Bruno Retailleau et Didier Migaud sont attendus ce vendredi à Marseille pour annoncer une "mobilisation immédiate" contre le narcotrafic. En décembre 2020, le corps du frère ainé d'Amine Kessaci est retrouvé calciné dans une voiture à la suite d'un règlement de compte lié au trafic de drogue. "Personne n'est à l'abri de ces faits", déplore le jeune homme qui a fait de la lutte contre le narcotrafic dans les quartiers son combat. Amine Kessaci, fondateur en 2020 et président jusqu'en 2024 de l'association Conscience en lien avec les jeunes des quartiers Nord de Marseille, est l'invité de Thomas Sotto.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 08 novembre 2024.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 08 novembre 2024.
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00:00Et tout de suite, l'invité de RTL Matin, Thomas, vous recevez aujourd'hui Amine Kessassi,
00:08c'est un jeune Marseillais qui ne veut pas se résigner face au trafic de drogue au nom de son frère.
00:12Bonjour et bienvenue sur RTL, Amine Kessassi, vous êtes ce matin en direct de Marseille,
00:17votre ville qui va recevoir, on le disait, la visite conjointe du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau
00:21et de celui de la Justice Didier Migaud.
00:23Vous qui avez perdu votre frère Brahim assassiné qui a fini brûlé dans une voiture
00:28sur fond de trafic de drogue il y a quatre ans,
00:30qu'est-ce que vous avez envie de leur dire prioritairement ce matin à ces deux ministres ?
00:34Ce que j'ai envie de leur dire moi, déjà merci de m'avoir invité ce matin,
00:39et ce que j'ai envie de leur dire c'est, et si on sonnait la sonnette de fin,
00:43et si on sonnait la fin de ce show qui a débuté il y a plusieurs mois
00:47où on a plusieurs ministres qui sont venus, où on a eu Emmanuel Macron qui sont venus,
00:51et finalement à chaque fois avec la même réponse,
00:54plus de police, plus de répression et aucun résultat.
00:58Ce n'est pas la bonne réponse ?
00:59Alors qu'est-ce qu'on attend ?
01:00De quoi les quartiers ont le plus besoin pour en finir avec la mainmise
01:03de ce qui ressemble de plus en plus à des cartels de la drogue ?
01:06Non mais si c'était la bonne réponse, je pense qu'il y a des mois qu'on aurait lucidé ce problème,
01:10et puis aujourd'hui ce que les gens des quartiers attendent,
01:12c'est qu'on parle de plus de justice sociale,
01:15c'est qu'on parle de moins de répression et donc de plus de prévention,
01:19c'est qu'on parle du retour de la police de proximité,
01:21ça fait des semaines que je viens sur votre plateau,
01:23ça fait des semaines qu'on supplie, qu'on demande la police de proximité,
01:26et on en a besoin de cette police de proximité,
01:29et ce que les gens demandent c'est qu'on parle de leur logement,
01:31qu'on parle de la sécurité dans les quartiers,
01:34qu'on parle de la responsabilité des bailleurs sociaux.
01:36Pour vous c'est ça la base de tous les problèmes ?
01:38C'est le social la base des problèmes ?
01:40Bien sûr que c'est une réponse sociale,
01:43bien sûr que c'est la précarité qui pousse les gens à faire n'importe quoi,
01:47bien sûr qu'aujourd'hui en France il y a des familles qui ne peuvent pas se nourrir,
01:51bien sûr qu'aujourd'hui il y a des gens qui n'ont pas accès à des logements,
01:54il y a des gens qui n'ont pas la possibilité de finir leur fin de mois,
01:59cette question sociale elle est à élucider dans un premier temps.
02:02Mais vous comprenez que cette réponse sociale,
02:04elle prendra ou elle prendrait beaucoup de temps dans l'urgence,
02:07face aux coups de feu qui sont quotidiens,
02:10face à cette peur qui est quotidienne pour les habitants, pour les jeunes,
02:13il faut agir quand même, il faut une réponse aussi sécuritaire,
02:16c'est vraiment hors sujet ça ?
02:17Absolument pas, la réponse sécuritaire c'est une réponse sociale,
02:21le fait de remettre la police de proximité c'est une réponse sociale,
02:24pardon mais Bruno Retailleau il fait partie,
02:27en tout cas il faisait partie du camp des Sarkozistes,
02:31et donc il ne va pas venir nous apprendre à nous ce que c'est que la sécurité,
02:33c'est eux qui l'ont retiré la police de proximité,
02:35c'est eux qui ont décidé le retrait de la République de nos quartiers,
02:38c'est eux qui ont décidé que les jeunes des quartiers nord n'auraient aucune perspective d'avenir,
02:42que les jeunes des quartiers nord ne pourraient pas aspirer à un avenir meilleur,
02:45qu'on ne pourrait pas aller à l'école dans les quartiers sud,
02:47qu'on ne pourrait pas faire Sciences Po Paris,
02:49qu'on ne pourrait pas avoir des formations qui puissent être qualifiantes et bien payées,
02:54à un moment ce n'est pas à nous qu'on va venir dire de faire des efforts.
02:57Le problème quand même c'est quand même la DZ Mafia,
03:01c'est quand même les trafiquants de drogue,
03:02c'est quand même ceux qui ouvrent le feu sur les autres,
03:04sur leurs voisins, ce ne sont pas les ministres qui font ça.
03:06Mais bien sûr, mais qui est-ce qui les a laissé faire monsieur ?
03:08Qui est-ce qui pendant 20 ans a regardé les choses ?
03:11Moi je veux bien qu'on joue à ce jeu,
03:13à chaque fois qu'il y a un événement tragique dans les quartiers nord,
03:16on va s'amuser à réinventer les quartiers,
03:18et on va s'amuser à réapprendre ce que c'est que les cités,
03:21mais ça fait 30 ans que c'est la même chose.
03:23Donc c'est un déplacement pour rien ?
03:24Ce sont des annonces pour rien qui vont être faites ce matin ?
03:26Bien sûr c'est un déplacement pour rien,
03:28on n'a pas à convier les acteurs,
03:29les associations ne seront pas présentes pour parler aux ministres.
03:32Moi je n'attends rien de cette visite aujourd'hui.
03:35Je veux qu'on revienne à ce terreau marseillais.
03:39Amine Kessassi, c'est l'implication de jeunes de 14 ou 15 ans
03:42qui deviennent des tueurs à gage.
03:43Comment vous l'expliquez ça ?
03:45Je l'explique, il y a 3 ans,
03:47j'étais l'invité d'Amandine Bégault,
03:49et je disais, attention dans quelques années,
03:51il va y avoir des enfants de 12 ans qui vont prendre des armes.
03:53Je me suis trompé, finalement ils ont eu 14 ans.
03:55En fait c'est la suite logique,
03:56vous savez quand on a 13 ans,
03:57qu'on vit dans une cité,
03:58quand on est même plus jeune,
04:01qu'on vit dans une cité,
04:03qu'on voit ces armes devant nous,
04:04qu'on voit ces homicides depuis plus de 20 ans,
04:06et que finalement on a appris à vivre avec ça.
04:08Finalement que la banalisation,
04:09quand on dit qu'il faut lutter contre,
04:11c'est ça la banalisation.
04:13Ils ont l'impression que c'est la belle vie à portée de main,
04:15ils n'ont pas peur de mourir,
04:16ils ont une échelle de valeur qui est différente de la l'autre.
04:18Ils ont l'impression que c'est rien,
04:20ils ont l'impression que c'est un jeu vidéo,
04:22ils ont l'impression d'être dans Call of Duty ces enfants.
04:25Et c'est ce qui se passe en fait.
04:26Le petit dès qu'il voit ça matin, midi et soir,
04:28dès qu'il voit des homicides devant lui,
04:30dès que le jeune il a déjà 20 personnes de ses amis,
04:3320 personnes de sa cité qu'il connaissait,
04:35qui ont été assassinées,
04:36pour lui la mort n'a plus aucune valeur.
04:38Mais comment on les sort de là ces jeunes ?
04:40Qu'est-ce qu'on peut faire ?
04:41Est-ce que vous avez une idée ?
04:42Vous les connaissez, vous avez une association qui s'appelle Conscience.
04:44Comment on peut faire pour éviter ce carnage ?
04:47Ce sont des enfants qui sont assassinés au final.
04:50Bien sûr que ce sont des enfants qui sont assassinés,
04:52c'est des vies entières qui sont détruites,
04:54c'est des mamans qui pleurent aujourd'hui.
04:55Il y aura des mamans qui seront devant la préfecture
04:57pour demander pourquoi elles ne sont pas reçues par les ministres.
05:00Et en fait comment on fait ?
05:01La nature a horreur du vide.
05:03On met des centres sociaux, on remet des vrais moyens,
05:05on permet aux jeunes de sortir,
05:07on permet aux jeunes d'aller ailleurs,
05:08on permet aux jeunes d'avoir des formations,
05:10on permet aux jeunes d'avoir des sorties tout l'été.
05:12Et en fait on fait en sorte que ces jeunes ne soient plus en pied d'immeuble
05:15le matin, midi et soir.
05:16Amine Kessassi, vous avez grandi dans les quartiers Nord,
05:19à Frévalon, dans le 13ème arrondissement.
05:20Je le disais, votre frère a été assassiné il y a 4 ans.
05:24Qu'est-ce qui fait que Brahim est tombé dans tout ça
05:27et pas vous ?
05:28On imagine que vous avez reçu la même éducation,
05:29vous avez vécu dans le même foyer.
05:31Qu'est-ce qui fait qu'il y en a qui basculent et d'autre part
05:33parfois au sein même d'un même foyer ?
05:35Parce qu'une personne est une personne,
05:37chacun a son caractère, chacun a ses sensibilités,
05:40chacun a sa vision du monde.
05:42Et aujourd'hui, Dieu merci, pas tous les gens des quartiers Nord
05:44veulent finir dans la drogue.
05:46Les jeunes dans les quartiers Nord finissent avocats,
05:48docteurs, ministres, il y a plein de possibilités
05:50qui peuvent s'ouvrir à nous.
05:52Et puis vous le dites, on a reçu la même éducation.
05:54Donc à un moment la responsabilité des parents,
05:56j'avais entendu le ministre en parler,
05:58c'est pas celle-ci la responsabilité des parents.
06:00Aucun parent ne rêverait voir son enfant tomber dans la drogue,
06:03aucun parent rêverait voir son enfant assassiner à 22 ans.
06:05Mais qu'est-ce qui fait que Bray m'a basculé à votre avis ?
06:07Et pas vous ?
06:09La fréquentation malheureusement, il a rencontré des gens,
06:11ça l'a tenté, il est tombé dedans.
06:13Peut-être que lui l'école c'était pas son truc
06:15et qu'il se sentait mal à l'école.
06:17Je veux dire aujourd'hui, la République
06:19elle ne doit plus garantir des chances aux gens
06:21mais la République elle doit garantir les mêmes droits.
06:23Et comprendre qu'il y a un tas de jeunes en France
06:26qui ne veulent pas aller à l'école,
06:28qui n'arrivent pas à aller à l'école,
06:30l'école ce n'est pas fait pour eux.
06:32Donc il faut qu'on trouve une réponse à ces jeunes-là,
06:34il ne faut pas qu'on laisse ces jeunes-là
06:36être happés par la rue.
06:38Vous avez été candidat Europe Ecologie Les Verts
06:40aux dernières européennes, ça veut dire quand même
06:42que vous croyez encore que la politique
06:44peut changer les choses ?
06:46Je suis convaincu d'une chose,
06:48c'est que la politique elle doit changer les choses
06:50et si la politique elle doit changer les choses,
06:52nous les gens qui sont concernés par ces problématiques
06:54on doit y être parce que je dis toujours
06:56sans nous c'est que vous faites contre nous.
06:58Et tout dernier point, beaucoup disent que si le trafic
07:00est tellement puissant c'est d'abord à cause des consommateurs
07:02y compris à cause de ceux qui fument
07:04leurs petits joints en pensant de faire de mal à personne.
07:06Vous êtes d'accord avec ça ? Il faut aujourd'hui
07:08s'attaquer aussi aux consommateurs de drogue ?
07:10Bien sûr, nous on a fait un documentaire
07:12qui s'appelle Marseille des larmes au combat,
07:14dans ce documentaire-là on parle des trafiquants
07:16mais on parle surtout de la responsabilité
07:18des consommateurs, enfin à un moment moi je veux bien
07:20qu'on vienne tanner les gens des quartiers de Nord,
07:22je veux bien qu'on vienne porter la responsabilité
07:24des délinquants, de ces jeunes trafiquants, de ce que vous voulez
07:26mais la responsabilité des consommateurs
07:28on sait qu'ils consomment quoi.
07:30Et moi c'est le message que je lance
07:32en disant aux gens, attention quand vous avez
07:34en juin deux chics le dimanche
07:36avec vous, souvenez-vous d'où vient cette drogue ?
07:38Souvenez-vous de qui vous l'a vendue ?
07:40Souvenez-vous des armes qui vont être achetées
07:42par la suite ? Souvenez-vous de tout ça ?
07:44Merci beaucoup Amine Kessassi d'avoir été
07:46en direct sur RTL ce matin,
07:48je rappelle l'association dont vous occupez
07:50qui s'appelle Conscience, merci à vous
07:52et on a une pensée pour tous ces habitants
07:54de tous ces quartiers qui vivent quand même
07:56un cauchemar au quotidien. Merci et bonjour.