Avec : Maxime Sbaihi, économiste, auteur de “Le Grand Vieillissement” (2022, ed.de l’Observatoire). & Lucas Chancel, professeur à Sciences Po et co-directeur du Laboratoire sur les inégalités mondiales. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-mercredi-23-octobre-2024-3040759
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00:00Débat ce matin, je rappelle le contexte, alors que le gouvernement cherche toujours 60 milliards d'euros d'économies pour le budget 2025 sur un sujet que le Quotidien Le Monde qualifiait hier d'ultra-sensible.
00:13La mise à contribution des retraités dans l'effort de redressement des finances publiques.
00:18Alors le gouvernement a d'ores et déjà prévu de décaler de 6 mois l'augmentation des pensions prévues au mois de juillet, donc ce sera au mois de janvier 2025.
00:29Mais faut-il, peut-on aller plus loin ?
00:32On pose la question à Maxime Sbahi, bonjour.
00:35Bonjour.
00:36Vous êtes économiste, auteur du grand vieillissement aux éditions de l'Observatoire et à Lucas Chancel, économiste également, bonjour.
00:45Bonjour.
00:46Professeur à Sciences Po, co-directeur du Laboratoire sur les Inégalités Mondiales.
00:52Merci d'être au micro de France Inter.
00:54Vous nous disiez, Maxime Sbahi, en préparant ce débat que les retraites, c'est le gros de l'emballement des dépenses publiques.
01:04Expliquez-nous.
01:05Oui, les retraites, c'est devenu le premier poste budgétaire de la France.
01:09C'est devenu un quart des dépenses publiques, ce sont les retraites.
01:12Et quand vous regardez en fait sur les 10-15 dernières années, l'emballement de la dépense publique qu'on a constaté, c'est pas parce qu'on a investi dans les tribunaux, dans les hôpitaux ou dans les écoles.
01:20C'est simplement parce que les dépenses sociales ont fortement augmenté, parce que la population vieillit, parce qu'on a 18 millions de retraités.
01:25Donc forcément une population vieillissante demande des soins.
01:28Et donc il n'est pas aberrant, quand on veut faire une consolidation budgétaire, de commencer par le premier poste de dépenses, qui sont les retraites,
01:34qui sont responsables, je le rappelle, pour la moitié de l'endettement public depuis 2017.
01:39Donc c'est pas rien.
01:40Lucas Chancel, même chiffre, même conclusion ou pas du tout ?
01:45Non, absolument pas.
01:46Je pense que sur un débat aussi sérieux, aussi tendu que celui du budget, que celui des retraites, il faut s'en tenir aux données qui nous sont fournies par le Conseil d'Orientation des Retraites,
01:59qui est censé faire référence sur ce sujet, ou par la Cour des Comptes.
02:02Et en réalité, à aucun moment le Conseil d'Orientation des Retraites nous dit que la moitié de la hausse de la dette est due aux retraites.
02:10C'est pas du tout le cas, c'est pas vrai.
02:13Ce type de calcul repose sur des hypothèses qui sont totalement absurdes.
02:18Donc je pense qu'il faut vraiment s'en tenir aux chiffres du corps.
02:21Et que nous dit le Conseil d'Orientation des Retraites ?
02:23C'est que en 2022, en 2023, en réalité, il y avait un excédent du système des retraites.
02:30On va avoir un déficit dans les années qui viennent, jusqu'en 2032, il y a 15 milliards de déficit en 2032.
02:36C'est un sujet sérieux, il faut le regarder, il faut le traiter.
02:38Mais il faut s'en tenir.
02:39Je pense que ça sert à rien d'utiliser des chiffres comme ça, un petit peu massus, pour effrayer tout le monde.
02:47Mais vous les contestez, vous dites que ces chiffres sont faux.
02:49Absolument, absolument.
02:50Et le corps, si on regarde le détail du Conseil d'Orientation du dernier rapport du corps,
02:55on trouvera exactement le même type de lecture vis-à-vis de tels chiffres.
03:00Par contre, je voudrais peut-être...
03:02Si tu peux répondre juste sur les chiffres, parce que c'est important quand même.
03:05C'est important quand même qu'on sache de quoi on parle et qu'on essaye de trouver un terrain commun.
03:10C'est un gros débat entre économistes de méthodologie, de savoir quelle est la dépense publique consacrée aux retraites.
03:15Il y a l'ancien directeur général des impôts, Jean-Pascal Beaufray, qui vient de publier une très grosse analyse,
03:20qui a un peu levé un lièvre que le corps ne prend pas en compte.
03:23C'est qu'il y a ce qu'on appelle les subventions d'équilibre, qui sont le budget de l'État central,
03:27qui consacre chaque année pour équilibrer les régimes des fonctionnaires.
03:30Et ça, le corps ne le prend pas vraiment en compte dans ses calculs, c'est 70 milliards par an.
03:34Si vous additionnez ça en plus des cotisations et des comptes sociaux, vous arrivez avec 500 milliards d'endettement depuis 2017.
03:41Donc c'est une question de méthodologie, mais je pense qu'on peut se mettre d'accord pour le fait que
03:45ce sont quand même les retraites qui, aujourd'hui, expliquent le gros de la dépense publique
03:49et que ça serait aberrant de faire une consolidation budgétaire sans toucher aux retraites.
03:53Lucas Chancel...
03:54Non mais encore une fois, je pense qu'il faut...
03:56On renvoie les auditeurs, ceux qui sont intéressés par les détails techniques au corps,
04:02qui, effectivement, vont analyser ces méthodologies alternatives.
04:06Et la conclusion, c'est que c'est absurde de partir sur ces méthodologies de calcul.
04:11Donc je pense que restons sur des chiffres qui sont actés, validés par des organismes indépendants
04:16et qui font autorité sur le sujet.
04:19Peut-être un autre point quand même, si on regarde la cour des comptes.
04:22Que nous dit la cour des comptes par rapport à la situation de déficit aujourd'hui ?
04:26On a 60 milliards de manques à gagner.
04:29Dû à quoi ?
04:30Dû aux baisses d'impôts non financées.
04:32Ça c'est un chiffre qui est là, qui est dans le débat, qui vient de la cour des comptes,
04:36qui est très sérieux.
04:3760 milliards de manques à gagner.
04:38Je pense qu'il serait quand même assez embêtant de faire porter aux politiques sociales
04:44et notamment au système de retraite, un manque à gagner fiscal
04:49dû à des baisses d'impôts qui n'ont pas été financées par le gouvernement précédent.
04:53Avant de regarder du côté des retraités, voyons pourquoi ces baisses d'impôts n'ont pas été financées sur ce point.
04:59Puisqu'on parle du corps, si vous regardez les prévisions du corps,
05:02très bien, jusqu'en 2070 on est en déficit.
05:05C'est-à-dire qu'aujourd'hui le système des retraites n'est pas financé.
05:08C'est-à-dire qu'on s'endette tous les ans.
05:10Là pour le coup, si on enlève les 70 milliards,
05:12on s'endette tous les ans sur les 50 ans à venir pour payer les retraites.
05:15C'est quand même une aberration.
05:16Un pays qui s'endette pour payer ses retraites, c'est un petit peu marcher sur la tête.
05:20Et c'est pas forcément faire honneur à l'avenir.
05:22Le gouvernement, je l'ai dit, entend geler les pensions pendant six mois.
05:26C'est une mesure qui va concerner 14 millions de personnes.
05:30Et qui doit permettre d'économiser, selon Bercy, environ 4 milliards d'euros.
05:36Ce gel de la revalorisation des pensions de retraite,
05:40était-il évitable ?
05:42Était-il inévitable, Lucas Chancel ?
05:46Peut-être revenir sur un...
05:48Je vais répondre précisément sur ce point.
05:50Mais d'abord, je pense qu'il y a un déficit de débat
05:52dans toutes les discussions sur le déficit aujourd'hui.
05:56C'est quel rythme doit-on suivre pour faire cet ajustement budgétaire ?
06:00Le gouvernement dit qu'il faut faire 60 milliards d'ajustement l'année prochaine.
06:05En réalité, il va faire 40.
06:07Quand on regarde dans les détails, en fait, c'est 40.
06:10Mais est-ce qu'on est vraiment tenus à ces 40 milliards d'économies ?
06:14Et en fait, si on regarde ce à quoi la France s'est engagée
06:17auprès de ses partenaires européens,
06:20donc il y a un nouveau cadre européen pour la réduction des déficits
06:23qui est entré en vigueur en 2024.
06:25Et ce cadre, en fait, ne nous impose pas de faire
06:28plus de 20 milliards, 15 à 20 milliards d'ajustement l'année prochaine.
06:32Pourquoi ? Parce que les Européens se sont rendus compte
06:34qu'il y a eu des erreurs qui ont été faites dans les années 2010,
06:37de demander un ajustement trop fort, trop vite.
06:39Et donc, on peut désormais demander un ajustement sur 7 ans
06:44et non pas sur une période plus réduite.
06:46Ce qui veut dire qu'on peut faire, en fait, en réalité,
06:48de l'ordre de 20 milliards l'année prochaine.
06:50Et je pense que ça change totalement la nature du débat
06:52de se dire on va ajuster à 20 milliards,
06:54on va ajuster à 40, ou encore à 60.
06:57Donc ça, je pense que c'est le point de départ très important.
06:58Il y a un déficit de débat là-dessus.
07:00J'aimerais qu'on discute davantage du bon rythme d'ajustement.
07:03Pourquoi est-ce que c'est essentiel de discuter de ça ?
07:05Parce que si on ajuste trop vite,
07:07en fait, on va couper dans trop de dépenses
07:10et il y a un risque récessif derrière,
07:12c'est-à-dire de braquer la machine économique.
07:14Pointé par le FCE.
07:16Absolument. La semaine dernière, ou il y a deux semaines,
07:18qui dit que le budget présenté par le gouvernement
07:21va réduire la croissance de 0,8 point de PIB,
07:24ce qui est considérable.
07:26Sur la question de ces pensions gelées,
07:31vous ne m'avez pas répondu, Lucas Chancel,
07:32mais vous aurez la parole tout à l'heure.
07:34Dites-nous, Maxime Spahy.
07:36Les efforts doivent être partagés par tout le monde.
07:37On est dans une situation budgétaire critique.
07:38Alors après, on peut effectivement discuter de l'ajustement.
07:41On sait qu'il y a besoin de faire un ajustement,
07:42après la difficulté, c'est comment on le répartit
07:43sur les trois années à venir.
07:44Mais on sait qu'il va falloir faire des efforts
07:46et que là, maintenant, on est face au mur budgétaire.
07:53Est-ce que les retraités sont privilégiés ?
07:55Pour le dire simplement.
07:56Pour reprendre votre question,
07:57est-ce que les retraités sont privilégiés ?
07:58Ils sont privilégiés dans une perspective historique.
08:01C'est-à-dire que les retraités actuels,
08:02quand vous regardez les niveaux de vie des retraités actuels,
08:04ils sont de 30% supérieurs à celui de leurs parents
08:07quand ils étaient à la retraite
08:08et de 20% supérieurs à celui de leurs enfants
08:10quand ils seront à la retraite.
08:11Donc on a une parenthèse assez exceptionnelle.
08:13Et ce, alors même que les retraités actuels
08:16n'ont pas travaillé aussi longtemps que le feront leurs enfants
08:18et n'auront pas cotisé autant que leurs enfants.
08:20Donc il y a un gros problème d'équité entre les générations
08:23où c'est un système qui marche plutôt bien
08:25pour la génération actuelle de retraités
08:26mais qui, en fait, asphyxie les actifs.
08:28Je rappelle qu'il y a un tiers, grosso modo,
08:30du salaire brut d'un actif
08:32qui aujourd'hui part pour financer les retraites.
08:34Et quand on regarde les taux de pauvreté, d'ailleurs,
08:36ils sont les plus bas chez les retraités
08:38et les plus élevés dans toutes les autres classes d'âge.
08:40Donc il y a une question à se poser.
08:42Après, de revaloriser de manière différenciée
08:45en fonction des seuils, je pense que ça, ça serait une bonne idée.
08:47Parce que c'est assez injuste de le faire pour tout le monde.
08:49Et donc là, se pose la question de savoir
08:51comment on le fait. Est-ce qu'on établit un certain seuil
08:53au-delà duquel on dit « bon ben là, on ne revalorise plus ».
08:55Est-ce qu'on dit que finalement, ce serait peut-être
08:57la solidarité intragenérationnelle
09:00qui doit primer sur la solidarité intergénérationnelle ?
09:02C'est-à-dire que ce ne soient pas forcément les actifs
09:04qui payent pour les retraités, mais les retraités aisés
09:06qui payent pour les retraités moins aisés.
09:07Je pense que ça, c'est vraiment un angle à aborder.
09:10Mais il faut en prendre en compte, dans cette toile de fond,
09:12une démographie qui est en train de changer,
09:14une pyramide des âges qui n'est plus du tout pyramidale.
09:16Et du coup, la pression sur les actifs, elle est très forte.
09:19Et puis elle va grossir, parce que je vous rappelle
09:21qu'aujourd'hui, on a 18 millions de retraités.
09:22Ils seront 23 millions en 2050.
09:24Et ça coûte beaucoup d'argent.
09:26Et il faut savoir comment répartir les efforts.
09:27Lucas Chancel sur cette question
09:29du privilège éventuel des retraités,
09:31au regard du reste de la population française.
09:34Je pense que là, il y a peut-être un point d'accord
09:36sur le fait qu'on ne peut pas regarder tous les retraités
09:38comme un bloc.
09:40La pension brute moyenne mensuelle,
09:42selon les données du gouvernement,
09:44de l'Adresse, c'est 1530 euros brut.
09:46Pour les carrières incomplètes.
09:48En 2021, en moyenne.
09:50Bon, c'est quand même pas particulièrement élevé.
09:52Les inégalités entre retraités sont fortes.
09:56Il y a déjà des inégalités entre hommes et femmes.
09:58La pension moyenne brute pour un homme,
10:00c'est autour de 1950 euros,
10:02un peu moins de 2000 euros.
10:03Pour les femmes, c'est un peu moins de 1200 euros.
10:05Donc on ne peut pas traiter tous les retraités
10:07de la même manière.
10:08Même au sein de ces deux catégories, hommes et femmes,
10:10il y a des inégalités qui sont conséquentes également.
10:12Donc, la proposition qui a été faite,
10:15de regarder selon le niveau de retraite,
10:17le niveau de pension versée,
10:19et de traiter un peu plus finement la question
10:21de, est-ce qu'il peut y avoir un gel
10:23pour les 10% les plus aisés ?
10:25Pourquoi pas ?
10:26Mais surtout, faire attention
10:28à ne pas être aveugle à la question
10:30de la justice sociale et de l'injustice sociale.
10:32Et donc, ne pas opposer les actifs
10:34et les retraités comme deux blocs
10:36qui seraient homogènes.
10:38A mon avis, c'est ça le plus important.
10:40Pourquoi il ne faut pas les opposer ?
10:42Parce que vous avez des retraités
10:45qui sont modestes, voire pauvres.
10:48Il y a des retraités qui sont sous le seuil de pauvreté.
10:50Il y a des actifs qui sont beaucoup plus aisés,
10:52beaucoup plus riches que ces retraités-là.
10:54Quand on regarde en moyenne, on est d'accord
10:55que les retraités et les actifs ont plus ou moins
10:57le même niveau de vie.
10:58C'est un débat aussi entre économistes,
10:59mais plus ou moins le même niveau de vie.
11:00Et ce qui est intéressant dans ce débat,
11:02c'est que c'est la première fois qu'il a lu en France,
11:04dans tous les autres pays voisins,
11:06le débat ne se pose pas parce qu'il allait de soi
11:08et il va de soi, que ceux qui travaillent
11:10ont un niveau de vie supérieur à ceux qui ne travaillent pas
11:11ou ne travaillent plus.
11:12Il n'y a qu'en France qu'on a ce débat,
11:13et c'est qu'aujourd'hui.
11:14Parce qu'encore une fois, je vous le rappelle,
11:16dans quelques décennies, on ne se posera plus la question
11:18puisque les retraités, les nouveaux retraités,
11:20seront plus pauvres que les actifs.
11:21Et donc, c'est intéressant quand même de voir
11:23les actifs financent les retraités.
11:25Donc, il faut trouver un point d'équilibre.
11:27On ne peut pas simplement dire
11:28ce sont ceux qui financent qu'on appauvrit en continu
11:31et à qui on lègue une dette
11:32parce qu'on est incapable d'équilibrer
11:33un régime de retraite.
11:34C'est quand même faire des honneurs à l'avenir
11:36que de continuer à fonctionner comme ça.
11:38Encore une fois, un pays qui s'endette
11:39pour payer ses retraites,
11:40ce n'est pas un pays, excusez-moi,
11:41qui est responsable envers ses enfants,
11:44envers ses générations futures.
11:45Et juste un dernier point,
11:46je vous rappelle quand même,
11:47n'ayons pas la mémoire trop courte,
11:48on a augmenté les retraites
11:49en début d'année de 5,3%.
11:50Ça nous a coûté 14 milliards.
11:52Dans la foulée, le gouvernement
11:53avait déjà eu des signaux rouges
11:55en disant il y a un dérapage
11:56qui est en train de se matérialiser.
11:58On a dû couper en urgence
11:5910 milliards d'euros sur le budget de l'État
12:02sur l'enseignement scolaire entre autres.
12:04Et donc, on est face à des questions de choix.
12:07Est-ce qu'on accepte de continuer
12:08à augmenter les retraites
12:09en proupant les budgets de l'éducation ?
12:11Est-ce qu'on pense à la prochaine génération ?
12:13Est-ce qu'on pense à la prochaine élection ?
12:14C'est ça finalement la question.
12:15Oui, parce que les retraités votent.
12:17C'est un point qu'on n'a pas abordé encore.
12:19Lucas Chancel, vous vouliez réagir.
12:22Peut-être déjà dans les coupes budgétaires
12:25de la proposition faite par le gouvernement.
12:28Il me semble que c'est extrêmement inquiétant
12:29parce qu'on est en train d'hypotéquer l'avenir.
12:31C'est-à-dire qu'il y a 4000 postes
12:32dans l'éducation nationale qui sont supprimés.
12:35La santé va être rabotée.
12:38Il en va de même sur la transition écologique.
12:41Dire que la seule solution à ça
12:43ce serait de venir prendre,
12:45faire les poches des retraités modèles.
12:46Je ne dis pas que c'est la seule solution.
12:48Ça doit être une priorité.
12:50Ça me semble difficile à tenir.
12:52Il y a au moins deux propositions
12:54qui pourraient permettre de nous mettre d'accord.
12:58Il me semble que si on veut mettre à contribution
13:01les retraités qui en ont les moyens,
13:03il me semble que c'est votre argument,
13:05on peut faire des impôts sur le revenu des plus aisés.
13:09D'ailleurs, c'est l'une des propositions du gouvernement.
13:12Une surtaxe d'impôts sur le revenu.
13:15On peut aussi penser à une imposition du patrimoine.
13:18On sait que les retraités aisés
13:20ont accumulé un patrimoine considérable.
13:22Est-ce que ce n'est pas ça le sujet ?
13:24Je pense que le sujet est précisément là.
13:27C'est-à-dire avoir des impôts qui sont justes
13:30et qui vont mettre à contribution
13:32ceux qui aujourd'hui participent d'un réel déficit fiscal.
13:37Je pense aux centimillionnaires, aux milliardaires
13:40qui participent d'un réel déficit fiscal.
13:42C'est-à-dire que leur contribution à l'impôt
13:44est beaucoup plus faible que la moyenne de la population.
13:47Et parmi ces gens-là, il y a des retraités.
13:49Ils seront mis à contribution
13:50au regard de ces nouvelles mesures.
13:52Qui prendra la décision politique
13:56de s'attaquer entre guillemets aux retraités
13:59quand on sait que c'est la catégorie sociale
14:02qui vote le plus ?
14:03Qui par la force du nombre
14:04est devenue l'électorat majoritaire
14:06et qui en plus est très mobilisé.
14:08Et en plus, on sait qu'il y a des élections
14:09qui vont arriver très bientôt
14:10dont personne n'a envie de se les mettre à dos.
14:12Mais pour répondre à votre point,
14:14il y a déjà de quoi faire.
14:15Il y a une niche fiscale
14:16qui est parmi les plus coûteuses
14:17et les plus injustes de tout notre système fiscal.
14:19C'est ce fameux abattement de 10%
14:21pour les frais professionnels
14:22dont vous bénéficiez
14:23quand vous payez l'impôt sur le revenu.
14:25Quand vous êtes actif,
14:26c'est tout à fait logique d'en bénéficier.
14:27Mais les retraités aussi ont droit à cet abattement.
14:29Ça fait 10 ans, 12 ans,
14:30que la Cour des comptes
14:31dénonce cette aberration fiscale.
14:34Elle vient de le refaire il y a quelques jours
14:36dans un nouveau rapport.
14:37Ça, c'est une niche fiscale
14:38qui coûte 4 milliards par an.
14:39Vous voyez, 4 milliards par an,
14:40c'est quand même pas rien.
14:41Et là, pour le coup,
14:42on peut protéger les petites retraites
14:44parce qu'elles ne payent pas l'impôt sur le revenu.
14:47Ça, c'est clairement un cadeau.
14:48C'est un passe-droit fiscal
14:49qui a été fait aux retraités
14:50il y a très longtemps.
14:51Moi, je pense qu'il faudrait revenir dessus.
14:53Il n'y a pas besoin de créer
14:54des nouveaux impôts en permanence.
14:55Il n'y a pas besoin de rajouter
14:56de la pression fiscale.
14:57Mais là, cette niche-là,
14:59pour moi, c'est une aberration.
15:00Vous parlez de justice sociale.
15:01Pour le coup, il n'y a aucune raison
15:02de la garder.
15:03Et ça rapporterait beaucoup.
15:05Ça rapporterait en tout cas beaucoup plus
15:06que ce que vous avez évoqué comme piste.
15:08Lucas Chancel.
15:09Une alternative,
15:10une autre niche fiscale
15:11qui va toucher les retraités
15:13ultra aisés pour le coup,
15:16c'est sur l'héritage.
15:17Les transmissions sont largement favorisées
15:19du point de vue de l'impôt qu'il y a à payer
15:21quand il s'agit de très très hautes transmissions.
15:23Il y a plusieurs mécanismes
15:24qui font que le taux d'impôt
15:25que vous allez payer
15:26quand vous êtes dans le 1%
15:28des plus hautes transmissions
15:29va en fait être beaucoup plus bas
15:31que ce qui est affiché
15:32sur le barème d'imposition
15:34parce que vous allez bénéficier
15:35de niches fiscales.
15:36Si on ferme ces niches,
15:37il y a un rapport du CAE assez récent
15:39qui parle de ce sujet,
15:41on peut économiser 5 milliards d'euros.
15:43Donc, voici une alternative
15:45à la mesure que vous venez de présenter.
15:47En mon sens,
15:48commençons d'abord par le haut
15:50de la pyramide de la distribution
15:51et si on a besoin d'aller plus loin,
15:53alors on pourra aller regarder
15:55d'autres catégories de retraités.
15:56Merci à tous les deux,
15:58Maxime Sbahi, économiste.
16:00Le grand vieillissement
16:02aux éditions de l'Observatoire,
16:04Lucas Chancel, économiste également,
16:06on l'a entendu,
16:07co-directeur du laboratoire
16:09sur les inégalités mondiales.