Aujourd’hui nous célébrons 50 ans de l’IVG, l’occasion d’un devoir de mémoire ?
`Retrouvez « En toute subjectivité » avec Anne-Cécile Mailfert sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-cecile-mailfert-en-toute-subjectivite
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00:00En toute subjectivité avec vous Anne-Cécile Maïffert et aujourd'hui nous célébrons
00:04les 50 ans de l'IVG et c'est pour vous l'occasion d'un devoir de mémoire.
00:09Oui, le 17 janvier 1975, c'est une date clé pour les droits des femmes.
00:13Enfin, nous avons conquis l'IVG qui depuis d'ailleurs a été constitutionnalisée.
00:17Mais cette victoire, si fondamentale soit-elle, ne doit pas nous faire oublier que la France
00:21est loin d'avoir toujours été exemplaire et qu'avant cette date, des femmes ont lutté,
00:25souffert et payé le prix fort, y compris en étant condamnées.
00:29Il serait temps de leur rendre justice.
00:31Avant 1975, rappelons-nous qu'avorter n'était pas seulement un tabou, c'était un crime.
00:36Entre 1870 et 1975, plus de 11 660 personnes ont été condamnées pour avortement, qu'il
00:43s'agisse de femmes ayant eu recours à l'IVG ou de celles qui les avaient aidées.
00:47Sous le régime de Vichy, la répression atteint son paroxysme, l'avortement est érigé
00:51en crime contre la sûreté de l'État, passible de peine de mort.
00:54Même après la libération, les femmes ont continué à subir cette répression.
00:58En 1946, plus de 5000 affaires d'avortement clandestin sont jugées par les tribunaux français.
01:02Derrière ces chiffres, il y a des vies brisées, des corps meurtris, des familles détruites.
01:06La brutalité de ces lois uniques éclate en 1972 avec le procès de Bobigny.
01:11Marie-Claire, une jeune fille de 16 ans, violée, risquait la prison pour avoir avorté, tout
01:16comme sa mère, accusée de l'avoir aidée.
01:18Leur survie judiciaire, elles la doivent à la ténacité des avocats Gisèle Halimi ou
01:22Monique Antoine et au soutien de militantes féministes, mais toutes les autres avant elle.
01:27Le documentaire de Lina, diffusé sur France Télévision cette semaine « Il suffit d'écouter
01:31les femmes », rappelle ce que signifiait avorter avant la loi Veil.
01:34Ces femmes, de tous âges, et certaines très jeunes d'ailleurs, ont dû avorter des conditions
01:39indignes.
01:40L'isolement.
01:41Et une société qui les condamnait au silence quand elle ne les condamnait pas tout court.
01:44C'est pourquoi la Fondation des Femmes et un collectif d'historiennes des droits
01:47des femmes, mené par Christelle Tarot, portent une demande essentielle dans une tribune publiée
01:52dans Libération et une pétition à signer en ligne.
01:55Il faut réhabiliter les femmes, injustement condamnées par ces lois liberticides.
01:59Et pourquoi cette réhabilitation est-elle si importante Anne-Cécile ?
02:03D'abord parce que rendre justice, c'est restaurer la dignité de ces femmes dont l'honneur
02:08a été sali.
02:09Ensuite, parce que c'est un devoir de mémoire, il faut se souvenir que l'interdiction de
02:13l'avortement n'était pas qu'un débat moral, mais aussi une arme de contrôle sur
02:17les corps des femmes, dictée par des politiques natalistes et patriarcales injustes.
02:21Enfin, parce que la honte pour beaucoup de femmes qui souhaitent avorter subsiste encore
02:26à ce jour, et qu'il est important de leur envoyer ce message, vous avez le droit de
02:30disposer de votre propre corps et jamais personne ou aucun État ne devrait vous faire croire
02:35le contraire.
02:36Rendre justice, c'est aussi affirmer un message clair dans un contexte international sombre.
02:40L'avortement est une liberté, un droit humain fondamental.
02:44C'est d'ailleurs le sens de la proposition de loi déposée hier par la sénatrice Laurence
02:49Signol, qui vise à confier à une commission indépendante la mission d'identifier ces
02:53condamnations injustes et de les reconnaître officiellement.
02:56En ce cinquantième anniversaire, rendons hommage à ces femmes, réhabilitons leur
03:00mémoire, car leur liberté, c'est aussi la nôtre.