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Mardi 6 mai 2025, retrouvez Nathalie Moureau (Professeur des universités, Université de Montpellier Paul-Valéry) dans ART & MARCHÉ, une émission présentée par Sibylle Aoudjhane.

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00:08Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché, votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13Alors que Donald Trump est président des Etats-Unis depuis plus de 100 jours, nous nous intéressons à l'impact de ce début de mandat sur le marché de l'art.
00:21Nathalie Mouraud qui est professeure en sciences économiques à l'université de Montpellier, Paul Valéry, spécialiste de l'économie et de la culture,
00:28et mon invité pour en parler tout de suite, c'est Art et Marché.
00:35Entre les droits de douane, les incertitudes économiques, le début du mandat de Donald Trump a forcément eu un impact sur le marché de l'art, qu'il soit indirect ou direct.
00:44Et je suis ravie d'être en compagnie de Nathalie Mouraud qui est professeure en sciences économiques à l'université de Montpellier, Paul Valéry, spécialiste de l'économie et de la culture.
00:52Merci beaucoup d'être avec nous.
00:53Merci à vous de m'avoir invitée.
00:54Donc on parlait de conséquences indirectes ou directes, on va commencer par les directs et on parle beaucoup des droits de douane.
01:01Est-ce que c'est ça la principale préoccupation pour l'instant de tous les acteurs du marché de l'art ?
01:07Oui et non.
01:08C'est-à-dire que non dans la mesure où les œuvres d'art ne rentrent pas dans la liste des biens qui sont soumises à ces droits de douane.
01:16Mais oui parce qu'il y a toujours une zone d'incertitude.
01:21Alors déjà il y a une différence entre l'art contemporain et les antiquités ou l'art ancien.
01:25C'est-à-dire que tout le mobilier, les bijoux, etc.
01:28Là ça rentre sous la coupe des droits de douane.
01:30Donc il y a cette première chose, c'est-à-dire que l'art ancien est plus touché, enfin les objets d'art ancien sont plus touchés que les objets contemporains.
01:40Et pour le contemporain se pose cette zone d'incertitude.
01:43Est-ce que c'est une œuvre d'art ou est-ce que c'est aussi un objet qui éventuellement a un usage ?
01:49Donc par exemple si on prend c'est Édouard Gouin qui donne l'exemple des sculptures de la lane.
01:54En disant qu'elles peuvent être très bien qualifiées comme des objets usuels et donc être taxées.
02:01Donc se pose cette question-là.
02:02Et puis autant il paraît assez évident aujourd'hui qu'on sache qu'une œuvre d'art est une œuvre d'art contemporaine même si elle peut être abstraite.
02:10Il y a toujours cette idée avec le célèbre cas de l'oiseau dans l'espace de Brancusi qui à la fin des années 1920 avait été considéré, taxé, arrêté à la douane américaine.
02:23Parce qu'il était considéré comme un objet, une pâle d'hélice ou je ne sais quoi, un objet usuel et non pas une œuvre d'art.
02:29Et donc il y avait eu à l'époque un procès qui a fait énormément de retentissement, qui avait été intenté par Brancusi, qui avait été gagné à l'époque.
02:38Ou se poser la question, est-ce que c'est une œuvre d'art ou non ?
02:43Et puisque à l'époque c'était un peu l'art moderne contre l'art contemporain, l'art devait être nécessairement quelque chose de beau, d'esthétique, avec un certain savoir-faire.
02:54Et l'oiseau de Brancusi ne correspondait pas à ces critères-là.
02:58Et donc il y avait eu énormément de discussions qui étaient complètement assez, quand on les voit aujourd'hui...
03:03Oui, avec le recul, c'est un petit peu délirant.
03:06Délirant, où on posait la question, si vous voyez cet objet dans la rue, est-ce que vous l'appelleriez oiseau ?
03:13Donc finalement, il y avait eu ce débat, on s'était mis d'accord sur le fait que c'était une œuvre d'art,
03:18et on peut se dire que ce débat est dépassé aujourd'hui avec ce qu'on connaît de l'art contemporain.
03:22Mais il y a quand même des questions comme ça.
03:25Ce doute, et notamment, par exemple, la communauté européenne et Bruxelles, il y a eu toute une histoire aussi autour de Dan Flavin et de Bill Viola,
03:35où des œuvres de Dan Flavin sont considérées comme des éclairages, et le matériel de Bill Viola est considéré comme un matériel d'enregistrement.
03:45Même s'ils savent que ce sont des artistes, que c'est de l'art contemporain, comme c'est l'effet qui est diffusé par la lumière, etc.,
03:52eh bien, l'œuvre est axée comme un matériel luminaire.
03:56Donc, on se joue dans la qualification.
03:58Oui, et donc du coup, on peut se dire qu'il peut ressurgir tous ces problèmes-là,
04:02et il y a une zone de flou, d'incertitude qui va faire que peut-être que les marchands vont plus hésiter à envoyer certaines œuvres plutôt que d'autres.
04:11Et il y a aussi également ces politiques douanières qui touchent beaucoup plus fortement la Chine.
04:16Est-ce que ce genre de politique, c'est assez fort pour repenser un peu l'échiquier du marché de l'art ?
04:25Parce que c'est vrai que c'est très polarisé, Chine, États-Unis, New York aujourd'hui.
04:29Est-ce que ce sont ce genre de politique qui peuvent complètement modifier ces polarités ?
04:37Est-ce que ça peut avoir un impact assez fort par rapport à l'Europe, par rapport aux pôles ?
04:41Justement, par exemple, il y avait à Dubaï où de plus en plus de personnes vont dans d'autres pays pour participer aux foires, etc.
04:49Est-ce que les politiques de Trump peuvent avoir assez d'impact pour peut-être changer un peu l'échiquier mondial du marché de l'art ?
04:58Alors ça, on n'en sait rien, parce que ça va dépendre des anticipations des agents, de leurs réactions.
05:03Et il peut y avoir plein de choses qui se passent.
05:05Je vais répondre à votre question sur les équilibres.
05:07Mais par exemple, dans ces droits de douane, ce qui compte, c'est l'origine.
05:15Où est-ce que ça a été fait ?
05:17Évidemment, peut-être qu'il va y avoir plus de résidences d'artistes qui vont se passer aux États-Unis.
05:21À ce moment-là, les oeuvres seront créées aux États-Unis, elles ne seront pas soumises à des droits de douane.
05:25Ça peut être des ajustements qui se font comme ça, dont on ne peut pas préjuger au départ.
05:30Après, sur les équilibres mondiaux, par rapport aux foires, il y a plus de foires en Europe qu'aux États-Unis.
05:38Il est clair que participer à une foire aux États-Unis, si on importe du matériel divers et varié, ça va coûter plus cher.
05:46Et déjà, aujourd'hui, les galeries se posaient des questions en disant que participer à des foires, c'est de plus en plus coûteux.
05:51Donc, il peut très bien y avoir un basculement des foires, plus en Europe, plus en Asie, que vers les États-Unis.
06:00De la même façon, on peut très bien avoir des galeries qui choisissent plus de s'implanter en Asie qu'aux États-Unis.
06:07Et dans les galeries françaises, il y a des galeries qui ont déjà, quand elles ont ouvert des antennes à l'étranger, décidé de s'implanter plus en Asie.
06:13Ça a été le cas de Perrotin, de Magda Danis, ou en Corée.
06:19Il y a beaucoup de galeries qui ont déjà fait ce choix.
06:23Donc, ça peut s'accentuer.
06:25Après, sur le marché de l'art, il est clair que parmi les collectionneurs, les collectionneurs américains, sont beaucoup plus nombreux dans les grands collectionneurs américains.
06:33Leur poids est très fort sur le marché international.
06:36Et ça va poser des questions par rapport à l'ensemble du marché.
06:41Mais il peut y avoir aussi les collectionneurs asiatiques.
06:45C'est-à-dire qu'on peut avoir un resserrement du marché vers le marché européen aussi, de toute façon.
06:50Ça peut rebattre les cartes, effectivement.
06:53Mais on ne peut pas le préjuger en amont.
06:56Parce que c'est vrai que, de toute façon, aujourd'hui, le marché américain est très dominant sur la scène internationale.
07:01Et même si on regardait uniquement en imaginant que ça se porte aussi sur les artistes vivants.
07:10Si on regarde sur la scène internationale, les artistes français ont une reconnaissance en termes d'exposition, etc. à ses conséquences.
07:19Mais leur poids en termes économiques est très faible.
07:22Ils sont moins chers que les autres artistes à qualité artistique équivalente.
07:25On pourrait se dire que c'est le jackpot pour les Français.
07:29C'est-à-dire que même avec les droits de douane, ils voudront moins cher.
07:33A la limite, le poids des droits de douane sera moins important pour eux que pour un Allemand ou pour un Britannique.
07:40Donc, finalement, ça peut être favorable aux artistes français.
07:44Puisqu'ils sont moins chers à l'heure actuelle.
07:46Mais, évidemment, ce n'est pas ce qu'on attend.
07:49Mais il y a tellement d'incertitudes là-dessus qu'on ne peut pas savoir, en fait.
07:52Justement, vous avez prononcé le mot incertitude.
07:54Et j'imagine que c'est aussi un des effets indirects des politiques de Trump.
08:00C'est justement cette incertitude.
08:01Est-ce que ça a forcément un impact, que ce soit positif ou négatif, peut-être sur les collectionneurs
08:06qui voudront peut-être acheter maintenant ou alors sont vraiment dans une attitude d'attentisme ?
08:13Alors, aujourd'hui, ils sont plutôt dans l'attentisme.
08:15En fait, d'ailleurs, si on regarde, c'est ça, il y a des chiffres.
08:19Enfin, si on prend les très riches collectionneurs.
08:21Oui, high net worth.
08:23Voilà, toujours les mêmes.
08:24Alors, sur le marché, ce qu'a montré le rapport de Macandreau, c'est que le haut du marché se casse très clairement la figure.
08:29Le rapport Arbazel.
08:31Très clairement, le haut du marché, les chiffres ont chuté sur les enchères très, très, très élevées.
08:37Et cela même, en même temps, le marché des oeuvres à moins de 50 000 euros, lui, a augmenté.
08:44Mais le haut du marché a chuté alors même que le nombre de très riches collectionneurs a augmenté dans le monde.
08:52Donc, ce n'est pas parce qu'il y a beau avoir plus de milliardaires et plus de riches collectionneurs,
08:57le fait qu'il y ait une incertitude, ça crée un attentisme et une certaine crainte.
09:01Et cette montée de l'incertitude, c'est vraiment un élément central aujourd'hui dans la politique économique chez Trump
09:09et sur le marché de l'art.
09:12D'un point de vue, le FMI calcule un indice d'incertitude dans le monde.
09:19Et en fait, pour ce faire, il regarde dans les rapports économiques qui sont faits par les différents pays,
09:23le nombre de fois où le terme incertitude ou des mots un peu similaires sont employés.
09:29Et je crois qu'il était, si je ne veux pas me tromper, cet indice était au niveau 55 000 environ au moment de la crise Covid.
09:36J'ai regardé hier, il était aux alentours de 75 000.
09:39Donc, on voit bien qu'il y a un niveau très, très élevé.
09:42Et je me suis même amusée à faire la même chose avec le rapport Arbazol,
09:46en regardant le nombre de pages dans le rapport Arbazol et en faisant une recherche rapide avec uncertainties, etc.
09:53Et si je ne prends qu'un certain, je suis à un mot comme ceci, toutes les 8 pages.
10:00Sur un rapport de 200 pages ?
10:01Oui, voilà. Si je rajoute volatilité, je suis à un tous les 4 pages.
10:06Donc, on voit bien que...
10:07C'est une préoccupation extrême.
10:09Il y a une très forte sur le marché de l'art.
10:12Il peut y avoir de l'attentisme.
10:13Alors après, ce qui se passe aussi, c'est que dans les périodes d'inflation,
10:16si les gens sont sur le marché de l'art aussi pour du placement,
10:20il peut y avoir volonté de diversifier ces placements,
10:23puisque la bourse, il y a de plus en plus d'incertitudes sur la bourse.
10:27On ne va pas mettre tous ces oeufs dans le même panier.
10:29Donc, on va équilibrer en allant sur des valeurs plus sûres.
10:32Alors, ça peut être l'or.
10:34Et donc, on diversifie son portefeuille.
10:36Et il peut potentiellement avoir aussi des oeuvres d'art,
10:40mais c'est des biens qui sont moins liquides que d'autres biens.
10:42Et donc, du coup, il y a cet attentisme très fort qui joue.
10:47Il y a aussi des politiques culturelles de Donald Trump,
10:53qui a retiré des subventions, etc.
10:55Est-ce que ça, ça peut avoir un impact in fine, indirect,
10:58sur le marché de l'art ?
10:59Peut-être aussi des institutions, du coup,
11:01qui ne vont plus acheter de collection,
11:03qui n'ont plus développé leur collection, etc.
11:04Alors, ce que vous dites, je ne sais pas...
11:10Il y a plusieurs choses là-dedans.
11:11Il y a à la fois, et vous avez raison de le souligner,
11:14il y a à la fois l'impact direct sur le marché,
11:16c'est-à-dire les oeuvres qui rentrent pour être vendues aux Etats-Unis,
11:18les collectionneurs, etc.
11:19Et au départ, quand Donald Trump a voulu mettre des doigts de douane
11:23sur les autres biens,
11:24c'est pour préserver certains secteurs américains
11:28pour lesquels sa balance commerciale est déficitaire
11:31par rapport aux autres pays.
11:32Pour le marché de l'art, ce n'est pas le cas,
11:34à part pour l'art ancien,
11:35mais pour le marché de l'art contemporain,
11:37c'est largement excédentaire.
11:39Mais le problème qui se pose pour le monde de l'art,
11:42c'est que c'est pour l'écosystème de l'art contemporain,
11:46c'est pour tout ce qui est exposition,
11:48pour toutes ces choses-là.
11:50Et donc, du coup, effectivement,
11:51les oeuvres d'art vont avoir beaucoup plus de mal
11:53à rentrer sur le continent américain
11:55parce que chaque fois, ça va être taxé
11:56puisque aux Etats-Unis, il n'y a pas le même système
11:58que ce que nous avons en France
12:00où il y a un système où les oeuvres à admission temporaire,
12:05c'est-à-dire que les oeuvres qui sont conduites à ressortir
12:08ne sont pas taxées alors qu'aux Etats-Unis,
12:09dès lors qu'une oeuvre rentre, elle est taxée.
12:12Si elle ressort, on reverse le montant.
12:15Mais donc, il peut y avoir toutes ces conséquences-là
12:17par rapport à ce système d'exposition
12:21et puis, par exemple,
12:23oui, oui, qui peuvent avoir des conséquences très négatives.
12:25Ça, c'est la première chose.
12:26Deuxième chose, ce que vous dites
12:28par rapport au secteur culturel,
12:30et on l'a vu hier avec ce qui est ressorti,
12:34on voit tous les films qui sont taxés à plus de 100%.
12:37On ne s'est pas encore fait, mais il en parle.
12:39Et là, il s'attaque à un sacro-saint élément
12:43où, depuis la Seconde Guerre mondiale,
12:46avec les accords du GATT,
12:49il y avait le principe d'exception culturelle
12:50où tous les biens culturels en Europe
12:53n'étaient pas soumis aux mêmes règles
12:58que les autres biens.
13:00Et il y avait une exception
13:01pour pouvoir avoir des quotas, etc.
13:04Hier, il s'est attaqué aux films.
13:08Et en Europe, c'est vrai que, par exemple,
13:10dans le cinéma français,
13:11il y a le système de subventions croisées
13:14entre la télévision et puis même aussi Netflix
13:17qui finance le cinéma français, etc.
13:19Ça va apporter un coût terrible.
13:21Et s'il le fait pour ces industries culturelles-là,
13:25il peut très bien le faire après pour le marché de l'art.
13:29C'est-à-dire que ça va avoir des répercussions également.
13:32On va avoir des effets boules de neige.
13:37Super, merci beaucoup.
13:38Nathalie Moureau, je vous rappelle que vous êtes professeure
13:40en sciences économiques à l'Université de Montpellier.
13:42Paul Valéry, spécialiste en économie, la culture.
13:44Merci beaucoup de nous avoir donné tous ces détails.
13:46Peut-être que vous reviendrez dans quelques mois
13:48si tout cela a évolué.
13:50Merci à vous tous et à tous de nous avoir suivis.
13:52C'était Arrêt Marché.
13:53Merci.