Avec Cynthia Illouz, Fondatrice du média The Women's Voices et auteure de "Procès de Mazan : la déflagration" - Editions de l'Observatoire
Retrouvez Muriel Reus, tous les dimanches à 8h10 pour sa chronique "La force de l'engagement" sur Sud Radio.
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##LA_FORCE_DE_L_ENGAGEMENT-2025-02-09##
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00:00AGP, Association d'Assurés Engagés et Responsables présente
00:05Sud Radio, le grand matin week-end, la force de l'engagement, Muriel Reus
00:10Bonjour à toutes et à tous, aujourd'hui je reçois Cynthia Hillouz, fondatrice du média The Woman Voice,
00:16vice-présidente d'ONU Femmes et autrice du premier livre sur le procès de Mazan, la déflagration, aux éditions de l'Observatoire.
00:23Mais tout de suite, engageons-nous pour repenser la lutte contre les violences sexuelles.
00:27Le procès de Mazan, qualifié de procès historique par les plus de 150 journalistes de la presse nationale et internationale qui l'ont suivi,
00:33a provoqué un véritable séisme dans la perception des violences sexuelles en France.
00:37Il a non seulement révélé, au travers des plus de 20 000 preuves récoltées par les services de police,
00:42l'horreur des violences infligées à Gisèle Pellicot,
00:45mais il a aussi exposé les défaillances profondes de notre système judiciaire face à ces crimes.
00:50Dès l'ouverture du procès, la déqualification des viols en scènes de sexe par le président de la Cour
00:56et quelques jours après, les propos du maire de Mazan, là où les faits se sont déroulés,
01:00je le cite, ça aurait pu être plus grave, il n'y a pas eu d'enfants impliqués et après tout, personne n'est mort,
01:06ont posé la question fondamentale de la minimisation des violences sexuelles et de la culture du viol dans notre société.
01:1251 mis en cause, 51 accusés, tous coupables, 17 ont fait appel, tous ont banalisé les actes, leurs actes, leurs viols.
01:21Certains évoquant un malentendu, d'autres l'acceptation tacite de Gisèle Pellicot.
01:26Un phénomène courant que l'on appelle le « victim blaming », une mécanique implacable
01:30où l'agresseur et ses actes s'effacent derrière un comportement supposé suspect de la victime.
01:35La normalisation de la violence et de la soumission dans les contenus pornographiques
01:39où 90% des vidéos montrent des actes de violences physiques et sexuelles
01:43contribuent à cette banalisation des violences dans la réalité.
01:47Face à cette consommation accrue de pornographie, notamment par les plus jeunes,
01:51la question que soulève également le procès de Mazan est de savoir jusqu'où la société va tolérer
01:56cette déshumanisation des femmes sous couvert de libertés sexuelles.
02:00Ce procès a aussi démasqué l'angle mort des violences sexuelles,
02:04celui de la soumission chimique et de l'utilisation de médicaments comme mode opératoire,
02:08des pratiques qui traduisent la préméditation de l'agresseur.
02:12L'Observatoire français des drogues et toxicomanie indique une augmentation considérable
02:16des cas de soumission chimique en Europe. En France, cette méthode est impliquée
02:20dans 20% des plaintes pour viol.
02:22Si Gisèle Péicot est devenue un symbole de la lutte contre les violences sexuelles,
02:26la BBC la distingue parmi les 100 femmes les plus influentes de l'année,
02:30la réalité des violences sexuelles en France reste terrifiante.
02:34Toutes les deux minutes, une femme est victime de viol ou de tentative de viol.
02:38Dans 96% des cas, l'auteur est un homme.
02:4073% des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite.
02:4494% pour les plaintes pour viol.
02:478 victimes sur 10 ne portent pas plainte par peur, honte, culpabilité,
02:51manque de confiance dans la justice ou par la banalisation des violences sexuelles
02:55qui demeurent profondément ancrées dans les salles d'audience.
02:58Dans un système où à peine 2% des agresseurs sont condamnés,
03:01cette réalité doit nous interpeller et nous faire réagir.
03:04Les travaux sur la définition pénale du viol viennent de prendre fin.
03:07Véronique Riotton et Marie-Charlotte Varin, députées,
03:10respectivement présidentes et vice-présidentes de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale,
03:14viennent de rendre leur rapport.
03:16Leur conclusion est sans ambiguïté.
03:18Pour instaurer une vraie culture du consentement,
03:20il faut réformer la définition pénale du viol
03:22et intégrer la notion de non-consentement
03:24et préciser les cas où le consentement ne saurait être déduit.
03:27La proposition de loi est déposée.
03:29C'est une étape importante. Ce n'est pas la fin du chemin.
03:32Car le viol reste un crime massif qui nécessite une action globale,
03:35des moyens financiers, une politique de répression,
03:38de protection, de prévention, de formation.
03:40En conclusion, une véritable volonté politique.
03:44Bonjour Sitia Hilouz.
03:45Bonjour Mireille.
03:46Vous êtes la fondatrice du média The Woman Voice,
03:48vice-présidente d'ONU Femmes.
03:50Vous venez de publier un livre qui est sorti d'ailleurs il y a quelques jours.
03:55Très peu de temps après la clôture de ce premier procès,
03:58il y aura vraisemblablement une suite,
04:01puisque sur les 51 accusés condamnés,
04:0317 ont décidé de faire appel.
04:05Quand avez-vous pris la décision d'écrire sur ce procès
04:09que l'on a qualifié d'historique ?
04:11Absolument dès le début du procès,
04:13parce que j'ai été choquée,
04:15comme énormément de Françaises et de Français,
04:18par l'ampleur de cette affaire,
04:21avec autant d'accusés,
04:23maintenant on peut dire autant de violeurs.
04:25Et ça a été vraiment une réaction épidermique,
04:29le besoin d'écrire, d'écrire finalement l'indicible,
04:32de mettre des mots sur ce que c'était.
04:34Et puis tout de suite,
04:36de pouvoir aussi vulgariser un certain nombre de concepts
04:38qu'on a employés très rapidement à la télévision.
04:41La culture du viol,
04:43essayer d'expliquer ce que c'est,
04:45le phénomène aussi de blâme des victimes,
04:48d'objectification des femmes,
04:51expliquer aussi les conséquences,
04:53les traumas sur les victimes
04:55de violences sexuelles,
04:58de soumission chimique,
05:00quelle place aussi pour les hommes
05:02dans ce combat qui est très important.
05:05Donc voilà, ça a été vraiment dès le début,
05:07j'ai souhaité avancer,
05:10c'était aussi une forme de résistance de ma part.
05:12Alors ce livre il est important,
05:14évidemment je l'ai lu, il est formidable,
05:16parce que d'abord il raconte cette histoire absolument incroyable,
05:19mais parce qu'il est surtout extrêmement pédagogique,
05:22et comme vous venez de le dire,
05:23il permet de comprendre à ceux qui ne sont pas formés,
05:25sensibilisés aux violences sexuelles,
05:28ce qui peut conduire à des situations de ce genre,
05:31et surtout quelles en sont les conséquences.
05:33Donc évidemment, je vous invite tous à le lire.
05:35Alors vous avez fait, vous, plusieurs allers-retours au tribunal d'Avignon,
05:38entre septembre et décembre 2024,
05:40vous avez été présente à différentes étapes de ce procès,
05:43j'imagine que ça n'a pas dû être facile.
05:45Comment vous avez vécu ces moments ?
05:47Quelles émotions avez-vous ressenties ?
05:49Comment c'était dans cette salle d'audience ?
05:51C'était très lourd, vous savez la salle elle est assez petite,
05:54il y a quand même 51 hommes qui étaient présents,
05:57donc ces accusés, 35 avocats,
05:59alors ils n'étaient pas là tous, tout le temps,
06:01mais enfin il y en avait un certain nombre,
06:03on était aussi de très nombreux journalistes,
06:05mais il y a eu des moments un peu plus creux, on va dire,
06:08lorsque chacun témoignait de son parcours de vie,
06:11comme disait le président de la cour,
06:14et moi j'ai eu une réaction assez forte
06:17quand j'entendais surtout les avocats
06:19qui essayaient de trouver des excuses
06:21vraiment invraisemblables à leurs clients,
06:24j'avais très envie de réagir,
06:26bon c'est évidemment pas le cas,
06:28parce que chacun est à sa place,
06:32et nous en tant que journalistes, observateurs,
06:35on ne peut pas évidemment réagir,
06:37mais il y a des moments où j'étais très choquée
06:39par ce que j'ai pu entendre.
06:41Alors il y a eu des moments, dès le début,
06:44il y a eu des moments qui nous ont laissé pantois,
06:46on a été extrêmement surpris
06:48quand Roger Arrata a qualifié les viols en scène de sexe,
06:51déjà ça a été une surprise totale,
06:54et ensuite il y a eu aussi ce moment
06:57où ce même président a décidé de suspendre
06:59la diffusion des vidéos des violences commises,
07:01parce que la défense est jugée comme trop obscène,
07:03indécente et choquante pour être présentée au public,
07:06alors que Gisèle Pellicot elle-même avait souhaité
07:08que ce procès ne se tienne pas à huis clos.
07:10On a tous perçu cette décision
07:12comme une tentative de dissimuler
07:14la réalité des violences,
07:16la presse a fortement réagi,
07:18pensez-vous que la situation aurait été différente
07:20s'il n'y avait pas eu cette réaction
07:22de certains médias ?
07:24Pensez-vous que finalement ce président
07:26aurait supprimé la diffusion de ces vidéos ?
07:28Je pense qu'en effet dans ce procès
07:30il y a eu quelque chose de très important,
07:32c'est qu'il y a eu un bras de fer entre les médias
07:34et finalement le tribunal,
07:37parce que comme vous l'avez dit à l'instant,
07:39le président avait requalifié au départ
07:42les faits en disant
07:44on va parler de scène de sexe,
07:46ce qui était absolument aberrant,
07:48parce qu'évidemment ces hommes
07:50étaient jugés pour viol ou tentative de viol,
07:53qu'il y avait déjà 20 000 preuves
07:55qui étaient présentes dans de très nombreuses vidéos
07:57et que les policiers eux-mêmes
07:59avaient décrit les faits comme étant des viols,
08:01ils avaient interrogé tout le monde
08:03évidemment sur cette qualification,
08:05donc on a eu un petit peu peur
08:07car à un moment donné les juges
08:09subissent cette pression des 35 avocats
08:11qui leur disaient
08:13c'est pas juste finalement si on commence déjà
08:15à qualifier de viol.
08:17Donc il y a eu vraiment un bras de fer,
08:19il y a eu quasiment 30 interviews
08:21pendant cette période sur des radios,
08:23sur des télés en France et en Angleterre,
08:25à la BBC, Channel 4,
08:28énormément de médias s'intéressaient à ce sujet.
08:31Donc je pense que cette pression médiatique
08:33mais aussi populaire,
08:35puisque s'il y a des audiences
08:37et que les populations étaient très intéressées
08:39de comprendre ce qui se passait concrètement
08:41dans ce tribunal,
08:43on a aussi, je pense,
08:45eu cette responsabilité
08:47de dire que
08:49Gisèle Pellicot avait, elle, eu le courage
08:51de faire en sorte
08:53que ce procès soit public
08:55et qu'il fallait qu'on puisse avoir les preuves
08:57puisque d'habitude, on n'a pas ces preuves-là.
08:59Alors ce procès, il a mis en lumière
09:01la manière dont la pornographie
09:03influence les comportements masculins aussi.
09:0590% des contenus
09:07pornographiques montrent des actes de violence
09:09physique et sexuelle, vous y revenez beaucoup
09:11sur ce livre.
09:13Vous pensez que cette pornographie a un impact
09:15très fort sur la normalisation des violences ?
09:17Alors absolument.
09:19En fait, j'ai en effet souhaité revenir
09:21très longuement sur le sujet de la pornographie
09:23violente puisque
09:25on a beaucoup décrit ces hommes
09:27comme des hommes avec des âges différents,
09:29des professions différentes, etc.
09:31Mais ce qu'ils ont à peu près en commun,
09:33ces hommes-là, c'est qu'ils consomment de la pornographie
09:35violente et que ça a un impact
09:37sur leur cerveau
09:39et c'est probablement ça aussi la grande
09:41leçon, c'est qu'il ne faut pas croire que
09:43ce n'est que du cinéma.
09:45La pornographie violente, en l'occurrence,
09:47il y a vraiment des femmes qui se
09:49font violer et petit à petit
09:51il y a cette déshumanisation
09:53complète vis-à-vis
09:55des femmes, de la part des
09:57hommes, qui font qu'au moment
09:59où ils vont passer à l'acte, ils n'ont
10:01pas l'impression qu'ils commettent un crime.
10:03Ils l'ont dit à de nombreuses
10:05reprises dans ce procès, ils ont tous
10:07expliqué qu'ils n'avaient pas commis ce crime
10:09alors qu'on a des vidéos,
10:11des preuves flagrantes
10:13de ce qui s'est passé.
10:15Sur la déshumanisation, il y a aussi ce constat que
10:17finalement, ils ont exprimé
10:19des phrases innommables, comme
10:21c'est une victime qui ressemble à un cadavre,
10:23une victime non excitante.
10:25Cette pornographie, c'est un vrai sujet.
10:27Est-ce qu'il y a une responsabilité collective de la société ?
10:29Absolument, parce que c'est pas normal
10:31qu'on puisse avoir accès à ces
10:33contenus et encore plus
10:35de la part de nos adolescents,
10:37puisque c'est majoritairement des jeunes garçons
10:39qui ont accès à ces contenus
10:41avant l'âge de 13 ans, pour la
10:43moitié d'entre eux, avant l'âge de 13 ans.
10:45Vous imaginez comment ça peut faire
10:47complètement vriller leur cerveau
10:49sur l'avenir et sur les relations
10:51sexuelles qu'ils vont pouvoir avoir,
10:53puisqu'ils considèrent, pour nombre d'entre eux,
10:55que la violence fait partie
10:57inhérente de la sexualité et que
10:59même les femmes aiment ça.
11:01Vraiment, il faut qu'on
11:03se mobilise et qu'il y ait cette fameuse
11:05éducation à la sexualité
11:07dès le plus jeune âge, mais qu'il y ait aussi
11:09une interdiction de pouvoir
11:11rentrer sur les plateformes.
11:13À la Fondation des Femmes, par exemple,
11:15ça a été dit très nombreuses fois,
11:17il est quand même aberrant que
11:19des jeunes soient interdits
11:21de rentrer sur des sites pour jouer
11:23en ligne, mais pas sur des contenus pornographiques.
11:25Alors, le phénomène
11:27de la soumission chimique,
11:29c'est aussi le fil conducteur
11:31de ce procès, puisque Gisèle a été
11:33soumise à une soumission
11:35chimique pendant près de dix ans par son mari.
11:37Pourquoi c'est si peu connu,
11:39si peu combattu en France,
11:41les médicaments comme mode opératoire ?
11:43C'est-à-dire ceux qui se trouvent dans notre pharmacie, clairement.
11:45Oui, pour cette même raison,
11:47comme vous l'avez dit, Gisèle Pellicot
11:49n'a pas le souvenir
11:51de ce qui s'est passé, donc par définition
11:53elle n'a pas pu aller dénoncer
11:55les crimes qui ont
11:57été commis à son encontre. Il y a aussi
11:59un certain nombre de victimes qui, elles,
12:01ont une
12:03mémoire qui a été
12:05altérée par ces médicaments, donc ont
12:07des bribes, on va dire, de souvenir,
12:09mais ne le souviennent pas
12:11dans le détail de ce qui s'est passé.
12:13Et il y a aussi un autre phénomène,
12:15parfois des victimes qui sont
12:17endormies avec l'impossibilité
12:19de réagir, mais qui, elles, sont
12:21conscientes de ce qui se passe. Et il y a une
12:23honte, malheureusement, énorme
12:25de la part de certaines victimes.
12:27Il faut vraiment que ça change, et je pense que ce procès
12:29permet aussi à ces victimes
12:31de se dire, bah oui, il y a des choses
12:33qui existent, il y a des organismes qui existent,
12:35on peut aussi faire des prélèvements,
12:37des prélèvements de cheveux, où on va remonter
12:39sur plusieurs mois, voire plusieurs années,
12:41pour voir si on a eu un soupçon
12:43à un moment d'avoir été droguée,
12:45si c'est réel. Donc, malheureusement,
12:47c'est un sujet qu'on connaît très peu,
12:49et je pense qu'on va
12:51le voir se développer
12:53dans les années qui viennent, de nombreux
12:55cas. Alors ce procès, il a mis en lumière
12:57une triste réalité. Tous les hommes accusés dans
12:59ce procès ont presque tous nié systématiquement
13:01leurs actes, même
13:03confrontés à des preuves accablantes.
13:05Ça souvient une question cruciale,
13:07c'est d'abord le rôle des hommes dans l'accompagnement
13:09des victimes de violences
13:11sexuelles, leur rôle
13:13en tant que cahiers,
13:15qu'on espère nous toutes
13:17assez fortement.
13:19D'après vous, quel rôle ces hommes
13:21doivent jouer dans la lutte contre les violences sexuelles,
13:23comment on peut à la fois les responsabiliser,
13:25pour ceux qui ne
13:27reconnaissent pas la gravité des faits,
13:29mais aussi en les embarquant pour devenir
13:31des alliés actifs ?
13:33Si on pense évidemment aux hommes
13:35dans la population française, pas
13:37de ces accusés, mais
13:39je pense que là, pour la première fois, il y a eu une réaction
13:41un peu épidermique
13:43de la part des hommes qui
13:45se sont dit finalement, c'est hallucinant
13:47ce cas,
13:49ce procès et cette affaire Mazan.
13:51Et puis il y a eu,
13:53pour une fois, on n'a pas eu
13:55ce phénomène qu'il y a d'habitude, c'est-à-dire
13:57de ne pas croire les victimes
13:59et de penser que des victimes
14:01peuvent aller accuser des hommes
14:03à tort. On sait très bien, il n'y a pas des hordes
14:05d'hommes qui croupissent en prison parce que des femmes
14:07les y auraient envoyées
14:09et donc il faut arrêter vraiment
14:11avec ce mythe des
14:13fausses accusations. C'est moins de
14:152%
14:17par rance qui est à peu près la même chose que les autres
14:19crimes et délits. Donc les femmes n'ont rien
14:21à gagner, elles ont tout à perdre en
14:23allant dénoncer les crimes
14:25sexuels dont elles ont
14:27été victimes. Donc
14:29voilà, pour la première fois, ces
14:31hommes se sont aussi dit que
14:33la réalité était tellement
14:35évidente qu'il fallait bien sûr croire
14:37Gisèle Pellicot. Et puis ils se sont
14:39confrontés à l'horreur. Donc on a
14:41quand même aussi beaucoup d'hommes qui ont pris la parole sur ces
14:43sujets. On espère que ça sera un choc
14:45et qu'ils vont se mobiliser aussi pour l'avenir et
14:47qu'ils vont avoir aussi compris un certain nombre
14:49de phénomènes. Et j'espère d'ailleurs
14:51que le livre sera beaucoup lu
14:53par les hommes parce qu'évidemment, malheureusement
14:55pour beaucoup
14:57de femmes, elles savent de quoi on parle.
14:59Gisèle Pellicot est devenue un symbole
15:01de la lutte contre les violences sexuelles.
15:03Sa force, sa détermination a été
15:05saluée unanimement en France.
15:07La BBC l'a distinguée, je l'ai dit tout à l'heure, parmi
15:09les 100 femmes les plus influentes de l'année.
15:11Cependant, il y a un débat un peu inattendu
15:13qui a émergé au sein des mouvements
15:15féministes. Certains
15:17refuseront de diriger Gisèle Pellicot
15:19en héroïne. Parce que
15:21ce débat, c'est un débat autour
15:23de la question du discrédit
15:25d'autres victimes qui n'auraient pas
15:27ou qui ne pourraient pas, qui ne seraient pas
15:29à même d'avoir les mêmes réactions
15:31que celles qui ont marqué
15:33ce procès
15:35que Gisèle Pellicot a exprimé.
15:37Quelle est votre vision, vous, sur ce dilemme ?
15:39Écoutez, moi je crois qu'il y a en effet
15:41plusieurs façons d'être
15:43victime. Je veux dire, une victime peut très bien
15:45être en colère, elle pourrait avoir envie d'hurler
15:47comme Adèle Haenel
15:49lors d'un procès, sortir avec
15:51fracas, etc. Bon, je rappelle quand même que
15:53Gisèle Pellicot est sortie une ou deux fois où
15:55elle a entendu des horreurs
15:57en ce qui la concerne.
15:59Là, ce qui s'est passé avec Gisèle Pellicot
16:01c'est absolument unique, puisque évidemment
16:03toute la presse a parlé d'elle, on connaît son
16:05visage dans le monde entier. On a aussi
16:07besoin d'avoir des figures fortes,
16:09des héroïnes,
16:11des icônes, parce que c'est
16:13très compliqué pour toutes les femmes qui sont victimes,
16:15notamment toutes celles
16:17qui n'ont pas réussi à porter plainte,
16:19ou qui n'ont pas eu de condamnation,
16:21les fameuses femmes classées sans suite.
16:23Et donc je pense que c'est très important
16:25aussi d'avoir à un moment donné
16:27une figure qui représente
16:29aussi toutes ces femmes.
16:31Alors la reconstruction après telle violence,
16:33elle semble même parfaitement difficile
16:35et impossible, je dirais même.
16:37C'est un processus, on le sait, profondément complexe.
16:39Ce procès a affecté
16:41toute la famille, comme souvent d'ailleurs.
16:43La famille est profondément affectée par les violences
16:45qui touchent un des membres de cette famille.
16:47En l'occurrence, les trois enfants
16:49Caroline, David et Florian
16:53et leurs épouses étaient au procès.
16:57Les épouses de Dorian
16:59et de Florian ont elles-mêmes été photographiées,
17:01comme Caroline.
17:03Sur ces faits, l'enquête n'a retenu que
17:05la captation et la transmission des images.
17:07Dominique Pellicot
17:09n'a rien reconnu.
17:11Pourtant, des questions subsistent.
17:13Est-ce que vous pensez que Caroline
17:15est la victime oubliée de ce procès ?
17:17Est-ce qu'on peut arriver à vivre avec une non-vérité ?
17:19Écoutez, Caroline Darrian,
17:21en effet,
17:23elle l'a dit au procès.
17:25Elle est la grande oubliée, finalement,
17:27de cette affaire. Il y a eu des images
17:29qui ont été retrouvées, mais qui ont été
17:31aussi envoyées sur les sites internet
17:33avec des montages.
17:35Un fameux montage Murphy, quand même assez inquiétant,
17:37où Dominique Pellicot
17:39a des propos absolument ignobles
17:41concernant sa femme et sa fille.
17:43Enfin, son ex-femme et sa fille.
17:45Donc, on peut absolument comprendre
17:47qu'elle a cette conviction
17:49profonde d'avoir été
17:51abusée,
17:53aussi, et violée par son père.
17:55Parce que ces photos, il faut quand même bien
17:57s'imaginer comment elles ont été prises.
17:59Elle a été déshabillée,
18:01etc. Qu'est-ce qui s'est passé ?
18:03Il a toujours nié
18:05les faits, mais Caroline,
18:07elle, elle a décidé de s'engager
18:09et
18:11de travailler sur la question
18:13des violences sexuelles, et plus particulièrement
18:15de la soumission chimique avec une association
18:17qui s'appelle Mandorpa.
18:19Donc, elle a un combat qu'elle va porter
18:21désormais pour, je pense, les années à venir.
18:23Et elle représente aussi toutes
18:25ces victimes qui n'ont pas eu l'épreuve
18:27et qui n'ont pas pu voir leur agresseur
18:29condamné.
18:31Et aussi à des victimes de violences
18:33sexuelles, mais aussi les victimes d'inceste.
18:35Merci Cynthia pour cet
18:37entretien et ce partage.
18:39Un livre à lire absolument, un livre pour
18:41comprendre et analyser les processus en oeuvre
18:43dans notre société sur les violences
18:45sexuelles. Le Procès de Mazan, La Déflagration
18:47aux éditions de l'Observatoire.
18:49Merci beaucoup Muriel.