Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote
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00:00Il est quasiment 19h sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Mathieu Bocoté, une émission exceptionnelle avec un invité exceptionnel.
00:07Mathieu, bonsoir. Arthur de Vatrigan est avec nous comme chaque samedi soir.
00:12Démocratie, anatomie d'une chute avec Pierre Manon et Marcel Gauchet en une de l'incorrect.
00:19Et ça tombe bien puisque Marcel Gauchet est avec nous et je le disais, invité exceptionnel ce soir.
00:24Merci d'être avec nous, Monsieur Gauchet.
00:26Le point sur l'information et on commence l'émission dans un instant.
00:29Isabelle, c'est à vous. Bonsoir Isabelle.
00:31Bonsoir Elliot, bonsoir à tous.
00:32Suite aux frappes israéliennes de la nuit dernière, l'armée iranienne affirme que seuls des systèmes radars ont été endommagés.
00:39La communauté internationale ne cesse de réagir.
00:42Le secrétaire général de l'ONU a réitéré d'urgence son appel à toutes les parties pour qu'elles cessent leurs actions militaires y compris à Gaza et au Liban
00:51et pour que tous reviennent sur la voie de la diplomatie.
00:54En Guadeloupe, EDF a porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui après la coupure généralisée d'électricité.
01:01La situation s'est améliorée chez 65% des clients.
01:04Hier, le préfet avait accusé des salariés et grévistes de la centrale qui fournit l'archipel.
01:09Dans ce contexte, un couvre-feu avait été décrété afin de prévenir le risque de troubles à l'ordre public.
01:16Enfin, à la veille de sa rencontre avec le PSG, l'Olympique de Marseille met en garde ses supporters.
01:21Le club s'expose à des sanctions sévères en cas de champ ou comportement injurieux, discriminatoire ou homophobe.
01:28L'OM espère que le match se passera sous le signe de la ferveur, la passion, la solidarité et le respect,
01:34ce qui n'avait pas été le cas le 19 octobre au Parc des Princes lors de PSG Strasbourg.
01:40Merci Isabelle pour le point sur l'information.
01:43Mathieu Bocoté, rares sont les fois où vous ne faites pas d'édito pour la première partie de l'émission
01:49et on pourrait compter sur les doigts d'une main les invités que vous avez dans cette émission.
01:55Vous les gardez pendant une heure. Alors pourquoi avoir invité pendant une heure Marcel Gauchet ce samedi soir ?
02:00Parce que Marcel Gauchet est un des rares historiens de la démocratie au sens complet.
02:05C'est-à-dire qu'il comprend le phénomène, il mène une enquête depuis plusieurs années,
02:09une œuvre construite autour de l'exploration du phénomène démocratique, de la signification de l'expérience démocratique
02:14et qui publie ces jours-ci un nouveau livre « Le nœud démocratique aux origines de la crise néolibérale ».
02:19Alors avec un invité de cette qualité, je m'en serais voulu de ne pas l'avoir avec nous pour une heure.
02:23Marcel Gauchet, bonsoir.
02:24Bonsoir.
02:25Alors, question première justement, le fil rouge de notre discussion,
02:29ce sera la question du rapport à la démocratie.
02:31Nous sommes sortis les occidentaux globalement du XXe siècle convaincus de savoir ce qu'était la démocratie.
02:37Il y avait le totalitarisme d'un côté, la démocratie de l'autre côté.
02:40Elle avait triomphé, nous étions heureux.
02:42Quelques années plus tard, quelques décennies plus tard,
02:45il semble y avoir un point d'interrogation autour de ce terme
02:47et des gens se réclament de définitions contrastées, contradictoires de la démocratie,
02:51en Occident même, sans qu'on ne sache à quoi elles réfèrent.
02:54Quel est le nom de cette crise ?
02:56Alors, on peut beaucoup discuter du nom de la crise, mais il faut en établir le principe.
03:01Il était facile de savoir ce qu'était la démocratie quand elle avait un adversaire
03:06qui se proposait de la détruire et de mettre à la place un régime supposément supérieur.
03:11Nous sommes dans un cas de figure totalement différent
03:15où, en gros, avec quelques réserves, tout le monde est d'accord sur les principes de la démocratie,
03:22mais où le mode d'emploi de la démocratie fait défaut, se dérobe,
03:27et en amenant la situation politique qu'on connaît dans la plupart des pays occidentaux,
03:33où finalement on s'aperçoit qu'on ne sait pas ce que c'est que la démocratie
03:37puisque deux grandes visions s'affrontent.
03:40L'une qui pose deux visions récentes, il faut dire, pour l'une, et ancienne pour l'autre.
03:47Il y a les anciens et les modernes.
03:49Pour les modernes, c'est évident, la démocratie, c'est le régime qui permet
03:53la plus grande latitude possible aux libertés et aux droits individuels.
03:58Et puis, il y a la vieille garde, j'en suis,
04:02pour laquelle une idée classique de la démocratie reste la souveraineté du peuple.
04:08Or, la souveraineté du peuple basée sur les droits des citoyens.
04:13Donc, ce ne sont pas des ennemis absolus.
04:15Il ne s'agit pas d'un régime contre l'autre.
04:19Il s'agit de la compréhension du régime et de la manière de le faire fonctionner.
04:23Et on voit bien, et c'est ça qui met en crise, à mon sens, la démocratie,
04:28c'est que l'extension toujours plus avancée de cette vision individualiste,
04:34mais individualiste fondée en droits, de la démocratie,
04:38aboutit à lui faire perdre toute substance et, en particulier,
04:42à lui faire perdre la possibilité pour un peuple de se reconnaître en elle.
04:46Alors, je vous cite page 221.
04:49Je donne le contexte. Vous nous dites, dans ce passage,
04:52« Rien n'a changé sur le plan du droit, la continuité juridique, la continuité des institutions.
04:57Est-ce encore la même démocratie? »
04:59Je vous cite et je vous invite à commenter votre propos.
05:01« Le changement ne se ressemble ni ne se voit.
05:04Les textes n'ont pas varié. Les règles restent identiques.
05:08Formellement parlant, on a affaire à la même démocratie
05:11et cependant s'en est substantiellement une autre.
05:14L'esprit qui s'est insinué dans ses dispositions d'apparence classiques
05:18en transforme essentiellement l'orientation et la portée.
05:21C'est à ce déplacement que la notion d'État de droit doit sa fortune.
05:27L'État de droit, c'est un terme qui revient en boucle dans l'actualité.
05:30On a l'impression que l'État de droit, c'est le point culminant de cette démocratie des droits
05:34et qui ne peut se déployer qu'en niant la souveraineté populaire.
05:38Sinon, en la niant formellement, c'est en ce sens que rien n'a changé dans le principe.
05:44Bien entendu que les mêmes défenseurs de l'État de droit
05:48sont en théorie pour la souveraineté populaire.
05:52Mais en pratique, c'est en pratique que ça se passe.
05:55Il est posé qu'il y a des droits qui sont en mesure de s'opposer à la souveraineté collective
06:02et qui même vont encore plus loin.
06:05Le problème typique étant à cet égard celui de l'immigration
06:10où il est nié qu'il y ait pour un peuple souverain la possibilité d'un contrôle
06:18sur les droits fondamentaux d'individus qui se sentent libres de circuler sur la planète
06:24et d'aller s'installer là où le sort meilleur à leurs yeux les attend.
06:28On voit là l'exemple même, c'est probablement la pointe avancée
06:33mais on retrouve le problème par exemple sur le plan de la répression pénale
06:37où les droits des coupables finissent par prendre le pas sur toute autre considération
06:43en particulier par rapport aux droits des victimes.
06:46Alors justement, souveraineté du peuple, vous avez mentionné ce concept fondamental
06:50mais est-ce qu'une bonne partie du problème aujourd'hui vient de notre incapacité
06:54soit à définir le peuple, nous ne savons plus comment le définir par la culture, l'histoire, le droit strictement
06:59et même on a quelques fois ce propos, on l'entend en France, qu'il y aurait aujourd'hui deux peuples en France
07:04donc deux peuples qui cohabiteraient dans le même pays, dès lors la souveraineté revient à qui ?
07:08Alors je crois qu'il ne faut pas exagérer les proportions des phénomènes pour bien les comprendre
07:13je ne crois pas que nous ayons affaire à la coexistence de deux peuples
07:18mais nous avons affaire à une difficulté qui en un sens est classique
07:22celle de définir un peuple parce que le peuple est divers
07:26il est contradictoire, il tire dans des sens opposés
07:30il y a des intérêts classiquement de classe par exemple qui restent manifestement très opposés
07:36Mais l'immigration change la donne
07:38L'immigration change la donne mais plus profondément change la donne
07:41l'idée qu'un peuple n'existe pas en tant que tel
07:45puisqu'il n'est fait que d'individus pourvus de droits
07:48donc comment définir un collectif qui n'est fait qu'individus
07:54qui ne veulent rien abandonner de leur prérogative
07:57c'est cela qui met proprement en question l'idée de peuple aujourd'hui
08:01c'est l'individualisation radicale de la société et sa transposition dans le champ politique
08:06Arthaud de Matrigan
08:07Vous écrivez que le politique s'est effacé derrière la politique
08:12Qu'entendez-vous par là et comment ça se traduit concrètement ?
08:16Ce sont effectivement des notions abstraites
08:19La politique il faut les définir rapidement
08:22La politique ce sont tout simplement les mécanismes par lesquels
08:27le suffrage organise la confrontation des familles idéologiques
08:32des groupes politiques
08:34c'est le système électoral pour faire court
08:37la représentation
08:38Le politique c'est cette donnée mystérieuse
08:41ça fait plusieurs siècles qu'on cherche à l'identifier
08:44et on a du mal
08:45mais en pratique on sait très bien ce que c'est
08:47qui fait qu'il y a une exigence pour une communauté politique
08:52de définir un intérêt supérieur
08:55qui en général est lié à son existence même
08:58le cas de la guerre est évidemment celui qui permet de clarifier
09:03dans la guerre c'est la survie d'une communauté politique qui est en jeu
09:08le politique c'est l'instance qui décide de cette urgence
09:15et de cette nécessité de la vie collective
09:18et bien précisément, reprenons ce fil de l'immigration
09:21parce que c'est le plus clair
09:23on voit bien que la politique, c'est-à-dire la discussion civique
09:28dans un cadre où il n'y a que des individus
09:31qui demandent la représentation de leurs droits
09:33exclut la possibilité d'une décision collective
09:38au nom des intérêts supérieurs de la communauté
09:42qui serait un frein au droit des individus en situation de migrer
09:47Alors, on peut dire aujourd'hui d'ailleurs, au fond
09:51dans le contexte de mondialisation où nous sommes
09:54le politique se résume dans une donnée très simple
09:58la frontière
10:00accessoirement aujourd'hui, on le voit quotidiennement
10:04l'autorité de l'Etat
10:05là vous avez des données très sensibles
10:07l'autorité de l'Etat est battue en brèche
10:10et les frontières sont supposées en voie de disparition
10:13ça veut dire que le politique est évacué de la scène
10:17Alors, vous nous dites que la démocratie a changé de définition
10:20tout en conservant le même texte, le même cadre de référence formel
10:23la semaine dernière, nous recevions sur ce plateau Arnaud Tessier
10:26qui disait aussi à sa manière
10:28la cinquième république, telle qu'elle s'est constituée
10:31et telle que nous la connaissons aujourd'hui
10:33ce n'est plus vraiment la même cinquième république
10:36alors la question que je vous pose
10:37parce que sous le même esprit
10:38elle a changé de substance tout en conservant le même texte
10:41la question que je vous poserai
10:42c'est à quel moment ces dernières décennies
10:45avons-nous assisté à ce moment de bascule
10:47où la souveraineté collective, la souveraineté populaire
10:49s'est effacée devant le triomphe des droits
10:51parce qu'on a l'impression d'avoir été contemporain de cela
10:55c'est de notre vivant, c'est du mien, c'est du vôtre
10:57à quel moment et comment expliquer ce moment de bascule ?
11:00Mais oui, il y a des transformations insensibles
11:02qu'on vit sans se rendre compte de ce qui s'y joue
11:04et dont on s'aperçoit 20 ans, 30 ans après
11:07de la portée qu'elles ont eue
11:09en l'occurrence, je crois qu'on peut déjà
11:11je crois qu'Arnaud Tessier, on serait d'accord d'ailleurs
11:14dater de 1971
11:17c'est-à-dire en fait de l'auto-institution
11:20du conseil constitutionnel
11:22comme l'instance ultime de la légitimité
11:25dans le pays
11:27un commencement de transformation sérieux
11:30mais c'est dans la décennie 1975-1985
11:35que s'est jouée véritablement la métamorphose
11:37parce qu'on peut parler d'une métamorphose
11:39de la démocratie
11:41dans un contexte
11:43marqué par la mondialisation d'un côté
11:47l'individualisation radicale de la société de l'autre
11:51vous prenez le global et l'individuel
11:56qu'est-ce qui reste entre les deux ?
11:58entre les deux il y avait les peuples
12:00il y avait des états souverains
12:02et c'est ce qui est entamé
12:04par ce double processus
12:06qui vient du haut et du bas
12:08et qui est conforté par l'institutionnalisation
12:11d'instances juridictionnelles chargées
12:14de préserver les droits individuels
12:16autrement dit l'atome subsistant
12:19entre le mondial et l'individuel
12:22Alain Finkielkraut a souvent cette question
12:24s'inspirant de Peggy
12:26qu'à l'heure est-il ?
12:28pour comprendre le propre de notre époque
12:30ne pas se tromper de temps
12:32ne pas être anachronique
12:34au début des années 90
12:36deux grands récits sont proposés aux occidentaux
12:38pour leur dire qu'à l'heure est-il
12:40d'un côté il y a Fukuyama
12:42très connu qui nous dit
12:44c'est la fin de l'histoire
12:46c'était plus complexe que ça
12:48la mondialisation du marché
12:50c'était notre destin
12:52de l'autre côté il y a Huntington
12:54qui nous dit c'est le choc des civilisations
12:56nous n'en sortirons pas
12:58est-ce qu'aujourd'hui, 30 ans plus tard environ
13:00ces deux récits ont encore quelques valeurs
13:02pour décrire notre réalité ?
13:04ils sont des points de départ utiles
13:06sauf qu'entre temps le monde a beaucoup évolué
13:08et permet à la fois de relativiser
13:10ces propositions
13:12et de les enrichir
13:14Fukuyama n'avait pas entièrement tort
13:16au sens où il est improbable
13:18qu'apparaissent de nouveaux principes politiques
13:20capables de se substituer
13:22aux principes démocratiques
13:24en ce sens là il y a une sorte
13:26de fin de l'histoire très relative
13:28mais une fois qu'on a
13:30les principes démocratiques
13:32reste la question de faire fonctionner la démocratie
13:34et les principes en question manifestement
13:36ne suffisent pas
13:38donc il y a un bémol sérieux
13:40à apporter à sa thèse, sans la contredire
13:42et de même
13:44le choc des civilisations
13:46aujourd'hui se vérifie
13:48d'une manière totalement inattendue
13:50pour Huntington
13:52mais se vérifie bel et bien
13:54dans ce retournement géopolitique
13:56de la mondialisation
13:58qui se traduit dans l'affrontement
14:00nord-sud global
14:02qui est l'actualité de tous les jours
14:04on vient d'en avoir un épisode intéressant
14:06avec le sommet réuni par monsieur Poutine
14:08au nom des BRICS
14:10mais qui en fait
14:12se veut le porte parole
14:14de ce sud global
14:16qui est autre chose que le choc des civilisations
14:18qu'annonçait Huntington
14:20parce que
14:22c'est le choc de vision de la mondialisation
14:24et le choc de la place
14:26de l'occident dans la mondialisation
14:28ce qui est une question différente
14:30du heurt en quelque sorte de bloc
14:32civilisationnel autonome
14:34Arthur de Vatrigan
14:36Je vais revenir sur la constitution
14:38en tout cas ce basculement de la prise de pouvoir
14:40parce qu'il y a eu
14:42on parlait des années 71 puis 80
14:44puis ensuite deux grands faits
14:46le premier c'est le référendum de 2005
14:48évidemment, mais il y a eu aussi
14:50une grande réforme concessionnelle
14:52dans la suite de Nicolas Sarkozy
14:54est-ce que cette réforme concessionnelle
14:56a eu un impact sur la situation
14:58dans laquelle nous sommes aujourd'hui
15:00ou c'était une réforme comme une autre
15:02comme Emmanuel Macron en a faite
15:04ou est-ce qu'il y a eu vraiment un changement à ce niveau là
15:06La question peut-être
15:08la transformation qui me semble
15:10la plus significative dans l'esprit
15:12pas forcément dans les faits
15:14c'est l'introduction à l'occasion
15:16de cette réforme de la question prioritaire
15:18de constitutionnalité
15:20c'est-à-dire véritablement
15:22la légitimation
15:24d'un espèce de droit d'appel
15:26des citoyens à une constitution
15:28qui devient autre chose que ce qu'elle était
15:30puisqu'elle devient une espèce de
15:32non pas qu'est-ce qu'une constitution
15:34c'est le règlement du fonctionnement
15:36des institutions
15:38l'exécutif, le législatif, le judiciaire
15:40là on passe à autre chose
15:42une constitution devient une sorte de garant
15:44suprême des droits
15:46personnels des citoyens
15:48éventuellement opposable
15:50moi je prédis le moment
15:52où les cours constitutionnels
15:54vont se mettre à corriger les constitutions
15:56puisqu'elles le font déjà
15:58en les interprétant
16:00à la lumière du paragraphe
16:02interprétatif
16:04les cours constitutionnels deviennent des super législateurs
16:06oui bien sûr
16:08mais à bas bruit ça ne se voit pas trop
16:10je veux dire elles ne disent pas par exemple
16:12finalement prenons le cas français
16:14vieille question
16:16ce pouvoir exécutif
16:18exorbitant qui est confié au président de la république
16:20il faut le réduire
16:22on va le circonscrire et pourquoi pas
16:24effectivement
16:26dans l'esprit du général de Gaulle
16:28il était fait précisément pour
16:30matérialiser l'existence du politique
16:32dont nous parlions à l'instant
16:34l'exécutif c'était le politique
16:36et bien il est
16:38choquant et on le voit constamment
16:40dans l'actualité
16:42les prérogatives de cet exécutif sont en trop
16:44on peut imaginer très bien
16:46dans un avenir
16:48supposant que tout se poursuit sur la même lancée
16:50ce qui est très improbable
16:52qu'on corrige cet abus
16:54du passé
16:56alors j'avais prévu qu'on servait pour la deuxième partie
16:58de notre entretien des questions qui touchent davantage
17:01à la situation politique actuelle
17:03mais vous m'obligez à vous poser une question
17:05qui nous y conduit un peu
17:07le débat sur la loi immigration il y a quelques mois
17:09Emmanuel Macron lui-même
17:11souhaite voir la loi adoptée nationale
17:13retoquée par le conseil constitutionnel
17:15est-ce qu'il n'y a pas une forme d'accélération
17:17de transfert de pouvoir ici
17:19lorsque le président appelle à la légitimité du conseil constitutionnel
17:21pour dire finalement
17:23liquider cette loi qui a réussi à passer le test des parlementaires
17:25mais qui ne doit pas passer le test des tribunaux
17:27alors malheureusement je crois que c'est
17:29une très bonne illustration
17:31de ce dont nous parlions il y a un instant
17:33qui est la défaite du politique
17:35devant la politique
17:37car, que fait Emmanuel Macron
17:39il fait passer
17:41ses intérêts politiques de court terme
17:43la politique, la petite politique en l'occurrence
17:45au détriment
17:47d'un rôle qu'il est supposé incarner
17:49la facilité
17:51qui lui est offerte prend le pas
17:53sur l'idée qu'il devrait représenter
17:55de ce qu'est un pouvoir exécutif
17:57qui ne se livre pas
17:59à ce genre de manoeuvre politicienne
18:01par nature
18:03c'est bien précisé dans l'esprit de la 5ème république
18:05il est le premier à avoir à ce degré
18:07passé outre
18:09cette vision
18:11de son propre rôle
18:13alors vous faites référence dans votre ouvrage
18:15à la figure fondatrice de la philosophie politique moderne
18:17Thomas Hobbes
18:19Hobbes a la définition suivante de l'Etat
18:21propose ainsi sa définition de l'Etat
18:23chacun renonce à l'exercice de la violence
18:25pour la confier à l'Etat
18:27qui en échange, au souverain Olivier Attin
18:29qui en échange assure la sécurité
18:31de chacun
18:33c'est le pacte de Hobbes
18:35est-ce qu'on peut dire qu'avec les temps présents
18:37c'est pas une question que vous abordez directement
18:39mais elle me semble en sous-texte dans votre livre
18:41est-ce qu'avec les temps présents la question de la sécurité
18:43surgit partout, où chacun ne fait plus confiance
18:45à l'Etat pour assurer la protection
18:47des uns et des autres et même de sa propre vie
18:49est-ce que le pacte de base
18:51à l'origine de l'Etat moderne, la sécurité de chacun
18:53n'est pas en train de s'effondrer devant nous
18:55s'effondrer je ne sais pas
18:57mais être gravement remis en question
18:59certainement, et en effet
19:01après tout la devise républicaine
19:03pourrait aussi bien être
19:05liberté, égalité, sécurité
19:07car je crois que
19:09on touche là aux fondamentaux
19:11de ce qui fait une communauté de citoyens
19:13c'est-à-dire de gens qui se font
19:15confiance pour
19:17qu'existe entre eux
19:19une autorité capable
19:21de garantir leur sécurité personnelle
19:23je crois qu'on voit là
19:25les brèches qui s'introduisent
19:27dans les conceptions les plus classiques
19:29de la politique à la faveur de la situation
19:31actuelle. Mais de manière très concrète
19:33c'est-à-dire on le voit par exemple aux Etats-Unis
19:35le choix de la sécurité privée
19:37parce qu'on ne croit plus en la capacité de l'Etat d'assurer
19:39la protection des autres, même pour l'Etat
19:41social, l'Etat social qui prétendait
19:43parachever le régalien, et bien non
19:45on mise sur l'éducation privée
19:47la santé privée, donc comme si
19:49individuellement
19:51ils étaient de plus en plus nombreux à vouloir se dérober
19:53un politique ne tenant pas ses promesses.
19:55Pour les Français d'ailleurs
19:57la protection sociale
19:59s'appelle sécurité sociale
20:01une notion intéressante
20:03à regarder de près
20:05et vous avez tout à fait raison
20:07ces phénomènes
20:09sont le signe même
20:11de la crise profonde
20:13des démocraties qui
20:15regardent les bases même
20:17de son fonctionnement
20:19c'est en cela que c'est une crise à bas bruit
20:21il n'y a pas de
20:23c'est pas une rupture historique
20:25mais c'est un dysfonctionnement
20:27interne qui finit par éroder
20:29ce qui permet à la démocratie
20:31d'exister, ce qui est plus grave encore.
20:33Arthur de Lattrigan. Moi j'allais un cran plus loin
20:35que Mathieu, parce que là il parle, Mathieu parle
20:37de choses qui sont encore légales, faire une école privée
20:39des milices, bon pas tout le temps
20:41mais on voit un cran plus loin
20:43quand on regarde dans différents faits
20:45on revient un peu à la loi d'Utallion avec la vengeance
20:47on a, si on fait
20:49des sondages sur la peine de mort, on est
20:51sur un 50-50
20:53si on regarde sur la fraude fiscale
20:55elle est de plus en plus justifiée au nom du
20:57non consentement à l'impôt, est-ce qu'on n'est pas carrément
20:59entré dans un processus de décivilisation ?
21:01Faut-il
21:03je n'aime pas ce mot parce qu'il va très loin
21:05et que
21:07il y a
21:09des civilisations très anomiques
21:11c'est malheureusement pas
21:13incompatible, le concept ne l'implique pas
21:15n'implique pas nécessairement le bon fonctionnement
21:17mais vous avez raison
21:19ce sont autant d'illustrations concrètes
21:21de cette
21:23déliaison
21:25de ce qui permet de faire fonctionner
21:27une communauté d'égaux
21:29des égaux, cela suppose
21:31de neutraliser
21:33les plus forts par rapport
21:35aux plus faibles, et tous les
21:37phénomènes que vous évoquez sont en fait
21:39des phénomènes qui ramènent
21:41la loi du plus fort
21:43directement ou indirectement ?
21:45Alors la démocratie est en crise
21:47on pourrait dire que c'est une crise perpétuelle
21:49mais il y a l'idée d'une démocratie en crise
21:51un des symptômes de cela pour certains
21:53mais pour certains c'est un correctif, c'est le fameux populisme
21:55et vous consacrez
21:57plusieurs pages à la question du populisme
21:59comment le comprendre ? Quand on entend
22:01les populistes, ils se veulent généralement
22:03les restaurateurs
22:05de la démocratie dévoyée
22:07nous restaurons la démocratie, nous restaurons les libertés
22:09et inversement le mot populisme
22:11est utilisé souvent sur le mode
22:13vous êtes des ennemis autoritaires et régressifs de la démocratie
22:15comment comprendre le phénomène populiste
22:17aujourd'hui ?
22:19Alors le phénomène populiste est
22:21inhérent
22:23à la démocratie
22:25et à la souveraineté du peuple
22:27cela devrait calmer
22:29les ardeurs des contempteurs
22:31de la chose qui oublie simplement
22:33en route la base
22:35qui leur permet même de parler
22:37par ailleurs
22:39on voit bien qu'il y a
22:41dans la démocratie
22:43une pente
22:45populiste qui me paraît
22:47d'ailleurs illustrée au mieux
22:49par le fonctionnement récurrent de nos institutions
22:51on peut dire que la
22:53constitution de la Vème République est populiste
22:55et que le général de Gaulle
22:57était populiste à sa façon
22:59et nous avons eu tout récemment une élection
23:01typiquement populiste
23:03celle qui a permis à Emmanuel Macron
23:05de devenir président de la République
23:07on avait un schéma populiste pure
23:09celle de 2017 ou de 2022 ?
23:11celle de son entrée
23:132017 Emmanuel Macron candidat à l'élection populiste
23:15élection populiste de velours
23:17mais justement
23:19populisme quand même
23:21c'est à dire un homme seul
23:23émergeant
23:25de la foule, on le connaissait très peu
23:27et nouant un rapport
23:29direct avec les citoyens
23:31par dessus la tête des partis
23:33des formations politiques constituées
23:35et faisant exploser
23:37pour ainsi dire le carcan
23:39partisan habituel pour
23:41devenir le président
23:43du peuple car
23:45on a bien eu une élection absolument
23:47populiste même si
23:49par définition un peuple n'est jamais unanime
23:51alors c'est l'argument
23:53favori des antipopulistes
23:55qui nous expliquent que non
23:57le populisme ça tient pas parce que
23:59c'est suppose un peuple unanime
24:01évidemment que les populistes
24:03savent qu'il n'y a pas d'unanimité
24:05mais ce à quoi
24:07il croit c'est à la possibilité
24:09d'un exercice souverain
24:11lié à
24:13un leader qui incarne
24:15précisément la force du politique
24:17le populisme il est là
24:19contre la vision
24:21libérale
24:23qui est celle aujourd'hui dominante
24:25qui passe par la représentation
24:27et qui au fond
24:29s'accommode très bien de la
24:31dépolitisation des citoyens
24:33précisément les populistes croient à
24:35l'effervescence d'un peuple politique
24:37il n'y a pas si longtemps
24:39tout le monde semble l'avoir oublié
24:41j'en suis étonné
24:43Jean-Luc Mélenchon se
24:45revendiquait
24:47dans son programme du populisme
24:49dont il avait été cherché
24:51en Amérique Latine
24:53et puis tout d'un coup on a mis
24:55cette thématique sous le boisseau
24:57il ne figure plus dans les
24:59leçons de pensée de Jean-Luc Mélenchon
25:01qui sont dispensées à ses
25:03militants, je ne sais pas pourquoi
25:05j'aimerais si j'avais l'occasion
25:07le questionner à ce sujet
25:11parce qu'il est typiquement lui-même
25:13une figure populiste
25:15il n'y a pas que... il est une figure
25:17qui représente
25:19à lui tout seul un courant d'opinion
25:21et qui est la figure fédératrice
25:23au-delà de toutes les diversités
25:25qui peuvent exister à l'intérieur
25:27des gens qui se réclament de lui
25:29et Dieu sait que la vie
25:31de son groupe est assez agitée
25:33de ce point de vue
25:35donc il faut mesurer
25:37il faut revenir par rapport à ces
25:39termes qui ne sont pas des gros mots
25:41à une entente raisonnée
25:43et comprendre
25:45ce que veut dire
25:47cet antagonisme
25:49de la vision libérale
25:51de la démocratie
25:53et ce que veut dire d'autre part
25:55la version populiste
25:57qui est la question de
25:59comment exerce-t-on en pratique
26:01la souveraineté du peuple
26:03nous avons le temps d'une dernière question
26:05avant la deuxième partie
26:07c'est surprenant, ça signifie que contrairement à ce qu'on dit
26:09ou ce que les commentateurs racontent
26:11c'est que le ressort des populistes
26:13qui réussissent à travers l'Europe et aussi en France
26:15ce n'est pas la crise migratoire
26:17si on vous écoute, parce que Macron n'a pas été élu
26:19pour répondre à la crise migratoire
26:21mais Macron a été élu pour répondre
26:23à la crise du système politique
26:25quand il s'est avéré que la gauche
26:27échouait et la droite aussi
26:29donc on ne sait pas quoi faire
26:31qu'est-ce qu'on fait ? On va chercher un leader
26:33incontesté qui est supposé
26:35enjamber la division entre
26:37la gauche et la droite, en l'occurrence en 2017
26:39et de gauche et de droite
26:41où il y a eu plusieurs
26:43variantes de la formule
26:45mais ça c'est typiquement une formule populiste
26:47contre la politique libérale
26:49classique qui suppose
26:51des représentants de forces
26:53antagonistes entre lesquelles
26:55se joue le jeu politique
26:57Marcel Gaucher est avec nous dans cette émission
26:59jusqu'à 19h
27:01jusqu'à 20h, je rappelle votre livre
27:03Le Neu démocratique, on revient pour la deuxième partie
27:05de Face à Mathieu Bocoté dans un instant
27:07après la publicité, à tout de suite
27:11quasiment 19h30 sur CNews
27:13on poursuit Face à Mathieu Bocoté
27:15toujours avec Mathieu bien sûr, Arthur De Vatrigan
27:17et Marcel Gaucher qui est avec nous
27:19historien, le Neu démocratique
27:21aux éditions Gallimard
27:23nous nous sommes quittés sur une déclaration
27:25disruptive, Emmanuel Macron
27:27candidat et président populiste
27:29en 2017 qui prétend
27:31arriver au pouvoir en sacrifiant
27:33les médiations, en ayant un contact direct
27:35avec le peuple, en sacrifiant les partis
27:37mais est-ce qu'on ne pourrait pas dire que c'est aussi
27:39plutôt une ruse populiste si je peux me permettre
27:41c'est-à-dire un système qui se sait
27:43déconsidéré, un système qui n'est plus
27:45capable de produire de légitimité
27:47qui joue le théâtre du populisme
27:49pour être capable de préserver les intérêts d'une caste
27:51bien sûr
27:53mais c'est souvent le cas des populistes
27:55j'ai parlé de leur définition
27:57idéale et puis
27:59il y a derrière les incarnations concrètes
28:01et très souvent le populisme est une
28:03promesse déçue
28:05parce que derrière
28:07l'apparence de ce leader
28:09qui comprend tout le monde
28:11et avec lequel on a un rapport direct
28:13se cache autre chose
28:15qui est généralement la défense d'un ordre établi
28:17quelconque ou l'avantage
28:19d'un groupe particulier dans la société
28:21par rapport aux autres
28:23donc ça finit toujours mal
28:25le populisme
28:27réussi c'est très rare
28:29alors la politique finit toujours mal pourrait-on dire
28:31entrons dans la politique justement
28:33nous sommes au coeur
28:35d'une séquence, alors on préfère appeler les élections
28:37européennes, ensuite la dissolution
28:39les législatives qui ont suivi
28:41comment
28:43pourriez-vous
28:45caractériser
28:47les temps présents sur le plan politique
28:49c'est-à-dire on a vu une France divisée en trois
28:51pôles, une France divisée en trois pôles
28:53et chacun réclame pour lui seul le monopole de la
28:55légitimité, monopole de la révolution
28:57d'un côté, monopole de l'état de droit de l'autre côté
28:59monopole du peuple et de la nation
29:01comment peut-on sortir d'une telle situation
29:03mais d'abord comment la décrire
29:05décrivons-la d'abord
29:07en sortir c'est une autre question
29:09je crois que c'est pas au programme d'ailleurs
29:11de personne malheureusement
29:13et pas davantage au mien
29:15qu'est-ce qui s'est passé
29:17on a affaire d'une manière
29:19cristalline à
29:21la superposition
29:23de deux clivages
29:25un clivage classique droite-gauche
29:27la manière dont a fonctionné
29:29le vieux signal
29:31l'union de la gauche est typique à cet égard
29:33mais on peut dire la même chose
29:35du côté de la droite
29:37et d'autre part
29:39un nouveau clivage qui est précisément
29:41ce clivage au fond
29:43élitisme-populisme
29:45pour faire très simple
29:47évidemment c'est plus compliqué
29:49et à l'arrivée quand vous superposez ces deux clivages
29:51vous arrivez à trois
29:53partenaires et non pas deux
29:55ce sont deux clivages
29:57fondaux et qui donnent
29:59une tripartition
30:01ça c'est un problème presque mathématique
30:03en fait
30:05on a d'un côté
30:07une majorité
30:09incontestable pour refuser
30:11l'accès
30:13du rassemblement national
30:15au pouvoir
30:17et une majorité
30:19tout aussi certaine
30:21populaire en faveur
30:23des mesures sur un certain
30:25nombre de sujets préconisés par le rassemblement
30:27national
30:29c'est ce qu'on appelle une impasse politique
30:31il y a deux majorités
30:33deux plans différents
30:35qui ne se recoupent pas
30:37ce qui nous met dans cette situation
30:39extrêmement inconfortable
30:41en fait d'un gouvernement
30:43anti-majoritaire
30:45parce que c'est ça la vérité du gouvernement
30:47de Michel Barnier
30:49d'ailleurs les gens même
30:51qui l'appuient
30:53le soulignent à l'envie sans le faire toujours exprès
30:55mais justement quand on regarde
30:57la situation présente
30:59on nous disait il y a quelques mois
31:01et certains le disaient même au rassemblement national
31:03la diabolisation ne fonctionne plus
31:05le front républicain ne fonctionnera plus
31:07nous sommes normalisés
31:09désormais disait-il
31:11il a suffit de lancer l'appel front républicain
31:13de réactiver
31:15le langage de l'antifascisme
31:17pour voir encore une fois
31:19le RN et le corps national
31:21frapper l'exclusion
31:23il fonctionne encore
31:25comment expliquer l'efficacité encore de ce front républicain
31:27justement il ne faut pas prendre
31:29l'efficacité à la lettre
31:31je pense qu'il y a deux composantes totalement différentes
31:33dans ce qui a fait l'efficacité
31:35du front républicain
31:37il y a d'un côté un réflexe politique
31:39proprement politique
31:41de rejet du RN
31:43dont on peut très bien comprendre les attendus
31:45et puis il y a d'autre part
31:47un vote plus important à mon avis
31:49qui renvoie tout simplement
31:51à la peur de l'inconnu
31:53que représenterait un accès
31:55du RN au pouvoir
31:57et je partage la peur d'un inconnu que l'antifasciste
31:59mais oui bien sûr
32:01parce qu'en effet
32:03ce RN a-t-il
32:05les compétences gouvernementales requises
32:07ne susciterait-il pas
32:09des troubles importants dans le pays
32:11face auxquels
32:13on ne sait pas très bien comment
32:15la République s'arrangerait
32:17est-ce qu'on entre dans un scénario quasiment
32:19de guerre civile
32:21je pense qu'il y a une peur profonde
32:23y compris de gens qui adhèrent
32:25aux idées fondamentales
32:27en termes de mesure
32:29du RN
32:31ce sont deux plans très différents
32:33en politique
32:35il y a un certain nombre de sentiments
32:37qui jouent bien plus profondément que les idées
32:39et je crois qu'en l'occurrence
32:41la peur du saut
32:43dans le vide est vraiment le ressort
32:45principal qui est un obstacle
32:47qui me semble très difficile
32:49à surmonter au delà de toute normalisation
32:51pour le RN
32:53deux éléments dans cette peur
32:55la peur de l'incompétence gouvernementale
32:57globalement
32:59ou de l'incapacité à gérer correctement
33:01la peur du saut dans les déconnus
33:03et la peur de ce que ça pourrait
33:05susciter dans le pays
33:07une guerre civile
33:09je reprends vos deux éléments
33:11on regarde aujourd'hui
33:13la question des finances publiques dont tout le monde parle
33:15on peut penser aux émeutes de l'année
33:17dernière et les deux éléments
33:19redoutés suite à l'avènement possible
33:21un jour derrière nos pouvoirs
33:23nous avons déjà l'incompétence relative
33:25de la classe dirigeante
33:27et les émeutes parfument une guerre civile quelquefois
33:29alors si je puis dire
33:31il y a une grande différence entre une incompétence
33:33reconnue
33:35et une incompétence inconnue
33:37l'incompétence reconnue
33:39elle est familière
33:41on ne se fait pas beaucoup d'idées
33:43sur le talent génial des gens
33:45qui nous gouvernent
33:47la confiance des citoyens
33:49c'est bien et faible
33:51c'est connu et puis il y a
33:53autre chose de très différent
33:55quand on est face à quelque chose
33:57dont on ne sait rien
33:59il y a une grande différence entre
34:01vous savez il y a une formule fameuse de Lampedusa
34:03qui parle du malheur
34:05on préfère un malheur
34:07connu à un bonheur inconnu
34:09voilà on y est
34:11exactement ça colle parfaitement
34:13à la situation
34:15ça signifierait que la crise
34:17serait une assurance vie
34:19pour un régime oligarchique finalement
34:21parce que si ça ne gouverne pas
34:23il y a comme des institutions qui nous gouvernent
34:25nous arrivons à ce gouvernement
34:27minimal dont la seule
34:29raison d'être est qu'il faut un gouvernement
34:31à la limite
34:33la question de sa légitimité
34:35de son bien fondé politique
34:37finit par disparaître
34:39heureusement ils sont là et d'ailleurs on le voit
34:41les citoyens
34:43d'après les sondages
34:45acceptent majoritairement que Michel Barnier réussisse
34:47quand bien même ils ne se reconnaissent pas
34:49du tout dans ses idées
34:51ou dans sa désignation, c'est très significatif
34:53il faut bien un gouvernement
34:55alors le moins pire possible
34:57la politique devient d'ailleurs
34:59c'est plus le bien c'est le moins mal
35:01et si on est tordu est-ce qu'on peut penser que l'oligarchie
35:03entretient volontairement une crise
35:05qui n'est pas si grave que ça
35:07pour garder le pouvoir ?
35:09vous leur prêtez des talents qui sont loin d'avoir
35:11je crois que ce genre de calcul
35:13hélas si j'ose dire
35:15malheureusement
35:17n'est vraiment pas dans un scénario plausible
35:19d'après ce que je crois comprendre
35:21ou alors ils cachent vraiment
35:23très très bien leur jeu en affaire
35:25à des comédiens de grand style
35:27alors la crise politique
35:29la crise démocratique on la voit en Europe
35:31mais on la voit aussi en Amérique
35:33dans une dizaine de jours, en fait 8 jours
35:35on aura une élection présidentielle
35:37majeure aux Etats-Unis
35:39où les deux candidats
35:41vont conjuguer les époques d'étranges manières
35:43Kamala Harris accuse Donald Trump
35:45de fascisme et de complaisance hitlérienne
35:47et Donald Trump accuse Kamala Harris
35:49de communisme, donc c'est comme la synthèse
35:51inattendue des années 30 et de la guerre froide
35:53regardant cela que comprenez-vous
35:55de cette hyper-polarisation
35:57et de ce vocabulaire politique emprunté à un autre âge
35:59pour décrire ce qui est quand même la plus grande démocratie
36:01occidentale ?
36:03je crois que les communicants politiques
36:05sont en peine de trouver des notions
36:07porteuses et que donc on va chercher
36:09vraiment dans le magasin des accessoires
36:11qui est très très loin dans les coulisses
36:13parce que évidemment
36:15que personne ne peut prendre au sérieux
36:17le fascisme d'un Donald Trump
36:19qui a été président pendant 4 ans
36:21et personne n'a remarqué le fascisme aux Etats-Unis
36:23et Kamala Harris
36:25je crois qu'elle ne sait même pas
36:27ce que c'est que le communisme
36:29d'après ce qu'on devine de son
36:31profil et de son discours
36:33donc on est dans un univers onirique
36:35et je crois que ce qui est
36:37la crise américaine
36:39et aussi qui est une crise
36:41très très grave
36:43ça c'est peut-être plus grave encore
36:45que les crises européennes
36:47relève un peu d'un autre
36:49agenda parce que pour les Etats-Unis
36:51il y a un contexte historique
36:53tout à fait nouveau qui est la mise
36:55en question du rôle des Etats-Unis
36:57dans le monde. La mondialisation
36:59voulue par les Américains
37:01est en train en bonne partie
37:03de se retourner contre
37:05la prééminence du rôle
37:07américain dans le monde
37:09et je pense que pour l'identité
37:11américaine où cette mission
37:13des Etats-Unis est
37:15un article de foi incontestable
37:17je pense que pour l'identité
37:19américaine c'est très profond et c'est sur
37:21ce plan que l'opposition entre
37:23Kamala Harris et Donald Trump
37:25me semble plus significative
37:27parce que d'ailleurs et ensuite je passe la parole à
37:29Souda Latrigan mais quelque chose ressurgit
37:31d'une Amérique un peu oubliée
37:33l'histoire des Etats-Unis au XXe siècle
37:35ce n'est pas seulement la prétention impériale
37:37même au XIXe c'est la méfiance envers la prétention
37:39impériale, une république
37:41plutôt qu'un empire, l'isolationnisme
37:43le refus de se mêler des guerres européennes pendant un temps
37:45est-ce que c'est pas aussi cette Amérique
37:47qui remonte à la surface ?
37:49Je le crois, je pense qu'il y a une
37:51si ce monde ne veut pas de nous
37:53retirons-nous du monde
37:55et imposons notre force au monde
37:57c'est en gros le résumé de la politique
37:59de Trump, ce qui redevient une politique
38:01de force qui ne cherche pas l'alliance
38:03mais le rapport de force
38:05avec les gens qui sont avec nous, les gens qui sont contre
38:07nous et on ne discute pas
38:09Arthur Latrigan. Il y a quelque chose d'étrange
38:11également c'est que l'Amérique et la démocratie
38:13libérale par excellence ont toujours pas
38:15une liberté d'expression et on voit au cours
38:17de ces élections que l'homme le plus critiqué
38:19en tout cas qui est fascisé est Elon Musk
38:21qui a priori
38:23est pour ça pour la liberté d'expression et on l'a vu
38:25aussi du côté des universités
38:27après le 7 octobre, un antisémitisme
38:29complètement assumé
38:31comment vous analysez ça ?
38:35Alors
38:37largement de nouveau par
38:39ce fait
38:41paradoxal
38:43qu'est la disparition de la conscience
38:45historique qui fait qu'on va chercher
38:47encore une fois dans le magasin
38:49des accessoires, parce que tout ça c'est du décor
38:51des notions qui n'ont aucun
38:53rapport avec la réalité
38:55parce que Elon Musk
38:57c'est le fasciste
38:59c'est l'entrepreneur néo-libéral
39:01le plus caractéristique
39:03l'homme du système
39:05libéral
39:07poussé à ses dernières limites on peut le dire
39:09et
39:11je pense qu'il faut
39:13il y a une
39:15inadéquation du langage
39:17qui repose sur le fait que
39:19quand on dit antisémitisme
39:21sans complexe, oui, mais c'est un antisémitisme
39:23qui ne sait même pas qu'il a existé
39:25un antisémitisme, moi c'est ça qui me frappe
39:27et lequel est-ce qu'il a donné ?
39:29C'est vague, oui, oui
39:31aucun rapport, et je crois que
39:33c'est pire, parce que ça lui donne
39:35même les antisémites
39:37classiques qui peuvent
39:39exister résiduellement dans nos sociétés
39:41ils ont le souvenir
39:43de ce qu'a été l'antisémitisme et ils ont envie
39:45de ne pas se mouiller de ce côté-là
39:47là on a affaire à des gens front du collier
39:49ils y vont carrément
39:51parce que tout en
39:53refaisant remonter
39:55un vieil antisémitisme, ils ne savent pas que ce vieil
39:57antisémitisme a existé
39:59historiquement, l'amnésie historique
40:01est une des pires choses
40:03qui travaille nos sociétés
40:05je pense que ça peut donner des choses épouvantables
40:07alors on ne serait accusé, Jean-Luc Mélenchon
40:09d'amnésie historique, l'homme est cultivé
40:11nul ne le conteste
40:13pourtant plusieurs l'accusent
40:15sinon d'être antisémite lui-même
40:17on connait l'accusation, à tout le moins de jouer
40:19avec l'antisémitisme présumé
40:21c'est une partie de son électorat
40:23quel crédit portez-vous à ces accusations
40:25à cette analyse ?
40:27elles ont l'air fondées
40:29ces accusations
40:31et elles me paraissent typiques d'un point
40:33qu'on a déjà soulevé dans notre conversation
40:35qui est le passage en force
40:37de la politique, c'est-à-dire l'intérêt électoral
40:39dans le cas chez Mélenchon
40:41et l'oubli du politique
40:43dont il se voulait pourtant porteur
40:45diriez-vous qu'il sait ce qu'il fait ?
40:47diriez-vous de Jean-Luc Mélenchon
40:49je le crois
40:51c'est quelqu'un
40:53qui joue sa dernière carte en politique
40:55ne l'oublions pas
40:57et qui a un scénario dans la tête
40:59si par chance
41:01je me retrouve au second tour
41:03face à Marine Le Pen
41:05je serai élu
41:07donc il a une idée fixe
41:09il a un cap extrêmement précis
41:11car il table sur ce rejet
41:13dont nous parlions tout à l'heure
41:15et il n'a peut-être pas tort
41:17d'où l'importance
41:19de l'examen soigneux
41:21de ses faits et gestes
41:23vous avez évoqué la crise des Etats-Unis
41:25en parlant, disons, c'est une superpuissance
41:27qui se sait désormais contester
41:29elle prétendait être l'hyperpuissance
41:31et aujourd'hui elle découvre être une puissance parmi d'autres
41:33dans ce monde, mais est-ce qu'on ne pourrait pas dire
41:35que ça touche aussi l'Europe, l'Europe qui se prenait pour la civilisation
41:37de référence, l'Europe
41:39qui se prenait pour la civilisation tout court
41:41quelques fois, et qui aujourd'hui se découvre
41:43non seulement contestée
41:45contestée de l'intérieur, elle doute de sa légitimité
41:47historique, elle est dans l'hypercritique
41:49elle n'accepte plus son héritage
41:51elle est contestée de l'extérieur
41:53est-ce que finalement l'Europe n'est pas
41:55le continent qui aujourd'hui doute le plus
41:57de lui-même, plus encore il y avait un élan
41:59universaliste européen, et aujourd'hui l'Europe
42:01ne sait plus assumer son propre particularisme
42:03hélas, oui
42:05mais c'est pire encore que ce que vous dites
42:07parce que je crois que les Européens
42:09n'en sont plus même à se poser ce genre de questions
42:11ce qui est tragique
42:13c'est un continent frappé
42:15par un véritable effondrement
42:17intellectuel et identitaire
42:19les Européens ne savent plus ce qu'ils sont
42:21et quelle place, ils ne se posent
42:23pas la question, c'est bien le plus grand
42:25reproche qu'on puisse faire à la construction
42:27européenne aujourd'hui
42:29c'est qu'elle a exclu le problème
42:31principal, à savoir
42:33la place de l'Europe dans le monde
42:35au profit d'une vision
42:37irénique, naïve, d'un libre
42:39échangisme généralisé
42:41comme si l'ouverture suffisait à définir
42:43une identité
42:45et bien non, l'Europe
42:47est le grand perdant de la situation
42:49historique actuelle, il faut le dire
42:51Arthur de La Trigue
42:53Je vais revenir si vous me permettez sur la
42:55Jean-Luc Mélenchon, on sait qu'il a
42:57encore un avenir politique, en tout cas il le pense
42:59mais il y a d'autres personnalités politiques
43:01dont d'anciens ministres qui font
43:03partie des ministres peut-être les plus connus à l'international
43:05qui ont pris position de manière assez étrange
43:07Dominique de Villepin et Bernard Kouchner
43:09et eux n'ont pas d'avenir politique
43:11à priori. Je pense que c'est expliqué
43:13qu'un ancien ministre puisse dire
43:15l'antisémitisme peut exister à cause de Gaza
43:17et Dominique de Villepin qui se retrouve
43:19à la fête de l'humanité
43:21à côté d'antisémitisme
43:23Là, je crois
43:25qu'on a affaire à des cas individuels
43:27j'en ferai pas des exemplaires
43:29d'une tendance politique
43:31quelconque
43:33le désir de faire parler
43:35de soi et d'exister chez des gens
43:37qui ont beaucoup existé publiquement
43:39et qui n'existent plus est terrible
43:41et je pense que ça amène toujours
43:43à des dérapages de ce genre
43:45car ils ne correspondent pas profondément
43:47à ce que je crois être la personnalité
43:49des deux personnes que vous citiez
43:51mais à un moment donné
43:53tout d'un coup on revient
43:55devant de la scène parce qu'on a
43:57transgressé. La transgression
43:59est devenue dans un monde
44:01où le propos positif
44:03en politique ne compte plus
44:05un des ressorts
44:07de l'attention publique
44:09et je crois que nous sommes là devant ce cas
44:11sauf à supposer des problèmes personnels
44:13dans lesquels je n'ai pas à entrer
44:15je ne suis pas leur médecin
44:17ou leur neurologue
44:19pour vérifier l'état de leurs artères
44:21Alors il nous reste environ 4 minutes 30
44:23dernier segment
44:25qui me semble important pour les temps présents
44:27c'est une question qui va vous sembler probablement
44:29exagérée mais la question de la liberté d'expression
44:31on avait l'impression occidentaux
44:33que la liberté d'expression était au coeur
44:35de notre patrimoine politique
44:37que sa remise en question était illégitime
44:39or qu'est-ce qu'on voit aujourd'hui
44:41au nom de la lutte contre la désinformation
44:43au nom de la lutte contre la haine
44:45on voit la multiplication des délits d'opinion
44:47et on voit une remise en question
44:49décomplexée de la liberté d'expression
44:51en Occident. Comment le comprenez-vous ?
44:53Nous voyons
44:55renaître une gauche totalitaire
44:59Elle a longtemps existé
45:01au XXe siècle
45:03on croyait qu'elle avait disparu
45:05elle renaît et elle renaît sur l'oubli
45:07sur l'oubli de ce qu'a été le totalitarisme
45:09et sur l'oubli de l'autocritique
45:11qu'elle aurait dû faire
45:13et qu'elle a oublié aussi en route
45:15Je pense qu'il y a une amnésie
45:17nous revenons à l'amnésie historique
45:19dont nous parlions tout à l'heure
45:21il y a une sorte
45:23d'inconscience
45:25de ce qui est en jeu
45:27parce que ce qui me frappe dans cette gauche totalitaire
45:29c'est ce qui est très représenté
45:31dans les jeunes générations universitaires
45:33c'est sa naïveté
45:35ce sont des gens qui n'ont jamais réfléchi
45:37une seconde à ce que veut dire
45:39la liberté d'expression
45:41et apparemment les cours d'instruction civique
45:43qu'ils ont pu subir dans leur jeunesse
45:45n'ont pas laissé des fruits
45:47très significatifs
45:49je crois qu'il faut reposer le problème
45:51en termes d'une espèce
45:53de néo-totalitarisme
45:55qui n'est pas un néo-totalitarisme politique
45:57avec une grande idéologie
45:59et d'appareils militants
46:01qui porteraient ces causes
46:03mais il y a une opinion totalitaire de gauche
46:05sans complexe
46:07c'est assez étrange à observer
46:09et c'est assez triste
46:11pour un ancien combattant
46:13de l'anti-totalitarisme comme moi
46:15il nous reste environ 2 minutes 40
46:17je vous pose la position la plus inattendue
46:19l'optimiste
46:21est-ce que les sociétés européennes et occidentales
46:23ont encore une faculté de rebond ?
46:25est-ce qu'elles ont la capacité de renaître
46:27de se régénérer politiquement
46:29ou est-ce qu'il faut accepter tout simplement
46:31le destin welbeckien
46:33de l'Europe et de l'Occident
46:35le continent musé, le continent oublié, le continent vaincu
46:37c'est le tour des autres, ce n'est plus notre tour
46:41je ne suis pas futurologue
46:43et encore moins prophète
46:45mais je ne crois pas
46:47à la
46:49décadence inéluctable
46:51je ne vois pas
46:53pourquoi 10 siècles
46:55d'une histoire extraordinaire
46:57dans le cas européen
46:59tout d'un coup s'arrêterait dans le ramollissement général
47:01et notamment le ramollissement cérébral
47:03qui est évidemment le plus grave
47:05je tends à penser
47:07qu'il y a des ressources
47:09profondes
47:11dans nos sociétés
47:13pour un redémarrage, un réveil d'abord
47:15je crois que nous sommes dans un moment
47:17qui à beaucoup d'égards en Europe
47:19ressemble à du réveil
47:21il y a des signaux faibles
47:23comme on dit, je n'ai pas le temps de les évoquer
47:25mais qui montrent que
47:27le pire n'est pas sûr
47:29et
47:31je suis raisonnablement
47:33optimiste
47:35sur le long terme
47:37nous avons connu de très profondes
47:39crises déjà
47:41et il y en a eu une très grande au XXe siècle
47:43la crise totalitaire
47:45peu de gens pensaient que nous étions en mesure
47:47d'en sortir
47:49les démocraties l'ont emporté
47:51non sans mal
47:53et à quel prix ?
47:55tout ce que nous pouvons nous souhaiter c'est d'échapper à un scénario de ce genre
47:57mais je tends à penser
47:59il y a aussi un phénomène de renouvellement
48:01générationnel qui va ramener
48:03je crois
48:05un étiage raisonnable
48:07dans la vie publique
48:09et ranimer l'esprit de la démocratie
48:11dans ce qu'il a de plus fondamental
48:13il nous reste un peu moins d'une minute
48:15vous avez une formule forte
48:17le pire n'est pas certain
48:19est-ce la forme possible d'un optimisme aujourd'hui ?
48:21c'est la seule, je n'en vois vraiment pas d'autre
48:23un grand merci
48:25Marcel Gaucher d'être venu
48:27face à Mathieu Bocoté
48:29pour cette émission absolument passionnante
48:31je rappelle votre ouvrage Neu démocratique
48:33aux éditions Gallimard
48:35merci Mathieu Bocoté
48:37merci Arthur de Vatrigan
48:39à la semaine prochaine
48:41et nous on se retrouve dans un instant pour l'heure des produits