Gouvernement censuré, Notre-Dame restaurée… la France vue de l’étranger. Avec Birgit Holzer, correspondante pour plusieurs titres de la presse régionale allemande en France, Sophie Pedder, correspondante du magazine The Economist, et Gilles Gressani, directeur de la revue « Le Grand Continent ». Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-lundi-09-decembre-2024-6796262
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00:00Le débat ce matin sur l'étrange semaine que vient de traverser la France, mercredi
00:05dernier, pour la première fois depuis 1962, le gouvernement tombé, renversé par une
00:11motion de censure, c'est la crise politique et elle n'est pas finie.
00:16Mais ce week-end, la France était aussi le centre du monde avec la réouverture de Notre-Dame
00:22de Paris et un Emmanuel Macron en maître de cérémonie diplomatique et culturelle
00:29accueillant les grands leaders de la planète.
00:32La crise d'un côté, le soft power, l'influence de l'autre, quel regard nos consœurs et
00:39confrères étrangers portent sur le moment que vit la France ? On en parle avec Birgit
00:45Holzer, bonjour.
00:46Bonjour.
00:47Vous êtes correspondante à Paris pour plusieurs titres de la presse régionale allemande.
00:52Sophie Peder, bonjour.
00:54Bonjour Nicolas.
00:55Vous êtes correspondante politique et économique du magazine britannique « Vie économiste ».
01:00Et Gilles Gressani, bonjour.
01:02Bonjour.
01:03Vous êtes le directeur de la revue « Le Grand Continent », président du groupe d'études
01:06géopolitiques de l'École Normale Supérieure, enseignant à Sciences Po, le grand continent
01:10qui vient d'organiser son sommet en Valais d'Aoste, en présence de nombreuses intellectuelles
01:17et politiques.
01:18Merci à tous les trois d'être au micro d'Inter et partons de la réouverture de Notre-Dame
01:24de Paris.
01:25Le miracle d'une cathédrale restaurée en cinq ans après avoir connu le désastre
01:31de l'incendie.
01:32Qu'est-ce qui vous a frappé, Sophie Peder, dans cette cérémonie ?
01:37Écoutez, je pense que ce n'est pas juste la cérémonie, mais c'est la reconstruction
01:43de Notre-Dame, représente tout ce qu'elle a de meilleur dans ce pays.
01:48C'est quand même un exploit extraordinaire d'avoir fait ça en cinq ans, c'est le mariage
01:52entre à la fois l'organisation technocratique, si vous voulez, française, et la créativité,
02:00le savoir-faire, l'artisanat français.
02:03Donc, c'est vraiment cette combinaison qui est très frappante et qu'on a constaté
02:07d'ailleurs pendant les Jeux, pendant l'été, c'est exactement le même mariage.
02:12Et quand la France fait bien, elle bluffe tout le monde.
02:16C'est ça qui est extraordinaire.
02:17Et ça se voit.
02:18Oui, la France était donc, je le disais, au centre du monde, le président de la République
02:22au centre du jeu.
02:24Votre analyse, Bergé Tolzer, de ce moment étonnant ?
02:28Oui, effectivement, c'est étonnant parce qu'il s'agit tout de même d'une réouverture,
02:33d'une cathédrale.
02:34Mais effectivement, Emmanuel Macron a su en faire un moment diplomatique, se mettre pendant
02:39un samedi ou un samedi après-midi au centre du monde, notamment avec l'entretien trilatéral
02:48avec Volodymyr Zelensky et Donald Trump.
02:51Vu de l'Allemagne, on se demandait où est Olaf Scholz.
02:55Effectivement, il n'a pas été sur place parce que chez nous, effectivement, c'est
03:00les tâches représentatives en Allemagne.
03:02C'est le président.
03:03C'est Steinmeier qui était là.
03:05C'est Frank-Walter Steinmeier qui était là.
03:08On n'a pas su, effectivement, anticiper, organiser une rencontre à quatre parce qu'effectivement,
03:17après l'annexion de la Crimée par la Russie, il y avait ce qu'on appelait le format Normandie
03:22où il y avait effectivement l'Allemagne et la France, l'Ukraine et la Russie, plus
03:28ou moins autour d'une table de négociation.
03:30Et malheureusement, on n'a pas pu rejouer ce format.
03:34Gilles Gressani, en préparant cette émission, vous nous avez dit que Notre-Dame de Paris,
03:38comme les JO, était des événements du président et des événements de solitude du président
03:45aussi.
03:46C'est une des coïncidences.
03:47Je ne pense pas qu'il faut...
03:48Ce n'est pas un dessin, mais c'est une coïncidence qui mérite d'être soulignée.
03:51C'est les deux moments dans lesquels, effectivement, je rejoins mes collègues.
03:55La France rayonne d'une manière très impressionnante à l'international.
03:58C'est aussi le moment dans lequel il n'y a pas de gouvernement où le gouvernement
04:01est démissionnaire.
04:02Et donc, effectivement, on retrouve, c'est un peu une espèce de métaphore du moment
04:05dans lequel nous sommes, un président qui reste avec un leadership assumé, affirmé,
04:11mais au fond, une crise politique institutionnelle qui est de plus en plus présente et qui crée
04:16effectivement une forme de dialectique assez forte.
04:18Oui, alors, on va quitter Notre-Dame de Paris maintenant pour regarder la situation politique
04:23du pays.
04:24Quels mots auriez-vous pour la décrire, Sophie Péder ? C'est une situation de chaos, de
04:31crise institutionnelle, une crise de régime, quoi ? Une secousse ? Dites-nous.
04:37Est-ce que vous avez vu la Une des économistes cette semaine ? Vous voilà un mot.
04:41Je ne sais pas si je peux l'employer à l'antenne.
04:44Mais si, allez-y.
04:45C'est la merde avec un point d'exclamation.
04:47C'est la merde, quoi.
04:48Non, je pense qu'on peut interpréter cette Une de deux façons, parce que, comme vous,
04:53les Français, vous l'employez, le mot, de plusieurs façons.
04:55D'abord, en effet, c'est un constat, parce que, waouh, vous êtes dans une situation
05:01compliquée, là, vous, les Français.
05:03Mais aussi, ça peut être un mot d'encouragement, sincère, c'est-à-dire qu'il faut vraiment
05:08trouver une solution.
05:09Et nous avons choisi pour l'image de la Une une image du métro parisien.
05:15Mais c'est quand même très beau.
05:17C'est-à-dire que la France peut être très beau.
05:19Mais la crise et ce qui se passe à l'Assemblée nationale, c'est un spectacle lamentable.
05:24Lamentable.
05:25On constate, je pense, un pays où l'absence d'une culture de compromis mène à des
05:35situations de blocage en répétition.
05:39Et c'est ça qui est frappant pour un étranger qui regarde la France.
05:43Le compromis est aperçu comme une espèce de trahison.
05:46On ne peut pas voir le compromis comme quelque chose de constructif.
05:50Et donc, les trois blocs ne se partent pas, n'arrivent pas à trouver un moyen de s'entendre.
05:58Et c'est ça qui est très frappant.
06:01Le compromis, c'est la compromission ?
06:04En Allemagne, non.
06:06Même si, effectivement, on voit que l'art du compromis tellement loué à l'Allemande
06:10a été mis à l'épreuve aussi.
06:12Parce que la coalition a explosé en Allemagne aussi.
06:15Mais effectivement, je pense qu'on voit cette situation en France comme une sorte de flou.
06:20Parce qu'effectivement, on ne voit pas encore.
06:22Il y a peut-être une solution qui est en train de se dessiner.
06:26En Allemagne, les choses sont beaucoup plus prévisibles d'une certaine manière.
06:29Même si la coalition explose, il y a des élections et après, il y a des négociations
06:34de coalition qui mènent à une coalition plus ou moins stable.
06:38On a vu que ce n'est pas toujours le cas, c'est compliqué de se mettre d'accord entre
06:42partenaires qui ne sont pas d'accord sur le principe.
06:45Mais effectivement, on espère, on peut espérer pour la France, que les partis essayent au
06:50moins de se mettre d'accord et de trouver ce compromis pour trouver éventuellement
06:55une sorte de gouvernement du centre.
06:59C'est exactement ce qu'on aura en Allemagne aussi et ce qui a fonctionné assez longtemps.
07:04Gilles Gressani, comment avez-vous analysé le fait que le Rassemblement national ait
07:09voté la censure ?
07:10C'est la question politique la plus importante aujourd'hui.
07:13Pour rejoindre ce qui vient d'être dit, il y a une date qui est importante, qu'il
07:17faut retenir.
07:18C'est évidemment 62, on en parle beaucoup.
07:19Mais c'est en réalité l'octobre 57.
07:21C'est la dernière fois en Europe dans laquelle le gouvernement allemand et le gouvernement
07:25français sont tous les deux démissionnaires.
07:26Donc il faut remonter à 70 ans pour se retrouver dans une situation dans laquelle le moteur
07:31européen est grippé.
07:32Et ça, c'est le fait majeur politique.
07:34Maintenant, effectivement, ce qu'on voit, c'est que les institutions allemandes sont
07:37déjà en train de travailler pour créer un gouvernement, un nouveau cycle politique
07:41et assez bientôt.
07:42Oui, il y a un calendrier !
07:43Au premier semestre de l'année prochaine, on aura une grande coalition, on verra qui
07:48sont les membres, mais en fait, on aura un gouvernement allemand et un nouveau cycle
07:51qui se projettera.
07:52Alors que du côté français, et c'est ça, je pense, que l'élément critique le plus
07:55profond, c'est qu'au fond, on voit bien comment la crise d'un modèle social, économique,
07:59qui peut être même un peu moins grave que celle qu'on peut observer en Allemagne, en
08:03fait, ne trouve pas dans le système politique institutionnel une voie de résolution, mais
08:08plutôt même le contraire.
08:09En fait, on voit comment les institutions sont ainsi faites, qu'elles accélèrent la
08:13crise.
08:14Et donc, on se retrouve dans un cas de figure dans lequel, si on observe les trois derniers
08:16gouvernements, on passe d'un gouvernement qui dure un peu plus d'un an, celui de Borne,
08:19à un gouvernement qui dure un peu plus de sept mois, celui de Gabriel Attal, et enfin
08:23un gouvernement qui dure un peu plus de trois mois, celui de Michel Barnier.
08:26Donc on a comme ça, d'une façon très plastique, l'impression qu'une accélération de la crise
08:29est là.
08:30Et en même temps aussi, et ça a été déjà dit, le fait fondamental de la vie politique
08:34française reste l'élection présidentielle.
08:36Et donc au fond, aujourd'hui, tous les acteurs clés ne pensent pas du tout à ce qui peut
08:40se passer dans les prochains mois, mais ils pensent à ce qui peut se passer dans la prochaine
08:44grande élection.
08:45Et donc, ils sont un peu en train de jouer dans une espèce d'un terrain dans lequel
08:48il faut essayer de ne pas jouer trop dans les prochains mois pour pouvoir essayer de
08:51jouer beaucoup dans les prochaines années.
08:52Et sur le rassemblement national ?
08:54Et donc là, la question qui se pose, c'est est-ce que pour Marine Le Pen, c'est possible
08:59d'arriver au pouvoir sans avoir une crise de régime ?
09:01Je pense que c'est la question politique plus forte.
09:04Est-ce que pour Marine Le Pen, elle peut concevoir d'arriver au gouvernement du pays, au pouvoir
09:09du pays, de manière linéaire, comme ça, petit à petit, en ayant de plus en plus de
09:13votes ?
09:14Ou est-ce que, depuis les législatives, et aussi à cause des problèmes judiciaires
09:18qu'elle peut avoir, elle n'a pas un intérêt, et on le voit, au fond, cette question semble
09:22tranchée, à accélérer plutôt la crise et donc à poser sur la table des questions
09:26qui sont, aujourd'hui, tout à fait inédites, jusqu'à aller à la démission du président
09:30de la République.
09:31Sophie Peder, comment avez-vous analysé, vous, le fait que le RN vote la censure ?
09:38Ce que je trouve très frappant, c'est quand même une alliance de fait entre l'extrême
09:43droite et l'extrême gauche.
09:44C'est ça qui est frappant en vie de l'étranger, parce qu'il ne s'entend pas du tout, normalement,
09:49sur le plan politique, mais dans ce vote, on voit qui se rejoignent.
09:54Et c'est ça qui est inquiétant.
09:57C'est plutôt ça, cette alliance, ce n'est pas une alliance formelle, évidemment, c'est
10:05loin de là, c'est presque l'inverse, mais dans le vote, on voit qu'il y a l'intérêt
10:10des deux blocs de renverser le gouvernement, évidemment, mais aussi de créer une espèce
10:18de chaos politique dans les mois à venir.
10:22Renverser le gouvernement et la table.
10:24Exactement.
10:25Birgitte Holzer, votre analyse du positionnement dans cette crise du RN ?
10:31Je pense qu'il s'est mis un peu hors jeu aussi.
10:33Il est devenu ces derniers mois un partenaire pour un négocié.
10:38Effectivement, il a réussi à négocier certaines choses.
10:40Marine Le Pen a pu avoir des concessions de la part du gouvernement et au final, elle
10:45a préféré tout jeter par terre, d'une certaine façon, et se mettre encore une fois hors
10:50jeu.
10:51Elle ne pourra pas participer à des sortes de négociations.
10:59C'est encore une fois la même chose en Allemagne où l'extrême droite n'est pas vue comme
11:02un partenaire.
11:03Et je pense que tout ce travail de normalisation qu'elle a mené ces dernières années a montré
11:11ses limites parce qu'effectivement, on n'a même pas vraiment compris les raisons formelles
11:18qu'elle a données.
11:19Elle n'a eu aucune concession, ce qui est simplement faux.
11:22Du coup, on a vu surtout qu'elle est elle-même aussi dans ce jeu politique et qu'elle n'a
11:27pas tenu sa parole.
11:29Du coup, elle a montré qu'elle n'est pas une partenaire ou un parti fidèle.
11:36Gilles Gressani ?
11:37En un mot, je pense que ce qui est très intéressant dans le cas français, par rapport aux autres
11:42cas européens, c'est que c'est un système politique dans lequel les partis traditionnels
11:45ont presque intégralement disparu, ou en tout cas, ne jouent plus la course principale
11:49pour la présidentielle.
11:50Et donc, dans le cas allemand, on voit effectivement, au fond, c'est toujours des partis traditionnels
11:54qui partagent le pouvoir.
11:55Le cas français est unique.
11:56Si vous additionnez les votes à la présidentielle pour la France Insoumise, pour le Président
12:02de la République et pour Marine Le Pen, vous arrivez à presque 70% de l'électorat qui
12:07dépend non pas d'un parti traditionnel, mais d'une figure.
12:10Et donc, ça crée une énorme volatilité.
12:11Parce qu'on voit bien, la prochaine élection, on n'aura pas le Président de la République
12:15comme candidat.
12:16Mais on peut se poser la question de plus en plus aussi à ce qui se passera à l'extrême
12:20gauche ou à l'extrême droite.
12:21Et c'est ça qui crée aussi cette forme de plasticité et en même temps aussi de volatilité
12:25du système politique français.
12:26Où en fait, tout le monde a l'impression qu'il vaut mieux attendre ou jouer ses cartes
12:31de manière un peu plus lente pour essayer de prendre la grande mise qui arrivera bientôt
12:34plutôt que, dès maintenant, essayer de débloquer le pays.
12:37Or, une contrainte externe très forte est en train d'arriver.
12:40Il y a une inquiétude qui se exprime à plusieurs niveaux.
12:43La France sera appelée à décider dans les prochains mois.
12:45Dernier tour de table rapide.
12:48Quel profil envisagez-vous ? Imaginez-vous comme Premier ministre, il doit être nommé
12:54incessamment sous peu, gauche, droite, technicien, Sophie Péder ?
12:59Écoutez, on n'est pas là pour essayer de prévoir ce que va décider le Président.
13:03Mais on voit que la situation est compliquée.
13:05Et je pense que ce qui me frappe, c'est que la conversation tourne autour toujours d'une
13:11personne.
13:12Alors que ce n'est pas vraiment ça.
13:13Ce n'est pas une question de personnes.
13:14C'est une question de compromis, de projets politiques, d'arriver, de trouver un moyen
13:19de se mettre d'accord, ceux qui sont dans les partis différents, conditionnés par
13:24l'élection présidentielle.
13:26Donc pas forcément dans une situation de vouloir s'entendre.
13:29Et c'est ça qui est compliqué.
13:30Je pense que le Président Macron, il est dans une situation compliquée.
13:35Ce n'est pas plus simple pour lui qu'à la rentrée.
13:39Et quoi qu'il décide, ça va être extrêmement difficile de changer la donne et de trouver
13:48un souffle qui n'appétit déjà là, à la rentrée, au moins septembre au Barnier.
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