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Le budget se négocie depuis jeudi entre les députés et les sénateurs, en commission mixte paritaire, avec des socialistes qui lèveront ou baisseront le pouce. En toile de fond, une question : peut-on économiquement prendre le risque de la censure ?

Retrouvez « Le débat éco » présenté par Dominique Seu et Thomas Porcher sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique

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00:00Le débat politique du vendredi entre Thomas Porchet et Dominique Seux, bonjour messieurs.
00:05Bonjour.
00:06Allons à l'essentiel avec cette photographie qui nous raconte beaucoup de choses sur la
00:12situation économique de la France d'aujourd'hui.
00:15Le PIB a reculé au quatrième trimestre 2024 et il y a cette situation que j'aimerais
00:22que vous commentiez puisqu'elle a des conséquences sur le budget et la possibilité de s'accorder
00:28à un budget crédible.
00:30Toute l'équation budgétaire risque d'être remise en cause et c'est dans une demi-heure
00:35justement que les parlementaires vont reprendre leurs travaux en commission mixte paritaire.
00:40Alors d'abord on va commencer sur cette situation économique grave, pas grave de Thomas Porchet.
00:47Bon il faut dire quand même qu'elle n'est pas idéale.
00:49On a une croissance qui reste sur l'année à peu près potable, on est à 1,1% mais
00:56c'est vrai que ça baisse le dernier trimestre, l'investissement des entreprises est au plus
00:59bas et on sent une forme d'attentisme de la part des acteurs privés.
01:03Mais après il faut aussi dire que ce n'est pas du tout le déluge ou la dégringolade
01:09qu'on nous avait annoncé en cas de censure.
01:11C'est-à-dire que par exemple les taux d'intérêt, on nous a dit attention les taux d'intérêt
01:15vont augmenter, les marchés financiers vont se déchaîner après la censure.
01:18Les spreads avec l'Allemagne sont restés quasiment les mêmes depuis la censure.
01:21Donc c'est pas idéal mais c'est pas le drame qu'on nous avait annoncé.
01:25Dominique Seux.
01:25Alors j'ai un point d'accord, c'est qu'il y a beaucoup d'attentisme.
01:29La situation est sérieuse, elle est grave pour une raison très simple, c'est que la
01:35croissance que nous avons eue ces dernières années, notamment en 2024, c'est une croissance
01:39à crédit tirée par un déficit public.
01:42C'est-à-dire qu'on a eu un déficit public de 6% et il en est sorti quoi ? Une croissance de 1%.
01:48Évidemment il va falloir faire des efforts budgétaires, on ne parle que de ça.
01:52On va réduire le déficit.
01:53Ça veut dire qu'il n'y a plus de gras pour faire de la croissance sur du déficit.
02:01Donc il faut la faire maintenant sur le secteur privé, l'investissement des entreprises,
02:05la consommation.
02:06Il y a un économiste qui avait une bonne formule hier, Rex Ecotte, qui dit « nous avons une
02:10croissance par le vide ». Il va falloir remplir avec des bonnes choses qui sont de l'investissement
02:15et de la consommation.
02:16Un peu de pédagogie malgré tout Dominique, croissance par le vide, qu'est-ce que ça
02:20veut dire ?
02:21C'est ça, croissance par le vide, c'est-à-dire que c'est une croissance à crédit.
02:24C'est-à-dire qu'on l'a faite avec du déficit public.
02:27Et maintenant on ne peut plus le faire.
02:29En période de faible croissance, c'est-à-dire qu'on n'est pas au plein emploi, on n'est
02:33pas en pleine activité, on est dans une période quand même de sortie de crise, Covid et crise
02:39inflationniste.
02:40Et c'est normal dans ces situations-là que la croissance soit tirée par le déficit.
02:44C'est ce qu'on appelle la politique contracyclique et à l'inverse faire de la politique pro-cyclique
02:48serait dramatique.
02:49C'est d'ailleurs ce que font les États-Unis qui estiment leur déficit à 8% pour une
02:53croissance, à 3% nous on avait une croissance avant de se poser toutes ces questions de
02:58redressement des comptes publics à plus de 2% il y a encore deux ans.
03:03Donc vous voyez, là effectivement, l'économie n'est pas tirée on va dire massivement
03:08par une forte activité.
03:09Et donc dans ces conditions-là, il ne faut pas réduire trop rapidement les déficits
03:13sinon on tue le peu de croissance que l'on a.
03:15Et le quatrième trimestre, je finirai là-dessus, le quatrième trimestre que nous avons eu
03:19de baisse de croissance était prévisible.
03:21Le quatrième trimestre qui commence à peu près au moment de la dissolution.
03:25Un certain nombre de gens qui faisaient de la prospective avaient dit en fait qu'avec
03:30la baisse, les restrictions budgétaires qui étaient faites dans la zone euro, on allait
03:34avoir des pertes de croissance en fin d'année.
03:36Dominique Seul.
03:37Le quatrième trimestre est très particulier parce qu'il y a eu un effet JO, ça a tiré
03:41la croissance plutôt au troisième trimestre et au quatrième c'est retombé.
03:44On a mis dans la machine 185 milliards ou 190 milliards de déficit public en 2024.
03:52Il en sort quoi ? Une croissance de 1%.
03:55Ça prouve que votre keynesianisme de ce type-là ne fonctionne pas d'une manière totalement
04:00efficace parce que pour avoir 2% de croissance, il faudrait mettre le double.
04:03On voit bien que ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, il faut remettre de la
04:06confiance et il faut que donc un budget soit voté pour lever l'attentisme qui est partout.
04:12Alors justement, quel rapport d'un mot, et pour être pédagogue, monsieur le professeur
04:16Thomas Porchet, entre la croissance et le budget qui est en train d'être négocié,
04:20que tout le monde comprenne ?
04:21Non, là c'est l'attentisme, c'est vrai qu'il y a un certain nombre de gens qui
04:26ne connaissent pas le budget.
04:27Le budget c'est la règle du jeu, qui va être imposé, qui va être taxé, où est-ce
04:32que ça va être coupé.
04:33Et donc les gens attendent de faire des investissements ou de faire des projections sur ce budget-là.
04:40Mais il n'y a pas que le budget qui compte.
04:41Il y a aussi l'environnement international, et l'environnement international depuis
04:44l'arrivée de Trump est également perturbé, et ça aussi crée de l'attentisme.
04:48Donc on ne peut pas tout mettre dans le budget.
04:50Il y a aussi une conjoncture internationale qui n'est pas stable et qui va bouger très
04:54fortement ces prochains mois.
04:55Mais ça impose que le budget soit voté très rapidement ?
04:57Non mais il vaudrait mieux que tout le monde soit d'accord sur un budget, nous sommes
05:00tous d'accord.
05:01Mais après, moi je me dis, il vaut mieux parfois avoir un budget qui soit moins austéritaire
05:06si je reprends les mots de notre ministre Amélie de Montchalin qui dit que ce sera
05:11les plus grosses économies depuis 25 ans.
05:13Moi je trouve que faire des grosses économies dans cette période de croissance morose,
05:17ce ne sera pas la solution.
05:18Donc parfois il vaut mieux avoir un budget moins bon qu'un budget trop austéritaire.
05:23Je ne comprends pas, ça veut dire qu'il ne faut pas forcément conclure et avoir un
05:28budget.
05:29On peut s'en passer si le budget n'est à vos yeux pas excellent.
05:32Non, non, non, je crois que les conséquences de l'absence de budget sont quand même très
05:39concrètes et très réelles.
05:40Dans les hôpitaux aujourd'hui, les directeurs des achats se disent « est-ce que j'achète
05:44les lits et les seringues ? » parce qu'il y a quand même un mois de janvier qui a disparu
05:47en termes de budget.
05:49Dans les collectivités locales, est-ce que le maire, quelle que soit la taille, se dit
05:54« est-ce que j'engage, je lance des appels d'offres pour refaire le toit de mon école ? »
06:01Donc c'est extrêmement concret.
06:02Ah mais bien sûr, c'est très.
06:03Et alors maintenant, s'il n'y a pas de budget dans les jours qui viennent, là le
06:07barème de l'impôt sur le revenu ne sera pas revalorisé.
06:10Donc c'est une hausse d'impôt pour tous les Français qui payent l'impôt sur le
06:14revenu.
06:15Parce que les lettres physiques ou les mails vont finir par partir.
06:17Donc la situation est sérieuse.
06:19En fait, au-delà de la technique, la France étant le pays où il y a le plus de prélèvements
06:24obligatoires et le plus de dépenses publiques, beaucoup de choses dépendent beaucoup plus
06:29qu'ailleurs de ce qui se fait sur le budget.
06:32On est beaucoup plus concerné que n'importe quel pays au monde parce qu'il y a des dépenses
06:37publiques et des prélèvements obligatoires qui sont plus élevés qu'ailleurs.
06:39Et par ailleurs, le ralentissement impose des décisions.
06:42Je voyais le maire de Grenoble, Éric Piolle, en début de semaine, il m'explique qu'il
06:47y a des plans sociaux qui sont à Arkema en ce moment, qui sont en train de se faire de
06:53ce...
06:54Mais le gouvernement est assez absent sur ces sujets-là.
06:56Parce que les ministres changent, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'investissement sur tout
06:59ça.
07:00Mais en fait, partout en France, partout en France, il y a des sujets de ce type.
07:07Non mais Dominique a raison sur le fait qu'effectivement, la commande publique, les hôpitaux, l'éducation
07:12ont besoin d'un budget pour faire des commandes.
07:14Mais s'ils ont un budget austéritaire, ils feront moins de commandes.
07:16C'est ça aussi qu'il oublie de dire.
07:17Parce qu'un certain nombre des coupes sont sur les collectivités locales ou étaient
07:21par exemple prévues dans l'éducation et sur les hôpitaux, je ne pense pas que ce
07:25soit la joie.
07:26Donc là-dessus, c'est une réalité Dominique, c'est-à-dire que si on n'augmente pas les
07:32budgets au niveau de l'inflation, on retire un certain nombre d'argent et les gens vont
07:35pouvoir faire moins de commandes publiques.
07:37Je crois qu'il faut donner quelques éléments, il y a quelque chose de passionnant qui a
07:41été livré hier matin, c'est l'avis du Haut Conseil des Finances Publiques.
07:44Ça dépend plus ou moins de la Cour des Comptes, mais pas seulement, il y a l'INSEE, etc.
07:47Que vous êtes les seuls à lire ?
07:48Oui, on est absolument, non mais on se passionne.
07:51Pas loin.
07:52Non mais il y a des informations absolument passionnantes.
07:53Je vous en donne deux.
07:55En 2000, la charge des intérêts de la dette, c'est-à-dire ce qui est dans le budget, c'était
08:0030 milliards d'euros.
08:01En 2025, c'est 67.
08:04Donc on est passé, il y a plus de 37 milliards en 5 ans.
08:09Donc c'est 37 milliards qui sont…
08:10Est-ce qu'ils tiennent compte de l'inflation ?
08:11Non.
08:12Ah bah il faut en tenir compte, vous voyez.
08:1337 milliards, ça fait quasiment 40 milliards, c'est-à-dire qu'ils sont perdus pour
08:18la cause, si je puis dire.
08:19Vous vous rendez compte ce qu'on aurait pu faire ?
08:20Mais c'est diminué déjà.
08:21Vous vous rendez compte ce qu'on aurait pu faire avec 40 milliards ? Deuxième élément,
08:24et après je me tais, c'est promis, jusqu'à 8 heures.
08:26Non, pas tout à fait.
08:27Non, pas tout à fait.
08:28Non, ce que dit l'avis du Conseil des Finances Publiques, c'est qu'on essaye de… et
08:32vous allez voir que l'avis du Conseil ne dit pas exactement ce que dit la ministre
08:38du Budget.
08:39Le rapport entre les efforts sur les prélèvements et sur les économies, il est de 9 à 1.
08:45C'est 90% de hausse de prélèvements, dans l'effort budgétaire, et 10% dans les économies.
08:51Donc c'est ce que dit l'avis des finances publiques.
08:54Est-ce que c'est la raison pour laquelle les milieux économiques sont énervés ?
08:57Non mais déjà, sur la charge de la dette, il faut tenir compte de l'inflation.
09:01Il y avait un grand économiste, Daniel Cohen, qui disait que tout le monde le sait.
09:04Et donc, il ne faut pas prendre le chiffre comme ça, et surtout, il ne faut pas comparer
09:09un chiffre sans comparer aussi le PIB qui augmente très fortement entre les deux périodes
09:13que Dominique a citées.
09:15Maintenant, il faut…
09:16Il y a augmenté d'un pour cent.
09:17Attendez, c'est très intéressant.
09:18Aux Etats-Unis, ils vont avoir un déficit de 8%.
09:21Tout le grand patronat trouve que c'est génial ce qui se passe aux Etats-Unis, d'avoir
09:25une économie qui est en partie subventionnée, et tout le monde est très content.
09:29En France, nous pensons que le déficit c'est un problème.
09:31Je n'ai jamais dit que c'était un très gros problème, mais nous pensons que c'est
09:33un problème.
09:34À partir du moment où c'est un problème, il faut un effort collectif, il faut que les
09:36entreprises soient taxées, et il faut aussi faire un certain nombre d'économies.
09:40Mais les chefs d'entreprises ne veulent pas être taxés, et Dominique, il est plutôt
09:43opposé à la taxation des entreprises.
09:45Donc, il ne reste qu'une seule solution qui est…
09:47Papa, je t'ai dit que je ne parlais plus, qu'il doit parler à ma place !
09:49C'est le toboggan qui arrive sur les économies de la dépense publique.
09:53Et ça, c'est quand même difficilement acceptable pour une partie des gens, et je le comprends.
09:57Réponse à Thomas Porcher, j'aimerais juste savoir ensuite pourquoi est-ce que les milieux
10:00économiques sont si énervés ?
10:01Alors, d'abord sur la hausse des impôts, quand la hausse des impôts a été annoncée
10:06sur les entreprises au mois d'octobre, ils n'ont pas protesté beaucoup.
10:09Et même le président du MEDEF a dit « Ok, pour payer plus d'impôts, mais à une condition
10:16! C'est que d'abord, la situation politique s'écartice, et que par ailleurs, on regarde
10:21un petit peu s'il y a des économies dans les dépenses publiques à faire.
10:23Et à la fin, 90% de hausse de prélèvements, 10% d'économies.
10:28Donc ils se disent « On s'est peut-être fait rouler dans la farine ».
10:30Je vous montre simplement à la caméra, je vous montre la hausse des prélèvements
10:34obligatoires.
10:35Regardez la courbe, je ne sais pas si on la voit, c'est un peu compliqué, ce que je
10:40veux dire c'est que les prélèvements obligatoires augmentent continuellement depuis 30 à 40
10:46ans, et qu'on a atteint des niveaux jamais atteints.
10:48Et donc c'est difficile de dire « On peut continuer éternellement ».
10:53Derrière des prélèvements obligatoires, vous avez des dépenses sociales, vous avez
11:01des retraites, vous avez plein de choses, donc c'est aussi important de voir ça.
11:04Je sais que Dominique voit que le côté des entreprises, moi je vois le côté aussi des
11:07gens qui profitent de ces prélèvements obligatoires.
11:09Bon, débat en tout cas à suivre, les parlementaires doivent donc reprendre leur discussion sur
11:14le budget 2025, dans une trentaine de minutes maintenant, à l'Assemblée nationale.
11:20Merci Thomas Porchet, merci Dominique Seux.

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