Grands décryptages, débats politiques, grands entretiens, question qui fâche ...en cette année 2024 qui s'achève, toute l'équipe de ça vous regarde vous propose de voir quelques morceaux choisis de l'émission.
LE GRAND DÉBAT / France-Maroc : le voyage « gagnant-gagnant » ?
- Charles Rodwell, député « Ensemble pour la République » des Yvelines
- Gilles Kepel, Professeur des universités, politiste et auteur de « Le bouleversement du monde » (Plon)
- Michaël Darmon, éditorialiste politique à i24News et co-réalisateur du documentaire « Le parcours d'un roi - Le Maroc de Mohammed VI »
- Fadwa Islah, journaliste à « Jeune Afrique », spécialiste du Maghreb
LE GRAND ENTRETIEN / Pierre-Henri Tavoillot : « Voulons-nous encore vivre ensemble ? », ou la tentation de la solitude
- Grand invité : Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, maître de conférences à la Sorbonne Université, président du Collège de philosophie
LA QUESTION QUI FÂCHE / Faut-il supprimer un jour férié ?
- Fanny Guinochet, journaliste économique à « France Info » et à « La Tribune »
- Marc Vignaud, journaliste économique à « L'Opinion »
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
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LE GRAND DÉBAT / France-Maroc : le voyage « gagnant-gagnant » ?
- Charles Rodwell, député « Ensemble pour la République » des Yvelines
- Gilles Kepel, Professeur des universités, politiste et auteur de « Le bouleversement du monde » (Plon)
- Michaël Darmon, éditorialiste politique à i24News et co-réalisateur du documentaire « Le parcours d'un roi - Le Maroc de Mohammed VI »
- Fadwa Islah, journaliste à « Jeune Afrique », spécialiste du Maghreb
LE GRAND ENTRETIEN / Pierre-Henri Tavoillot : « Voulons-nous encore vivre ensemble ? », ou la tentation de la solitude
- Grand invité : Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, maître de conférences à la Sorbonne Université, président du Collège de philosophie
LA QUESTION QUI FÂCHE / Faut-il supprimer un jour férié ?
- Fanny Guinochet, journaliste économique à « France Info » et à « La Tribune »
- Marc Vignaud, journaliste économique à « L'Opinion »
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NewsTranscription
00:00Bonsoir et bienvenue en cette année 2024 qui s'achève.
00:04Nous vous proposons, avec toute l'équipe de Savourgarde,
00:07de revoir quelques morceaux choisis de l'émission.
00:10Grands décryptages, débats politiques,
00:13grands entretiens d'actualité.
00:14Et puis, question qui fâche avec nos chroniqueurs,
00:17c'est tout de suite sur LCP.
00:30Tout est pardonné, ou presque.
00:32Emmanuel Macron et le roi Mohamed VI
00:34ont donc scellé la réconciliation entre la France et le Maroc.
00:39On va revenir ce soir sur ces trois jours à Rabat
00:41de fastes et de contrats,
00:43les images, les personnalités, et surtout les actes
00:46pour réchauffer une relation diplomatique
00:49en froid depuis six ans.
00:50Peut-on parler de succès ce soir ?
00:53Gilles Kepel, bonsoir.
00:54Merci d'être parmi nous ce soir,
00:56professeur des universités, spécialiste du Moyen-Orient,
00:59votre dernier ouvrage, vous étiez venu nous en parler,
01:02le bouleversement du monde, chez Plon.
01:04Bonsoir, Charles Rodwell.
01:06Bienvenue, député,
01:07Ensemble pour la République des Yvelines.
01:09Vous connaissez bien le Maroc, vous y avez vécu,
01:12vous êtes membre du groupe d'amitié entre nos deux pays.
01:15Bonsoir, Mickaël Darmon.
01:16Bienvenue, éditorialiste politique à Y 24 News
01:20et co-réalisateur avec Yves Doré
01:22d'un documentaire remarquable,
01:24Le parcours d'un roi, le Maroc de Mohamed VI.
01:28Enfin, bonsoir, Fadwa Isla.
01:30Bienvenue à vous, journaliste à Jeune Afrique,
01:33spécialiste du Maghreb.
01:34Que faut-il retenir de cette visite d'Etat ?
01:37C'est Bruno Donnet, dans son récap, qui nous plante le décor.
01:40Générique
01:42...
01:49Bonsoir, Bruno.
01:50Bonsoir, Myriam, bonsoir à tous.
01:52Dans votre récap ce soir, Emmanuel Macron et Mohamed VI
01:56enfin réconcilient.
01:58Oui, ça faisait trois ans, Myriam,
02:00trois ans que ces deux-là ne s'étaient plus parlés.
02:03Pourquoi ? Eh bien, parce que dans le conflit
02:06hautement géopolitique qui oppose le Maroc et l'Algérie
02:10sur l'épineux sujet du Sahara occidental,
02:14la France soutenait jusqu'ici plutôt l'Algérie.
02:16Seulement, tout ça, c'était avant,
02:18avant qu'Emmanuel Macron ne change de pied
02:21et n'apporte son soutien au Maroc.
02:24Et je pense, bien sûr, en premier lieu
02:27au Sahara occidental.
02:29Pour la France, le présent et l'avenir de ce territoire
02:34s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine.
02:37Applaudissements
02:39Applaudissements, standing ovations, tapis rouges.
02:42Mohamed VI a mis les petits plats dans les grands
02:45pour recevoir son nouvel ami Emmanuel Macron,
02:48qui a eu droit à la Mercedes Limousine,
02:50au bain de foule et surtout, surtout,
02:53à la signature d'accords économiques juteux
02:56pour la plus grande satisfaction
02:58de notre ministre de l'Economie.
03:00La France est déjà très présente au Maroc.
03:02Après cette visite d'Etat, elle le sera encore davantage.
03:06Voilà, car en échange du retournement
03:08d'Emmanuel Macron sur la question du Sahara occidental,
03:11le Maroc a accepté de signer 22 contrats
03:14pour un montant total de 10 milliards d'euros.
03:17La France a notamment vendu 18 EGVs
03:19fabriqués par Alstom,
03:21des centrales solaires et éoliennes
03:23produites par Total Energy
03:25et une usine de traitement des déchets
03:27développée par le tricolore Suez.
03:29Pourtant, elle revient de très loin,
03:31cette relation diplomatique.
03:33Les deux pays étaient plus que brouillés.
03:36L'an dernier, au moment du terrible séisme au Maroc,
03:39Mohamed VI avait carrément ignoré
03:42les propositions d'aide de la France,
03:45au point qu'à l'époque, un certain Bruno Retailleau
03:48avait fustigé très vertement les positions d'Emmanuel Macron.
03:52Ce silence opposé à la proposition d'aide de la France,
03:56c'est le signe de l'échec
03:57de la politique africaine d'Emmanuel Macron.
04:0013 mois plus tard, tout a changé.
04:02Bruno Retailleau est devenu ministre de l'Intérieur.
04:05Il accompagne Emmanuel Macron en visite d'Etat
04:08et il est, eux, heureux.
04:11Je voudrais dire que l'amitié entre la France et le Maroc
04:14connaît un nouveau départ et je m'en réjouis.
04:18Réjoui, tout le monde l'est, enfin, presque.
04:20Avant-hier, Emmanuel Macron et Mohamed VI ont signé
04:23une déclaration de partenariat d'exception renforcée,
04:27selon cette atmosphère guillouette.
04:29Un homme a fait part de son profond mécontentement.
04:33Il s'appelle Adel Majib de Tebboune,
04:35le président algérien furieux contre la France.
04:38Ses déclarations à propos du Sahara occidental
04:42accroirent, Myriam, que pour solutionner une crise diplomatique,
04:45Emmanuel Macron est en train d'en ouvrir une nouvelle.
04:48Merci beaucoup, Bruno Donnet.
04:50Gilles Kepel, est-ce que la phrase d'Emmanuel Macron
04:53qu'on vient d'entendre sur le Sahara occidental,
04:56souveraineté marocaine, c'est la plus importante,
04:59selon vous, de ce voyage ?
05:01Est-ce un véritable tournant ?
05:03Ca avait déjà été annoncé avant, bien sûr,
05:05mais en effet, c'est un tournant géopolitique très important
05:09puisque Paris avait cherché à maintenir un équilibre
05:13entre Algiers et Rabat,
05:16à la fois pour des enjeux extérieurs
05:18et aussi pour des enjeux internes,
05:20puisque la relation entre la France, d'un côté,
05:24le Maroc, l'Algérie,
05:25dans une certaine mesure, la Tunisie aussi,
05:28voire la Turquie, est aussi très liée
05:30à la présence de très nombreux ressortissants
05:33originaires de ces pays.
05:34On a vu M. Retailleau, notamment, ce qui avait déclenché les crises,
05:38ça avait été le fait que les OQTF,
05:40c'est-à-dire les ordres de quitter le territoire français,
05:43étaient peu ou pas appliqués ou gérés
05:46dans une relation de négociation complexe.
05:50On va y revenir sur l'immigration, mais sur le Sahara occidental,
05:53comme moi, on ne connaît pas assez bien ce dossier.
05:56Qu'est-ce qui explique qu'il soit si disputé ?
05:59C'est un territoire qui appartenait autrefois à l'Espagne,
06:02qui s'en est retiré dans des situations confuses
06:05et qui a abouti à ce qu'une marche verte,
06:08à l'époque du règne de Hassan II,
06:11a amené des Marocains dans la zone concernée,
06:16et le Maroc, considérant que ce territoire
06:19fait partie du Maroc, alors que l'Algérie, elle,
06:22estimait que le front polisario,
06:26qui représenterait, selon elle, les populations de cette région,
06:30réclame en réalité l'indépendance,
06:33et donc le front polisario est soutenu par l'Algérie
06:38avec des incidents armés nombreux.
06:41La France a tenu, globalement,
06:45une position de distance
06:47parce que les instances internationales
06:50avaient plutôt refusé le fait accompli marocain,
06:55qui était jugé comme tel,
06:57et favorisaient les référendums d'autodétermination.
07:01C'est une affaire assez complexe.
07:03Le moment où les choses ont basculé à l'échelle internationale,
07:07c'est lorsque, lors des accords d'Abraham...
07:10Le Maroc.
07:11Vous pouvez rappeler.
07:12En 2020, qui faisait en sorte
07:15qu'Israël, les Emirats Arabes Unis,
07:19le Bahreïn et, également, le Maroc,
07:24ont signé des accords
07:28sous l'égide de Donald Trump, président des Etats-Unis à l'époque,
07:31et le Maroc a, d'une certaine manière,
07:34obtenu, en échange de la reconnaissance d'Israël,
07:37la reconnaissance par les Etats-Unis
07:39de la marocanité du Sahara occidental.
07:42A partir de ce moment-là,
07:44le rapport de force a basculé
07:46et un certain nombre d'Etats européens...
07:49Qui étaient plutôt sur des positions, disons, neutres,
07:53donc considérées comme pas pro-marocaines
07:56par les Marocains, ont commencé à basculer.
07:58Le principal enjeu, c'était la France,
08:01ancienne puissance coloniale,
08:03principalement avec l'Espagne au nord,
08:05et avec laquelle les relations, évidemment,
08:08sont intenses, osmotiques, si vous voulez,
08:10et il y avait eu beaucoup de frictions.
08:14Je me souviens d'un voyage que j'avais fait au Maroc
08:17il y a quelque temps qui était assez complexe,
08:19de ce point de vue-là, et je crois qu'après la visite
08:22du président de la République à Alger,
08:25il y a maintenant un peu plus d'un an,
08:27les espoirs attendus de cette relation
08:31ne se sont pas concrétisés.
08:33Il faut bien se rappeler qu'on est quand même
08:35dans un moment très difficile pour la France en Afrique,
08:38avec les coups d'Etat anti-français, pro-russes,
08:41qui se sont multipliés, les élections au Sénégal,
08:44et Alger, finalement, est dans ce camp-là.
08:46Je crois que ça fait partie de l'ensemble géopolitique.
08:49On résout une crise pour en ouvrir une autre,
08:52mais le panorama géopolitique est très bien posé,
08:54Miquel Darmon. L'amitié franco-marocaine,
08:57elle est ancienne, elle est historique.
08:59On se souvient de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy.
09:03Là, c'était rompu.
09:06Vous, qui avez travaillé sur le royaume shérifien,
09:09sur la personnalité de Mohamed VI,
09:11il ne se parlait plus avec Emmanuel Macron.
09:13Comment on en est arrivé là ? Ca s'est fait progressivement ?
09:16Il y a eu une série de contentieux qui est venue aggraver
09:20la relation personnelle très compliquée
09:23entre les deux dirigeants dès le début.
09:26Il faut préciser que c'était pas une brouille
09:29entre les Français et les Marocains.
09:31C'était une brouille entre les deux dirigeants...
09:33-...personnels.
09:35-...quasiment sur le plan personnel.
09:37Il y avait eu une visite rapide en 2018,
09:39sans Mme Macron.
09:40Ca avait frossé la difficulté de la relation.
09:43Le point d'orgue a été ce qu'on a appelé l'affaire Pegasus,
09:46c'est-à-dire les écoutes
09:49d'un bon nombre de responsables français
09:53via un logiciel de Pegasus
09:55qui était en possession du Maroc.
09:57Là, il y a eu, pour faire vite, à un moment donné,
10:00une discussion au téléphone extrêmement dure,
10:03à serme, entre le président français et le roi du Maroc,
10:07parce que Mme Macron a voulu absolument
10:09faire reconnaître, faire dire au roi du Maroc,
10:13à un moment donné,
10:14que le Maroc était responsable de ces écoutes-là.
10:17Ca s'est très mal passé.
10:20De ce point de vue-là, ça a contribué, en plus,
10:23au quasi-gêne de toutes les relations.
10:26Et puis, il y avait, effectivement,
10:28une dimension géopolitique importante,
10:30parce que pour le Maroc, c'est une matrice quasi identitaire,
10:33le Sahara occidental, et, à partir de là,
10:36le roi du Maroc avait décidé,
10:39depuis déjà deux ans environ,
10:41de mettre, en fait, une sorte de grille de lecture
10:45entre, tout simplement, amis du Maroc soutenant le Sahara,
10:49ne soutenant pas...
10:50-"Avec moi ou contre moi".
10:52-"Avec moi ou contre moi".
10:53Il disait à tout le monde,
10:55si vous voulez être amis avec moi, ne faites pas comme les Français.
10:58Bref, le 30 juillet, la déclaration et la lettre d'engagement,
11:02on va dire, a permis que cette visite puisse exister
11:05et, aujourd'hui, le pouvoir marocain semble rassuré.
11:08Fred Weiss, là, cette visite et quelle visite ?
11:11Parce que là, on n'est pas dans un aller-retour rapide.
11:14On a une délégation de stars,
11:17de sportifs, d'artistes, de patrons.
11:20On a des images, on les voyait plus, ces images,
11:23comme ça, avec la voiture, les bains de foule.
11:26Sur la forme, ça envoie quel message ?
11:29C'est une visite d'Etat.
11:31C'est la première d'Emmanuel Macron.
11:33La dernière visite d'Etat d'un président français
11:36remonte à François Hollande et à 2013, je crois.
11:39Et il y avait une volonté de donner corps à cette réconciliation.
11:43Une réconciliation qui vient...
11:45Enfin, une reprise des relations,
11:47puisque l'amitié et les relations économiques
11:49n'ont jamais été rompues.
11:51Au moins, il y avait un froid, même un glacial,
11:54ces dernières années.
11:55Après le séisme, le Maroc a refusé l'aide de la France.
11:59Le séisme était l'acmé.
12:00L'acmé, le point culminant.
12:02Le point culminant de cette crise entre les deux pays.
12:06Deux pays qui ont une relation très forte,
12:09qui a plusieurs siècles.
12:10Ca ne date pas de la colonisation, de l'indépendance.
12:13Les ambassadeurs français étaient là, déjà,
12:16sous François Ier.
12:17Il y a une relation d'amitié extrêmement forte.
12:20Des diasporas, d'un côté comme de l'autre.
12:22Néanmoins, comme vous l'avez souligné,
12:24il y avait cette question du Sahara.
12:26Au-delà des relations personnelles,
12:28c'est une question existentielle aux yeux du Royaume.
12:32Et le roi en avait fait un leitmotiv
12:35qu'il rappelait dans tous ses discours.
12:37Et la France, puissance coloniale,
12:40était au début, au commencement de ce conflit.
12:45Elle était présente et témoin, ce dont...
12:48Voilà ce que reflète bien cette phrase du général de Gaulle,
12:52qui avait invité le sultan Mohamed V
12:54à examiner cette question du Sahara dès 1960,
12:59donc bien avant l'indépendance de l'Algérie.
13:02Ce à quoi le sultan avait répondu,
13:04nous verrons ça avec nos frères algériens.
13:06Après la suite, il y a eu la guerre des Sables.
13:09Il fallait donner corps à cette réconciliation.
13:12C'est le point d'étape de la réconciliation
13:15après des petits pas de réchauffement.
13:17Tout ça ne s'est pas fait à la faveur de ces trois jours.
13:20Charles Audouel, moisson de contrats,
13:23la clé, 10 milliards, total,
13:25des TGV, des centrales, des usines.
13:29Tout ça valait bien une véritable fureur
13:32et une véritable nouvelle brouille.
13:34Elle est actée, elle était déjà ancienne avec Alger.
13:37Je crois surtout que l'impact économique est fondamental,
13:41est bénéfique à nos deux pays.
13:44Les contrats économiques ont été signés,
13:46c'est une vision politique partagée par nos deux pays,
13:49que rappelait Gilles Kepel,
13:51du côté du président de la République
13:53et du gouvernement.
13:54Il y avait cette volonté de réaffirmer
13:58que la France considère, un, le Maroc
14:00comme une puissance de premier plan,
14:03le continent africain,
14:04et deuxièmement, que le Maroc est une puissance d'équilibre
14:08entre nos deux continents.
14:10Un, du fait de sa géographie, tout simplement.
14:12Deux, du fait d'un héritage diplomatique.
14:14Un des événements marquants de ces dernières décennies,
14:18c'est que le Maroc a été longtemps exclu de l'Union africaine
14:21et donc que le pays a dû se tourner vers d'autres nations
14:24et a construit cette position d'équilibre.
14:27Les accords d'Abraham en sont, je crois,
14:29une bonne conclusion.
14:31Et puis, bien sûr, une volonté politique
14:34et la continuité de plusieurs monarques,
14:36Mohamed V, Hassan II,
14:38et le roi, sa majesté, Mohamed VI, aujourd'hui.
14:40Cette position d'équilibre a un impact très concret
14:43dans plusieurs domaines pour nous.
14:45On va investir au Sahara occidental,
14:47on va aider les Marocains à développer
14:49ce territoire souverain marocain.
14:51C'est déjà le cas.
14:53Un impact diplomatique, économique.
14:55On ne peut pas mentionner des entreprises
14:57comme Royal Air Maroc, qui est une entreprise
15:00qui fait exactement le lien entre nos deux continents,
15:03qui incarne parfaitement cette puissance d'équilibre.
15:06Une autre entreprise qui a signé des gros contrats
15:09avec des entreprises françaises, c'est l'OCP,
15:11l'Observatoire chérifiant des phosphates,
15:13qui repose sur la production et sur l'export de phosphates,
15:18qui est une des grandes richesses du Maroc,
15:20et qui investit, qui déploie la politique
15:23à la fois diplomatique et économique du Maroc
15:25sur une bonne partie de l'Afrique subsaharienne.
15:28L'objectif de ces investissements communs,
15:31c'est aussi que les entreprises françaises
15:33puissent bénéficier en partie de ce déploiement.
15:36J'indiquerai aussi que le Maroc incarne
15:38une forme de puissance d'équilibre
15:40dans ses institutions,
15:42décrites souvent ouvertement
15:43comme une monarchie constitutionnelle
15:46ou parlementaire. Je laisserai aux experts du sujet
15:49en tirer des conclusions,
15:50mais il n'y a pas si longtemps, pendant le printemps arabe,
15:53le Maroc a su résister, entre guillemets,
15:56à la foudre qui frappait une bonne partie de ses pays
15:59en réformant sa constitution, en 2014, me semble-t-il,
16:02et donc a réussi à créer une forme de pôle de stabilité
16:06qui est toujours extrêmement positif...
16:08...par rapport aux islamistes.
16:10On va parler de la question migratoire dans un instant.
16:13Je vais vous montrer un sujet,
16:15parce que ça reste quand même le gros sujet de Discord,
16:18même si on nous parle de coopération,
16:20mais sur les conséquences avec l'Algérie.
16:23Fureur du président Teboun, pas une ligne
16:25dans les médias algériens sur cette visite d'Etat.
16:28La rupture était déjà consommée, d'une certaine façon,
16:31où il y a un pas franchi de plus
16:33qui peut avoir des conséquences diplomatiques,
16:36économiques, importantes, migratoires, avec la France.
16:39Sur le plan économique, les relations avec l'Algérie
16:42sont assez faibles par rapport au Maroc.
16:44Ce que disait M. le député, je crois qu'il est très juste,
16:48c'est qu'il y a une très grande dynamique
16:50dans la société marocaine,
16:52une dynamique industrielle, une dynamique économique, etc.,
16:56et que le Maroc se conçoit dans ce qu'ils appellent
17:00la verticale atlantique,
17:02c'est-à-dire facilitant des relations à un moment
17:05où elles sont très difficiles, ou sont rendues difficiles,
17:08par le bouleversement du monde,
17:10par la mondialisation entre la France et l'Europe
17:12et les Etats du Sud global,
17:14donc il y a un point là, important,
17:16et en contrepartie, le système algérien
17:20reste quand même fondamentalement crispé
17:23sur la gestion de la rente pétrolière.
17:25Et donc, il y a très peu de dynamisme interne,
17:28et c'est ça qui, je crois, in fine, l'a emporté.
17:33En termes de basculement,
17:36et puis, bon, il faut bien reconnaître
17:38que vous avez 44 écoles, je crois,
17:43de la mission française au Maroc,
17:45les élites sont formées,
17:46à titre modestement, j'ai un certain nombre
17:49d'anciens ministres marocains et de leurs directeurs
17:52qui sont mes anciens élèves à Sciences Po,
17:54ce qui n'est pas le cas pour ceux qui sont passés,
17:57qui sont de leur contrepartie algérienne.
17:59Et donc, je crois qu'il y a ce souhait
18:01de faire les choses,
18:03pour anticiper sur la question migratoire,
18:05il y a aussi la perspective qu'à partir du moment
18:08où il y a des emplois dans un pays,
18:10la pression migratoire, le flou extérieur baisse.
18:15Alors, justement, la question migratoire
18:18et la difficulté à expulser des Marocains
18:20en situation irrégulière ou sous au QTF,
18:23Rabat avait très mal pris la réduction de moitié
18:25du nombre de visas accordés au Maroc en 2021.
18:28Aujourd'hui, c'est la coopération,
18:30le mot maître de cette visite d'Etat,
18:32comme nous l'explique Marco Pommier.
18:34Retour sur ce bras de fer.
18:36Musique intrigante
18:40-"Multiples rebondissements dans le bras de fer
18:43qui oppose le Maroc à la France
18:45sur l'épineuse question des expulsions.
18:47Fin septembre, le nouveau ministre de l'Intérieur
18:50tape du poing sur la table en pleine affaire philippine.
18:53Cette jeune fille, violée et assassinée
18:55dans le bois de Boulogne,
18:57le meurtrier présumé,
18:59un ressortissant marocain récidiviste sous au QTF,
19:02il avait l'obligation de quitter le territoire français.
19:05Et pourtant, la justice française le libère,
19:08sans laisser passer consulaire du Maroc,
19:10ce document indispensable pour renvoyer un étranger
19:13en situation irrégulière dans son pays.
19:16Il faut assumer de conditionner notre politique de visa
19:19à la délivrance des laissés-passés.
19:21Nous sommes très, trop généreux, sans être payés de retour.
19:24Une menace déjà mise en place
19:27Une menace déjà mise à exécution.
19:29A l'automne 2021, le gouvernement baisse de 50 %
19:32le nombre de visas accordés au Maroc,
19:34à l'Algérie et à la Tunisie.
19:36Objectif, inciter ces pays du Maghreb
19:38à délivrer plus de laissés-passés consulaires.
19:41Bilan mitigé, selon la Cour des comptes.
19:43Cette politique a été décidée unilatéralement par la France
19:47et peu préparée.
19:48De plus, cette mesure a dégradé la relation avec ces trois pays,
19:52sans que ceci n'accompagne pas
19:54de réadmettre davantage leurs ressortissants.
19:56Fin 2022, la France fait marche arrière
19:59et lève ses restrictions.
20:00Une coopération endencie.
20:03Ces dernières heures, Bruno Rotaillot a négocié personnellement
20:06avec son homologue marocain,
20:08en marge de la visite d'Etat d'Emmanuel Macron.
20:11Un accord a été conclu, assure le ministre de l'Intérieur,
20:14pour augmenter le nombre d'extraditions
20:17et en raccourcir les délais.
20:19Nous avons convenu
20:20que nous ne serions pas obligés
20:22Nous avons convenu, avec mon homologue,
20:25de suivre directement cette question à notre niveau,
20:28avec des points d'étape réguliers.
20:31L'année dernière, 865 Marocains
20:34ont fait l'objet d'un éloignement forcé.
20:37Cette politique de restriction des visas n'a pas marché,
20:40Charles Rodwell.
20:41Ca va marcher, aujourd'hui ? Vous y croyez ?
20:44Je crois, au contraire, que cette forme de rapport de force
20:48qu'il y a eu il y a quelque temps
20:50a été nécessaire à la relation entre la France et nos pays.
20:54Vous avez vu les mots de la Cour des comptes.
20:56Mal préparé, en 2023, 238 000 visas accordés
20:59aux ressortissants marocains
21:01pour seulement 1 680 retours forcés.
21:03Les crédits qu'on examine en ce moment,
21:05je suis rapporteur sur le budget de l'immigration
21:08et donc aussi sur le budget qui concerne le retour
21:11aux pays d'origine.
21:12Il y a deux raisons à cela.
21:13Je crois qu'il compte dans une relation fondamentale
21:16entre ces trois pays, le Maroc et la France,
21:19c'est que ce sont des pays d'origine et de transit,
21:22même si certains flux sont réduits par rapport à d'autres pays du Maghreb.
21:26On était dans une logique, en 2020-2021,
21:28à la sortie de la crise Covid,
21:30qui était extrêmement déséquilibrée,
21:32entre la délivrance de visas qui était large
21:35et des contreparties qui étaient trop...
21:38En tout cas, moindres,
21:39notamment dans les considérations du gouvernement
21:42de Gérald Darmanin.
21:43Il a eu raison d'affirmer ce rapport de force.
21:46Une fois inscrit,
21:47il faut trouver tous les moyens, ensuite,
21:50de signer des accords de coopération.
21:52Pour le coup, Bruno Retailleau a fait de la coopération
21:56avec les pays de transit et les pays d'origine
21:59une des clés, une des pièces maîtresses
22:01de sa politique migratoire, notamment le retour.
22:04On a vu avec la Turquie à quel point c'était difficile.
22:07Il y a eu du chantage qui a été fait.
22:09Je crois qu'on est rentrés dans ce temps-là.
22:11Honnêtement, l'accord signé entre le ministre de l'Intérieur,
22:15Bruno Retailleau,
22:16et le ministre de l'Intérieur marocain
22:18est un signal politique très fort pour ces autres pays
22:21dans une coopération globale.
22:23Je vois des noms qui font de la tête.
22:25Fadwa Isla, Michael Darmanin,
22:26vous partagez l'analyse, le diagnostic ?
22:29Absolument pas.
22:30Le Maroc, d'abord, a toujours fait figure de bon élève
22:34sur cette question des retours et des OQTF, etc.
22:37Je pense qu'on peut toujours améliorer,
22:40mais se concentrer sur ça,
22:42c'est vraiment se tromper de sujet.
22:45La relation entre le Maroc et la France est autrement...
22:48Il y a des enjeux autrement plus importants.
22:50Et...
22:52Aujourd'hui, en matière...
22:54Pour un pays qui a des intérêts de souveraineté industrielle,
22:58économique, énergétique,
23:00le Maroc représente un allié extrêmement important.
23:03C'est une puissance régionale très importante,
23:06comme on l'a souligné.
23:07Il ne s'agit pas d'à nouveau remettre de l'huile sur le feu
23:10en focalisant sur ce sujet qui n'est pas un problème,
23:13mais qui fonctionne.
23:14On a parlé de tous les sujets, mais il y a aussi des attentes.
23:18Vous avez vu, comme moi, que l'assassin ce président...
23:22Je m'écris PIN,
23:23mais il s'agit de pas de...
23:25Je ne dis pas que ça n'a la même valeur,
23:27simplement, ce sujet-là, il était dans la liste
23:30des sujets importants de cette visite d'Etat.
23:33Avez-vous l'impression qu'en coulisses,
23:35Bruno Rotaillot, en rencontrant son homologue,
23:38le fait avancer ?
23:39Pas beaucoup.
23:40Pas beaucoup, je crois que ça peut fluidifier,
23:43mais maintenant, mettre dans la balance des visas,
23:46qui sont des visas délivrés à des gens
23:48pour faire du tourisme, des affaires ou des études,
23:51face à des gens qui sont sous au QTF
23:53et qui, parfois, sont des délinquants...
23:56Sur les étudiants marocains dans les universités françaises,
23:59au contraire, il y a eu des mots très clairs
24:02dans l'accord pour favoriser leur venue.
24:04En fait, on part de loin, parce qu'il ne faut pas sous-estimer...
24:08M. le député dit que c'était une bonne politique,
24:11c'était une très mauvaise politique,
24:13parce qu'en fait, ça a laissé à la porte de la France
24:16les élites marocaines, tous ceux qui participent
24:19quotidiennement à la fluidité et à l'intensité
24:24de la relation entre ces deux pays,
24:27et de ce point de vue-là,
24:29ce n'est pas du tout la bonne politique à mener.
24:31Là, aujourd'hui, ce qu'on entend les mots
24:34de la part de Bruno Rotaillot de l'accord annoncé,
24:36c'est un accord de, on va dire, de concertation,
24:40de baromètre, de point d'étape.
24:42Il n'y a rien, pardon, il n'y a pas du tout encore de sujet.
24:45On verra ça à l'usage.
24:47Et puis, la dernière chose, c'est que ce sujet,
24:50il montre bien à quel point, dans ce voyage,
24:52c'est quand même le Maroc qui a la main.
24:55Le Maroc a eu la main sur la date,
24:57sur le wording, sur les phrases qu'il fallait entendre,
25:00sur les mots que le président devait dire,
25:02sinon, il ne venait pas.
25:04S'il ne prononçait pas le mot sur la souveraineté marocaine,
25:07avec l'Assemblée qui se levait spontanément,
25:10comme c'était prévu, il ne venait pas.
25:12Mais ces mots prononcés peuvent-ils faire adancier
25:15d'autres dossiers ?
25:16On verra, parce que les Marocains ont une vision très claire
25:19de la situation en France.
25:21Ils savent que c'est un président affaibli,
25:23qu'il est en fin de course,
25:25qu'il est en situation française,
25:27que la politique intérieure est très compliquée.
25:29Donc, on leur dit, OK, vous aurez un problème de visa,
25:32mais ils n'ont pas attendu la France,
25:34ils parlent depuis très longtemps avec d'autres pays,
25:37en train de développer des cursus universitaires
25:40qui ne passent plus par la France,
25:42ni par le français, ni par l'anglais.
25:44Il faut avoir une vision beaucoup plus globale
25:47et ne pas penser que trois jours de faste
25:49avec la moitié des artistes de Paris va changer la donne.
25:52Jules Kepel, sur cette question migratoire,
25:54c'est vrai qu'on peut s'étonner qu'à la fois
25:57le ministre de l'Intérieur, soit de cette visite d'Etat,
26:00rencontre son homologue,
26:01c'est vrai que tout ça ne va pas changer du jour au lendemain,
26:05mais la question du chantage au visa n'est plus sur la table.
26:08C'est une autre politique qui est menée,
26:10et en même temps circulaire, fermeté aux préfets,
26:13avant même que la visite d'Etat ne soit terminée
26:15pour accélérer et favoriser les expulsions.
26:18Est-ce que c'est de la bonne diplomatie ?
26:20Il ne vous a pas échappé qu'il y avait une opinion publique
26:23française et que le Rassemblement national
26:26avait obtenu plus de 10 millions de voix
26:29aux dernières élections,
26:30avec une principale focalisation sur la question migratoire.
26:34Et donc, bien évidemment, un gouvernement,
26:36surtout celui-ci en ce moment,
26:38qui est suspendu entre la volonté,
26:41le veto des deux extrêmes de l'hémicycle,
26:45est extrêmement attentif à ces enjeux,
26:48puisque, comme on l'a dit, c'est une question géopolitique,
26:52une question de rapport avec l'Afrique,
26:54développement économique, tout ça, on l'a vu.
26:57Il s'adresse davantage aux opinions hexagonales en France
27:00avec ces différentes prises de position.
27:02On a aussi un enjeu de politique française immédiate,
27:05et c'est pourquoi la relation avec, notamment,
27:08les trois pays de l'Afrique du Nord est à la fois
27:11un enjeu de politique étrangère et un enjeu de politique intérieure.
27:15Et ça, c'est quelque chose qui est très frappant,
27:19mais vous savez, c'est un peu la même chose
27:22du côté marocain aussi,
27:24puisqu'à l'intérieur du Maroc,
27:26vous avez des visions qui ne sont pas toutes les mêmes
27:29de la relation avec la France.
27:32Il y a une partie de l'establishment
27:35qui, justement, en réaction à l'histoire des visas
27:38et des rapatriements forcés, a dit que c'est comme ça,
27:43on va tous apprendre l'anglais.
27:45On l'entend, d'ailleurs, dans les malls au Maroc,
27:47les jeunes se parlent plutôt dans un slang mélangé d'anglais
27:51et de dalija, alors que leurs mères se parlent
27:54en français parfait quand elles font leurs courses à côté.
27:57Il y a des évolutions.
27:59Vous arrivez au Maroc, tout est écrit maintenant
28:02en arabe, en anglais et en chinois dans les aéroports.
28:06Donc, il n'y a plus... Enfin, dans les indications,
28:09les éboutiques, c'est en français, mais les choses bougent.
28:12Je vous demanderais un mot pour conclure sur cette visite.
28:15Qu'est-ce qu'il restera et qu'est-ce que ça va changer
28:18dans ce petit bémol de la polémique Bélatar ?
28:21Je voulais qu'on en dise un mot, on ne va pas s'y éterniser,
28:24mais Yacine Bélatar, qui faisait partie de la délégation,
28:27c'est un humoriste qui a été condamné
28:29après avoir fait des menaces de bord,
28:32à l'invitation, donc, d'Emmanuel Macron.
28:34Beaucoup de bruit pour rien, ou il y a un sujet ?
28:37Pour moi, ça reste très anecdotique
28:39et c'est une question totalement, on va dire, franco-française
28:43et qui montre probablement
28:45des histoires de maladresse interne
28:47en termes de casting ou de protocole.
28:49D'ailleurs, je pense que même du point de vue marocain,
28:52je ne suis pas certaine qu'il ait sa place aux yeux des Marocains.
28:56Ce que j'ai envie de retenir et ce qui restera de cette visite,
28:59c'est qu'Emmanuel Macron,
29:02après avoir longtemps privilégié ses relations avec Alger,
29:06a choisi, finalement, de prendre le train de l'histoire,
29:09qui est le train de l'histoire et de l'avenir,
29:11que le Maroc, aujourd'hui, est une puissance régionale.
29:14Le Maroc, aujourd'hui, permet d'offrir
29:17une plateforme de production mondiale
29:19avec des accords de libre-échange, il en a 55,
29:21donc ça permet de produire à 14 km de l'Europe
29:24à moindre coût avec de l'énergie décarbonée.
29:27Quand on sait ce que ça représente,
29:29on comprend qu'Emmanuel Macron a enfin mis les bonnes lunettes
29:33et que ce n'est pas pour les beaux yeux du Maroc qu'il est venu.
29:37Je vous donnerai le mot de la fin, politique et géopolitique.
29:40Politique, on va laisser de côté, au fond,
29:43le côté bon plaisir de la délégation présidentielle,
29:48qui aime bien montrer qu'il est encore dans la transgression,
29:51ça n'a pas grand intérêt, en réalité.
29:53Le sujet géopolitique, c'est effectivement
29:57que le Maroc vient tenter de sauver aussi la France,
30:02qui est en grande difficulté en Afrique
30:04et qui peut, éventuellement, retrouver la main
30:07s'il continue à lire correctement ce qui se passe avec le Maroc.
30:11Merci infiniment pour ce grand décryptage
30:15et à très bientôt sur LCP, je l'espère.
30:18-"Si on vous invite, Pierre-Henri Tavoyau,
30:20c'est pour tenter de comprendre ce qui nous divise
30:23et ce qui nous rassemble.
30:25Voulons-nous encore vivre ensemble, Pierre-Henri Tavoyau ?
30:28C'est la question que vous posez dans votre dernier ouvrage.
30:32Vous y explorez d'abord les ressorts fragilisés
30:34de la vie commune, crise de l'autorité,
30:37désarroi de la fraternité,
30:39et puis les facteurs insidieux de séparation,
30:42les replis et les conflits.
30:44La rue, espace public, est devenu aujourd'hui
30:47un lieu de tension.
30:48Certains y perdent leurs nerfs, d'autres, leur vie.
30:54Autre espace de vivre ensemble, l'Assemblée nationale,
30:57où les insultes et même parfois les menaces fusent.
31:01Regardez, Pinochio !
31:03Je vous demanderais de faire moins de bruit.
31:05On est montés jusqu'à 80 décibels,
31:07de la moyenne.
31:09Pierre-Henri Tavoyau, vous, le philosophe,
31:11maître de conférences, président du Collège de philosophie,
31:15vous vous inquiétez des fractures qui traversent la société.
31:19Une société où les individus se cherchent
31:21des ennemis réels ou imaginaires
31:24et où les piliers de la convivialité se fissurent.
31:27Alors, vous en appelez à l'idéal démocratique.
31:31La démocratie est le régime qui permet à tout le monde d'être adulte.
31:34C'est la grandeur, mais c'est aussi le régime
31:37qui exige que nous le soyons tous, c'est la fragilité,
31:40car les tentations de régression en enfance sont innombrables
31:43à l'âge de l'individu roi.
31:45Alors, Pierre-Henri Tavoyau, vivre ensemble
31:47serait-il, finalement, réfréner nos égaux ?
31:50Alors, on va repartir du diagnostic que vous faites
31:53pour comprendre pourquoi, finalement,
31:56ça n'est pas complètement désespérant, cette question.
31:59Il y a encore des raisons d'avoir du commun.
32:02Le diagnostic, c'est cette crise du commun
32:05que vous décrivez très précisément.
32:07Elle a plusieurs causes.
32:09D'abord, c'est la tentation de la solitude,
32:11considérablement accélérée par le Covid.
32:13Oui, c'est une tentation du repli.
32:15C'est-à-dire que la phase du Covid,
32:18ça a été l'idée qu'on s'est confinés,
32:20distanciation sociale,
32:22et ce moment, je crois, était propice à une interrogation
32:25à la fois positive et négative,
32:27c'est de se dire, est-ce qu'on a besoin des autres ?
32:30Nous avons plein de moyens de vivre sans les autres,
32:33il y a le télétravail,
32:34il y a des ressources pour faire venir des repas chez soi,
32:39je n'ose pas dire la marque, c'est pour ça que j'hésite,
32:42il y a Netflix, du coup, j'ai dit la marque,
32:45mais il y a plein de choses qui font qu'on n'a pas besoin des autres,
32:48soit que ça soit triomphant, dans une forme de narcissisme,
32:52soit, au contraire, particulièrement déprimé.
32:54On parle même d'une épidémie de solitude
32:57dans notre société, et ça, c'est à prendre au sérieux.
33:00Il y a la séduction de la guerre civile.
33:02Là, le mot est très fort, l'expression,
33:04guerre des générations, guerre entre les sexes,
33:07les races, les civilisations.
33:08Nous sommes, écrivez-vous,
33:10aspirés par des scénarios de guerre civile
33:12dans un monde de plus en plus inquiétant.
33:14Le conflit et l'affrontement nous rassurent.
33:17C'est paradoxal, mais on vit dans un monde très complexe.
33:20Les informations que vous diffusez,
33:22on a du mal à les mettre dans des grilles de lecture,
33:25on n'a pas de scénarios de grands récits,
33:27il y avait les religions, on n'a plus ça.
33:29On est très tenté de mettre ça dans des cases qu'on connaît bien.
33:33La guerre est une case qu'on connaît bien.
33:35Dans une guerre, il y a les bons, en général, nous,
33:38les méchants, les autres, et donc, on y voit clair.
33:41En quelque sorte, on est, pour comprendre le monde,
33:44aspirés par ce scénario de la guerre civile,
33:46et donc, à force de le déclarer, ce scénario de la guerre civile,
33:49les relations commencent à se tendre,
33:52relation intergénérationnelle.
33:53Vous dites scénario, c'est les imaginaires,
33:56ce sont les représentations, mais vous dites, attention,
33:59les représentations de conflictualité sont tellement fortes
34:02qu'elles pourraient devenir dans la réalité ?
34:05Oui, parce qu'on voit, par exemple, sur les relations hommes-femmes,
34:08on pourrait se dire, aujourd'hui, si on compare ça à la situation
34:12des relations hommes-femmes, il y a 50 ans, c'est plutôt mieux,
34:15d'être apaisé, et au contraire, on a le sentiment
34:18que le truc se conflictualise. Je ne parle pas seulement
34:21de l'Etat. C'est le backlash aux Etats-Unis,
34:24conservateurs et réactionnaires contre les femmes.
34:26Cette affaire-là, on se dit, mais pourquoi,
34:29à force de prophétiser la guerre, en quelque sorte,
34:32ou d'expliquer nos relations par la guerre,
34:34se dire, au fond, les seuls rapports humains qui existent,
34:37c'est des rapports entre dominants et dominés,
34:40coupables et victimes ?
34:41Ca, c'est bien dangereux.
34:43Voilà, cette question du découpage,
34:46de segmentation de la société en offensés, offensants.
34:50Il y a le rejet de l'altérité, aussi,
34:52dans les causes de cette crise du commun.
34:54Nous ne parvenons plus à renoncer à soi
34:56pour vivre avec les autres.
34:58On ne supporte plus le désaccord, c'est ça ?
35:01Oui, il y a deux choses. Je vais utiliser un terme
35:03qui va faire bondir. Pour vivre en société,
35:06il faut une obéissance volontaire.
35:08On se dit que c'est la servitude, la domination,
35:10mais le mot obéir est assez intéressant.
35:13Ca vient du latin ob audire,
35:14qui signifie prêter l'oreille.
35:16Je prête l'oreille. Je ne donne pas ma volonté,
35:19mais je prête l'oreille. A quoi ?
35:21Je prête l'oreille au fait qu'il y a des autres
35:23et qu'il y a du réel.
35:25Face aux autres et au réel, je suis obligé
35:27de revenir un peu dans ma niche, de faire un pas de retrait.
35:30C'est la condition du commun, c'est-à-dire de se dire
35:33que ce n'est pas parce que je le vaux bien,
35:36je ne viens pas comme je suis, comme chez McDo,
35:38ces deux slogans sont hyper modernes,
35:40je le vaux bien, mais les autres le valent bien aussi.
35:43La règle d'or de la politesse, c'est après vous.
35:46On devra en tirer des leçons.
35:48Même dans la rue, entre les piétons.
35:50Vous avez beaucoup de chapitres sur la civilité,
35:53qui traverse un très grand malaise
35:54dans nos sociétés démocratiques occidentales.
35:57Au coeur des sociétés démocratiques,
35:59il y a la haine de soi.
36:01Pour aimer, il faut s'aimer.
36:02Or, la société française, souvent qualifiée de patriarcale,
36:06raciste, islamophobe, ne s'aime plus.
36:08On en est là.
36:09Vous parlez même de mauvaise conscience démocratique.
36:12Oui, notre monde est particulier, le monde européen occidental,
36:16est vraiment vu comme le lieu absolument abominable
36:19de l'impérialisme, du racisme, de l'esclavagisme.
36:22Il y a tout.
36:23On se dit, pour les questions migratoires,
36:26comment intégrer les gens quand on est si peu fier du modèle ?
36:29Je voudrais rappeler la promesse démocratique.
36:32C'est de dire que tous les humains sont grands.
36:34Il n'y a pas une civilisation dans l'histoire d'humanité
36:37qui a affirmé ça, que tous les humains étaient grands.
36:40Il y avait des majeurs, des mineurs,
36:42quelques adultes plein exercice, tout le reste,
36:45il y avait des mineurs hommes, femmes, etc.
36:47La civilisation démocratique nous dit que tous les humains
36:51sont grands, quelles que soient la couleur de peau, le genre.
36:54Tous les humains peuvent grandir.
36:56Et cette promesse extraordinaire, nous pouvons grandir ensemble
36:59parce que c'est très profond, on ne peut pas grandir tout seul.
37:03Il y a deux manières de grandir, soit en humiliant les autres,
37:06soit en faisant grandir les autres.
37:08Qui alimente la discorde ?
37:10Qui a intérêt à ces guerres, pour l'instant,
37:12de nos représentations, du monde virtuel,
37:15qui, déjà, on le voit, bascule en réalité concrète ?
37:19C'est quelque chose qui, j'allais dire, est inscrit en nous.
37:22Je ne fais pas des leçons de...
37:24Vous êtes très dur avec le mouvement wokiste.
37:27Oui.
37:28Il est à l'origine de cette conflictualité,
37:30de cette dualité dominant, dominée.
37:32Il n'a rien fait pour lutter contre les discriminations ?
37:35Si, si. Là, il faut bien distinguer les choses.
37:38Si le wokiste, c'est la lutte contre la discrimination,
37:41moi, je suis wok, le wokiste, c'est pas ça.
37:44Le wokiste, c'est pas de dire que je suis contre les discriminations,
37:48c'est de dire que tout est discrimination.
37:50Un homme vous tient à la porte, c'est le patriarcat.
37:53Vous, manger d'entrecôte, c'est... Vous êtes pire qu'un nazi.
37:56Vous êtes dans une situation...
37:58Vous dites que la couleur de peau n'a aucune importance,
38:01qui est la base de l'antiracisme, spontanément.
38:04Le wok dit non, vous êtes colorblind,
38:06vous êtes aveugle à la couleur, vous ne voyez pas les discriminations.
38:10C'est la frange la plus radicale des gens
38:12qui considèrent que c'est pas mal de déconstruire
38:15un rapport de domination qui peut structurer la société.
38:18Vous êtes soit dominant, soit dominé.
38:21Tout est discrimination.
38:22À partir du moment où tout est discrimination,
38:25il faut se réveiller, c'est volvoir,
38:27et il faut lutter, rentrer en guerre.
38:29Donc oui, le wokisme, au sens très rigoureux du terme,
38:32c'est l'idéologie de la discorde, et ça tend les relations.
38:35Si vous dites qu'il y a de la discrimination,
38:38il y a des tensions.
38:39Il peut y avoir un poids d'un passé colonial.
38:41Absolument, le passé colonial, il n'y a aucun problème.
38:45Il y a aussi de l'amour, de la solidarité,
38:47de l'amitié, de la sexualité, qui n'est pas violente.
38:50Ca existe. Je crois même que c'est la majorité.
38:53Si on regarde les enquêtes récentes de l'Inserm sur la sexualité,
38:56on voit que les choses vont plutôt bien.
38:58Les Français sont satisfaits de leur situation.
39:01Et la renouvellent, notamment les femmes.
39:03Absolument, c'est plus ouvert, et quand il y a un problème,
39:06on en discute avec son partenaire.
39:08Franchement, là-dessus, il y a des bonnes raisons de s'enjouer.
39:12Pour éviter le tous contre tous,
39:14vous faites appel aux piliers de la convivialité.
39:17Vous nous dites que tout n'est pas perdu.
39:19Quels sont ces liens très concrets que fabrique la société
39:22et qui fait que, finalement, on peut encore,
39:25c'était la question, vivre ensemble aujourd'hui ?
39:28Je pense que dans chacun de ces piliers,
39:30il y a le repas, le couple, la sexualité,
39:33le débat, ce qu'on fait, le travail.
39:36Il y a les interrogations spirituelles.
39:38C'est vrai qu'on sent que les choses se tendent,
39:41mais quand on creuse un peu, il y a du solide.
39:44Par exemple, typiquement, le repas.
39:46L'intention de ce livre, à la base,
39:48c'est de se dire que nous allons aller
39:50vers les repas de famille de fin d'année.
39:52Essayons que ça se passe bien.
39:54Ca ne veut pas dire qu'on sera tous d'accord,
39:56mais évitons que les choses s'enveniment.
39:59Essayons d'apporter sur chacun des sujets qu'il fait,
40:02je crois que c'est le titre de votre émission,
40:04mais sur chacun de ces sujets,
40:06on est plutôt des arguments que des insultes.
40:08Je pense que sur tous les sujets,
40:10relations entre les sexes, travail,
40:12on peut trouver des éléments.
40:14Le travail, c'est vraiment...
40:16Le télétravail, aujourd'hui, c'est le désir de travailler
40:19surtout ensemble, la question du bien.
40:21-"Grandir et faire grandir ensemble nos enfants,
40:24notre société", pour vous, c'est la seule perspective
40:27qu'il faut absolument préserver,
40:29cette vie commune en démocratie,
40:31et vous avez une sorte de figure d'importance
40:35qui s'appelle l'adulte.
40:37La démocratie, c'est la civilisation des grandes personnes.
40:40Qu'est-ce que ça veut dire ?
40:41Ca veut dire que vous prenez toute l'histoire de l'humanité,
40:45il y avait quelques grandes personnes de plein exercice,
40:48et tous les autres, c'étaient des petits,
40:50notamment les femmes, mineurs.
40:52C'est pas tellement la domination de l'homme sur la femme
40:55qui compte, c'est le fait que la femme a toujours été
40:58un moindre mâle, une mineure, dans son histoire.
41:02Ce qui s'est passé depuis 50 ans, c'est un truc révolutionnaire,
41:05c'est que la femme est devenue un adulte comme un autre.
41:08Ca bouleverse tout. Cette civilisation de la démocratie
41:11met du temps à se réaliser, la démocratie existe plus longtemps,
41:15elle a mis très longtemps à admettre que les femmes étaient
41:18des adultes de plein exercice.
41:20C'est ça, la promesse démocratique.
41:22Tout le monde est adulte, et ça engage beaucoup de choses.
41:25Être adulte, c'est souvent...
41:27C'est une question qu'on peut poser à table pour les fêtes.
41:30A quel moment êtes-vous devenu adulte ?
41:32Personne ne le dira à 18 ans,
41:34mais tout le monde aura une petite histoire,
41:37quelque chose à raconter, de très personnel,
41:39qui dit, tiens, à ce moment-là,
41:41souvent, c'est la naissance du premier enfant.
41:44C'est la reconnaissance de l'autre.
41:46C'est le moment où on se dit, je deviens adulte
41:48en faisant grandir les autres.
41:50Je grandis en faisant grandir les autres.
41:53Je voudrais vous faire réagir, en fin d'interview,
41:55à ce qu'on a appris hier, l'arrestation de Boilem Sansal.
41:59Je suis sûre que vous avez lu cet écrivain franco-algérien
42:02de 75 ans, multiprimé en France,
42:05qui, selon plusieurs médias, a été arrêté
42:07à l'aéroport d'Alger, en provenance de Paris.
42:10C'est très difficile, aujourd'hui,
42:13de se dire que peut-être il ne pourra pas revenir.
42:17Quelle est votre réaction ?
42:18C'est terrifiant, c'est une nouvelle terrifiante.
42:21On se dit, voilà, c'est un grand intellectuel,
42:24c'est un grand écrivain,
42:26c'est une personnalité courageuse,
42:28mais comment se fait-il que, de l'autre côté de la Méditerranée,
42:32on puisse être à ce point aveuglé ?
42:34C'est affligeant.
42:35Je suis bouleversé et scandalisé.
42:37C'est vrai que le soutien doit s'organiser impérativement.
42:40Je vois que ces amis...
42:42Macron a déjà réagi.
42:43Il est très connu pour sa liberté de penser,
42:46notamment contre le pouvoir algérien
42:48et contre l'intégrisme religieux.
42:50Votre dernier chapitre, c'est
42:52a-t-on besoin d'une religion pour vivre ensemble ?
42:55Ma réponse est non,
42:56parce que la religion a la fois unie et divise,
42:59mais c'est une conviction très profondément ancrée
43:01qu'on a besoin de laïcité pour vivre ensemble.
43:04C'est la clé, surtout aujourd'hui,
43:06dans un monde où il y a une pluralité de religions
43:09ou de non-religions, de croyances, de tout type, d'athéismes.
43:12La laïcité, c'est le pilier.
43:14Je pense que c'est ça qui doit nous permettre
43:17de fonder ce vivre en commun.
43:18Je préfère cette expression.
43:20Merci, Pierre-Henri Tavoyon.
43:22Voulons-nous encore vivre ensemble ?
43:24Vous avez compris la réponse, c'est oui,
43:26à condition de s'en donner les moyens.
43:28-"Supprimer un jour férié",
43:30la petite musique prospère depuis quelques jours
43:33à l'heure où l'exécutif est en quête d'économie.
43:35Des parlementaires plaident pour la création
43:38d'une deuxième journée de solidarité
43:40et des ministres n'ont pas fermé la porte.
43:42C'est une proposition très intéressante
43:44qu'on instruit, qu'il faut regarder de près,
43:47pour une raison que vous connaissez bien.
43:49En France, on travaille moins que dans les autres pays.
43:52Faut-il y voir une alternative aux mesures décriées,
43:55comme le coup de rabot sur les allègements de charges
43:58ou le report de l'indexation des retraites ?
44:00C'est tout l'enjeu du débat, car la mesure permettrait
44:03de dégager 2,4 milliards d'euros,
44:05selon un rapport des sénateurs.
44:09L'idée, c'est que l'effort soit réparti
44:12sur tout le monde, sur l'entreprise,
44:14sur les salariés.
44:16La journée de solidarité est créée en 2004
44:19par le gouvernement Raffarin, avec le lundi Pentecôte.
44:22Une journée travaillée, mais non payée par les salariés.
44:25A l'époque, la mesure faisait débat.
44:27Je n'ai aucune objection.
44:28C'est quelque chose qu'on nous a donné.
44:30Je ne vois pas pourquoi on le retirerait.
44:32Mais aujourd'hui, la perspective d'une telle mesure
44:35se heurte à l'hostilité des syndicats.
44:37On a déjà eu une réforme des retraites,
44:40trois réformes de l'assurance chômage,
44:42une réforme du code du travail, le gel des salaires
44:44dans le privé et dans le public.
44:46Arrêtez de se moquer du monde.
44:48Alors que les Français ont déjà été priés de se préparer
44:51à travailler plus longtemps avec la réforme des retraites,
44:54la question qui fâche, la voici.
44:55Faut-il supprimer un jour férié ?
44:58Allez, honneur aux dames, Fanny Guinochet.
45:01Effectivement, c'est une question qui fâche.
45:03C'est sûr. Parce que c'est vécu comme un acquis,
45:06les temps de travail,
45:08et que trouver une autre journée,
45:11ça veut dire reprendre sur les jours fériés.
45:13Il y en a 11 en France.
45:15Quel jour férié en plus on peut prendre ?
45:17Le 1er mai, auquel on ne peut pas toucher,
45:19ça veut dire un certain nombre de débats,
45:21rien que pour trouver ce fameux jour férié,
45:24est-ce que ce sera plutôt le 8 mai ou des jours de cérémonie,
45:27le 11 novembre, plutôt que des jours
45:29plutôt attachés à une tradition religieuse française ?
45:33Ca, c'est le premier point.
45:35Ensuite, ça rapporte de l'argent.
45:372,4 milliards.
45:38C'est pas négligeable par les temps qui courent.
45:40Étant donné le budget, on voit que le gouvernement
45:43fait tous les fonds de voie, mais ça pose un vrai problème.
45:46Ca fait reposer, encore une fois,
45:48le modèle social sur le travail,
45:50parce que les retraités payent une petite contribution,
45:53le travail, c'est-à-dire les salariés et les employeurs.
45:56C'est vrai que Sophie Binet l'a aussi rappelé,
45:59les salariés, eh bien,
46:02ils payent lourdement, quand même,
46:04le modèle social dans une France qui vit,
46:07parce que ce qu'il faut rappeler, peut-être, au départ,
46:10c'est que cette journée de solidarité est faite
46:12pour payer, en tout cas, celle que l'on a déjà,
46:15la dépendance, c'est-à-dire la perte d'autonomie.
46:18C'est la partie après la retraite,
46:20parce qu'on vit de plus en plus vieux.
46:22Donc, si on en met une deuxième, c'est parce qu'on vieillit,
46:25on a une population qui vieillit,
46:28et ça coûte de plus en plus cher.
46:30La dépendance...
46:312,4 milliards pour la dépendance, on est loin du compte.
46:34Marc Vignot.
46:36Je crois que c'est ça, le débat.
46:37Qu'est-ce qu'on veut faire de cette suppression de jours fériés ?
46:41Si c'est pour financer la dépendance,
46:43c'est pas travailler plus pour gagner plus,
46:46c'est pas un gagnant pour l'entreprise,
46:48c'est une sorte de taxe qui repose soit sur le salarié,
46:51soit sur l'entreprise, parce qu'on sait que,
46:54celle de 2004, il y a des entreprises qui ont dit
46:56qu'on ne va pas vraiment vous faire travailler plus,
46:59on va vous offrir ce jour, puisqu'il y a la liberté
47:02de choisir le jour qu'il faudrait travailler.
47:04Il y a des entreprises qui ont dit qu'on vous l'offre.
47:07C'est un nouveau prélèvement.
47:09Ca veut dire qu'on prélève sur les actifs
47:11de quoi financer la dépendance,
47:13alors que le modèle social est financé par le travail.
47:16On cherche de l'argent pour les déficits.
47:19Personne n'imagine que ça irait ailleurs.
47:21Politiquement, les partis du bloc gouvernemental disent
47:24que si on récupère 2,4 milliards grâce à cette journée de solidarité,
47:28on voudrait que le gouvernement nous entende.
47:30Par exemple, l'ex-majorité relative Gabriel Attal dit
47:33qu'on ne voudrait pas que le gouvernement tape
47:36dans les allégements de charges pour les entreprises,
47:39pour atténuer la facture pour les entreprises.
47:42Les Républicains, eux, ils sont plutôt sur...
47:45On ne veut pas décaler l'indexation des retraites de six mois.
47:49Donc, toute la question, c'est qu'est-ce que ça va financer ?
47:53Et c'est pas travailler plus pour gagner plus
47:56et augmenter le potentiel de croissance de l'économie.
47:59Normalement, quand vous travaillez plus,
48:01vous avez des revenus en plus,
48:03et donc vous payez plus d'impôts sur le revenu,
48:05vous payez plus de cotisations.
48:07Là, c'est vraiment l'Etat qui dit
48:09qu'il sert 0,3 % de la masse salariale de l'entreprise
48:12et finance la dépendance.
48:13Travailler plus pour gagner moins,
48:15c'est sûr que ça passe pas dans toute la société française.
48:18On voit bien que la difficulté en France,
48:21c'est qu'on travaille moins longtemps que les autres pays
48:24pour un modèle social plus généreux.
48:26Mais la difficulté, c'est qu'on travaille moins
48:28en début de carrière et en fin de carrière.
48:31Toucher à ce temps de travail, c'est difficile.
48:33Les gouvernements successifs
48:35aimeraient bien, parfois, revenir sur les 35 heures
48:37ou en tout cas faire en sorte que les Français travaillent plus
48:41et qu'ils n'y arrivent pas.
48:42Supprimer des jours de RTT, c'est une petite bombe sociale.
48:45Mettre une journée de solidarité,
48:47ça revient à peu près à la même chose,
48:49mais ça passe mieux.
48:51On se sent impliqués.
48:52On se sent impliqués.
48:53La difficulté, c'est qu'en plus, si on part sur ce système,
48:56on peut se dire que c'est un puits pas sans fond,
48:59mais presque, parce que ce sont des dizaines de milliards
49:02d'euros qu'il faut pour financer la dépendance.
49:051,2 million de personnes âgées dépendantes en 2015.
49:09D'ici 2030, on sera déjà à 1,5 million.
49:12Et en 2050, ce sera 2,2 millions de personnes dépendantes.
49:17C'est exponentiel.
49:18On peut aussi se dire que le risque,
49:20c'est une boîte de Pandore, on en en fait une,
49:23on en fera une deuxième, et dans cinq ans,
49:25parce qu'on n'aura pas posé le problème,
49:27on en fera une troisième.
49:28Le problème est mal posé.
49:30Si on dit que l'économie française a un problème,
49:33elle manque de volume de travail,
49:35on ne dit pas que ça sera une journée obligatoire
49:37pour financer de la redistribution.
49:39Il faut juste que ça serve
49:41la croissance de l'activité, des entreprises.
49:43Si elles n'ont rien à gagner, ça revient à un prélèvement sur elles.
49:47Pourquoi les entreprises disent que c'est pas possible ?
49:50Parce que concrètement, dans l'application concrète,
49:53ça revient à prélever 0,3 %, l'équivalent d'un jour de travail
49:57sur l'entièreté des jours de travail travaillés dans l'année.
50:01L'Etat dit que ça fait ce prélèvement.
50:03Concrètement, c'est ça.
50:04Ca peut conduire à des suppressions d'emplois ?
50:07En tout cas, ça alourdit le coût du travail.
50:09En plus, si on veut tuer dans l'oeuf l'idée
50:12qu'il faut que les Français travaillent plus,
50:14si on leur dit qu'ils vont travailler gratuitement
50:17et que ça ne sera pas un deal dans les branches professionnelles
50:21ou dans votre entreprise, c'est la meilleure façon de le faire.
50:24Du coup, on part sur l'idée,
50:26est-ce qu'il faut travailler plus,
50:28parce que le ministre de l'Economie, Antoine Armand,
50:31a dit qu'il faut qu'on pose la question,
50:33travailler plus, ça peut passer par ce jour de solidarité,
50:36par d'autres moyens.
50:38Quand on dit qu'il faut travailler plus,
50:40c'est pas à l'Haschlag.
50:41Quand on travaille un jour de péril, on est payé 10 % de plus.
50:45Il faut que les Français, collectivement,
50:47arrivent à mettre plus de personnes au travail.
50:50Ca passe par quoi ?
50:51Comme le disait très bien Fanny, par le fait que les jeunes
50:54ne se retrouvent pas sans formation,
50:56ni en études, ni en emploi, ni en formation,
50:59très jeunes,
51:00c'est augmenter le taux d'emploi des seniors,
51:03c'est-à-dire les faire travailler un peu plus longtemps,
51:06et ça passe par le relèvement de l'âge de départ à la retraite,
51:09mais aussi d'un changement de culture pour les garder plus longtemps.
51:13On mélange un peu tout et si on commence à dire aux Français
51:16travailler plus...
51:17Ca devient un peu anxiogène.
51:19Ca devient anxiogène.
51:20Vous avez le mot de la fin, Fanny Guinochet.
51:23Le seul point positif qu'il y a dans cette idée,
51:25c'est de se dire qu'on se soucie de la dépendance.
51:28C'est vrai qu'on a créé une branche supplémentaire
51:31dans la sécurité sociale, en se disant qu'il faut quand même...
51:35L'argent du jour de solidarité est bien fléché
51:37vers la dépendance.
51:38C'est-à-dire les EHPAD. Ca parle à tout le monde.
51:41On sait combien la vie dans les EHPAD est difficile
51:44et on manque d'argent.
51:46Ca va vers l'autonomie, vers le handicap.
51:48Ca, c'est quand même...
51:49Il faudrait qu'on trouve de l'argent.
51:52Les actifs en emploi vont régler la facture.
51:54En un mot, oui, non. Aucune chance de survie.
51:56Oui, non.
51:58Ca a une chance de survie.
51:59Il y a plusieurs parlementaires.
52:01On n'a pas encore entendu les ministres.
52:03Laurent Saint-Martin est favorable pour le budget.
52:06On verra les arbitrages.
52:08Je vous retrouve demain soir, même lieu, même heure.
52:11Très belle soirée sur LCP.