Alexia Laroche-Joubert : "Loft Story", "c'est le début de la télé réalité, mais aussi des réseaux sociaux"

  • il y a 10 heures
Alexia Laroche-Joubert, Pdg de Banijay France et productrice de la série "Culte", sur le phénomène "Loft Story" en France au début des années 2000, est l'invitée de Léa Salamé. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-mercredi-16-octobre-2024-9611680

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Transcription
00:00Et Léa, ce matin, vous recevez une productrice de télévision !
00:04Bonjour Alexia Laroche-Joubert !
00:05Bonjour !
00:06Merci d'être avec nous ce matin sur Inter.
00:08Si vous étiez un animateur ou une animatrice de télévision, un livre et un personnage historique, vous seriez qui ?
00:14Alors, animatrice, Karine Lemarchand.
00:18J'adore sa spontanéité, j'adore sa beauté, j'adore son charme, j'adore son courage,
00:22j'adore la manière dont elle s'est imposée, j'aime tout.
00:25Karine Lemarchand, un livre ?
00:27Un livre qui est assez triste, qui s'appelle « La dernière leçon » de Noël Châtelet.
00:33C'est l'histoire de la relation entre une fille et une mère.
00:38Et la mère va mourir, et c'est les derniers jours avant sa mort.
00:42Et c'est extrêmement émouvant.
00:45Alors, c'est marrant parce que je lis aussi un autre livre de quelqu'un que vous connaissez bien ici,
00:48qui s'appelle Adèle van Riet, « Inconsolable », sur la même thématique.
00:52Alors, je ne sais pas si je me prépare, mais c'est ça.
00:55C'est étonnant que vous me parliez de la mort dès le début de cet entretien,
00:58parce que la mort, elle a émaillé votre vie.
01:00Vous avez perdu votre… Je comptais vous en parler à la fin de l'interview,
01:03mais vous commencez par ça, donc j'ai envie de vous poser des questions.
01:08Vous avez perdu votre compagnon d'un accident de moto quand votre fille aînée avait un an.
01:13J'ai perdu mon frère d'un accident de moto.
01:15Vous avez perdu votre frère également.
01:17Votre mère, Martine Laroche-Houberg, grand reporter mythique, a couvert tous les conflits.
01:21Et j'imagine que vous aviez peur aussi qu'il lui arrive quelque chose.
01:25Et vous avez cette phrase très étonnante, vous dites « La mort, c'est un non-sujet pour moi ».
01:29Oui.
01:30Manifestement pas, puisque vous choisissez deux livres sur la mort.
01:32Oui, alors ce qui est très bizarre…
01:34Alors, j'ai un rapport avec la mort qui est…
01:37Je n'ai pas du tout peur de la mort.
01:38Je dis même quelques fois, quand je suis dans un avion, j'espère qu'il va se scratcher.
01:42Parce que comme ça, il n'y a plus…
01:44Je trouve que la vie demande beaucoup d'énergie.
01:48Je trouve qu'elle est longue.
01:50Et que quelquefois, je me dis « Bon, si ça s'arrête, au final, c'est pas mal ».
01:54Alors, c'est pas du tout que j'ai des intentions suicidaires,
01:56parce que je suis plutôt quelqu'un de solaire, de gay, etc.
01:59Mais je trouve que, quand on me dit par exemple « si tu devais redémarrer »,
02:01je dis « mais jamais je refais le chemin ».
02:03Jamais.
02:04C'est-à-dire que, par exemple, l'idée de me dire que je vieillis chaque année que je passe,
02:08c'est une année gagnée.
02:10J'assume, j'ai bientôt 55 ans, mais je suis tellement contente, quoi.
02:13Mais du coup, vous n'avez pas peur de la mort ?
02:15Pas du tout.
02:16Je trouve que c'est une délivrance.
02:19Bien.
02:20Ecoutez, vous êtes surprenante.
02:23Si vous étiez un personnage historique ?
02:25Alors, ça va surprendre tout le monde,
02:27mais j'ai une femme que j'admire depuis très très longtemps,
02:30et probablement en raison de ma mère, c'est Lee Miller.
02:33Et l'histoire est dingue.
02:34Et il y a le film de Kate Winslet.
02:35Et justement, il y a trois mois, je me dis,
02:37parce que c'est la première fiction, on va peut-être en parler,
02:40que je sors là, et j'avais jamais fait de fiction.
02:43Et je me dis, il faudrait que je raconte sa vie dans une fiction.
02:46Je m'assois au cinéma, Émilie a une PRS,
02:48et là, qu'est-ce que je vois ?
02:49La bande-annonce de Lee Miller avec Kate Winslet.
02:52Et c'est une femme que j'admire probablement
02:54parce qu'elle me fait penser à ma mère.
02:56Parce qu'elle était photographe de guerre,
02:58elle était muse de Madeleine,
02:59elle a travaillé pour Vogue,
03:03elle a une fin relativement tragique,
03:06très solitaire, avec un seul enfant.
03:09C'est une femme très dense,
03:11et je pense qu'elle me fait aussi penser à ma mère,
03:13dans ce courage-là.
03:15Alexia Laroche-Houbert, vous êtes aujourd'hui
03:17l'une des productrices les plus influentes de la télévision française,
03:19peut-être même la femme la plus puissante de la télé.
03:21Vous êtes la présidente de Banijé,
03:23qui est le premier producteur mondial indépendant de télévision.
03:27C'est-à-dire que le premier producteur
03:28dans le monde entier de contenu indépendant
03:31est français.
03:32Oui, c'est une énorme fierté.
03:35Il y a deux gros producteurs dans le monde,
03:37il y a Media One, qui est très présent en Europe.
03:39On l'avait, Pierre-Antoine Keppel, la semaine dernière.
03:41Et il y a Banijé, qui a été montée par Stéphane Courbis,
03:44et qui est, c'est vrai, le premier producteur indépendant.
03:47Et qui est français.
03:48On est d'ailleurs basé en France.
03:50Et c'est une grosse fierté.
03:52Alors, on a démarré il y a 16 ans.
03:54Et ça me fait toujours marrer, parce que je raconte,
03:56il y a un événement, on va dire médiatique,
03:59qui s'appelle le MIP, où tous les gens de l'audiovisuel se réunissent.
04:02Et je me rappelle...
04:03C'est le marché de l'audiovisuel.
04:05Et on était tout le temps, bonjour, on s'appelle Banijé.
04:07Non, pas Banijay, Banijé.
04:09On veut devenir un groupe, etc.
04:11Et tout le monde nous riait.
04:13Riaient sur cette sorte de rêve absolu.
04:16Et en fin de compte, Stéphane Courbis l'a fait.
04:18Stéphane Courbis, qui est présent dans la série dont on va parler maintenant.
04:21Stéphane Courbis, qui est sans doute un des hommes les plus puissants,
04:24qui a beaucoup révolutionné la télévision française.
04:27Mais qui est très énigmatique, qui est très secret.
04:29Très discret.
04:29Très discret.
04:30Il n'aime pas parler.
04:33Quel a été son apport sur ces 30 dernières années ?
04:37Ah, alors, sur la série, aucun.
04:39Non, alors sur la télé, il va être content de savoir qu'il n'a rien fait.
04:43Non, alors, moi j'ai la chance de l'accompagner depuis 27 ans.
04:48Puisqu'on s'est rencontrés à l'époque d'Andemol.
04:51C'est quelqu'un qui est très discret.
04:53C'est quelqu'un qui a un producteur.
04:58Donc c'est très important pour moi, en fin de compte, de travailler pour un producteur.
05:03Parce que c'est quelqu'un qui sait où mettre l'argent.
05:05C'est quelqu'un qui sait les difficultés d'un producteur.
05:07Et c'est quelqu'un qui a le...
05:09On parle souvent de courage depuis le début de l'émission.
05:12Mais qui a eu le courage aussi d'y aller.
05:15De racheter des gros groupes.
05:17De faire péter le plafond de verre.
05:19Et son histoire me touche aussi.
05:21Parce que c'est quelqu'un qui vient d'un milieu plutôt populaire.
05:24Donc voilà, c'est une belle réussite.
05:26Aujourd'hui, Baninje, c'est Koh-Lanta, c'est Miss France, c'est Fort Boyard.
05:29C'est les Marseillais, c'est 28 minutes, c'est TPMP.
05:32C'est énorme, vous managez.
05:34Donc, Cyril Hanouna, Denis Bregnard, Magui.
05:37Lequel est plus facile à gérer ?
05:40Ce qui est fantastique, c'est la diversité des personnalités.
05:42Oui, là, c'est une réponse très longue de boire.
05:44Non, j'ai la chance d'avoir travaillé avec tous ces gens-là.
05:49Donc de bien les connaître.
05:51Dans leur qualité et quelquefois dans leur travers.
05:53Mais je pense qu'on ne peut pas être aussi devant l'antenne
05:58sans avoir quand même quelque chose derrière vous
06:02qui peut être de la revanche.
06:04Il faut quand même s'imposer, c'est dur ce métier-là.
06:07C'est un métier où on vous attaque beaucoup.
06:09En fin de compte, il n'y a pas la barrière, par exemple, pour un comédien du rôle.
06:13On vous attaque tout de suite, vous.
06:15Et donc, je les trouve tous assez puissants.
06:18Et il faut être puissant.
06:19Parce qu'il y en a d'autres.
06:21Il y a Nagui, et puis il y a tout le côté fiction.
06:23Je travaille avec quelqu'un de fantastique qui s'appelle Alain Goldman,
06:26qui est un tycoon de la production cinématographique.
06:29Voilà, c'est des personnalités fortes.
06:31Vous venez nous parler ce matin, et on va y arriver.
06:33Donc, ça fut long pour arriver à la nouvelle série.
06:35Mais c'est comme ça, c'est bien qu'il y ait des digressions.
06:37La nouvelle série événement qui arrive sur Prame Vidéo ce vendredi,
06:40qui est donc la première série de fiction que vous produisez.
06:42Vous avez produit énormément d'émissions de télé,
06:44mais c'est la première fois que vous vous lancez dans une série.
06:46Ça s'appelle « Culte ».
06:48Et honnêtement, je n'ai pas la connaissance encyclopédique de Nicolas Demorand sur les séries,
06:51qui est LE spécialiste en France.
06:53Mais la série est vraiment dingue.
06:55Elle est vraiment captivante, je le dis.
06:57Elle dit beaucoup de nous, de ce que fut la France au début des années 2000,
07:01avec l'arrivée de la télé-réalité en France et le lancement du premier programme.
07:04Du genre « Loftsaurus ».
07:35La série s'inspire de tous les personnages réels qui ont lancé « Loftsaurus » il y a 23 ans.
07:40Cette jeune équipe de producteurs trentenaires à l'époque.
07:42Il y a un personnage qui s'inspire de Stéphane Courby.
07:45Il y a un personnage qui s'inspire évidemment de vous,
07:48qui est joué par Anaïde Rosam, que vous appelez Isabelle de Rochechouart dans la série.
07:52Et tous les autres.
07:54Alors, je n'ai pas trouvé Arthur.
07:56Non, en fait, quand on sait...
07:58On va dire que le personnage le plus proche de la réalité, c'est en effet Anaïde Rosam.
08:02C'est vous !
08:03Oui, qui est un peu moi.
08:05Alors, qui est la partie probablement la plus sombre de moi.
08:07Parce que j'allais vous dire, vous ne vous épargnez pas dans la série.
08:09Vous êtes manipulatrice, menteuse, castratrice, dure, carriériste, capable de tout pour réussir.
08:17C'est vraiment vous ça ?
08:18Non, alors c'est très marrant parce que...
08:21Avec les deux auteurs qui ont amené le projet.
08:24Parce qu'en fait, le projet ne vient pas de moi.
08:25Je pense que je n'aurais jamais pensé à faire quelque chose sur une partie de mon histoire d'une certaine façon.
08:31C'est eux qui sont arrivés avec ce projet-là.
08:33Je leur ai dit, si je décide de produire avec vous ce programme, et avec les deux autres coproductrices,
08:38je vous laisse la liberté d'utiliser ce que je vais vous donner comme matière vivante,
08:43de la manière dont j'ai vécu toute cette histoire.
08:46Et donc, quand j'ai commencé à lire, je trouvais qu'ils avaient fait une Isabelle un peu lisse.
08:51Et je leur ai dit, il faut la corser.
08:53C'est un personnage de fiction.
08:55Et du coup, ils ont bien corsé.
08:56Ils se sont sentis très libres de la corser.
08:59Mais qu'est-ce qu'il y a de vous ?
09:00Vous étiez à ce point carriériste ?
09:03Je ne dis pas que je suis carriériste, parce que je n'ai jamais envisagé ma carrière.
09:08J'ai jamais eu un coup d'avance.
09:10En revanche, probablement opportuniste.
09:13Dans le bon sens du terme, c'est que je saisis les opportunités.
09:16Et à un moment, il y a une séquence qui dit, j'ai le couteau entre les dents, j'ai toujours dit ça de moi.
09:22C'est-à-dire que j'ai une forme de rage à l'intérieur de moi.
09:24Vous dites, je l'ai toujours eu cette rage.
09:26Une rage sociale.
09:27Même quand vous étiez gamine, élevée dans un milieu bourgeois, avec un père publicitaire,
09:32une mère qui est Martine Laroche-Houbert, vous dites, j'avais une espèce de rage.
09:35C'est marrant parce que ma mère me dit que quand j'avais 2-3 ans, quand les gens s'approchaient de moi,
09:40je mettais les griffes comme ça.
09:42Je ne sais pas d'où ça vient.
09:44Après, j'ai eu une enfance un peu particulière parce que mon père a eu un revers de fortune.
09:49Il s'est retrouvé avec beaucoup de difficultés.
09:52J'ai dû assumer d'un seul coup mon père, mon frère, pas mal de choses.
09:57Ça m'a donné une sorte de rage.
09:59Je ne peux pas dire autre chose.
10:01Vous découvrez, vous êtes toute jeune dans cette boîte,
10:05et vous faites ce que font toutes les boîtes de production,
10:07c'est-à-dire qu'elles regardent ce qui marche à l'étranger pour copier en France.
10:10Là, on est à l'époque, au début des années 2000, les tours du World Trade Center sont là.
10:15Vous prenez cette vieille cassette vidéo et vous regardez ce programme qui cartonne aux Pays-Bas,
10:19qui s'appelle Big Brother.
10:21On vous entend dire, vous êtes aimanté par ce programme, qui cartonne,
10:25et on vous entend dire, c'est génial ou c'est débile ?
10:2923 ans après, vous avez la réponse ?
10:31Alors, ce qui est dingue, c'est une phrase que je n'ai jamais dite,
10:34puisqu'en fin de compte, mon histoire d'amour avec la télé-réalité,
10:36et en l'occurrence avec Big Brother, je l'ai démarrée dans un hebdomadaire,
10:40je ne sais plus si c'était l'Express ou le Nouvel Obs.
10:42Je lis un encart, et je lis John Demol, un monsieur que je ne connaissais pas,
10:46va lancer une expérience où il va enfermer des gens,
10:50suite à une expérience ratée de scientifiques américano-canadiens,
10:54qui s'étaient enfermés pour créer une sorte de société parallèle.
10:57Et je me dis, putain, si ça arrive en France, je veux le faire.
11:00Et c'est comme ça que je vois Arthur et Stéphane Courbis, je leur dis,
11:02si ça arrive en France, je veux le faire.
11:04Donc, ce qui est fascinant avec, en fin de compte, Culte, cette série,
11:08ça raconte aussi un mouvement social.
11:11C'est-à-dire que c'est un mouvement où d'un seul coup, on rentre dans l'intime,
11:16et c'est le début de ce que va être la télé-réalité, mais aussi les réseaux sociaux.
11:21Et c'est ça qui m'a plu.
11:23C'est-à-dire qu'on était dans un corner...
11:26La télé de papa-maman, à un moment, ils vous ont gueulé dans la série
11:30avec un autre producteur, en lui disant, c'est fini, la télé de la rue, c'est fini.
11:34Et donc, vous lancez ce produit, ce concept, qui va avoir...
11:39On ne se souvient pas, je pense, de ce que fut le retentissement extraordinaire.
11:43Une bombe de Love Story.
11:45Les audiences explosent immédiatement.
11:47M6 fera plus de 30% de part de marché.
11:4990% des 15-24 ans connaissent le Loft.
11:53Et puis, tous les soirs, on regardera les amours de Lohana et de Jean-Edouard dans la piscine.
11:58Ce sera ça, la France.
12:00Il y aura des polémiques, des controverses, des débats.
12:02On vous a accusé de faire la télé poubelle, la télé avilissante,
12:06la télé qui promouvait l'anti-intelligence.
12:09Un concept creux, mais on va regarder pendant 24 heures des gens qui font rien,
12:12des gens qui ne sont pas cultivés, des gens qui ne nous apportent rien.
12:15On vous a traité de tout et de rien.
12:17Et ce que montre, au fond, finalement, la France a été divisée sur le Loft Story.
12:21Et le Loft est devenu une mythologie au sens de Roland Barthes.
12:24C'est-à-dire qu'il y a une vraie révolution culturelle et intellectuelle.
12:27Certains diront anti-culturelle et anti-intellectuelle.
12:29Mais en tout cas, il y a quelque chose qui a dépassé la télé.
12:32Oui, il y a quelque chose qui a sincèrement révolutionné la télé,
12:35mais qui n'était pour moi qu'un révélateur de société.
12:38C'est-à-dire que de l'œuf ou de la poule, je ne sais pas,
12:42souvent les gens m'ont dit « mais est-ce que ce n'est pas le Loft Story
12:44qui a fait émerger cette manière de se raconter soi-même ? »
12:48Mais moi, je pense qu'en fin de compte, il faut se remettre dans les années 2000,
12:51il y avait l'apparition des webcams.
12:53Je ne sais pas si vous vous rappelez, on mettait des sortes de petites caméras
12:55sur son ordinateur et on se filmait.
12:57Donc on commençait déjà ce transfert de « on rentre dans la vie des gens »,
13:02« on rentre dans le poste », « on rentre dans l'ordinateur »
13:05pour au final raconter quelque chose qui peut-être, pour beaucoup de gens,
13:08n'était pas très intéressant.
13:09C'est vrai, on les a vus manger des plats de spaghettis,
13:11ce n'était pas passionnant, mais c'était tellement identifiant.
13:14C'est ça que je trouvais fascinant.
13:16Et on regardait comme happés.
13:18Vous assumez tout, vous ?
13:19Ouais, et puis moi j'ai toujours dit, puisqu'on m'a demandé pourquoi ce rapport avec le voyeurisme,
13:24moi j'étais une enfant relativement solitaire,
13:26et je me mettais à la fenêtre et je regardais les gens qui vivaient en face de l'appartement de mes parents.
13:32Et j'étais fascinée par la vie des gens.
13:34Je voulais être flic, c'était pour entrer dans la vie des gens.
13:37Donc oui, je trouve que c'est l'intime, c'est quelque chose d'incroyable.
13:40Et l'intime, sans dramaturgie, parce qu'au final, on va être très claires,
13:44de la rue, il exposait le drame des gens.
13:47Là, Loftery, ça a exposé au final les relations interpersonnelles relativement légères,
13:52et les préoccupations légères.
13:54On a pu vous reprocher d'exposer le rien.
13:56Bah peut-être, mais le rien, c'est eux.
13:59Donc c'est aussi méprisant de dire que c'est du rien.
14:02Vous montrez très bien les hésitations des patrons de chaînes.
14:05M6 et TF1 a lancé ce nouveau concept.
14:08On écoute la scène qui est édifiante, où le patron d'M6, inspiré de Nicolas Taverneau,
14:12et celui TF1, inspiré de Patrick Lelay, hésitent à donner leur imprimature.
14:17Ils ont donné leur oui, et puis finalement, ils discutent tous les deux et ils disent
14:21« Attendez, on va pas lancer ce truc démoniaque. »
14:24Alors personne ne le prend, ni vous, ni moi.
14:27Et on empêche l'arrivée de la Réal TV en France.
14:30Mais en fait, Christian, vous êtes aburéaque.
14:34Vous aussi, sinon vous auriez déjà rappelé Palazzo.
14:36Je reviens d'Amsterdam. Ces programmes, croyez-moi, c'est…
14:39Ouailleurs, malsain, abétissant.
14:41C'est une merde, démoniaque.
14:43Attendez, n'exagérons pas non plus.
14:46On peut pas se laisser manipuler sous prétexte qu'on a un adversaire.
14:49Nous avons le pouvoir dans cette pièce de leur faire barrage.
14:52Le pouvoir et la responsabilité.
14:54On peut pas être à la fois la nation de la cathédrale de Chartres
14:57et celle de 12 neneux enfermés dans un F3.
15:00Nous sommes bien d'accord.
15:02Ils ont vraiment hésité ?
15:04Oui, l'histoire est vraie. C'est ça qui est intéressant aussi dans la série.
15:07On raconte toutes les coulisses de cette décision.
15:10C'est-à-dire de mettre à l'antenne, en effet, la story.
15:13Une merde démoniaque.
15:15Et en parallèle quand même, de mettre à l'antenne Koh-Lanta.
15:18Ce qui est drôle, c'est que j'ai produit les deux.
15:20Et cette rivalité en fin de compte de « Est-ce qu'on y va ou est-ce qu'on y va pas ? »
15:24Deux chaînes vont y aller, TF1 et M6.
15:27Et il y a une chaîne qui ne va pas y aller, c'est le service public.
15:30On peut se poser la question après de « Est-ce que ça a été une décision intelligente pour le service public de se couper d'une jeune génération ? »
15:36Qu'est-ce que vous en pensez ?
15:37Moi je pense que c'est une erreur.
15:39Je pense qu'il y a plein de genres de télé-réalité
15:41et qu'ils sont passés à côté d'un phénomène qui aurait pu tenir en haleine les jeunes.
15:46Vous savez que vous avez prophétisé la fin de la télé-réalité quelques années après le Loft.
15:50En 2004 au journal Le Monde.
15:52Vous dites « ça va bientôt finir ».
15:55Je ne sais plus sur quelle émission vous parlez.
15:59Vous dites « Montrez des anonymes sans finalité, sans enjeu.
16:02À mon avis c'est terminé.
16:03Rien ne doit être gratuit.
16:04Je pense que les gens ne veulent plus de ça. »
16:06Vous êtes trompée.
16:08Oui je me suis trompée.
16:09Parce que vous avez continué à en produire.
16:11Oui j'ai continué à en produire.
16:12Après ce qui est marrant c'est qu'il y a une deuxième forme de télé-réalité qui est arrivée avec des personnalités.
16:16Que j'ai produite aussi, type La Ferme, etc.
16:19Et puis on peut se poser la question de programmes comme LOL et tout.
16:22Qui sont des programmes aussi qui d'une certaine façon montrent des célébrités un peu différemment.
16:28Non, je pense que la télé-réalité...
16:32Après je pourrais vous expliquer, vous faire un cours sur la télé-réalité.
16:34C'est-à-dire que l'avantage c'est que ça permet de fidéliser un public.
16:37Et de l'amener sur le fameux replay qui est important.
16:40Et c'est plus simple à produire que de la fiction qui coûte très cher en l'occurrence.
16:45Les impromptus pour terminer.
16:46Vous répondez rapidement sans trop réfléchir.
16:48C'est vrai que vous avez envie de regarder tous les programmes d'Arte.
16:50Qu'est-ce qui se passe Alexia ?
16:52Non mais j'ai pris un coup de vieux quand j'étais à la conf de presse.
16:55Il paraît que vous avez dit j'ai envie de tout regarder Arte.
16:57Je trouve ça fantastique Arte.
16:59Et puis il faut reconnaître qu'ils ont une interface de plateforme qui est ultra moderne.
17:05Vous avez déclaré on ne peut pas réussir, avoir des copains, faire du sport, s'occuper de ses enfants et bien baiser.
17:11À un moment il faut choisir.
17:12C'est vrai.
17:14Je pense qu'on peut faire trois choses parmi ces cinq choses.
17:17Donc j'alterne.
17:18Et vous avez sacrifié quoi vous ?
17:20J'alterne.
17:22Je pense que mes enfants étaient un peu sacrifiés sur l'autel de ma carrière.
17:25Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne vont pas bien.
17:27Et elles sont super.
17:28Et ça leur donne aussi une image d'une mère qui a entrepris et qui a réussi.
17:32Quelquefois mes amis ne m'ont pas vu pendant longtemps.
17:36Par exemple là, depuis que j'ai pris mon poste à la direction de Banijé, ils ne m'ont pas vu.
17:39Donc l'un et l'autre.
17:41Le plus bel âge de la vie d'une femme ?
17:43Celui qui est à venir.
17:45Vieillir à l'antenne c'est plus dur pour les femmes que pour les hommes ?
17:48Je trouve qu'à l'exception des journalistes, les animatrices, c'est très difficile.
17:53Vous avez pris Karine Lemarchand.
17:55Oui, c'est pour ça que j'aime énormément Karine.
17:57C'est qu'elle résiste à ça mais le temps est assassin.
18:01L'argent fait-il le bonheur ?
18:03La phrase classique, il y contribue quand même beaucoup.
18:07Je pense que c'est plus sympa d'en avoir que de ne pas en avoir.
18:10Sexe, drogue, alcool, quels sont vos vices ?
18:13Aucun.
18:14En fait, j'ai mon beau-père qui s'appelait Michel Toulouse, qui était l'un des anciens patrons de Canal,
18:18qui m'a dit « si tu veux tenir, ne bois pas, ne fume pas, ne te drogue pas ».
18:21Et vous l'avez écouté.
18:22Ardisson ou De Chavannes ?
18:24Ardisson ou De Chavannes ? Oh ben les deux…
18:27Nico Saliagas ou Denis Brogniart ?
18:29Oh non, ça, vous ne pouvez pas choisir !
18:31Denis Zoo ou Fogiel ?
18:33J'ai travaillé avec les deux.
18:35Fogiel, c'est un de mes très bons potes, mais qu'est-ce qu'il est dur !
18:40Qu'est-ce qui vous indigne Alexeï Laroche-Joubert ?
18:43J'ai très peu de choses qui m'indignent.
18:45Je n'ai pas d'énorme capacité d'indignation.
18:47Vous votez ?
18:48Oui, bien sûr.
18:49Et la politique, c'est pour quand ? Il parait que vous vous voyez bien maire d'une grande ville.
18:52Oui, j'adorerais régler les problèmes de voisinage.
18:55Toujours pour entrer dans la vie des gens, je pense.
18:57Vous allez le faire ?
18:58Ah non, je ne sais pas.
18:59Mais en tout cas, c'est un métier qui m'aurait intéressé.
19:01Rachida Dati n'a pas de soucis à se faire ?
19:03Non.
19:04Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
19:08Fraternité.
19:09Et Dieu dans tout ça ?
19:11Dieu dans tout ça, je pense que je ne suis pas suffisamment vieille pour l'avoir rencontrée.
19:16Alexeï Laroche-Joubert, la série s'appelle « Culte », elle arrive ce vendredi sur Prime Vidéo.
19:21Vraiment, allez la voir, c'est très très bien fait.
19:24On se prend au jeu et ça dit beaucoup de la France et ça dit beaucoup de nous.
19:27Merci et belle journée.

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