Guillaume Perrault, rédacteur en chef au Figaro, maître de conférence à Sciences Po, auteur de "Voyages dans l’histoire de France, 15 grands récits de Louis XIV à nos jours" et Pascal Blanchard, historien, chercheur-associé au Centre d’histoire internationale et d’études politiques de la mondialisation (CRHIM-Unil) à Lausanne, sont les invités de ce mardi. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-mardi-04-fevrier-2025-4532818
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00:00Débat ce matin sur la manière dont on enseigne l'histoire en France, avec un historien et
00:06un journaliste férus d'histoire, Pascal Blanchard, bonjour !
00:10Bonjour !
00:11C'est vous l'historien, chercheur associé au Centre d'Histoire Internationale et d'Études
00:16Politiques de la Mondialisation, c'est à Lausanne, vous venez de co-diriger le livre
00:20collectif « France, Terre d'Immigration, 13 siècles de présence du Maghreb, de l'Égypte
00:26et de l'Orient » aux éditions Philippe Ray.
00:29Guillaume Perrault, bonjour !
00:30Bonjour Nicolas !
00:31Vous êtes rédacteur en chef au Figaro, en charge de l'histoire au journal, vous êtes
00:37également enseignant à Sciences Po et auteur de « Voyages dans l'Histoire de France »,
00:43quinze grands récits de Louis XIV à nos jours, pardon, ça c'est chez Perrin, merci
00:49à vous d'être au micro d'Inter, vous écrivez dans l'introduction de votre livre,
00:54Guillaume Perrault, « L'Histoire de France a longtemps été ce trésor dont nos compatriotes
01:00étaient collectivement fiers, or ce temps n'est plus, le déclin de la connaissance
01:06de l'Histoire de l'école primaire au supérieur n'est plus guère contesté », fin de citation.
01:12Déclin ? Point d'interrogation, expliquez-nous !
01:15Oui, j'appartiens à la dernière génération qui a appris l'Histoire de France et de
01:20mon point de vue c'était une grande chance, de façon traditionnelle.
01:24Je suis né en 1972, j'ai grandi dans le 11ème arrondissement dans le quartier du
01:28métro Charonne, j'allais à la communale dans ce quartier et mes institutrices qui
01:32étaient en fin de carrière étaient restées fidèles aux méthodes et aux livres, aux manuels
01:37scolaires du Malay et Isaac qui avaient bercé leur propre formation.
01:41Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Il y avait des frises chronologiques sur
01:45les murs qui indiquaient la succession des régimes avec les révolutions, les républiques
01:50succédant aux souverains d'une part et c'était la toile de fond de toutes les
01:54leçons.
01:55Et les manuels eux-mêmes que j'avais, je me souviens en particulier de celui de CM1
01:59qui était très ancien, qui était passé de main en main parce qu'ils étaient fournis
02:02par l'école donc ils passaient de main en main, et bien en CM1 c'était particulièrement
02:08exigeant.
02:09C'est-à-dire que la leçon, je me souviens d'une page, chaque page était illustrée
02:13par la reproduction en noir et blanc d'une lithographie et une leçon portait sur la
02:19guerre de Sept Ans dans les années 1750-1760 qui s'est soldée par la perte de la Nouvelle
02:24France et les comptoirs des Indes par la France au profit de l'Angleterre.
02:28On avait dix ans ! On avait dix ans ! Bon, moi je ne portais pas de jugement sur cet
02:33enseignement, je l'ai reçu comme un trésor.
02:35Voilà, donc à la fois sur la forme et sur le fond, vous avez un regret et même une mélancolie
02:40qui s'entend dans la première page.
02:42Absolument, j'ai une mélancolie.
02:43Je souhaite également préciser que les… on croit parfois, ou on écrit parfois, que
02:51les pages sombres de l'histoire de France auraient été, en particulier l'esclavage,
02:54édulcorées, voire occultées dans les manuels scolaires jusqu'à une période très récente.
02:59Je peux témoigner que ce n'est pas exact.
03:00Moi, j'ai eu une page en CM1 qui m'expliquait ce qu'était l'esclavage avec une illustration
03:06du Candide de Voltaire qui était extrêmement éloquente à ce sujet puisque la légende
03:10c'était « c'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe ».
03:13Guillaume Perrault écrit « Un passé longtemps incorporé à notre présent se détache soudain
03:18de nous, rendant mélancolique ceux qui en ont connu des traces et des pensées inaltérables ».
03:25Vous la partagez cette mélancolie, Pascal Blanchard, ou pas du tout ?
03:29Peut-être parce que je suis un petit peu plus âgé.
03:31Moi, je suis né en 1964, donc j'ai fait peut-être quelques années avant.
03:33J'ai eu le temps de voir, justement, peut-être sur un temps un tout petit peu plus long,
03:36pas beaucoup d'ailleurs, les évolutions, les mutations, les transformations de l'histoire.
03:40A chaque époque, la manière d'enseigner l'histoire évolue.
03:43Et vous aviez les frises ?
03:44Exactement, on avait eu les frises, on avait aussi les cartes.
03:46Rappelez-vous ces cartes qu'on avait du mal à rouler à la fin du cours.
03:48J'ai connu ça, vous voyez, je suis un vieil, vieil, vieil historien.
03:50Mais j'ai connu aussi les mutations qui sont arrivées après.
03:53Les mutations parce qu'une nouvelle génération d'enseignants qui a appris son métier un
03:56peu différemment, une ouverture au monde.
03:58Et même s'il pouvait y avoir quelques lignes sur la question de l'esclavage, il est évident
04:01qu'on parle beaucoup plus de l'esclavage aujourd'hui, qu'on parle aussi beaucoup
04:04plus de sujets, qu'on parle plus des femmes.
04:05Il y a très peu de portraits dans ce livre sur les femmes, par exemple, parce que...
04:08Le livre de Guillaume Perrault.
04:10Exactement, on parle beaucoup plus du mouvement ouvrier, par exemple, on parle beaucoup plus
04:13d'un certain nombre de sujets qui sont d'un seul coup venus accompagner les éléments-clés.
04:17Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas avoir des personnages références et des dates
04:21de bascule.
04:22Si vous ne connaissez pas votre chronologie, vous ne pouvez pas comprendre l'histoire.
04:24Ça ne veut pas dire que l'un est à l'exclusive de l'autre.
04:27C'est tout.
04:28Ce qui est un bon enseignant aujourd'hui, d'abord, vous venez de le dire, c'est d'un
04:30point de vue d'autres, il faut partager la passion de l'histoire.
04:32C'est la première chose.
04:33On dit toujours, si j'ai eu un bon prof d'histoire, j'aimais l'histoire.
04:36C'est quand même curieux.
04:37En mathématiques, même quand vous avez un bon prof, vous n'aimez pas les maths.
04:39En histoire, il faut quelqu'un qui vienne raconter un récit, qui vous emmène dedans.
04:44En même temps, il faut des jalons.
04:45C'est pour ça qu'on vous demande d'apprendre la leçon.
04:47Alors, bien sûr que ça a évolué, et heureusement que ça a évolué à la connexion du temps
04:51et par rapport à des enjeux nouveaux.
04:53Alors, Guillaume Perrault, mais quel récit ? Il faut raconter un récit, vous venez de
04:56dire ça, Pascal Blanchard.
04:57Je n'ai pas précisé.
04:58Oui, mais quel récit ? Ça, on va y venir.
05:00Plusieurs remarques, si vous permettez.
05:01D'abord, ce n'était pas quelques mots sur l'esclavage, c'était une pleine page avec
05:05une lithographie très impressionnante qui fait que c'était en 1982 que je l'ai lu,
05:09je m'en souviens parfaitement, j'avais 10 ans.
05:10Donc, ça ne me paraît pas du tout anecdotique.
05:12Ensuite, quel est le résultat, si vous voulez, des nouvelles approches qui tendent à faire
05:20traduire les préoccupations du présent dans les leçons d'histoire ? Quel est le résultat ?
05:23C'est qu'aujourd'hui, je l'ai vu, je l'ai vu, moi, vraiment, je suis absolument
05:27catégorique, vous pouvez entrer en première sans savoir si le Second Empire était avant
05:32ou après la Troisième République et je l'ai constaté, mais de nombreuses fois, la réalité
05:38est celle-ci.
05:39Dans un monde parfait, on pourrait en effet essayer de concilier les deux approches.
05:43Dans la réalité, il y a effet d'éviction de l'une, de la deuxième, de la première
05:49au profit de la seconde et c'est ça qui me paraît dramatique.
05:52Un petit mot juste sur mon livre, ce n'est pas une histoire de France, je n'ai pas cette
05:56ambition, il faudrait que je sois complet.
05:57C'est un recueil de récits qui essaie de trouver un écho entre des épisodes du passé
06:05et du présent avec la part, évidemment, de choix personnels que ça justifie.
06:10Sur la question de récits, parfois on dit « récits nationales », Pascal Blanchard,
06:16c'est extrêmement débattu, extrêmement polémique.
06:21Qu'entendez-vous par là quand vous dites « un historien, c'est quelqu'un qui fait
06:25un bon récit, un bon prof d'histoire, c'est quelqu'un qui fait un bon récit ? »
06:29Quel récit ? De quelle France ?
06:32Là, on parlait de l'enseignement.
06:33Dans le récit, il y a aussi de quel récit on parle, c'est encore un deuxième sujet.
06:36C'est-à-dire qu'aujourd'hui, l'histoire est beaucoup plus globale et connectée.
06:38Bien sûr, vous avez toujours des récits nationaux.
06:40D'abord, on vit dans un pays, dans des territoires, dans des frontières, on a besoin de connaître
06:43dans ce territoire sa géographie et son histoire.
06:45Mais ce récit, il est maintenant connecté à des espaces géographiques, à des temporalités,
06:48à des mouvements du monde différents.
06:50Vous ne pouvez rien comprendre à l'esclavage si vous ne comprenez pas à quoi servait l'argent
06:53du sucre pour faire des guerres en Europe.
06:54Ben, c'est connecté.
06:55Vous ne pouvez rien comprendre à la Troisième République si vous ne vous intéressez pas
06:58aux conquêtes coloniales et vous ne pouvez rien comprendre à la crise économique de
07:011929 si vous ne mesurez pas que l'empire autarcique permet à la France d'y rentrer
07:04plus tardivement.
07:05Une histoire globale.
07:06Deuxièmement, une histoire globale aussi au niveau des individus.
07:08Vous ne pouvez plus parler aujourd'hui de l'histoire si vous ne parlez que des hommes.
07:11Vous comprenez un tout petit peu que les femmes, représentant 50% de cette histoire,
07:15ont un espace.
07:16C'est très important, parce qu'on va nous dire « oui, mais il n'y en a pas dans l'histoire ».
07:19Ben non.
07:20Eh bien, dans votre livre, il y a une seule femme.
07:21Ce n'est pas le hasard.
07:22Et c'est normal.
07:23Vous êtes l'héritier d'une certaine manière de penser le passé.
07:25Il faut aller gratter un peu l'histoire.
07:26Mais dites-moi ça, Pascal.
07:27Il finit qui, sa phrase, vous lui répondez ?
07:30Et encore, vous avez marié Antoinette, c'est parce qu'il y a une histoire d'amour.
07:32Allez sauver.
07:33Ce que je veux dire par là, c'est que si on…
07:34Rassurez-vous, dans le tome suivant, il n'y aura jamais d'armes.
07:35Ah merci, vous allez vous rattraper.
07:36Et puis un peu d'ouvriers.
07:37Et peut-être même un Africain, un Antillais ou un Maghrébin.
07:41Et là, l'histoire de France sera presque complète.
07:43Alors, dans ce cas, vous me titillez, je vous réponds là-dessus.
07:46Le grand danger, c'est l'anachronisme.
07:47Vous me dites « il faut s'ouvrir, il faut que l'histoire soit diverse, parce que la
07:50France est diverse ».
07:51Au gros, c'est ça.
07:52Les femmes font partie de l'université de la France, oui.
07:54Alors, je vous réponds.
07:55Pourquoi pas.
07:56En effet, c'est une préoccupation légitime, à condition de ne pas verser dans l'anachronisme,
08:00qui est un grand danger en histoire.
08:01Et c'est la première chose qu'on vous apprend quand on fait de l'histoire.
08:03C'est quoi l'anachronisme ? Ça consiste à plaquer les valeurs du présent, les préoccupations
08:08du présent, la morale du présent sur le passé.
08:10Et ça, ça peut donner des résultats dramatiques, parce que c'est plus de l'histoire, c'est
08:14de la mémoire.
08:15Entre l'histoire et la mémoire, il y a des interactions, mais ce sont deux choses tout
08:18à fait distinctes.
08:19Exemple, François Furet, dont vous voudrez bien convenir que ce n'était pas n'importe
08:24qui.
08:25François Furet, dont vous voudrez bien convenir que ce n'était pas n'importe qui.
08:27Quand il fait une histoire de la Révolution française, il ne cite pas une fois Olympe
08:31de Gouges.
08:32Elle n'est même pas citée.
08:33Dictionnaire critique de la Révolution française, co-dirigée avec Mona Ouzouf.
08:37Cinq volumes en dédition de poche, Olympe de Gouges n'a pas droit à une entrée.
08:42Est-ce qu'ils étaient misogynes ? Est-ce qu'ils étaient obtus ? Est-ce qu'ils étaient
08:45étriqués ? Pas du tout.
08:47Ils étaient quoi alors ? Ils étaient des scientifiques de l'histoire qui considéraient
08:51qu'il ne fallait pas accorder une importance à quelqu'un qui était certes admirable
08:55au plan moral, mais ce n'est pas le problème.
08:57Il ne fallait pas accorder, donner, niveler et mettre au même niveau un Sieyès, un Mirabeau,
09:03et un Robespierre qui eux, ont eu des rôles importants, et une Olympe de Gouges qui était,
09:07je le répète, admirable au plan moral, mais qui n'a absolument pas eu le même rôle.
09:11Donc c'est un choix scientifique d'après vous, et pas un choix de misogynie.
09:16Mais bien sûr Nicolas, il faut avoir une vision concrète des choses.
09:18Je ne suis pas un doctrinaire, mais à partir du moment où vous avez le nombre d'heures
09:24d'histoire qui ne changent pas dans les classes, il faut bien faire des choix.
09:27Et si vous décidez de faire d'Olympe de Gouges une personnalité importante, vous
09:31en enlevez, parce qu'on ne peut pas mettre un litre et demi dans une canette de coca.
09:35Donc, en définitive, qu'est-ce qui trinque dans cette vision d'histoire qui veut absolument
09:40voir le présent dans le passé ? Eh bien, ce sont des figures traditionnelles qui rendaient
09:44l'histoire intelligible.
09:46Et moi, je vois arriver à Sciences Po des jeunes qui sont convaincus qu'Olympe de
09:49Gouges a été une personnalité centrale de la Révolution.
09:52Qu'est-ce que vous avez à dire ?
09:53Je suis désolé, mais quelle que soit l'admiration que je porte à Olympe de Gouges, ce n'était
09:56pas une personnalité centrale de la Révolution.
09:58Sur Olympe de Gouges, Pascal Blanchard ?
09:59Sur Olympe de Gouges ou Belay.
10:00Vous auriez pu aussi citer Belay, qui n'apparaît pas dans Furet et qui n'est pas un personnage
10:03pour lui qu'ils considèrent comme important.
10:04Je vous rappelle, un des premiers députés noirs de la République qui s'est engagé
10:07pour l'Amérique indépendante, qui va accompagner la révolte d'Haïti et qui sera déporté
10:11par Napoléon Bonaparte.
10:12Aujourd'hui, on le trouve beaucoup plus important que de le trouver Furet et Ouzouf.
10:15C'est aussi des choix d'époque.
10:17Peut-être aussi, c'est parce que les historiens, à un moment, portent leur regard.
10:19Non pas.
10:20Parce qu'ils ont des priorités.
10:21Vous avez raison, c'est compliqué de mettre tout dans une boîte de coca, j'aurais pas
10:23choisi cette image-là.
10:24Mais je ne la trouve pas si.
10:25Il est intéressant, en fait, il faut des fois aussi choisir pour des cheminements.
10:29C'est la difficulté quand on a un cours qu'on doit écrire un livre.
10:31Mais la question, elle n'est pas là.
10:32La question est la manière dont on appréhende l'histoire.
10:34Mais pareil, tout à fait là, puisqu'on parle de l'enseignement dans le secondaire.
10:37Je ne vous ai pas coupé.
10:38Je vous ai pas coupé.
10:39Vous m'avez coupé.
10:40Il faut donc aussi savoir mixer cette histoire et pas simplement dire que c'est du remplacisme.
10:44On ne va pas remplacer un nouvel héros par un ancien héros.
10:47Ce n'est pas l'objectif.
10:48L'objectif, c'est d'être le plus proche possible.
10:50Peut-être que c'est une utopie, mais de tendre vers ce qu'a été les réalités
10:53sociologiques, historiques des grands mouvements du monde.
10:55Il est évident que si vous parlez que des guerriers, vous ne parlez que des hommes.
10:57Mais pendant la guerre, il y avait quand même des femmes à l'arrière.
10:59Si vous parlez d'une révolution, la révolution n'a pas été faite que par des hommes.
11:01C'est la manière dont vous allez appréhender le phénomène social, le phénomène historique.
11:05Et tout à l'heure, vous posez une question qui est très importante, c'est de quel récit
11:08on parle.
11:09Justement, un récit, il se construit aussi sur la manière dont vous ouvrez votre spectre
11:12pour le rendre audible, écoutable.
11:15Donc, c'est des choix aussi qui peuvent être faits pour arriver à raconter une histoire.
11:18Dans votre livre, vous dites, dès le départ, qu'au-delà de l'enseignement à l'école,
11:21c'est Alain Decaux qui vous a aussi donné cette passion pour l'histoire.
11:24Et moi, je trouve que c'est intéressant parce qu'Alain Decaux, justement, c'était
11:26quelqu'un qui emmenait avec une forme romanesque le récit.
11:29Et Alain Decaux était le fruit de son époque.
11:31On écouterait aujourd'hui Alain Decaux, on dirait « il ne comprend rien au monde
11:33qui nous entoure ».
11:35Mais à l'époque, il était là pour faire passer une certaine forme de passion de l'histoire.
11:40Regardez aujourd'hui, sur les réseaux sociaux, sur Internet, vous avez aussi des raconteurs
11:44d'histoire qui emmènent des jeunes à des récits.
11:46Ils ne sont pas aussi, à mon avis, incultes que vous pouvez le penser.
11:50Je n'ai pas la manière de penser ça.
11:51Guillaume Perrault !
11:52Je n'ai pas dit du tout que les vulgarisateurs qu'on trouvait sur Internet étaient incultes.
11:56Ça, c'est vous qui me prêtez cette allégation.
11:58Je parlais de ceux qui les écoutaient, des élèves.
12:00Je n'ai pas du tout dit ça non plus.
12:02En ce qui concerne Decaux, je voudrais préciser, j'admirais son talent de conteur, comme
12:06tous les gens de ma génération qui ont été bercés par ses récits.
12:09C'était en direct.
12:10C'était un exercice sportif sans filet.
12:12Incroyable !
12:13Incroyable, admirable.
12:14Vous êtes d'accord avec moi.
12:15Parce que tout le monde l'attendait au tournant.
12:17Et puis les sujets étaient polémiques.
12:18C'était passionnel.
12:19L'histoire de France a toujours divisé les Français.
12:20Si vous faites l'égard de Vendée, vous avez intérêt à être rigoureux.
12:23Ce que vous avez fait d'ailleurs.
12:24Mais ce qui est encore plus digne d'admiration pour Decaux, c'était son intégrité
12:32morale et intellectuelle.
12:33C'est-à-dire qu'il voulait réconcilier les gens, il voulait réconcilier les Français.
12:37C'était un conciliateur né, pas un réconciliateur, un conciliateur né sans rien céder sur l'exigence
12:42du savoir.
12:43C'est-à-dire qu'à chacun des camps, il arrivait à représenter les arguments et
12:48la façon de penser du camp adverse, sans être rejeté par l'auditoire.
12:52Et ça, c'est très fort, dans un pays aussi divisé que la France.
12:55C'est ça que j'ai admiré.
12:57Et sur ce plan-là, il demeure pour moi un modèle.
13:00J'espère que notre débat est parvenu à faire un peu ce que vous venez de décrire,
13:06Dalin Decaux.
13:07Merci à tous les deux.
13:09Guillaume Perrault, rédacteur en chef au Figaro, en charge de l'Histoire, Voyages
13:14dans l'Histoire de France 15, grand récit de Louis XIV à nos jours chez Perrin.
13:19Pascal Blanchard, merci, vous co-dirigez le livre collectif « France, terre d'immigration,
13:2513 siècles de présence du Maghreb, de l'Egypte et de l'Orient ». C'est aux éditions
13:32Philippe Ray.
13:33Merci encore.
13:34C'était passionnant de vous écouter échanger.