puisque c'est l'évolution
01:19:28évidente vers laquelle nous allons.
01:19:30On voit bien que
01:19:32c'est cette capacité à créer
01:19:34et non pas simplement à utiliser les réseaux
01:19:36qui, pour moi, sera la
01:19:38composante essentielle de la démocratie.
01:19:42Et voilà comment Internet
01:19:44sort de sa boîte.
01:19:46L'esprit des pionniers,
01:19:48ces hippies sous LSD,
01:19:50semble être finalement toujours là.
01:19:52Les vapeurs sont tenaces.
01:19:54Aujourd'hui, des machines,
01:19:56appelées imprimantes 3D,
01:19:58conçues par des hackers, bidouilleurs,
01:20:00makers, ouvrent de nouveaux horizons
01:20:02et poussent le concept encore plus loin.
01:20:04Une imprimante 3D, c'est simplement
01:20:06quelque chose qui va te couler une forme
01:20:08en trois dimensions.
01:20:10Avec du plastique, en fait,
01:20:12ça va te créer un objet.
01:20:14Donc tu peux te créer des objets avec ça.
01:20:16Ce qui est important, en fait,
01:20:18c'est la réappropriation
01:20:20de process qui sont
01:20:22des process industriels, qui sont très coûteux
01:20:24et qui aujourd'hui, en fait, sont démocratisés.
01:20:26Il faut savoir qu'un truc comme ça,
01:20:28ça coûte moins de 1000 euros.
01:20:30La grosse machine, en fait,
01:20:32coûte plusieurs dizaines de milliers d'euros
01:20:34et c'est quelque chose qui va nous permettre,
01:20:36après, nous, tout simplement, de
01:20:38nous amuser, de jouer.
01:20:48C'est une machine qui est quelque part, moi,
01:20:50qui me vante du rêve.
01:20:52Je me dis, mais enfin, voilà,
01:20:54la vie réelle peut être comme Internet.
01:20:56On peut hacker des process,
01:20:58on peut hacker des objets
01:21:00et fabriquer des trucs nous-mêmes
01:21:02et devenir propriétaire de notre
01:21:04petit bien commun, qu'il soit matériel ou immatériel.
01:21:06J'adore l'idée,
01:21:08j'adore le principe,
01:21:10j'adore réfléchir
01:21:12aux impacts que ça peut avoir,
01:21:14c'est-à-dire la capacité
01:21:16de pirater des objets
01:21:18et que, ce qui est arrivé à l'industrie de la musique,
01:21:20puisse atteindre l'industrie du peigne.
01:21:22Bon, on est au balbutiement
01:21:24et aujourd'hui, c'est très laborieux,
01:21:26très difficile et très cher,
01:21:28mais c'est
01:21:30très, très excitant.
01:21:32Au-delà des imprimantes 3D,
01:21:34les hackerspace
01:21:36émanent aussi de la culture du réseau.
01:21:38Ces hangars, studios
01:21:40ou garages remplis d'outils
01:21:42en tout genre sont ouverts à tous,
01:21:44jour et nuit.
01:21:46Mitch Altman, l'un des pionniers
01:21:48des hackerspace, donne même à tout le monde
01:21:50les clés de celui qu'il a ouvert
01:21:52à San Francisco.
01:21:54Dans ces lieux, on invente des solutions
01:21:56pour répondre à des problèmes concrets
01:21:58et ainsi, agir sur notre quotidien.
01:22:00Et les applications sont nombreuses.
01:22:04Après le tremblement de terre au Japon
01:22:06et les problèmes sur les réacteurs nucléaires
01:22:08de la centrale de Fukushima,
01:22:10le gouvernement japonais voulait éviter
01:22:12que la population ne panique.
01:22:14Donc, ils n'ont pas donné toutes les informations
01:22:16sur les taux de radiation.
01:22:18Alors, les hackerspace de Tokyo
01:22:20ainsi que d'autres dans le monde
01:22:22ont commencé à fabriquer leurs propres
01:22:24compteurs Geiger.
01:22:26À Tokyo, ils avaient plutôt de bonnes motivations
01:22:28pour fabriquer des compteurs Geiger efficaces.
01:22:30Il y avait pas mal de gens
01:22:32très doués en électronique.
01:22:34Donc, ils ont travaillé ensemble
01:22:36pour fabriquer ces outils de mesure
01:22:38pour des sommes dérisoires.
01:22:40Ils avaient aussi des amis au Crash Space,
01:22:42un hackerspace de Los Angeles.
01:22:44Et ensemble, ils ont créé
01:22:46le projet SafeCast.
01:22:48L'idée est la suivante.
01:22:50Ils ont vendu très peu cher
01:22:52ou même carrément donné
01:22:54ces compteurs Geiger.
01:22:56Ce sont des compteurs qui enregistrent
01:22:58automatiquement les taux de radiation
01:23:00partout où se déplacent les personnes qui en ont.
01:23:02Ainsi, nous pourrons avoir une information
01:23:04fiable sur les niveaux de radiation
01:23:06dans le monde entier.
01:23:08Du LSD aux imprimantes 3D,
01:23:10des labos de recherche au hackerspace,
01:23:12ça fait un sacré bout de chemin.
01:23:14Et pendant tout ce temps,
01:23:16Internet est resté un réseau façonné
01:23:18par celles et ceux qui s'y connectent,
01:23:20c'est-à-dire nous, ses utilisateurs.
01:23:22Et il n'a pas fini de changer.
01:23:24Nous avons eu un tort de voir l'Internet
01:23:26comme étant une créature innuable.
01:23:28Aujourd'hui, l'Internet est un Internet d'ordinateurs.
01:23:30L'essentiel des données
01:23:32sont issus des utilisateurs des ordinateurs.
01:23:34Dans les années à venir,
01:23:36l'essentiel des données qui transiteront sur les réseaux
01:23:38seront issus de capteurs, d'objets connectés
01:23:40et plus forcément d'humains.
01:23:42Et l'architecture qui va naître
01:23:44de cet Internet mobile puis de cet Internet
01:23:46des objets pourrait être très différente.
01:23:48Ceci est un vrai défi
01:23:50parce que les tentations techniques
01:23:52d'organiser l'Internet du futur
01:23:54autour d'acteurs connus,
01:23:56identifiés
01:23:58et donc à qui on donnerait les clés
01:24:00en termes de pouvoir,
01:24:02cette tentation est énorme.
01:24:04Et donc je crois que pour les années à venir,
01:24:06notre travail, nous acteurs publics
01:24:08par rapport à cela,
01:24:10sera de rédiger et d'organiser notre action
01:24:12pour éviter cette dérive-là
01:24:14qui est beaucoup plus inquiétante pour moi
01:24:16que les dérives auxquelles nous assistons aujourd'hui.
01:24:18J'aimerais répandre l'idée
01:24:20que nous avons un droit fondamental
01:24:22qui est celui de l'accès à la connaissance.
01:24:24Tout comme Jefferson a parlé
01:24:26de droits humains inaliénables,
01:24:28il y a un droit humain inaliénable
01:24:30qui est de pouvoir connaître
01:24:32tout ce qui peut être connu
01:24:34et reconnu
01:24:36d'utilité générale.
01:24:38Personne ne s'était donné la peine
01:24:40de déclarer ce droit avant
01:24:42parce qu'il n'y avait aucun moyen
01:24:44de le transmettre.
01:24:46Mais maintenant,
01:24:48il y en a un.
01:24:50Nous devons nous battre pour ce droit.
01:24:54Nous devons être
01:24:56de bons parents
01:24:58car si nous gagnons ce droit
01:25:00dans ces temps primitifs,
01:25:02il restera acquis pour toujours.
01:25:06Donc ce qui peut arriver de pire,
01:25:08c'est qu'on se dise
01:25:10« Non, non, c'est acquis.
01:25:12C'est bon.
01:25:14La question de diffusion,
01:25:16d'impression, est acquise.
01:25:18Non, je crois qu'elle est
01:25:20un combat de tous les jours et de chacun.
01:25:22J'allume mon ordinateur,
01:25:24qu'est-ce que je fais ?
01:25:26Est-ce que j'apporte ma pierre à l'édifice ou pas ? »
01:25:28En sachant que l'édifice,
01:25:30il est bordélique, il est bruyant,
01:25:32il est comme la ville.
01:25:36Ça pourrait sonner comme une fin.
01:25:38Ou pas.
01:25:40Aujourd'hui, près de 200 cyberdissidents
01:25:42sont incarcérés parce qu'ils ont osé
01:25:44s'exprimer sur les réseaux.
01:25:46Réseau surveillé grâce à des systèmes
01:25:48conçus dans nos démocraties
01:25:50et vendus par des marchand d'armes occidentaux.
01:25:52Une attaque en règle de la liberté d'expression.
01:25:54Dans nos démocraties, justement,
01:25:56les contenus circulant sur le net
01:25:58sont de plus en plus contrôlés, censurés.
01:26:00Nos ordinateurs, tablettes, téléphones
01:26:02et fichiers sont truffés de mouchards.
01:26:04Cette fois-ci, c'est le droit pour chacun
01:26:06de lire qui est menacé.
01:26:08Donc, cette contre-histoire de l'Internet,
01:26:10de l'accès à l'information, à l'expression
01:26:12et au savoir, est loin d'être finie.
01:26:14Ce film n'est qu'un chapitre.
01:26:16A vous d'écrire la suite.
01:27:10Le spam, aujourd'hui, n'a pas d'adresse pour le porno.
01:27:15Les rats, ils ont détruit ma chanson.

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