Lundi 20 janvier 2025, 4GOOD reçoit Matthieu Dardaillon (Fondateur, Ticket for Change) , Eric Duverger (Fondateur, Convention des Entreprises pour le Climat) , Thomas Breuzard (Directeur permaentreprise, norsys & Coprésident, B Lab France) et Sophie Robert-Velut (Directrice Générale, Laboratoires Expanscience)
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00:00Il y a des places à la discussion, alors que de nombreux secteurs sont affectés par un contexte
00:10économique défavorable et que l'engagement sociétal semble en baisse, les entreprises
00:15reconnaissent pourtant l'importance de la sobriété et de l'impact positif dans ce contexte. Comment
00:21les leaders peuvent-ils naviguer entre impact social et performance économique tout en portant
00:26une vision inspirante et mobilisatrice ? Rien que ça, c'est le thème de ce débat et j'aimerais
00:32commencer par une question pour chacun d'entre vous. J'aimerais que chacun d'entre vous définisse
00:37son style de leadership, Sophie. Elastique. Moi, il n'y a pas longtemps, j'ai participé à un
00:50séminaire d'intégration pour les étudiants de l'école supérieure de commerce de Paris. C'est
00:56plus qu'ESCP maintenant, c'est ESCP Europe, je crois que ça s'appelle. Et je leur ai parlé
01:01effectivement de limites planétaires et de comment notre entreprise se change. Et l'enjeu, c'était
01:07vraiment de leur dire, ce n'est pas parce que vous allez rentrer en entreprise qu'il va falloir
01:10enfiler le costume du connard dès le premier jour. Et c'était intéressant de voir qu'on leur faisait
01:15faire des business game un peu sérieux, etc. Où on leur disait, voilà, vous faites partie d'un
01:19comité de direction. Vous découvrez que votre entreprise de fast fashion emploie des Ouïghours
01:26dans un camp de travail forcé en Chine. Que faites-vous ? Et en fait, ce qui était intéressant,
01:30c'est qu'alors qu'ils avaient eu toute une journée sur les limites planétaires, l'éthique, etc. Dans
01:34le game, ils ne pouvaient pas s'empêcher finalement de dire, si je suis DAF, je vais dire que j'ai
01:40regardé les chiffres quand même, les Ouïghours, ça coûte moins cher que les salariés français.
01:43Oui, d'accord. Et puis, si je suis directeur marketing, je vais dire, oui, mais les Ouïghours,
01:47ils font plus de couleurs que si on le fait en France. Il y a plus de choix, c'est mieux pour
01:51l'offre, etc. Et donc, à la fin de ces trois heures de jeu, finalement, on se rend compte qu'ils ont
01:55intériorisé le fait qu'en entrant en entreprise, ils devaient enfiler un rôle qui était complètement
02:01à l'inverse de ce qu'ils avaient envie d'être et de faire. Donc, quand je passe après ça, en général,
02:07l'idée, c'est aussi de leur montrer qu'il y a des boîtes où on pense différemment et où on ne va pas
02:11leur demander d'enfiler ce costume du salaud. Et souvent, je leur cite une série de manga que moi,
02:19j'aime bien et qui est très lue par les jeunes d'aujourd'hui qui s'appelle One Piece. Et en fait,
02:24dans One Piece, ce qui est intéressant, c'est que le héros est un gamin qui veut être roi des pirates
02:30depuis le départ. C'est sa quête, finalement, c'est son aventure. Et tu vas le suivre pendant
02:34quand même mille chapitres. Donc, ça prend quelques mois de lire One Piece. Mais ce qui est
02:40chouette, c'est que moi, je l'ai lu en entier. Enfin, c'est pas fini. J'attends la suite. Mais ce
02:44qui est intéressant, c'est que ce personnage, il a des pouvoirs et il a un pouvoir particulier qui
02:49est qu'il est un homme élastique. Donc, son corps, si je veux te faire un guillis sur la barbe, je
02:54peux le faire, par exemple. Je sens que ça te démange un peu. Et en fait, je trouve que ça,
03:01c'est un des critères qui va être nécessaire dans le leadership de demain dans une entreprise. Cette
03:06capacité à s'adapter à chaque changement, à avoir ce corps à mémoire de forme, en fait, et d'avoir
03:12une bonne résilience. Et au-delà de ça, c'est un capitaine super intéressant parce qu'il est
03:17absolument conscient de ses défaillances. Il est nul. Il sait pas lire une carte de navigation quand
03:22même, ce qui est un problème quand tu es pirate. Mais il dit mais moi, je m'en fous, c'est pas mon
03:27rôle. J'ai pris la meilleure navigatrice qui soit en la personne de Nami et c'est elle qui dit où
03:32on va. Ensuite, il a Zoro qui est le meilleur sabreur, etc. Et en fait, cette capacité qu'il
03:37a à s'équiper d'un équipage qui a vraiment des compétences que lui n'a pas et cette humilité
03:43qu'il a à dire en fait, pourquoi vous m'emmerdez à me demander de savoir tout faire ? Je suis pas
03:46là pour savoir tout faire. Je suis juste là pour vous guider vers l'aventure. C'est ça qui m'anime.
03:52Et je trouve que c'est intéressant, ce rôle modèle-là. Alors, tout le monde n'aimera pas
03:56les mangas et One Piece, c'est un peu particulier. Mais si vous vous accrochez, vous vous attendez
04:01peut-être dix tomes. Je pense que vous pouvez vraiment être à m'endigner. Donc, Sophie est
04:06élastique. Et vous, Mathieu ? C'est une sacrée question. Je pense que je vais faire une réponse
04:15un peu en prenant un petit virage. D'abord, je pense qu'on vit une époque très singulière avec
04:23un leadership qui s'est développé sur les 100 ou 200 dernières années et qui a permis un niveau de
04:28développement extraordinaire jamais vu dans l'histoire de l'humanité. Et en même temps,
04:33aujourd'hui, on est en train de dépasser les limites planétaires et il y a des fractures
04:36sociales extrêmement profondes. Donc, on sent bien qu'on est à la fin d'un modèle. Ce modèle-là,
04:41et on a tous ici été formés à ça en fait, on a été extrêmement bien formés à ce modèle-là. C'est
04:48un modèle de toujours plus, toujours plus vite, domination du vivant, domination des humains.
04:54Qu'on le veuille ou non, il est basé là-dessus et il y a une compétition. C'est un modèle qui
04:59permet de la performance à court terme. Et là, on voit bien les limites de ce modèle-là. Et donc,
05:03ce que j'essaye de faire en tant que leader, c'est avec plein d'autres, c'est à quoi va
05:07ressembler une nouvelle manière d'incarner un nouveau leadership ? Un nouveau modèle,
05:11un nouveau paradigme, une nouvelle manière de faire et de diriger les entreprises vers une
05:17valeur plurielle, économique, sociale, environnementale, une création de valeur
05:23à long terme, un juste rythme, une régénération du vivant, une croissance des humains, faire
05:30confiance et permettre de révéler les talents de chacun. Et donc, on doit inventer ce nouveau
05:35paradigme-là. Et on doit l'inventer, pas intellectuellement, par des modèles très
05:38concrets. Et donc, moi, ma posture de leader ou ma manière de faire, c'est de faire émerger
05:43des leaders. Et je pense que c'est en donnant du pouvoir d'agir, en faisant confiance, en
05:50révélant les talents et les potentiels du plus grand nombre, qu'on peut inventer ce nouveau
05:56paradigme. Donc, on vit une époque très singulière. On doit changer de modèle de société. Les leaders
06:00ont un rôle à jouer. Et ce que j'essaie de faire, je pense qu'un bon leader, c'est au fond,
06:04que ce soit en entreprise ou plus largement, un bon leader, c'est le but ultime, c'est de faire
06:09émerger des leaders. Et vous, quelqu'un l'a fait pour vous ? Oui, absolument. Par exemple,
06:14quand j'avais... Plusieurs personnes l'ont fait. Il peut y en avoir qui se trouvent autour de cette
06:20table. Mais quand j'avais 22-23 ans, j'étais au tout début de cette aventure Ticket for Change.
06:25Et puis, une personne qui s'appelle Arnaud de Minibus m'a dit je crois en toi, je crois en ton
06:30projet. Et ça a été déterminant. Et il m'a accompagné, m'entouré et m'a donné du pouvoir
06:36d'agir, m'a fait confiance et m'a donné, nous a donné les clés pour accompagner le plus grand
06:41nombre. Donc, la confiance, c'est essentiel pour faire émerger de nouveaux leaders. Eric ? Moi,
06:46je dirais fédérateur dans mon style de leadership que je suis encore en train de chercher, parce
06:52que c'est une évolution, ça prend toute sa vie. Je dirais qu'il y a trois clés que j'essaie
06:58d'actionner. La première, c'est de co-construire une vision et donc de donner du sens, vraiment de
07:04donner envie, de se projeter, de combiner les énergies vers un projet commun. Donc voilà,
07:11le rêve, la vision, il y a énormément de temps à passer dessus. Est-ce que c'est suffisant ? Alors,
07:16c'est pas suffisant. Donc, j'en viens à deux autres clés. La deuxième clé, je vais rebondir
07:22sur ce que disait Mathieu, c'est de potentialiser les personnes qu'on a autour de soi. Et finalement,
07:28le meilleur leader, c'est un peu comme un chef d'orchestre qui va s'effacer et laisser jouer
07:32son orchestre. Et finalement, à la fin, il ne bouge même plus. L'orchestre va jouer tout seul. Et
07:36donc, d'aller potentialiser chaque personne et trouver ses talents et leur permettre d'exprimer
07:41tous ses talents, ça, c'est le talent du leader qui, finalement, s'efface. Un peu comme dans One
07:45Piece. Et puis, la troisième qualité, c'est le questionnement, l'humilité par rapport à son
07:56propre style. Parce que le monde bouge hyper vite, on est hyper challengé. Et des fois,
08:01on pense bien faire. Et en fait, on a fait une énorme connerie. Et donc, il n'y a pas de règle.
08:07Et en revanche, savoir à chaque fois se remettre en question, s'adapter pour le coup d'après,
08:11ça, ça devient une qualité. Donc, c'est un peu l'humilité dans son propre style.
08:15Il faut regarder aussi ce qui se passe à côté, ce que font les autres. Est-ce qu'on s'inspire?
08:18Oui. Alors là, je pense justement pour la vision, pour l'aspect vision, avoir un coup d'avance. Ça
08:24fait vraiment partie du travail du leader qui doit aussi se ressourcer, regarder autour, qui ne doit
08:30pas regarder que son organisation, que son nom de ville. En fait, il y a vraiment un enjeu de se
08:34ressourcer et de s'inspirer et quelque part de proposer une innovation, mais aussi en co-construisant
08:42avec les équipes. Ça, c'est fondamental parce que si c'est descendant avec juste la vision d'une
08:46personne, ce n'est pas ça qui va emmener tout le monde. Tout ça va quand même demander à ce que
08:51ces individus aient une forme de sérénité incroyable parce que pour appréhender les enjeux nouveaux,
08:56aller vers des caps ambitieux, innovants, en observant ce qui se passe autour, en libérant
09:01les équipes, ça demande à être capable de dégager une sérénité incroyable pour donner confiance,
09:05je pense, dans le projet. Et d'ailleurs, on l'abordera là juste ensuite sur le cas Expanscience.
09:10Et toi, dans le mot, quel leader es-tu ?
09:13Bah éthique, je l'ai dit, éthique, mais je pense que faire preuve d'humilité, donner la possibilité
09:19à d'autres de révéler leur potentiel et accompagner, guider pour réussir à atteindre les objectifs
09:23plutôt que de chercher à être celui qui les réalise en exploitant finalement les ressources
09:27qu'il a à sa disposition est une clé. Moi, j'ai été très frappé depuis le début de ma carrière par
09:33la capacité que peuvent avoir des leaders à être extrêmement calmes, y compris dans la tempête.
09:38Et ça, c'est pour ça que je voulais le mentionner également. Je trouve que ça donne beaucoup
09:42confiance en des temps qui n'y invitent pas beaucoup. Sophie, est-ce que vous pouvez nous
09:48parler de changements structurels que vous avez mis en place chez Expanscience pour adopter une
09:53approche plus sobre, plus durable ? Oui, en lien avec le leadership, déjà, il y a un premier truc
09:59qu'on a fait. Nous, on a participé, grâce à Eric, à la première caravelle, on va dire,
10:05de la Convention des entreprises pour le climat. Et il se trouve qu'Expanscience était déjà
10:12assez engagée puisqu'on a été déjà certifié bicorps depuis trois ans, je pense, quand on a
10:16rejoint la CEC. Et puis Jean-Paul, mon président et actionnaire, avait signé le pacte mondial de
10:22l'ONU en 2004, donc assez en avance. Et je pense que cette avance de phase nous avait au moins
10:27préparé à l'idée qu'il fallait revoir l'ensemble de nos activités, l'ensemble de nos impacts.
10:34En revanche, ce qu'on a découvert à cette occasion-là, en 2021, ça a été de se dire que
10:39les enjeux étaient plus des enjeux d'adaptation à ce qui n'allait pas manquer de s'abattre sur nous,
10:45et pas tellement sur une idée de, il faut sauver la planète, etc. D'un coup, on s'est rendu compte
10:49que le coup était parti, qu'il va être trop tard pour viser les moins 1,5 degré, et donc on va,
10:55de toute façon, se retrouver dans des temps extrêmement compliqués, avec beaucoup de tourments
11:01de crises successives, que ce soit sur les approvisionnements en matières premières
11:05végétales, sachant que nous, on est dépendants à 97% à la biodiversité, puisqu'on se source
11:10quasiment exclusivement dans la nature. Donc notre impact sur la Terre est fort, sur la vie de la
11:16Terre est fort, mais la chute de biodiversité va être très fort en impact sur nous aussi.
11:21Évidemment, sur la désorganisation d'échelle logistique, on sait que ça va être un bordel,
11:25et je pense que le Covid a été un très bon exemple d'essai, en fait, de à quoi ça va ressembler
11:30quand il n'y aura finalement plus d'hydrocarbures suffisamment accessibles à des prix accessibles,
11:35le commerce sera beaucoup moins international. Donc on ne va pas pouvoir aller se sourcer à
11:39l'autre bout de la Terre pour fabriquer nos produits, il va falloir réfléchir plus local, etc.
11:43Donc cette remise en question, qui a été juste après, finalement, Covid et l'Ukraine,
11:48qui nous a aussi beaucoup touchés, on s'est retrouvé à se dire qu'il faut non seulement
11:53revoir l'intégralité de nos externalités négatives, donc réduire le plus possible
11:56là où c'est possible, mais ça ne suffit pas. Et donc le gros de notre questionnement,
12:02il a été de se dire, ça va être quoi le modèle d'affaires de notre entreprise
12:06dans un monde en effondrement ? Et c'est ce sur quoi on travaille aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on
12:11accélère, on a accéléré très fortement tous les enjeux de décarbonation avec des gros investissements
12:16qui commencent à être mis à l'œuvre cette année, sur le changement du mix énergétique à l'usine,
12:21boucles fermées pour l'eau, histoire d'utiliser le moins d'eau possible alors qu'on fait des
12:25cosmétiques, donc on utilise beaucoup d'eau dans l'industrie de la cosmétique. Et puis un gros
12:29travail sur la logistique, la chaîne logistique pour faire en sorte de ne plus du tout faire
12:33voyager nos produits en avion uniquement en bateau, mais aussi d'aller encore plus loin.
12:39On a fait un premier transfert vers New York en grain de seille, en voilier, sur une petite
12:46quantité, et puis on est en train de penser à la suite. Donc vraiment, il y a un travail
12:50beaucoup plus radical, on va dire, sur notre impact immédiat, mais en parallèle de ça,
12:55on travaille vraiment sur à quoi ça ressemblera de s'occuper des familles, de faire des soins pour
13:00les familles, de la naissance au grand âge, parce qu'on a aussi des produits au-delà de Mustela,
13:04on a des produits contre l'arthrose, dans 20 ans. Ça ne ressemblera sûrement pas à ce qu'on est en
13:09train de vivre aujourd'hui. Et donc on a vraiment ce devoir finalement de travailler en parallèle
13:14la réduction massive de nos impacts négatifs, et en même temps à quoi ressemblera le monde et donc
13:19notre business dans un monde avec beaucoup moins de ressources, et peut-être aussi avec beaucoup
13:24moins d'États. C'est-à-dire que l'État aujourd'hui subventionne énormément de choses en France,
13:27il y a les PMI qui s'occupent de vacciner vos enfants, etc. Mais finalement, est-ce que dans
13:3110 ans, dans 15 ans, dans 20 ans, il ne va pas y avoir une paupérisation assez forte des États
13:37dans lesquels aujourd'hui on est implanté ? On est implanté dans plus de 100 pays avec Mustela.
13:41Est-ce que notre rôle va être aussi peut-être d'accompagner un peu plus la parentalité sur
13:46des choses plus larges, comme la dépression postpartum, comme l'habillement de l'enfant ? Enfin
13:51voilà, donc on est en train d'explorer finalement des business bien différents, avec des notions de
13:55circularité, et pour être en capacité d'ici 20 ou 30 ans, effectivement, d'avoir un business qui est
14:01peut-être très différent de celui qu'on a aujourd'hui, qui est un business d'extraction
14:04végétale et de fabrication de produits. Et comment est-ce que vous mobilisez les équipes ? Et j'imagine
14:08qu'il y a des résistances à surmonter ? Ouais, alors pas tant de résistances. Je pense que ce
14:13qu'on a beaucoup appris, grâce à toi Eric et à tes équipes, ça a été de sensibiliser. On ne peut
14:19pas faire admettre finalement un changement radical de feuille de route tant qu'on n'a pas,
14:23on ne s'est pas assuré qu'on parle le même langage avec tous nos salariés. Donc il y a eu un premier
14:28travail qui a été fait la première année, juste après la CEC, où on a formé nos équipes aux
14:33enjeux des limites planétaires, notamment avec la fresque du climat, mais il y a plein d'autres
14:37outils qu'on a utilisés, et c'est quand même 1200 personnes qui ont été formées sur 6-8 mois. Ça a
14:42été quand même assez rapide. Et ce qui était génial, c'est qu'on a vraiment pu avoir cette
14:48conversation avec tout le monde, c'est-à-dire de logisticiens à l'ouvrier de l'usine, en passant
14:53par le chef de produit chinois. Et d'un coup, vous vous rendez compte que la compréhension des enjeux
14:58n'est pas du tout la même en fonction des cultures et des pays. Donc il faut prendre le temps de
15:02cette discussion. Globalement, vous leur mettez la tête dans le seau, parce que c'est quand même
15:05extrêmement déprimant de découvrir ça quand on le découvre complètement, et même quand on savait
15:09un peu, en fait on savait rien. Et puis après ça, il a fallu très vite proposer le plan, parce que
15:15tu peux pas démobiliser les gens comme ça en leur disant que ça va être la merde, si t'as pas une
15:19idée de ce qu'on va se mettre à faire. Et donc il y a eu un travail de présentation de notre feuille
15:23de route, et il se trouve que cette feuille de route, on l'avait co-construite avec 120 salariés.
15:27Donc en plus, elle était quand même déjà bien imprégnée de l'état d'esprit des équipes. Et
15:33puis après ça, dernière étape hyper importante, quelques mois après, parce qu'il faut toujours
15:37laisser un peu de temps pour que ça digère, que ça infuse. Il y a eu un travail, un atelier à la
15:43maille de chaque équipe, donc des petites équipes de 5-7 personnes, sur l'appropriation individuelle
15:48des objectifs de notre feuille de route. Et c'était vraiment l'idée, on devait ressortir de cet atelier
15:52qui durait 3h30, avec la réponse à la question, quel est ton rôle personnel tous les jours dans
15:59notre feuille de route ? Et donc chacun est ressorti avec sa petite pierre à édifice, mais du coup avec
16:04un moteur hyper fort contre l'éco-anxiété qui est l'action, la mise en action. Donc ça, ça a été
16:10la première année, et en tant que leader, je pense que le comité de direction, on a réalisé qu'une
16:15fois que ça s'était fait, déjà il y avait beaucoup moins d'inquiétudes, même il y avait une envie
16:20énorme de se lancer à corps perdu dans ces sujets-là, avec en revanche un risque qu'on a
16:26identifié juste après, qui était le fait qu'ils allaient se cramer en fait, parce que beaucoup de
16:29gens étaient tellement à fond dans le sujet, qu'ils avaient du mal à prendre du recul et à se dire
16:35je ne vais pas, avec mes petites épaules, sauver et l'entreprise et le monde et le futur de mes
16:40enfants à moi tout seul. Et donc ça a été aussi un moment pour nous de dire, attendez, en fait chaque
16:44chose dans son temps va vous aider à prioriser et à un peu enlever aussi de ce poids-là. Et puis
16:50assez vite après, la question des infrastructures, des outils, des process s'est
16:55mis en branle, parce qu'il ne faut pas imaginer que ça se fait comme ça, que vous avez un plan de
16:59transformation, mais derrière il faut aussi revoir tous nos processus et notre gouvernance. Donc là,
17:03on est en plein dedans, c'est sympa. Avec un peu de recul maintenant sur ce qui a été enclenché
17:08depuis au moins 2021-2022, comme tu disais, comme on s'intéresse beaucoup à la performance des
17:14entreprises qui s'engagent, comment est-ce qu'aujourd'hui le modèle économique résiste à
17:18ces fluctuations nécessaires, parce que vous avez sensibilisé, puis mobilisé les équipes qui avaient
17:23peut-être envie parfois d'aller trop vite, trop fort. Est-ce qu'aujourd'hui, à l'échelle du groupe
17:28Expansions et des activités, tu vois une stabilisation de la performance ? La performance du
17:33groupe, elle va plutôt bien en fait. Et aujourd'hui, ce qui est intéressant, c'est que dans nos
17:38business actuels, qui ne sont pas donc des business régénératifs, que ce soit clair, on a réussi à
17:43intégrer la complexité de faire baisser notre impact négatif le plus possible. On a intégré la
17:51comptabilité carbone pour les voyages, pour le fret, tout ce qui est logistique, etc. C'est assez
17:57complexe. Finalement, ça ne désorganise pas du tout. Au contraire, ça permet aux gens d'avoir une
18:01boussole claire entre l'argent et le carbone. Et si on avait continué à ne compter que l'argent tout
18:08en parlant de carbone dans des émissions comme celle-là, je pense que les équipes auraient senti
18:12une forme d'injonction paradoxale qui aurait posé problème. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, parce
18:15qu'on a réussi à implémenter assez vite des tas de petites choses qui permettent vraiment de
18:20monitorer différemment. Mais notre business reste un business qui n'est pas à effet positif net,
18:26tu vois. C'est-à-dire que, bon, on continue à extraire des matières premières, à fabriquer
18:29des produits et à les envoyer un peu partout dans la planète. Alors certes, en faisant moins mal. Mais
18:34faire un peu moins mal, c'est quand même toujours faire mal. Donc ce business-là, il va très bien,
18:38parce que j'ai un engagement des équipes très fort et que ce n'est pas vrai que quand tu cherches
18:43à être plus clean, tu es moins rentable. Aujourd'hui, on a des produits où, au contraire,
18:47on est allé chercher à simplifier les formules le plus possible pour mettre le moins de matières
18:53possibles, le moins d'eau possible, etc. Et en fait, cette sobriété-là, elle est bonne à la
18:58fois pour la planète, elle est bonne pour la qualité et elle est aussi parfois, en tout cas,
19:02bonne pour le portefeuille de l'entreprise. Donc ce n'est pas systématiquement incompatible.
19:06Donc aujourd'hui, on a des bons résultats, on est en croissance. Alors je sais qu'aujourd'hui,
19:10la croissance, enfin, moi, la première, je la remets en question. Et ce qui est assez chouette,
19:15c'est que depuis trois ans, notre croissance volumique est proche de zéro en Europe parce
19:20que la natalité baisse. Donc finalement, on substitue des produits pour les bébés par
19:24des produits pour la famille qui sont plutôt plus valorisés que les produits pour les bébés et du
19:29coup, plus rentables. Donc de ce côté-là, ça va bien. Et dans les pays où on est encore en
19:32forte croissance volumique, la croissance de valeur est plus forte. Et c'est ça qu'on leur
19:35dit aujourd'hui. On leur dit, regardez, si vous faites progresser votre volume plus vite que la
19:39valeur, ça ne va pas dans le bon sens. Donc il faut vraiment changer cette boussole-là.
19:43Eric, quelles sont les meilleures pratiques que vous avez observées chez les entreprises qui
19:48réussissent à allier sobriété et rentabilité ? Moi, je pense qu'on a quand même un éclairage
19:55sur ce que vient de dire Sophie. Pour moi, j'ai travaillé assez longuement aux Etats-Unis et les
20:00Américains ont une expression qui parle beaucoup, qui est « walk the talk ». On a vraiment des
20:06dirigeants, des leaders dans ces dernières années qui ont beaucoup parlé. On parle des sujets
20:12planètes ou des sujets sociaux et qui n'ont pas calé leur agenda et leurs priorités sur
20:16leur discours. J'ai évolué dans un grand groupe pendant longtemps et ce décalage entre les
20:24intentions qui est le « talk » et le « walk », c'est-à-dire qu'est-ce qu'on fait vraiment
20:28transformer dans l'entreprise, quelles sont les priorités, quel est le discours du dirigeant à
20:32l'intérieur de l'entreprise, à l'extérieur, ce décalage devient insoutenable à un moment donné
20:36pour les employés. Donc là, quand on entend Sophie, elle a calé son agenda, son discours sur
20:43« people profit planet ». Il faut que les gens se sentent engagés dans l'entreprise, qu'il y ait
20:48une pérennité économique et qu'on se remette dans l'aîné planétaire. Et ça, ça se sent,
20:52son agenda le montre et cette sincérité, cet alégnement est ressenti par toutes les équipes.
20:59Et donc là, ça donne beaucoup de puissance au collectif. Et en fait, il y a des résultats
21:03qui viennent, des résultats économiques qui viennent simplement parce que tout le monde se
21:06rend compte qu'il y a un projet qui fait du sens et on est aligné vers ce projet-là. Et on a envie
21:10que l'entreprise réussisse. C'est pas seulement on vient de 9h à 17h et puis on rentre chez soi,
21:15ça devient vraiment un projet, un projet d'entreprise. Et donc voilà, c'est peut-être ça
21:20qui se dégagerait, cette authenticité à l'ordre 1 chez les dirigeants, les dirigeantes qu'on voit
21:27évoluer dans la CEC et qui sont en train de transformer leur entreprise.
21:31Bien sur. Un petit mot sur ce qui vient d'être dit.
21:33Pardon, je réfléchissais à autre chose.
21:38Tu es une bêve. Allez-y, on peut aussi partir sur autre chose s'il y avait une pensée.
21:45Je réfléchissais chez Ticket for Change à la prise de décision en fait par rapport à différents
21:53piliers en même temps et le modèle qu'on a construit autour de l'impact, le modèle économique et la
22:00manière d'engager les équipes et qui rebondissent sur les nouvelles boussoles qui sont à la fois
22:08l'argent parce que c'est ce qui fait tourner l'entreprise et le carbone et donc qui amènent
22:11des nouvelles boussoles. Et nous, on a toujours fonctionné avec ce triptyque-là qui permet de,
22:16en fait, toutes les décisions sont prises à l'aune de ces trois critères, de ces trois
22:20dimensions et toute décision doit prendre en compte l'impact, le modèle économique et la
22:25capacité des équipes. Mais il n'y en a jamais une qui est maximisée ou dépend des autres. Et c'est
22:29cet équilibrage fin en continu qui permet en fait de piloter et de chercher cette pérennité sur le
22:37long terme versus maximiser une dimension comme on fait traditionnellement assez souvent mais
22:43aux dépenses d'autres dimensions. Donc je pense qu'en fait le sujet c'est aussi quels sont les
22:48nouvelles boussoles en fait de décision au moment où je pense que le rôle du leadership c'est aussi
22:52de proposer des nouvelles boussoles de décision à un moment où évidemment la performance de
22:58l'entreprise économique est absolument essentielle pour sa pérennité. Mais il faut prendre d'autres
23:02enjeux en compte et c'est assez complexe. Et pour pas tomber dans les injonctions paradoxales, il
23:07faut créer des nouveaux modèles. Oui, là tu vois les équipes du marketing des deux activités. Donc
23:12moi j'ai deux leaders au sein des activités. Une qui est Florence Pain qui travaille sur tout ce
23:18qui est bien vieillir. Donc elle, vraiment elle bosse notamment sur une nouvelle marque qu'on
23:22vient de lancer là qui s'appelle Yana et qui fait à la fois des topiques et des compléments
23:26alimentaires pour les articulations douloureuses etc. Et de l'autre côté Marguerite Laborde que
23:32tu connais bien Éric parce qu'elle a travaillé notamment à la CEC d'abord comme bénévole et
23:36là elle est leader pour les nouveaux récits donc une CEC sectorielle. Et en fait ces deux là,
23:42elles se sont retrouvées à un moment en disant mais on peut pas en fait continuer à faire du
23:46marketing comme on faisait avant. Ça peut pas fonctionner vu notre mission, vu ce qu'on s'est
23:50donné comme objectif. Et donc elles ont toutes seules, elles ont un peu demandé l'autorisation
23:55mais vaguement, bon après elles savent qu'avec moi c'est pas forcément le sujet, mais toutes seules
24:00avec leurs équipes elles se sont dit on va travailler pendant un an et demi en chambre
24:03sur ce que c'est la nouvelle définition du marketing chez Expanscience. Et elles sont
24:08arrivées avec leurs équipes donc c'est une cinquantaine de personnes quand même qui ont
24:11travaillé sur une scorecard donc une espèce de roue dans laquelle elles ont choisi de mettre
24:16plein de définitions différentes et qui vont leur permettre de savoir si un produit a un score
24:22suffisamment pour être poussé en investissement, s'il existe déjà dans notre portefeuille, ou même
24:27se dire est-ce qu'on le lance ou est-ce qu'on le lance pas. Et en fait ce qu'elles ont rajouté
24:31par rapport à ce qu'on regarde d'habitude qui est en gros la marge brute du produit ou sa
24:34contribution opérationnelle et puis son potentiel de marché via un test consommateur, c'est à peu
24:41près comme ça que fonctionnait le marketing à l'ancienne, ben là elles se sont dit non on va
24:44rajouter à ça l'utilité du produit qu'on lance. Et même si le consommateur est persuadé que c'est
24:50super utile, en vrai on va quand même vérifier que ça l'est. Et je te donne un exemple, au Brésil
24:55il y a plein de consommateurs, de parents qui demandent à acheter des soins pour le cordon
24:58ombilical. Le cordon ombilical, il n'y a rien à poser dessus en fait, quand l'enfant naît il faut
25:03attendre que tu mets de la bisseptine ou un désinfectant puis après tu attends que ça sèche
25:09et ça tombe. Et en fait plein de parents se trouvent un peu démunis juste après la naissance et la
25:15sortie de l'hôpital et disent mais il faut mettre un truc là, c'est moche ce truc, c'est pas normal,
25:19qu'est ce qu'on fait ? Des spécificités brésiliennes ? Ben disons qu'au Brésil, certaines marques se
25:24sont mis à lancer des produits pour ça. Et donc évidemment les équipes brésiliennes me disent
25:28ben tiens on pourrait lancer un produit pour le cordon, on va l'investir là, c'est sûr ça va
25:31marcher. Oui ça va marcher mais on va pas le lancer parce qu'on a demandé aux pros de santé
25:35qui nous ont dit mais ça sert à rien du tout. Donc il y a l'utilité perçue par le consommateur et
25:40il y a l'utilité réelle, c'est pas toujours évident parfois, les lingettes par exemple qu'on a
25:44décidé d'arrêter complètement en 2027, c'est des produits qui sont foncièrement très commodes,
25:50très pratiques pour les consommateurs. Et je pense que si toi tu avais des enfants il n'y a pas longtemps,
25:54objectivement ne plus avoir de lingettes jetables c'est un peu un enfer pour les parents. Pour autant
25:59je ne me positionnerai pas. Mais pour autant il y a quand même des solutions différentes, un peu plus
26:04chiantes j'avoue, mais tu peux te débrouiller sans ou au moins déjà faire ce geste d'exagération de
26:09renoncer à cette catégorie et de ne faire que des lingettes lavables. C'est quoi l'objectif ? C'est
26:13que nos consommateurs se disent peut-être je vais en utiliser mais moins qu'avant, exclusivement
26:18quand je suis en voyage. Et donc ça devient en fait un usage très occasionnel. Et du coup ça
26:24peut faire baisser de manière massive le marché de la lingette, y compris chez nos concurrents.
26:28Je trouve que dans ce qu'évoquait Mathieu et le rebond de Sophie, tu parlais de boussole, en fait
26:33se pose évidemment la question des indicateurs de pilotage qu'un leader, que des leaders peuvent
26:37utiliser pour faire advenir d'autres modèles d'affaires. Je pense que tu as indirectement
26:42touché ça du doigt et ça m'a fait penser à un indicateur que nous commençons à utiliser qui est
26:47de corréler directement le bilan carbone au chiffre d'affaires. Quelle est l'intensité carbone de notre
26:51chiffre d'affaires ? J'y pense parce que souvent les meilleures idées sont les plus simples et
26:56c'est difficile de faire simple quand on parle de multidimensionnel comme on fait là entre le
27:00social, l'économique, l'environnemental. Est-ce que vous pensez à d'autres exemples de façons de
27:04piloter notamment par des indicateurs ou des boussoles, alors c'est peut-être des grilles de
27:07décision qui aident à simplifier une pensée hyper complexe parce que quand on veut conduire le
27:11changement, embarquer les équipes, là ça commence à se corser en général. Nous on est en train plutôt
27:17de se donner comme objectif d'avoir des dashboards simples au sens simple, peu de chiffres mais
27:23quelques chiffres clés et qu'il faudrait qu'on soit capable de suivre chaque mois. C'est à dire
27:27que quand on donne des nouvelles à l'entreprise de comment va l'entreprise, il faut qu'on soit
27:32très cohérent et qu'on ne parle pas que de financier. Donc ça veut dire on est en train de regarder
27:37comment on va pouvoir peut-être l'année prochaine mensualiser le bilan carbone parce qu'on va
27:41l'automatiser de plus en plus chez Expansions pour être en capacité, même si c'est flou, même
27:45s'il y a 40% de marge d'erreur dans un bilan carbone, pouvoir donner des nouvelles. En fait nous là pour
27:50l'instant les gens ils attendent, ils sont suspendus au mois de mars chaque année pour savoir si le
27:54bilan carbone il a été en réduction ou pas, selon la trajectoire SBTI qu'on s'est fixé ou pas. Et ce
28:01qui est assez sympa c'est que l'année dernière par exemple on était un peu en retard par rapport à
28:04notre budget mais on était vachement meilleur sur le carbone et du coup les primes des salariés
28:09ont été compensées. Elles étaient négatives sur l'aspect business à cause de la Chine mais de
28:16l'autre côté le bilan carbone ayant été super bon, du coup on a pu compenser. Donc arriver à avoir
28:21mensuellement un dashboard qui te donne finalement ton CELINE, les écoulements dans tes points de
28:28vente et puis où t'en es du carbone. Sur la biodiversité on n'est pas encore au point, il
28:32faudra attendre un peu parce que c'est l'état de la science, mais on pourra faire la
28:36même chose en fait. Effectivement on a envie d'avoir des indicateurs qui vont plus loin que
28:46simplement les indicateurs financiers. Si on a un à retenir il me semble pour un leader c'est le
28:52taux d'engagement des équipes. Je prends un exemple on a aussi une entreprise qui a fait la CEC qui
28:57s'appelle Renault Trucks. Christophe Martin le directeur général a pris position aussi comme
29:02Sophie un certain moment pour dire on doit sortir de la logique volumique. Donc il a annoncé
29:07aussi à son entreprise qui s'appelle Volvo Trucks qui fait 40 milliards, on veut vendre moins de
29:11camions neufs. Donc ça a créé de la perturbation quand même chez son staff, mais finalement la
29:18profitabilité s'est maintenue même s'il y a moins de chiffres d'affaires de camions neufs et le taux
29:23d'engagement qu'il a sur son projet d'entreprise il est 15 points supérieur à le deuxième meilleur
29:28pays chez Volvo Trucks. Donc en fait il y a un projet d'entreprise et là il dit en fait c'est
29:34le plus important pour moi je sens qu'il y a de l'énergie dans les équipes donc à l'ordre 1 ça
29:38ça va vraiment donner des indications sur le futur. En rebond sur ce qui est dit, pour moi on est dans
29:46cette période de foisonnement en fait où les leaders, les entreprises cherchent des nouvelles
29:50manières de piloter la valeur, la performance et du coup c'est excitant en fait d'être dans cette
29:57période là où plein de choses se passent et on sait qu'il faut faire différemment et puis on est
30:02dans cette recherche extraordinaire où plein d'entreprises testent des choses et on est en
30:06train d'apprendre et de partager les apprentissages. Les difficultés c'est que c'est plus
30:12simple de maximiser une seule dimension et surtout quand c'est des euros et quand on touche à du
30:17social, de l'environnemental et notamment des choses qu'on a du mal à quantifier comme la
30:21biodiversité, quantifier, qualifier, c'est beaucoup plus complexe donc les clés je pense c'est penser
30:26complexe et faire simple ou le plus simple possible mais sans être simpliste et surtout
30:33que ce soit à tous les niveaux de l'entreprise, que ce soit pas que dans une équipe mais du
30:39conseil d'administration jusqu'à dans l'usine, à tous les niveaux, que ces boussoles là elles
30:46soient le plus diffusées et que de plus en plus de personnes, les collaborateurs, se sentent engagés
30:51autour de ça et se mettent en mouvement, leur donner du pouvoir d'agir. C'est ça les clés et
30:55je pense qu'on c'est en train d'advenir mais on a besoin des exemples, d'apprendre de ces exemples,
30:59de partager les expériences, c'est ça qui se joue. Il y a un truc qu'on a fait qui était
31:06hyper intéressant l'année dernière, on fait pas encore de comptabilité en triple capital complète,
31:11c'est complexe, en revanche on le fait sur nos investissements donc ça veut dire qu'au moment
31:17où on doit décider d'investir ou pas dans une nouvelle machine, une nouvelle chaudière ou une
31:22boucle justement qui permet de réduire la consommation d'eau à l'usine, on va regarder,
31:29on va mettre un prix au carbone, assez classiquement, et on va se dire voilà si je change cette
31:34chaudière je vais baisser 77% mes émissions de gaz à effet de serre à l'usine, ça va me baisser
31:40un peu ma facturation aussi parce que je serai pas en danger avec le gaz russe ou des choses
31:47comme ça tu vois, si je prends une chaudière biomasse. Mais pour autant par exemple sur l'eau
31:51on s'était rendu compte que ça coûtait très cher, enfin très cher, ça coûtait quelques millions
31:55d'euros de travailler sur notre consommation d'eau et l'eau en France coûte rien, très peu. Donc on
32:03avait un rendement sur cet investissement à 19 ans, ce qui est difficilement acceptable pour une
32:09entreprise de notre taille qui fait pas des centrales nucléaires. Donc du coup on avait un
32:14problème sur le ROI de cet investissement et on s'est inspiré pour le coup de la comptabilité en
32:19triple capital qui était de regarder le risque en fait. Et maintenant avec la CSRD je pense que
32:22toutes les boîtes vont le faire mais le risque qu'on a en Eure et Loire c'est qu'il y ait une
32:26diminution de 20 à 30% des débits des cours d'eau. Pas cette année. Pas cette année, alors oui tout
32:33le monde me sera, bah pas cette année, oui d'accord, ok il pleut beaucoup cette année mais ça ne devrait
32:38pas être tout le temps comme ça, et puis quand il pleut en fait maintenant c'est pas qu'il pleut
32:41un peu c'est qu'il y a des inondations partout, donc de toute façon c'est le bazar. Mais ce qui est
32:45intéressant c'est que les trois derniers étés, effectivement en dehors de cet été là, la
32:49préfecture d'Eure et Loire a menacé de fermeture notre usine et plein d'autres usines autour de
32:53nous, et elle a effectivement fermé jusqu'à 25 jours certaines usines, enfin elle a coupé l'eau
32:58pour certaines usines pendant 25 jours l'été. Ce qui veut dire un arrêt complet de la production
33:03pendant un mois. Donc là on parle en millions d'euros d'impact. Et du coup on s'est dit ok si
33:08on imagine que dans les années qui viennent on a ne serait-ce que trois ou quatre jours de coupe
33:12par été, c'est combien etc. Et en fait notre ROI est retombé à sept ans assez classiquement. Donc
33:18c'est assez chouette d'utiliser cet outil là, de se dire je comptabilise en euros les risques à ne
33:23pas faire un investissement, et là ça vous donne des bonnes billets. Eric il ne vous reste plus
33:27beaucoup de temps, vous voulez y réagir ? Non je voulais réagir sur les questions qui se posent,
33:30sur le leader aujourd'hui, quelle boussole, enfin on n'a pas trouvé toutes les réponses. On est dans
33:35un moment aussi entre deux paradigmes, et moi je me pose beaucoup de questions sur entre
33:40horizontalité, donc motiver les équipes, et verticalité, savoir prendre des décisions,
33:44comment faire ces arbitrages. Et on attend du leader aussi qu'il sache prendre des décisions,
33:48et parfois c'est mal perçu par les équipes. Donc là on n'est pas forcément au bout de définir le
33:53bon modèle. Et c'est le mot de la fin, on passe à notre dernière séquence, c'est le goût de Touno.