Face à Bock-Côté (Émission du 05/10/2024)

  • il y a 12 heures
Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote

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Transcription
00:00Quasiment 19h sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Mathieu Bocoté, cher Mathieu, bonsoir.
00:05Bonsoir !
00:06Bonsoir Arthur de Vatrigan, à la Une de l'Incorrect ce mois-ci, on va la découvrir ensemble.
00:11Ah non, c'est pas la musique, là, on découvre juste la Une.
00:14Pour l'instant, anatomie d'une chute.
00:16Ah tiens, tiens, avec Pierre Manan et Marcel Gaucher, ils ont sorti la sulfateuse.
00:25Ils ne mâchent pas leurs mots.
00:26Ils ne mâchent pas leurs mots, on le découvre quand ?
00:28C'est en kiosque depuis hier.
00:29Depuis hier.
00:30Le point sur l'information, c'est avec Isabelle Pivoulot, bonsoir Isabelle.
00:33Bonsoir Elliot, bonsoir à tous.
00:35Septième drame dans la Manche, quatre migrants sont morts la nuit dernière lors de deux tentatives de traversée.
00:41Parmi eux, deux hommes, une femme et un enfant de deux ans, récupérés inanimés au large de Boulogne-sur-Mer.
00:47Selon les premiers éléments, le petit garçon a été écrasé dans l'embarcation surchargée.
00:53Plus de 50 morts sont à déplorer depuis le début de l'année dans ces traversées vers l'Angleterre.
00:58En solidarité avec les peuples palestiniens et libanais,
01:01plusieurs manifestations se sont tenues en France, à Lyon, Toulouse, Strasbourg ou encore Paris,
01:06où plusieurs centaines de personnes ont rallié la place de la République à celle de Clichy.
01:10Des figures de la France insoumise ont pris part à cette mobilisation, organisée à la veille des commémorations du 7 octobre.
01:17Et puis les Bippers et Tokiwokis sont désormais interdits par la compagnie aérienne Emirates,
01:22que ce soit en soute ou en cabine.
01:25Décision prise après la vague d'explosions simultanées de ces boîtiers au Liban, mi-septembre.
01:30Par ailleurs, Emirates a prolongé la suspension de ses vols vers l'Iran et l'Irak jusqu'à mardi,
01:35et vers le Liban jusqu'au 15 octobre.
01:38Merci chère Isabelle pour le point sur l'information.
01:41A la une de face à Mathieu Bocoté, l'état de droit est une vache sacrée.
01:46On ne touche pas à l'intouchable.
01:48Oser imaginer une évolution de l'état de droit est un crime de lèse-majesté.
01:52Bruno Rotaillot en a fait les frais cette semaine,
01:55qui plaide une évolution du droit pour un meilleur état de droit.
01:59Alors peut-on critiquer l'état de droit ?
02:02On en parle dans un instant avec Mathieu Bocoté.
02:04A la une également, vous souhaitez aborder les commémorations du 7 octobre ce lundi.
02:08Certains voient en cette année une bascule idéologique, une bascule politique, philosophique et sociale.
02:13Un an après le 7 octobre, qu'est-ce qui a changé ?
02:16Élément de réponse dans cette émission.
02:18Enfin, à la une également, vous allez recevoir Nicolas Batigny,
02:22auteur de Le sursaut corse, l'identité plutôt que l'indépendance.
02:27Sujet passionnant, seconde partie d'émission.
02:30Voilà le programme de face à Mathieu Bocoté.
02:33Mathieu, c'est parti.
02:34Et on va parler de l'état de droit pour commencer.
02:37Attention à ce que vous allez dire.
02:38On ne touche pas à l'état de droit, Mathieu Bocoté.
02:41La vie politique a été occupée depuis une semaine par la polémique entourant l'état de droit.
02:46Avoir dit qu'il n'était pas sacré, Bruno Rotaillot a été la cible de nombreuses critiques.
02:50Et c'est sur cette polémique que vous souhaitez revenir pour votre premier édito.
02:54Oui, parce que ça nous rappelle à quel point dans le monde qui est le nôtre, il y a des mots sacrés.
02:59En fait, c'est particulier, presque des mots magiques, des mots tabous.
03:02Et si vous prononcez ce mot autrement qu'avec un ton, on pourrait dire, de célébration
03:09ou sous le signe de l'enthousiasme le plus, ou alors de ce ton solennel et grave,
03:14vous parlez de certains mots, si vous les prononcez publiquement,
03:17sans être dans une logique du rituel de célébration,
03:20dès lors vous basculez dans une logique d'hérésie, vous basculez dans une logique d'infréquentabilité.
03:26C'est ce qui s'est passé avec Bruno Rotaillot cette semaine,
03:28qui a dit une chose toute simple.
03:30L'état de droit n'est pas sacré.
03:32Et ensuite, il a précisé son propos.
03:34L'état de droit n'est pas sacré.
03:36Disant cela, la gauche en a profité, mais comme toujours,
03:40et les médias du service public comme d'habitude aussi,
03:42pour transformer cette déclaration en scandale.
03:46Vous savez, on pourrait dire que dans les sostiques sur les nôtres,
03:49celui qui a le vrai pouvoir médiatique,
03:51c'est celui qui a le pouvoir de décréter qu'il y a un scandale ou non.
03:54Et cette semaine, la gauche était capable d'imposer l'idée
03:58que Rotaillot avait dérapé et tenu un propos scandaleux.
04:02État de droit, état de droit, état de droit, on l'a répété, c'était sacré.
04:05Mais une question était manquante.
04:08C'était celle de sa définition.
04:11On nous disait qu'on devait le défendre à tout prix,
04:13mais on ne savait pas exactement ce à quoi nous référions.
04:16Vous savez, c'est un peu comme l'extrême droite,
04:18qui est le concept inverse.
04:19C'est-à-dire que l'extrême droite, tout le monde en parle,
04:21mais on ne la définit jamais.
04:22Mais on sait que c'est une catégorie maudite.
04:24Et l'état de droit, tout le monde en parle, mais on ne le définit jamais,
04:26et c'est une catégorie quasiment divine.
04:28Alors, la question était manquante.
04:30Alors, on peut chercher, nous, ce soir,
04:32c'est ce qu'on va chercher à faire, à définir en un instant, l'état de droit.
04:35C'est normalement à l'origine, l'état de droit.
04:38C'est cette idée que les lois doivent être votées
04:41et sont conformes à la Constitution.
04:43À la Constitution, qui doit...
04:45Donc, il y a un contrôle de constitutionnalité.
04:48Qui s'opère de quelle manière dans le monde traditionnel de la vie politique ?
04:52Eh bien, le contrôle de constitutionnalité s'opérait par des juges
04:55qui interprétaient la Constitution et les lois,
04:58mais surtout, à la lumière de l'intention du législateur ou du constituant.
05:03C'est-à-dire, on comprend ce que voulait l'auteur de la Constitution,
05:07on comprend ce qu'étaient les intentions qui étaient les siennes,
05:10les orientations qui étaient les siennes,
05:12et on va décider, donc on va interpréter les lois à la lumière de la Constitution,
05:16telles qu'elles étaient comprises par ceux qui l'ont promulguée,
05:20qui l'ont mise de l'avant.
05:21Ça, je pense qu'il faut le garder à l'esprit.
05:23Ensuite, on doit bien le constater une chose,
05:26cette définition de l'état de droit à laquelle on pouvait tous se rallier auparavant,
05:29c'était le refus de l'arbitraire en politique,
05:31c'était le refus d'un politique, d'une forme d'absolutisme personnel ou monarchique,
05:37c'était la volonté d'encadrer la vie politique.
05:39Cette définition de l'état de droit, manifestement, elle a changé.
05:44Et justement, vous nous dites que l'état de droit a changé de définition.
05:50Et cherchons à voir quelle est la nouvelle définition de l'état de droit.
05:53Alors ça, comprenons un principe, c'est substituer un autre.
05:57Il y avait la souveraineté populaire,
05:59il y avait les libertés publiques,
06:01il y avait l'idée qu'il y avait un curseur qu'il fallait déplacer entre les deux,
06:04il y a des périodes dans l'histoire où la souveraineté populaire doit être plus forte,
06:07d'autres fois où les libertés publiques doivent être plus prononcées,
06:10mais il y avait ce jeu d'équilibre, c'est ce qu'on appelait la démocratie libérale.
06:13Or, qu'est-ce qu'on a vu depuis, on pourrait dire, une cinquantaine d'années en Occident,
06:16plus encore une trentaine d'années, plus encore une quinzaine d'années,
06:19une forme d'accélération dans le changement de régime,
06:22qu'est-ce qu'on a vu?
06:23En fait, non, il y a une révélation nouvelle dans l'histoire,
06:26il y a une révélation quasiment religieuse, mais qui ne se sait pas comme telle,
06:29ce sont les droits de l'homme.
06:30Les droits de l'homme, tels qu'on les comprend,
06:32encore là, ce ne sont pas les libertés publiques, j'insiste,
06:35les droits de l'homme, tels qu'on les comprend globalement depuis la chute du communisme,
06:38c'est une forme de conversion, c'est Kundera qui l'avait compris un peu à cette manière,
06:42les droits de l'homme aujourd'hui, les désirs de se convertir sans besoin,
06:46se convertir sans droits, se convertir sans droits fondamentaux,
06:48se convertir sans droits de l'homme.
06:50Et quelle est la responsabilité de l'État dans cette logique?
06:52C'est d'appliquer, de concrétiser la multiplication des droits dans la société.
06:57Et chaque fois qu'un droit est promulgué, il se dérobe à la souveraineté populaire,
07:02il se dérobe aux politiques, ce qui fait que toutes les revendications minoritaires aujourd'hui,
07:06parce que c'est ça l'enjeu, les revendications minoritaires
07:09ne se formulent plus dans le langage de la souveraineté,
07:11dans le langage du peuple, de la nation.
07:13Les revendications dites minoritaires s'adressent directement aux tribunaux
07:18et l'idée c'est toujours de neutraliser le plus possible le peuple,
07:22de neutraliser la souveraineté, parce qu'on considère que la souveraineté populaire
07:26c'est l'autre nom de la tyrannie de la majorité.
07:29Donc on considère le progrès politique dans nos sociétés,
07:32on l'assimile à une restriction toujours plus grande de la souveraineté populaire
07:37et une extension toujours plus grande de la liste des droits.
07:41On nous dit là, restons dans la logique de l'État de droit,
07:44donc il y a les lois qui doivent être conformes à la Constitution,
07:47il y a le rôle des traités internationaux qui peuvent modifier quelquefois
07:50la Constitution, l'interprétation des lois.
07:52Mais la question est fondamentale.
07:54Qui sera l'interprète?
07:56Qui sera l'interprète qui va nous dire ça c'est un droit fondamental,
07:59ça ce ne l'est pas, soudainement l'État n'a plus le droit de faire ça
08:02ou il est obligé de faire ça?
08:03Ce sont les juges.
08:04Le fameux gouvernement des juges dont on a tant parlé ces dernières années,
08:08on l'a devant nous.
08:09Et comment fonctionnent les juges aujourd'hui dans nos sociétés?
08:12Ils fonctionnent sur le mode de l'interprétation créatrice du droit.
08:16Donc ils ont devant eux une loi, par exemple, votée par le parlementaire,
08:19et là ils vont interpréter à leur manière la Constitution,
08:23non pas comme elle avait été pensée elle-même,
08:25mais telle qu'ils interprètent eux-mêmes la Constitution aujourd'hui,
08:28souvent avec une lecture exagérément créative, encore une fois,
08:32du triambule de tel texte, de tel accord international,
08:35de telle jurisprudence qui vient de l'Europe.
08:37Donc dans les faits, le juge aujourd'hui devient un super législateur.
08:41Si vous voulez le pouvoir dans nos sociétés, Elliot,
08:44ça pourrait vous arriver un jour, ne vous présentez pas aux élections.
08:47Devenez juge. Devenez juge, le véritable pouvoir est là.
08:51Les politiques n'ont plus qu'un contre-pouvoir, gardons ça à l'esprit.
08:55Vous noterez, on nous parle souvent, la France ne peut pas faire ça
08:58parce que c'est contraire à ses engagements internationaux.
09:00C'est une formule assez fréquemment utilisée.
09:02Mais ces engagements internationaux ne sont jamais validés par la population.
09:07Il n'y a pas l'occasion de, par exemple, le peuple, on dit,
09:09vous savez, on vient d'allier une part fondamentale de votre souveraineté,
09:12référendum pour savoir si vous êtes d'accord avec ce changement
09:15qui limite considérablement votre souveraineté.
09:17Eh bien non, eh bien non, eh bien non.
09:19On a dans la logique de l'État de droit aujourd'hui,
09:21les engagements internationaux qui sont pris par la technocratie,
09:25dans la sorte d'oligarchies mondialisées des temps présents,
09:28sont plus importants que la souveraineté populaire.
09:31Alors là, on se dit plutôt, au moins le bon côté de l'État de droit,
09:35c'est que ça évite l'arbitraire.
09:36Au moins, c'est bien un État qui ne fait pas l'arbitraire.
09:38Mais ce n'est pas exactement ça.
09:40Parce que quand il s'agit de lutter contre l'extrême droite,
09:42dont on parlait plus tôt, alors là, l'État de droit lui-même se croit tout permis.
09:47Au-delà de l'extrême droite, d'ailleurs, je vais vous donner trois registres.
09:50La question de la santé publique, la transition écologique
09:53et la lutte contre la haine.
09:54Au nom au moment de la crise de la COVID, du COVID comme on dit apparemment ici,
09:58on nous a bien une fois expliqué que l'État de droit,
10:00soudainement, pouvait être suspendu.
10:02L'exception COVIDienne était telle qu'on en venait même à valoriser
10:06la délation de son voisin.
10:08C'était marrant.
10:09Être bon citoyen au moment de la COVID, c'était être un délateur de son voisin.
10:12Et plus aucune règle ne tenait.
10:14On pourrait dire exception pandémique.
10:15Peut-être, mais ça a duré longtemps.
10:17Ensuite, la transition écologique.
10:18Je constate qu'en son nom, on piétine plus que jamais aujourd'hui
10:21un truc qui s'appelait le droit de propriété aujourd'hui.
10:23Le droit de propriété est de plus en plus relativisé
10:26au nom de la transition écologique.
10:28Mais on nous dit que c'est des considérations telles,
10:30là, l'État de droit doit se plier.
10:31Et la fameuse lutte contre la haine.
10:33Notez, il y a peut-être deux ans, quand un colloque de l'Institut Iliade,
10:41on peut être en désaccord avec cet institut, la question n'est pas là,
10:43mais un colloque de l'Institut Iliade avait été interdit d'avance
10:47à partir d'une circulaire administrative venant du ministère de l'Intérieur
10:50parce qu'on craignait que s'y tiennent des propos contraires à la loi Pleven.
10:55Vous comprenez bien.
10:56Parce qu'on craint que se tiennent des propos contraires à la loi,
10:59eh bien, on interdit l'événement à l'avance.
11:02C'est absolument délirant.
11:04On peut être tout à fait contre ce qui se dit dans ce colloque,
11:06mais au moins, il faut attendre de savoir ce qu'il va se dire.
11:08Notez la dissolution des associations identitaires, souvent.
11:11Ça fait aussi partie de cette logique.
11:13Donc, soudainement, l'État de droit devient très militant
11:17et se permet de pratiquer l'arbitraire contre ce qu'il appelle ses ennemis,
11:21ce qu'il appelle l'extrême droite.
11:22Et soudainement, l'État de droit devient militant
11:25et frappe les droits des uns et des autres et ne les protège plus.
11:28Finalement, vous nous dites que l'État de droit et la démocratie
11:31ne sont pas des concepts interchangeables.
11:33C'est ce que nous disait Retailleau.
11:35Il était en poste depuis une semaine ou deux environ.
11:38Je pense qu'il est parvenu à recadrer de très belles manières
11:43le débat public en clarifiant des concepts.
11:46Il dit que l'État de droit, ce n'est pas sacré.
11:48Il ne dit pas que je veux l'abolir.
11:50Il dit que la définition actuelle que nous avons de l'État de droit
11:53doit être révisée.
11:56On nous dit par exemple qu'on ne peut pas changer la constitution.
11:59Le texte sacré, on ne change pas la constitution.
12:01On l'a changé pour la question de l'IVG.
12:03Donc manifestement, on peut la changer.
12:05Dans un sens ou dans l'autre.
12:06Ah non, dans un sens mais pas dans l'autre.
12:08C'est encore une fois la toute-puissance des interprètes
12:11du droit de manière progressiste.
12:13Il y a une chose qui est vraie en politique, il ne faut jamais l'oublier.
12:16Il y a la question du régime.
12:18L'État de droit, c'est l'expression contemporaine.
12:20Je pense qu'on est dans un État de droit aujourd'hui dénaturé.
12:23Un État de droit dénaturé qui ne respecte même plus les libertés publiques.
12:26La démocratie, qu'est-ce que c'est?
12:28Ça donne le pouvoir au peuple de dire un jour,
12:30ce régime ne tient plus, ce régime ne fonctionne plus,
12:32ce régime doit être révisé, ce régime doit être transformé.
12:35Donc il y a des processus de modification constitutionnelle.
12:38Et quand on ne réforme pas un régime, alors qu'on le devrait,
12:41parce qu'il est devenu impuissant, incapable d'agir, incapable de gouverner,
12:45qu'est-ce qui se passe?
12:46Ça fait la fondation de la Vème République qui n'est pas née,
12:48puis je le rappelais poliment à mes amis français,
12:51elle n'est pas née dans de chastes circonstances.
12:54Ceux qui nous disent qu'il faut refuser l'arbitraire du pouvoir,
12:57rappelez-vous, la Vème République est née d'un coup assez...
13:02d'une définition ambigue.
13:04On a recouvert juridiquement ce qui était quand même
13:07une prise de pouvoir assez musclée par le général de Gaulle.
13:09Alors j'y reviens.
13:11L'État de droit aujourd'hui, concrètement,
13:13quand on nous dit qu'on doit le sauver à tout prix,
13:15qu'est-ce qu'on voit là-dedans?
13:16Moi je l'appelle l'État de droit divin aujourd'hui.
13:18Donc c'est le pouvoir des juges qui crée le droit
13:20en prétendant l'interpréter.
13:22C'est des groupes militants qui convertissent médiatiquement
13:24leurs revendications en droits fondamentaux.
13:26C'est des autorités administratives indépendantes
13:28qui pratiquent sans en avoir reçu le mandat
13:30une forme d'agressive ingénierie sociale.
13:33C'est une censure qui se veut civilisatrice au nom de la haine,
13:36la lutte contre la haine et la désinformation.
13:38Et tout cela intégré dans une technostructure mondialisée
13:41qui prétend se substituer à ce concept désuet
13:43que serait la souveraineté nationale.
13:45Alors on peut penser que cet ordre est un ordre désirable,
13:48je ne vois pas dans quelle mesure
13:50on pourrait dire qu'il est sacré.
13:52Arthur de Vatrigan.
13:54J'aime bien la manière dont Mathieu habille le coup d'État.
13:57Le Québec livre reste encore, il restera.
14:02L'État de droit, on a le droit de le critiquer ou pas?
14:05L'État de droit c'est l'État du droit
14:07et le droit ne fait que d'évoluer, c'est un mot totem.
14:10Le Figaro nous a appris il y a quelques jours
14:13la décision du Conseil d'État qui datait du 15 juillet.
14:15Je ne sais pas si vous l'avez vu passer,
14:17le Conseil d'État qui a donné raison à la Cour nationale du droit d'asile
14:20d'accorder le statut de réfugié à un Algérien de 31 ans
14:23qui avait été condamné à 4 ans d'emprisonnement en 2019
14:26pour fait d'agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans.
14:29Donc la raison est la suivante,
14:31c'est que ce criminel entreprend une transition de genre
14:33et donc il ne peut pas être envoyé dans son pays
14:35parce que c'est dangereux pour lui,
14:37parce qu'il risquerait des persécutions.
14:39Donc je passe sur la condamnation très sévère de 4 ans
14:41pour une agression sexuelle sur une gamine.
14:43Mais je trouve que c'est un exemple très symbolique
14:46de ce qu'est l'État de droit.
14:48C'est-à-dire que dans ce royaume de l'individu,
14:51surtout s'il appartient à une minorité,
14:53un pédophile passe avant le bien commun.
14:56On pourrait citer des milliers de cas séminaires
14:58tout aussi tragiques et tout aussi absurdes.
15:01Ce que n'importe qui de sensé se dirait
15:04mais au nom de quelle bizarrerie,
15:06au nom de quoi la France garde sur son sol
15:08un pédophile étranger ?
15:11Quelqu'un de sensé dirait ça.
15:13Sauf que le bon sens a été remplacé par l'État de droit.
15:16C'est le totem absolu.
15:18Quand on brandit, quand on n'a plus rien à répondre.
15:20Donc dans ce merveilleux État de droit,
15:22il y a toujours des experts, on les entend à chaque fois,
15:24qui se tortillent le cerveau en brandissant d'une main
15:26le Dallas et dans l'autre la déclaration des droits de l'homme
15:28en disant que c'est ça l'État de droit.
15:30On peut justifier l'horreur
15:32et surtout c'est un problème de pédagogie.
15:34Et puis après vous avez le côté moraline
15:36avec une réalisatrice par exemple qui vit à New York
15:38et qui vomit sur pellicule son bréviaire du vivre ensemble
15:40pour vous expliquer que l'État de droit c'est bien.
15:42Et puis vous avez un garde des sceaux qui explique que la justice
15:44n'est pas laxis parce qu'en fait la justice
15:46applique strictement le droit.
15:48Comme si les juges n'étaient pas des hommes.
15:50C'est-à-dire avec des idées et parfois des idéologies.
15:52Et donc à chaque fois ils disent, ok il y a des histoires tragiques,
15:54il y a une gamine innocente qui se fait tuer,
15:56il y a un prof qui se fait décapiter,
15:58mais nos valeurs humanistes ont été préservées
16:00et puis on a les mains propres parce que l'État de droit
16:02n'a pas été dénaturé.
16:04Sauf que la réalité c'est que c'est sachant,
16:06mais ils se prennent encore pour des rois,
16:08c'est ça qui est assez effrayant.
16:10Ils sont bouffés d'orgueil, obsédés par leurs vertus,
16:12ils parlent uniquement de ça,
16:14mais sauf que ces vertus, cet orgueil, ils ne le subissent jamais.
16:16Parce que je rappelle que dans les salons cossus
16:18du Conseil d'État ou du Conseil Constit,
16:20on est plutôt préservé de la réalité.
16:22Et c'est assez efficace.
16:24Et en fait on a ce cercle de la raison qui s'est défini comme ça,
16:26qui est en fait devenu un cercle de fous.
16:28On en est à expliquer un truc qui est dingue.
16:32Vous demandez à n'importe qui,
16:34tout le monde va être surpris par cette explication,
16:36ces explications.
16:38Alors ils parlent de démocratie, mais en fait ils oublient à chaque fois
16:40que la démocratie c'est justement
16:42c'est au peuple de se gouverner lui-même
16:44et c'est au peuple de déterminer à quelles normes
16:46il va se soumettre ou pas.
16:48C'est le principe basique de la démocratie.
16:50Mais c'est là où on voit la logique derrière,
16:52c'est que le peuple, pour ces gens-là,
16:54pour ces experts, ce cercle de la raison,
16:56c'est sachant, comme avait dit Macron,
16:58le peuple est douteux, il est idiot,
17:00il pue, il est mal élevé.
17:02Il faut le faire taire et si on n'arrive pas à le faire taire,
17:04on va l'obliger carrément à se taire, même juridiquement,
17:06en dénaturant le droit.
17:08La racine commune de tous ces experts,
17:10Tocqueville nous avait prévenus
17:12dans le premier tome de la démocratie en Amérique,
17:14je cite, ils conçoivent à grand dégoût pour les actions
17:16de la multitude et méprisent secrètement
17:18le gouvernement du peuple. C'est ça la réalité.
17:20Regardez pendant Mathieu a parlé de la crise sanitaire,
17:22je trouve que c'est un exemple hyper intéressant
17:24parce que la crise sanitaire, au nom de l'intérêt général,
17:26c'est ce qu'on nous avait dit, pour sauver la communauté,
17:28pour préserver le corps social,
17:30on s'assoit sur les droits individuels,
17:32on s'assoit sur l'état de droit, ça a été vendu comme ça,
17:34très bien, mais en même temps, sur d'autres sujets,
17:36par exemple l'immigration, on nous dit,
17:38le bien commun et la communauté ne comptent pas,
17:40ce qui compte le plus, ce sont les droits individuels.
17:42Donc on voit bien que l'état de droit,
17:44il s'ajuste en fonction de l'idéologie des personnes
17:46et en vérité, si on peut conclure là-dessus,
17:48c'est que l'état de droit, au nom de l'état de droit,
17:50ils invoquent l'état de droit uniquement
17:52pour pouvoir piétiner conscienceusement
17:54le premier et le plus fondamental des droits
17:56qui est celui de consentir à la loi qui nous gouverne.
17:58Autre sujet à présent.
18:00Nous commémorons lundi le premier anniversaire
18:02du programme du 7 octobre 2023 à Mathieu Bocoté.
18:04Nous en parlerons beaucoup cette semaine, bien sûr,
18:06mais vous souhaitez revenir dès maintenant
18:08sur certaines leçons que nous pouvons retenir
18:10de cette année du point de vue de la philosophie politique.
18:12Oui, je crois, parce qu'on reviendra
18:14sur les événements, évidemment, cette semaine,
18:16mais je pense qu'il y a quelques leçons de base
18:18qu'on peut retenir et qui révèlent
18:20à quel point nos structures mentales
18:22sont périmées quand on revient
18:24à le monde d'aujourd'hui.
18:26Quelques leçons, il y en aurait bien d'autres
18:28à retenir. La première chose qui m'a frappé,
18:30moi, depuis un an, c'est l'existence
18:32d'un truc qu'on avait complètement nié,
18:34oublié, occulté, c'est ce qu'on pourrait appeler
18:36la mémoire archaïque des peuples et des civilisations.
18:38L'homme moderne, l'homme moderne
18:40ne veut voir que les sociétés.
18:42Il ne voit que les individus, des sociétés,
18:44des droits, des valeurs,
18:46mais il oublie la profondeur historique
18:48des civilisations, la profondeur historique
18:50des peuples, et il oublie l'existence
18:52de conflits qui se pensent
18:54dans la longue durée.
18:56Des conflits qui se pensent dans la longue durée,
18:58et ce qu'on a vu à ce moment-là,
19:00ce qui m'a frappé, c'est par exemple
19:02l'enthousiasme dans une partie du monde arabe,
19:04hélas, par le 7 octobre.
19:06Les événements du 7 octobre,
19:08qui a été vu comme une vengeance, une victoire
19:10contre Israël, donc contre les Juifs,
19:12enfin humiliés.
19:14Nous prenons notre revanche contre Israël,
19:16contre les Juifs qui nous humilient
19:18depuis si longtemps. C'est notre tour, vengeance,
19:20et c'est assez fascinant quand même.
19:22Donc une mémoire archaïque
19:24qui ne fait pas partie des catégories qu'on utilise
19:26aujourd'hui pour penser les rapports entre les groupes humains,
19:28là, elle a ressurgi, et nous sommes
19:30obligés d'en tenir compte.
19:32Deuxième élément, parmi d'autres,
19:34l'effondrement psychique du monde occidental.
19:36Et ça, c'est Queer for Gaza.
19:38Vous savez tous ces gens, les militants
19:40d'extrême-gauche, LGBTQ2I+,
19:44tout ça,
19:46qui disaient Queer for Palestine,
19:48sans comprendre que s'ils mettaient un pied,
19:50un pied à Gaza,
19:52eh bien, on leur ferait faire
19:54un terrible saut
19:56à partir du plus haut
19:58des immeubles de Gaza,
20:00en disant « Désolé, un type comme toi, on ne veut pas de toi ici. »
20:02La fameuse homophobie
20:04dont on parle souvent, elle est réelle là-bas.
20:06Elle est réelle. Mais une partie de la gauche
20:08occidentale fantasme une forme de Gaza
20:10décoloniale, sans comprendre qu'il s'agit
20:12pour la population là-bas
20:14d'une société concentrationnaire,
20:16à bien des égards. Autre thème,
20:18la perte d'influence des Occidentaux,
20:20qui ne sont plus au cœur du monde.
20:22À tout moment, ils ne sont plus tout le monde.
20:24Depuis cinq siècles, les Occidentaux ont l'impression
20:26d'être la civilisation de référence.
20:28Ce qu'on a vu, c'est que
20:30là, les différents
20:32pôles civilisationnels qu'il y a dans le monde ne partagent pas
20:34toujours notre grille de lecture.
20:36On l'a vu aussi, soit dit en passant,
20:38un peu avant, avec l'Ukraine.
20:40J'ajouterais l'illusion
20:42de tout pacifisme. On peut être
20:44pacifique. Il est bien d'être pacifique.
20:46C'est un pacifisme qui consiste à croire
20:48qu'on va renoncer soi-même à la force en espérant
20:50que celui d'en face renonce à la force aussi.
20:52On voit à quel point c'est une folie.
20:54Les peuples doivent
20:56se défendre et doivent
20:58comprendre. C'est le fameux « si tu veux la paix,
21:00prépare la guerre ». Il y a cette idée que sans
21:02la force, on a peut-être la vertu, mais c'est
21:04une vertu impuissante qui se retourne contre
21:06nous. De ce point de vue, un peuple
21:08pour se défendre a besoin
21:10d'armes. Quand on décide de ne pas soutenir
21:12un peuple qui a besoin d'armes pour se défendre,
21:14c'est une manière de le condamner.
21:16Aussi, et ça je pense qu'on est obligé de le dire,
21:18on a vu les effets.
21:20En fait, c'est l'émergence de la question diasporique
21:22en Occident aujourd'hui avec
21:24les effets de l'immigration massive que l'on voit
21:26partout aujourd'hui dans toutes nos sociétés.
21:28Cette immigration massive qui a des conséquences
21:30politiques, sociologiques, identitaires,
21:32culturelles. Et là, ça nous
21:34explose au visage. Encore une fois,
21:36on avait cru que les peuples n'existent plus, que la mémoire
21:38archaïque n'existe plus, que les gens qui arrivaient ici
21:40parce qu'ils changeaient de papier changeaient d'identité.
21:42C'est pas exactement ce qui s'est passé
21:44et ça nous explose au visage aujourd'hui.
21:46Vous avez parlé de la question diasporique.
21:48Qu'entendez-vous par là, Mathieu Bocoté?
21:50Alors, se sont constituées dans les sociétés occidentales
21:52des communautés, il y a plein d'individus qui s'intègrent
21:54évidemment, il ne faut pas se tromper, mais des communautés
21:56dont le port d'attache
21:58est leur civilisation d'origine et qui se
22:00vivent en Occident comme
22:02étant en conflit. C'est le choc des civilisations
22:04à l'intérieur même de nos frontières.
22:06C'est tragique, mais il faut le reconnaître.
22:08Bruxelles,
22:10Londres, mais en France aussi,
22:12mais au Canada, mais aux États-Unis,
22:14au Michigan, le nombre d'endroits
22:16où l'islamisme progresse dans nos sociétés,
22:18ayons l'honnêteté que l'islamisme
22:20il ne naît pas
22:22de manière inattendue en Bretagne
22:24ou en Corrèze. C'est un effet
22:26de l'immigration massive, ce n'est pas le seul,
22:28mais c'est un effet qu'on doit mentionner.
22:30Donc on a le choc des civilisations à l'intérieur
22:32de nos sociétés aujourd'hui.
22:34L'antisémitisme
22:36qui frappe aujourd'hui, ce n'est pas un antisémitisme
22:38qui renaît, c'est un antisémitisme
22:40qui arrive. Ce n'est pas
22:42du tout la même chose. Ce n'est pas
22:44l'antisémitisme d'hier,
22:46qui était absolument monstrueux, qui venait de chez nous.
22:48Mais aujourd'hui, c'est un antisémitisme
22:50qui vient d'ailleurs et qui frappe de partout.
22:52C'est l'effet politique de diaspora
22:54qui se voit quelquefois dans une logique
22:56conquérante. À travers tout cela,
22:58on trouve encore des hommes politiques pour nous expliquer
23:00que l'immigration massive est une chance.
23:02Je trouve ça un peu étonnant.
23:04Arthur de Vatrigan,
23:06un an plus tard, que retenir ?
23:08Trois enseignements rapides. Tout d'abord,
23:10la confirmation des élites intellectuelles
23:12et de leur positionnement. Je cite
23:14rapidement une remarquable intervention
23:16de George Benson dans le Figaro.
23:18Les Israéliens en supportent nombre d'intellectuels
23:20anti-indentaux parce qu'ils sont la preuve vivante
23:22de leur défaite morale. Ils se battent.
23:24Eux ne se battent plus. Ils constituent
23:26un État-nation. Eux vomissent la nation. Ils se revendiquent
23:28une identité forte et eux la criminalisent.
23:30Quand on voit ce qui se passe à Sciences Po et aux
23:32universités, on se dit que la relève intellectuelle est là.
23:34Deuxième enseignement sur le droit international.
23:36Aujourd'hui, il prévaut clairement
23:38le droit international
23:40qui prévaut est clairement hostile aux nations.
23:42Encore plus si ces nations sont soi-disant dominantes.
23:44Enfin, en France, c'est le retour en fin
23:46phare de l'antimutisme politique avec la stratégie
23:48de Mélenchon qui est à l'oeuvre, qu'on a vu encore aujourd'hui.
23:50Ce nouveau peuple qui est composé
23:52de l'extrême-gauche révolutionnaire et
23:54de l'immigration principalement
23:56musulmane qui donne comme fédérateur
23:58l'ennemi qui est
24:00un seul ennemi qui est Israël et le peuple juif.
24:02Et on voit en plus une nouveauté,
24:04c'est qu'il a pris dans son giron le parti socialiste
24:06qui était quand même le plus ancien soutien d'Israël en France.
24:08La publicité, on revient dans
24:10un instant. On va parler de la Corse
24:12dans un instant. Attention ce que
24:14vous dites sur la Corse. La Corse
24:16nous regarde. Je l'espère.
24:18Nicolas Battini sera notre invité. Le sursaut
24:20Corse, l'identité plutôt que l'indépendance.
24:22Ce sera juste après la pub pour la suite de Face à Mathieu
24:24Beaucoupté. A tout de suite sur CNews.
24:28Quasiment 19h30 sur CNews
24:30pour la suite de Face à Mathieu Beaucoupté.
24:32Toujours avec Mathieu, bien sûr, et Arthur de Vatrigan.
24:34Nicolas Battini, bonsoir. Bonsoir.
24:36Merci d'être avec nous. Le sursaut Corse,
24:38l'identité plutôt que l'indépendance.
24:40Cher Mathieu, pourquoi
24:42avoir invité Nicolas Battini ce
24:44samedi soir ? Vous avez peut-être vu
24:46il y a quelques jours, peut-être une semaine,
24:48en Corse, SOS
24:50Méditerranée voulait s'installer, programme
24:52à l'intention de s'installer
24:54durablement. Et on avait une réaction assez
24:56vive des milieux nationalistes
24:58de Corse qui ont dit
25:00vous êtes une organisation qui cause problème
25:02aujourd'hui, une résistance populaire
25:04à SOS Méditerranée. Je me suis dit que c'était
25:06peut-être le signe d'une évolution
25:08du débat sur l'identité
25:10en Corse. Et qu'est-ce que ça peut dire, par ailleurs,
25:12si on remonte un peu au nord, qu'est-ce que la Corse peut dire
25:14aujourd'hui à la France ? Nicolas Battini,
25:16bonsoir. Bonsoir. Alors, on va d'abord
25:18évoquer votre parcours un instant. Vous êtes l'auteur de ce livre
25:20Le sursaut Corse. Vous racontez votre parcours
25:22comme militant, ensuite comme
25:24intellectuel. Vous avez aujourd'hui un engagement politique
25:26et c'est surtout pour votre livre que
25:28nous vous recevons. Donc, vous avez
25:30commencé... Aujourd'hui, on vous présenterait
25:32comme un autonomiste corse attaché à la
25:34question identitaire. Mais vous avez d'abord
25:36commencé dans l'indépendantisme corse, même
25:38dans sa forme révolutionnaire. Qu'est-ce
25:40que vous y avez poussé ? Eh bien, vous savez,
25:42le logiciel nationaliste globalement
25:44en Corse s'est constitué depuis ces cinquante dernières
25:46années autour d'une vision
25:48et d'une lecture de l'histoire qui est ce
25:50qu'elle est, c'est-à-dire anticolonial,
25:52anti-impérialiste, mais a toujours eu
25:54l'art de mêler des revendications
25:56qui pourraient être considérées
25:58dans le spectre politique traditionnel
26:00en France ou ailleurs, comme des revendications
26:02parfaitement de droite. Et pour
26:04certaines d'entre elles, très à droite. Et à habiller
26:06ceci d'un verbiage révolutionnaire
26:08et anticolonial, mais qui est lié à l'histoire
26:10et il nous faudrait plus d'une émission pour évoquer
26:12le sujet. Vous savez que, je l'évoque dans
26:14mon livre, le nationalisme corse n'est pas né
26:16dans les années 70. Il est né dans les années 20
26:18et il est né très à droite. D'ailleurs, peut-être
26:20trop à droite en ce que ses grands
26:22promoteurs de l'époque, Pedro Roca et d'autres,
26:24ont été compromis dans
26:26le fascisme italien et ont été
26:28épurés. Ce qui a évidemment gauchisé
26:30le nationalisme corse à partir des années
26:3270. Alors, pour en revenir
26:34à mon propre cas et à ma propre
26:36expérience, pourquoi ai-je suivi
26:38cette voie ? Précisément parce qu'elle
26:40était la seule au sein
26:42du monde qui tend à
26:44revendiquer la défense de l'identité
26:46corse et de l'existence d'un peuple, une notion
26:48à laquelle je suis toujours parfaitement attaché
26:50et qui peut, en effet, en tout cas
26:52c'est la position qui est la mienne aujourd'hui,
26:54parfaitement se compléter avec
26:56la nationalité française.
26:58Alors, vous avez eu la tentation de la violence,
27:00c'est la dernière question sur le parcours avant d'entrer sur la question
27:02des idées. Vous avez eu la tentation de la violence,
27:04vous avez même fait sept ans de prison
27:06en tant que prisonnier politique, c'est ce que vous
27:08présentez. Qu'est-ce qui vous a amené à penser que la violence
27:10pouvait être légitime et aujourd'hui
27:12si je comprends bien, vous condamnez
27:14la violence intégralement. Je considère
27:16que la violence est non seulement
27:18inutile, mais particulièrement mortifère
27:20et pour la Corse en général, mais aussi pour
27:22ceux qui la pratiquent et pour leur famille.
27:24Je suis en effet résolument
27:26aujourd'hui engagé dans une voie
27:28démocratique, parfaitement pacifique et légale
27:30mais il est évident que le
27:32discours que je porte aujourd'hui, et bien je le porte
27:34à l'aune aussi de l'expérience qui a été la mienne,
27:36n'en déplaise aussi un certain nombre
27:38d'éléments dans le nationalisme corse qui nous reprochent
27:40cette position-là, mais ceci appartient
27:42évidemment au débat démocratique
27:44et à ses nuances. Et bien,
27:46la violence a pu apparaître
27:48à un certain nombre de Corses comme nécessaire
27:50en ce que nous pouvons partir
27:52d'un postulat qui, ma foi, est toujours
27:54aussi le mien aujourd'hui, et celui de
27:56nombre de Corses, sinon de la majorité des Corses,
27:58c'est que les Corses en tant que réalité
28:00ethno-culturelle, en tant
28:02que réalité historique sur leur
28:04terre, sont en train de disparaître.
28:06Et ceci évidemment pour
28:08un certain nombre de raisons.
28:10Pour des raisons multifactorielles
28:12si j'ose dire, baisse de la natalité,
28:14changement démographique important,
28:16difficultés économiques, mais aussi
28:18de par le refus et les refus répétés
28:20dus à une tradition jacobine
28:22très ancrée et qui fait aussi partie
28:24en tout cas de l'identité
28:26française ou une forme d'identité
28:28française étatique et étatiste
28:30des politiques d'État qui
28:32n'ont jamais vraiment considéré
28:34cette question-là. Et j'oserais
28:36même dire que c'est précisément le jacobinisme
28:38qui encorse à créer de l'indépendantisme
28:40en ce qu'un certain nombre de gens ont pu convaincre
28:42et aussi une partie de la population
28:44que la France en elle-même
28:46de façon essentielle était un facteur
28:48d'acculturation, voire de disparition
28:50des Corses. Alors, entrons au cœur
28:52de votre proposition dans le sursaut Corse, vous nous dites
28:54les nationalistes corses longtemps
28:56ont souhaité l'indépendance, mais c'est une indépendance
28:58décoloniale, une indépendance tiermondiste,
29:00une indépendance qui disait finalement
29:02la Corse a peu à voir avec la France, avec l'Europe,
29:04avec l'Occident, et tout à voir avec les luttes
29:06décoloniales à travers le monde. Vous nous dites
29:08vous avez évolué, pour vous désormais
29:10la question centrale est celle
29:12de l'identité et
29:14avec les manifestations
29:16qu'on a vu contre SOS Méditerranée,
29:18est-ce que c'est un signe de ce basculement
29:20dans le nationalisme corse ? Parce que jusqu'à tout
29:22récemment, la question de l'immigration était plutôt absente.
29:24Absolument, je suis persuadé que
29:26vous savez, c'est ce que j'évoquais
29:28brièvement lors de notre premier échange,
29:30le nationalisme corse, comme
29:32tout nationalisme, est fondamentalement identitaire.
29:34C'est-à-dire qu'il part du postulat
29:36qu'il existe une réalité ethno-culturelle,
29:38qu'il existe un peuple et que ce peuple doit être défendu.
29:40Et c'est, ma foi, un discours qu'on pourrait décliner
29:42dans n'importe quelle région du monde et dans n'importe quel
29:44pays pour considérer que la personne qui tient ce discours-là
29:46est un nationaliste.
29:48Mais cette
29:50revendication en Corse a été habillée
29:52par ce qui était,
29:54ma foi, ce qui était dû à l'époque
29:56et à la force du temps, des années 70
29:58et des années 80, le discours anti-impérialiste,
30:00le discours anticolonial, mais
30:02qui n'a jamais vraiment pris
30:04au sein de la base électorale ou du peuple.
30:06Globalement, les Corses
30:08qui votent nationaliste depuis dix ans le font pour
30:10défendre la langue corse, pour défendre la culture
30:12corse, pour faire en sorte que la Corse
30:14reste la Corse. Globalement,
30:16ce sont les mêmes personnes qui votent
30:18Marine Le Pen au second tour des
30:20présidentielles et qui lui permettent d'obtenir
30:22jusqu'à 58% des suffrages exprimés
30:24en Corse aux dernières présidentielles.
30:26Alors, d'aucuns, d'ailleurs, c'est une question intéressante,
30:28d'aucuns y voient une contradiction.
30:30Comment voter pour l'autonomie
30:32lors des territoriales ? Comment voter
30:34pour Marine Le Pen qui est opposée
30:36à l'autonomie aux élections
30:38présidentielles ? Précisément parce que
30:40les Corses sont bien plus nationalistes
30:42qu'ils ne sont autonomistes. Les Corses
30:44votent pour l'identité,
30:46pour une forme de résistance à
30:48un grand mouvement de l'histoire qu'est la mondialisation
30:50et qui, au-delà de
30:52l'effet mécanique de la mondialisation,
30:54d'une idéologie qui
30:56est intrinsèquement liée à ce que nous
30:58connaissons depuis 20 ans, qui est le mondialisme,
31:00qui est la volonté de déraciner les peuples là où ils sont.
31:02Globalement, les Corses votent aux territoriales
31:04pour l'identité corse et ils votent
31:06aux présidentielles pour l'identité
31:08française et ils ne voient pas
31:10entre ces deux identités de
31:12raison d'opposition essentielle
31:14et systématique. C'est précisément
31:16cette réalité-là que nous voulons
31:18conceptualiser et décliner à travers
31:20une offre politique nouvelle au sein
31:22de l'autonomisme corse.
31:24Justement, comment expliquer
31:26ceux qui sont actuellement au pouvoir,
31:28les cadres au pouvoir, on peut penser à Simeoni,
31:30qui adhèrent aux revendications
31:32de la gauche sociétale ou même
31:34tiers-mondistes. Est-ce que c'est de l'opportunisme ?
31:36Est-ce que c'est des vraies convictions ?
31:38Et comment se fait-il que les Corses
31:40votent pour ce qui semble
31:42complètement opposé au nationalisme justement
31:44et à l'identité ?
31:45C'est une question tout à fait pertinente.
31:46On parle de deux choses l'une. Premièrement,
31:48pour ce qui concerne les positions,
31:50les positionnements pris par
31:52l'essentiel des cadres autonomistes ou indépendantistes
31:54qui sont très clairement de gauche sur les
31:56questions sociétales, c'est évident, et ceux qui
31:58ne le sont pas sont terrorisés par ceux qui le sont
32:00et suivant ce fameux
32:02concept du virtue signalling que vous avez
32:04évoqué dans vos travaux à de très
32:06nombreuses reprises, et bien se taisent pour ne pas
32:08compromettre leur statut social.
32:10D'ailleurs, un certain nombre d'entre eux nous remercient en privé
32:12de la parole qui est la nôtre publiquement
32:14en ce que nous ne faisons que dire publiquement
32:16ce que nombre de nationalistes disent
32:18à voix basse. J'aimerais dire, nous disons
32:20à haute voix ce que nombre de Corses
32:22disent à voix basse.
32:24Mais pour continuer et pour vous apporter
32:26une réponse plus concise et précise à la question
32:28que vous m'avez posée et qui encore une fois est très pertinente,
32:30les positionnements
32:32des cadres de l'autonomisme
32:34et de l'indépendantisme, qui sont globalement
32:36des positionnements de gauche, sont précisément
32:38le reliquat et l'héritage
32:40des années 70 et des années 80
32:42durant lesquels a été imposé
32:44une lecture de
32:46l'histoire, une lecture de la géopolitique
32:48au sein du nationalisme corse qui était globalement
32:50la même lecture que les
32:52mouvements anticoloniaux ou anti-impérialistes
32:54mais qui encore une fois n'a jamais pris dans la réalité
32:56populaire. Les Corses se moquent bien
32:58des discours qui consistent à dire qu'ils sont
33:00colonisés ou qu'ils auraient une filiation historique
33:02avec la lutte des Algériens
33:04à rappeler qu'à ce moment-là, lors de la guerre d'Algérie
33:06la Corse qui ne représentait que 0,7%
33:08de la population française
33:10alimentait à raison de 25%
33:12les effectifs
33:14de l'administration coloniale. Bref,
33:16c'est un détail qui a sa valeur.
33:18Et pour répondre à la deuxième partie
33:20de votre question,
33:22pourquoi les Corses votent
33:24pour un autonomisme qui globalement
33:26est positionné à gauche sur les questions sociétales
33:28ou sur les questions migratoires ? Et bien précisément
33:30parce qu'avant l'existence de la parole
33:32que nous structurons depuis deux ans, ces questions
33:34ne faisaient pas partie réellement
33:36du débat local. C'était des questions
33:38qui se cantonnaient à
33:40des échéances de nature nationale
33:42telles que les présidentielles. On votait
33:44pour signifier son refus de l'immigration
33:46massive en Corse lors des présidentielles
33:48et cela donnait Marine Le Pen à 60%
33:50au second tour
33:52et Éric Zemmour à 13% au premier
33:54excusé du peu. Et on votait
33:56pour la question de l'autonomie
33:58ou de la défense de l'identité corse
34:00aux échéances territoriales.
34:02Alors, dans la
34:04réforme doctrinale
34:06que vous proposez pour le nationalisme corse,
34:08l'indépendantisme disait
34:10on n'a rien à voir avec la France, non plus
34:12qu'avec le continent, ça ne nous concerne pas.
34:14Vous vous réconciliez avec la France
34:16dans votre nationalisme, mot qui en Corse
34:18n'a pas la même signification qu'en France
34:20le mot est positivement connoté là-bas
34:22alors vous vous réconciliez avec la France
34:24donc ça vous amène probablement à avoir une réflexion sur
34:26ce que la Corse peut dire
34:28à la France sur l'avenir de la France plus largement
34:30en quoi cette mutation du nationalisme corse
34:32que vous portez a une signification au-delà de vos frontières.
34:34Eh bien écoutez, dès lors que
34:36on abandonne
34:38de façon résolue et définitive
34:40la lecture paranoïaque du tiermondisme
34:42anti-impérialiste qui considère
34:44que la Corse est colonisée et que la France
34:46essentiellement n'a d'autres buts
34:48dans son existence que de détruire
34:50les Corses en tant que communauté, dès lors qu'on écarte
34:52ce postulat pour le moins délirant
34:54eh bien on constate que la France est diverse
34:56que la France ne peut pas être
34:58essentialisée et qu'il existe des forces politiques
35:00en France, notamment à droite
35:02dans des droites qui n'ont pas perdu ce fil
35:04historique qui a été le refus
35:06du jacobinisme, la défense
35:08des identités charnelles, la défense
35:10des logiques de tradition
35:12parmi lesquelles évidemment font partie
35:14les identités culturelles régionales
35:16et leurs langues, eh bien dès lors
35:18que l'on part de ce postulat
35:20et qu'on souhaite cette convergence, il est évident
35:22que les Corses peuvent représenter
35:24pour un certain nombre de droites
35:26françaises un modèle
35:28d'enracinement spontané, c'est-à-dire
35:30que la Corse n'a pas perdu
35:32des caractéristiques essentielles
35:34qui font encore d'elle finalement
35:36un territoire à forte identité
35:38qui notamment lors
35:40de phases
35:42médiatiques et d'actualités
35:44qui ont concerné la sécurité
35:46ou un certain nombre
35:48de menées, de logiques
35:50qu'on peut voir ailleurs sur le continent
35:52de conquêtes territoriales
35:54qui sont totalement banalisées et normalisées
35:56ailleurs mais qui encore sont suscitées
35:58de très vives réactions populaires
36:00très claires, qui permettent encore précisément
36:02d'empêcher la banliorisation de la Corse
36:04tout simplement parce que les Corses
36:06ne n'entendent pas s'en laisser compter et ne sont pas
36:08particulièrement disposés à accepter
36:10d'autres lois que les leurs sur leur propre sol
36:12et dans leur quotidien. Et pourtant vous avez une crainte
36:14vous en parlez dans votre livre
36:16dans le sursaut Corse, donc l'identité plutôt que l'indépendance
36:18vous dites j'ai peur que
36:20finalement les Corses deviennent minoritaires
36:22en leur propre pays, je redoute
36:24autrement dit que les Corses deviennent étrangers
36:26sur leur propre terre. Est-ce qu'à échéance
36:28historique, on pourrait dire à court ou moyen terme
36:30les Corses risquent vraiment cette mise en minorité
36:32chez eux? En quoi la question de l'immigration
36:34extra-européenne pose-t-elle des questions
36:36nouvelles à l'identité Corse?
36:38La Corse était peuplée en 1980
36:40par 240 000 habitants.
36:42Elle est peuplée aujourd'hui
36:4450 ans plus tard,
36:46quasiment 50 ans plus tard, par
36:48350 000 habitants. Il y a un excédent
36:50de 100 000 habitants sur le seul
36:52excédent migratoire.
36:54Donc oui nous sommes en train de vivre en Corse
36:56un phénomène de remplacement accéléré
36:58d'autant plus que le taux de natalité en Corse ne s'élève pas plus
37:00que d'1,3, un des plus bas de France.
37:02Pourquoi l'immigration
37:04extra-européenne représente un danger
37:06en particulier précisément pour la question de la natalité?
37:08Il est
37:10évident que les dynamiques
37:12démographiques qui sont aujourd'hui les nôtres
37:14peuvent nous pousser à croire
37:16que les Corses ne représenteront plus qu'une communauté
37:18minoritaire sur la terre de leurs ancêtres
37:20lorsque j'aurai
37:22autour de 50 ou 60 ans.
37:24Et c'est évidemment une perspective qui nous
37:26apparaît comme totalement intolérable
37:28et il s'agit évidemment de proposer
37:30des politiques publiques qui iront
37:32dans le sens d'autres perspectives.
37:34Les questions de natalité,
37:36les questions qui permettront
37:38des mesures très concrètes qui permettraient
37:40aux Corses de pouvoir acquérir
37:42des biens immobiliers sur leur propre terre,
37:44d'être priorisés au niveau de l'embauche,
37:46notamment de l'embauche publique, bref,
37:48toutes les politiques publiques qui pourraient
37:50permettre à la Corse de rester la Corse sont pour nous bienvenues.
37:52Mais je crois que ceci
37:54évidemment implique aussi un autre niveau
37:56de réflexion, et bien c'est la définition
37:58de ce que sont les Corses. Et en cela, nous sommes
38:00en opposition totale en tant qu'autonomiste
38:02identitaire, avec l'autonomisme
38:04de gauche qui établit
38:06cette base
38:08d'appartenance
38:10sur la simple question résidentielle.
38:12Ce qui évidemment nous apparaît comme un contresens
38:14absolu dès lors qu'on se revendique
38:16comme étant un nationaliste qui veut défendre
38:18une réalité historique. Arthur de Matrigan.
38:20Je vais revenir sur un événement
38:22qu'on a beaucoup commenté ici mais qui a fait
38:24beaucoup plus de bruit en Corse, c'est la mort d'Ivan
38:26Colonna en prison.
38:28Qu'est-ce qui a changé, cette mort-là en prison,
38:30sur le consensus qu'on connaît, sur le nationalisme
38:32corse et pour votre combat à vous ?
38:34Précisément notre émergence.
38:36Vous savez, lors de l'assassinat d'Ivan
38:38Colonna par un islamiste,
38:40parce qu'il faut le répéter, en ce que
38:42la chose a été niée en Corse,
38:44précisément par une intelligentsia
38:46autonomiste de gauche
38:48qui n'a pas
38:50dans cet épisode souhaité servir
38:52un autre narratif que le sien.
38:54Même s'il fallait pour cela occulter une vérité
38:56incontestable, c'est que Ivan
38:58Colonna,
39:00nationaliste emblématique, d'ailleurs,
39:02des années 70 et 80,
39:04nationaliste corse le plus connu
39:06de France, si j'ose dire. Qui incarnait aussi la
39:08violence politique. Qui incarnait
39:10en sa forme la plus extrême. En effet, une autre
39:12période du nationalisme corse
39:14qui aujourd'hui appartient au passé,
39:16a été assassiné par un
39:18islamiste et représente en cela
39:20un changement de paradigme incroyable.
39:22Mais le récit dominant, c'était l'assassinat par l'État français.
39:24Absolument, et c'est en cela
39:26que nous avons ressenti
39:28le besoin de briser les chaînes
39:30qui nous retenaient encore au sein
39:32de parties dans lesquelles nous évoluons
39:34depuis, pour un certain nombre d'années,
39:36depuis toujours, pour ce qui me concerne, depuis toujours.
39:38Depuis mon adolescence, vous l'avez évoqué.
39:40Cet engagement, la défense
39:42de mon peuple et de l'histoire
39:44et de l'héritage de mes ancêtres sur leur terre
39:46fait partie de ma vie
39:48et elle a même conditionné,
39:50je dirais, tous mes combats.
39:52Et en effet, elle m'a fait passer quelques
39:54années dans une cellule
39:56de 9 mètres carrés, sans que je m'en
39:58plaigne pour autant, parce que cela était
40:00la conséquence logique de mes
40:02choix et de mes combats.
40:04Mais il est évident que le discours
40:06qui nous a été imposé,
40:08en tout cas qu'on a tenté de nous imposer,
40:10lors de l'assassinat d'Ivan Cologne par un islamiste,
40:12de la part de l'autonomisme de gauche dirigeant,
40:14c'est que c'était l'État français qui l'avait
40:16assassiné. Et ceci
40:18est tout à fait logique, dès lors qu'on s'inscrit
40:20dans une logique victimaire, quasiment
40:22paranoïaque, qui souhaiterait
40:24accuser l'État de tous les
40:26maux de la Corse, on est incapable de
40:28prendre en compte les périls nouveaux
40:30qui se présentent et qui n'existaient pas dans les années
40:3270, ou pas à ce point-là,
40:34et notamment la question de l'islamisme.
40:36De l'islamisme qui, à nos yeux, représente
40:38avec le hawkisme, le péril
40:40majeur qui va se poser
40:42pour les peuples occidentaux dont font pleinement
40:44partie les Corses. – Vous parlez, dans votre livre,
40:46vous nous dites, dans le nationalisme
40:48corse, il y a cette idée, bon, on défend
40:50le territoire, à la rigueur, peut-être,
40:52la langue, mais au-delà de ça,
40:54le contenu culturel de l'identité, on le
40:56sacrifie. Pourtant, j'ai l'impression qu'il y a une différence
40:58entre, d'un côté, on pourrait dire
41:00sur le continent, en Occident, généralement,
41:02des peuples qui sont quelquefois devenus des masses
41:04amorphes, indifférentes à elles-mêmes,
41:06américanisées jusqu'au
41:08bout des ongles, et de l'autre côté, j'ai l'impression
41:10qu'il y a chez les Corses, mais peut-être, c'est une vision
41:12trop éloignée, il y a un
41:14attachement plus traditionnel à l'identité
41:16par tous ressentis. Même, probablement,
41:18le plus à gauche, le plus wokiste, porte en lui
41:20sa corsité de manière beaucoup plus vive,
41:22même s'il adhère à des idées qui pourront ensuite la détruire.
41:24Absolument. Je crois qu'il y a
41:26une déconnexion
41:28totale entre l'affichage
41:30politique de l'autonomisme de gauche,
41:32qui est une gauche comme les autres,
41:34si j'ose dire, et qui conditionne l'appartenance
41:36au groupe à un simple contrat social
41:38qui s'émancipe
41:40de tout déterminisme, de tout héritage
41:42familial, culturel ou ethnoculturel,
41:44linguistique, etc., et
41:46une considération populaire,
41:48spontanée, quotidienne,
41:50qui tend à considérer
41:52qu'être Corse, c'est appartenir
41:54essentiellement à une communauté basée sur
41:56un héritage familial et sur une
41:58présence millénaire sur cette terre.
42:00En effet, une conception, une définition
42:02tout à fait traditionnelle et ethnoculturelle
42:04de la communauté.
42:06Il nous reste 3 minutes environ.
42:08Qu'est-ce que ça veut dire, aujourd'hui, reconstruire
42:10intellectuellement le nationalisme corse ?
42:12Quelles ruptures sont nécessaires ?
42:14Et quels sont les éléments de programme
42:16que vous espérez faire progresser
42:18dans la population ? Ce qui semble évident pour vous
42:20mais n'est pas évident pour les Corses en majorité,
42:22quels sont les éléments que vous devez faire progresser ?
42:24Premièrement, c'est que les Corses ne sont pas des victimes
42:26colonisées. Au contraire, dans leur histoire, ils ont été
42:28le fer de lance de ce grand phénomène qu'on a appelé
42:30la colonisation pour tout un tas de raisons.
42:32Il ne s'agit pas ici de
42:34ou de les louer ou de les dénigrer,
42:36c'est un constat historique incontestable.
42:38Les Corses ne sont pas des victimes
42:40colonisées. Ils ne sont pas persécutés
42:42par la France, pour la simple et bonne raison
42:44que la France est diverse. Il existe
42:46en effet, en France, des dynamiques politiques
42:48qui sont tout à fait hostiles
42:50à l'existence des Corses en tant que communauté,
42:52en tant qu'identité. Il faut le prendre en compte
42:54et les combattre, et je m'y emploie avec mes amis,
42:56c'est incontestable. Mais il existe aussi
42:58des pensées, notamment à droite,
43:00qui sont des pensées spontanément
43:02identitaires, qui sont prêtes
43:04en effet à accorder aux Corses
43:06la reconnaissance de leur identité, la
43:08reconnaissance de leur culture, la reconnaissance
43:10de leur langue, en ce qu'elles ont bien compris
43:12qu'une Corse enracinée dans sa tradition
43:14historique représentera
43:16pour le reste de la France un exemple tout
43:18à fait évident de régénération
43:20et de fierté nationale.
43:22J'en suis persuadé, et pour ce qui nous
43:24concerne, nous sommes nationalistes.
43:26C'est-à-dire que nous considérons qu'il existe un peuple Corse
43:28et que la France doit le reconnaître précisément
43:30parce que c'est aussi dans son intérêt. Et il n'y a
43:32derrière cette revendication aucune volonté d'indépendance,
43:34au contraire. Nous considérons qu'une
43:36France qui se ferait
43:38la protectrice,
43:40si j'ose dire, de l'identité traditionnelle
43:42des Corses et garantirait
43:44aux Corses l'existence
43:46en tant que communauté et en tant
43:48que filiation historique sur leur terre,
43:50à nos yeux, non seulement ne serait
43:52pas une ennemie, mais serait pour nous
43:54une évidence
43:56d'appartenance
43:58et nous nous battrions
44:00évidemment pour cette France-là. Alors, vous êtes
44:02nationaliste Corse, diriez-vous aussi que vous êtes un patriote
44:04français et un patriote européen ?
44:06Dans le cadre d'une France qui
44:08serait en effet la garantie de la défense
44:10de mon peuple, de son identité
44:12sur sa terre, oui, je serais en effet
44:14en totale capacité de me considérer
44:16comme un patriote français.
44:18Et un patriotisme de civilisation pour l'Europe
44:20et l'Occident ? Mais vous savez, ce n'est pas le qualificatif
44:22qui compte, c'est en effet quelle France.
44:24Et je dirais la même chose pour l'Europe.
44:26Quelle Europe ? Si l'on me parle de l'Europe
44:28de Van der Leeuwen, certainement pas.
44:30Mais si on me parle de cette Europe qui
44:32fait que vous et moi, bien qu'ayant
44:34des appartenances ethno-culturelles
44:36différentes, et bien avons en commun
44:381500 ans ou 2000 ans
44:40de patrimoine et d'héritage commun,
44:42d'héritage partagé, et bien
44:44évidemment, je suis un patriote de cette Europe-là.
44:46Le sursaut Corse, l'identité
44:48plutôt que l'indépendance, merci Nicolas
44:50Abatini d'être venu sur le plateau
44:52de CNews, merci Mathieu Bocoté,
44:54merci Arthur De Vatrigan, à la semaine
44:56prochaine, rendez-vous évidemment à la même
44:58heure pour Face à Mathieu Bocoté, et nous on se retrouve dans
45:00un instant pour l'heure des Pro 2, à tout de suite.

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