Anne Fulda reçoit Etienne de Montety pour son livre «La douceur» dans #HDLivres
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00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Etienne de Bantetti.
00:01 Alors, vous êtes journaliste, vous êtes écrivain.
00:04 Votre précédent roman, La Grande Épreuve, avait reçu le grand prix
00:08 du roman de l'Académie française.
00:10 Et là, vous venez de publier La Douceur et c'est paru chez Stock.
00:13 Un très beau roman, l'histoire finalement d'une renaissance,
00:17 d'un retour à la vie, notamment grâce à La Beauté des Fleurs.
00:22 Alors, il y a un livre qui est bâti autour d'une figure centrale,
00:27 celle de May Decaux, une femme que le narrateur,
00:30 qui est journaliste spécialisé dans l'art de vivre,
00:33 découvre en marge d'une manifestation dédiée aux fleurs en Australie.
00:38 C'est une femme qui a été visiblement inspirée d'un personnage
00:43 qui a existé, à qui vous dédiez le livre, d'ailleurs.
00:45 Oui, c'était une femme belge, Lily Gerlach,
00:48 qui avait eu cette histoire affinement extraordinaire
00:51 d'avoir été déportée pour fait de résistance et qui s'était reconstruite
00:55 après la guerre en s'investissant, en s'engageant dans la promotion
00:59 de la rose dans le monde, à la tête de la Fédération internationale
01:02 des Sociétés de Rose, qui est un univers merveilleux
01:05 où des passionnés du monde entier s'occupent de la rose,
01:09 de la culture de la rose, du développement de la rose.
01:12 Et c'est un monde merveilleux qui m'a paru une réponse extraordinaire
01:16 à l'horreur qu'elle avait connue à Ravensbrück.
01:19 Alors, votre héroïne May Decaux est président
01:23 de la Fédération internationale de la rose également,
01:27 mais elle dissimule aussi son passé
01:32 et notamment ces années qu'elle a passées en détention à Ravensbrück.
01:35 Oui. C'est ça.
01:37 Donc, elle a du mal à en parler.
01:39 Et justement, ce journaliste et une autre journaliste allemande
01:41 vont l'encourager à parler.
01:43 C'est ça. C'est-à-dire qu'on a découvert qu'effectivement,
01:47 pour beaucoup de déportés, l'après-guerre avait été difficile,
01:49 le témoignage avait été difficile.
01:51 Et donc, j'ai construit ce livre autour de la difficulté d'un côté
01:56 de témoigner, de rapporter ce que May avait vécu.
01:58 Et puis, de la part des jeunes journalistes qui sont une génération
02:01 après celle de May, l'envie de savoir,
02:04 la question de la transmission aussi entre les deux,
02:06 les relations qui peuvent exister entre un homme et une femme
02:10 dans ce rapport à la transmission entre deux générations.
02:13 Et puis, une des deux journalistes est allemande.
02:17 C'est aussi la discussion que moi, j'ai connue entre
02:21 un déporté français et puis un allemand,
02:24 en l'occurrence une allemande, pour cette espèce d'absolution symbolique
02:28 qui peut exister entre la souffrance vécue par un déporté
02:31 et puis ce mal mystérieux qui s'était emparé de l'Allemagne.
02:33 Alors, votre héroïne se laisse convaincre.
02:36 Elle accepte de raconter et dans ce qu'elle raconte,
02:39 on voit que se côtoie, comme dans d'autres récits d'ailleurs,
02:42 d'une certaine façon, le sublime d'une humanité
02:46 qui peut se montrer fraternelle et généreuse.
02:49 Et l'horreur de monstres comme la personne qui s'occupe
02:53 qui est en charge du camp de Ravensbrück.
02:56 Oui, ça se côtoie.
02:58 Voilà, je l'ai lu, découvert dans les témoignages de déportés
03:02 où effectivement, ils ont vécu
03:04 le plus magnifique de la fraternité entre déportés.
03:08 Et puis, mystérieusement, il y avait le mal dans le mal.
03:10 La vie entre déportés pouvait être très dure avec l'encadrement
03:15 aussi des scènes d'une très grande brutalité de la part de gens
03:19 qui pouvaient d'ailleurs, à l'extérieur du camp,
03:20 probablement mener une vie de famille, une vie normale.
03:23 C'est tout ce désordre de l'humanité dont ont témoigné
03:28 les gens qui sont revenus de Ravensbrück
03:31 ou pour les hommes de Buchenwald.
03:33 Et ça m'a intéressé d'essayer de rapporter le plus précisément possible
03:37 cette expérience extrême dans tous les sens
03:40 que les déportés ont vécu et qui a expliqué, évidemment,
03:46 la difficulté qu'ils ont eue à se reconstruire parce que
03:50 en quelque sorte, les critères qu'on a de l'humanité avec la fraternité,
03:55 la solidarité, etc.
03:57 Tout ça était très brouillé.
03:58 Des gens qui avaient tout pour être bien, entre guillemets, étaient des monstres.
04:01 Des gens qu'on n'avait pas appris à aimer ou à considérer devenaient
04:05 des gens formidables.
04:07 Cet espèce de brouillage des repères qui a rendu difficile...
04:10 Une réévaluation.
04:11 Une réévaluation complète.
04:12 D'ailleurs, par exemple, elle évoque la figure d'une certaine
04:15 Renée, une communiste qui a été à ses côtés,
04:20 qui est morte à ses côtés.
04:22 Et après, elle raconte pourquoi lorsqu'elle se marie,
04:24 c'est assez frappant.
04:26 Cette scène, elle ne supporte pas que son mari s'endorme à côté d'elle
04:31 parce qu'elle a toujours ce souvenir.
04:33 Voilà.
04:34 Les déportés avaient des retours, des images,
04:39 des cris qui faisaient que leur vie était en apparence paisible
04:41 et qu'en réalité, ils vivaient des cauchemars, ils ressentaient des cauchemars.
04:45 Et cette humanité blessée, et en l'occurrence,
04:48 ça m'a beaucoup intéressé, cette féminité blessée aussi,
04:50 a été quelque chose que les femmes ont gardé pour elles
04:53 et dont elles ont pu témoigner par bribes.
04:55 Et ça, j'avoue que c'est quelque chose qui, de manière romanesque,
04:58 autant qu'on puisse approcher ce mystère, m'a beaucoup intéressé.
05:02 Je l'ai exploré autant que j'ai pu.
05:03 Et vous le faites très bien.
05:04 Et d'ailleurs, il y a aussi des figures qui apparaissent comme ça,
05:07 comme des lumières.
05:08 Vous évoquez la figure du docteur Kersten, qui est celui qui a
05:11 inspiré Kessel dans les mains du miracle.
05:14 Et c'est celui qui, grâce à qui, Medeco a eu la vie sauve, en fait.
05:18 Oui, et il a sauvé effectivement beaucoup de femmes de Ravensbrück,
05:21 je crois un millier, parce qu'il a obtenu de Himmler,
05:25 contre des soins, puisqu'il était ostéopathe.
05:28 Il a obtenu que la Croix-Rouge rentre dans Ravensbrück
05:34 avant terme, avant la libération du camp.
05:36 Et il a sauvé beaucoup de femmes, dont certaines étaient à l'agonie.
05:40 Elles ont été emmenées en quelques heures en Suède et elles ont été sauvées.
05:43 C'est un bienfaiteur de Ravensbrück.
05:45 Et en hommage à une femme que j'ai connue et qui donne l'origine de ce livre,
05:49 j'ai voulu rendre hommage à Kersten, qui a été un bienfaiteur.
05:53 Oui, qui est une très belle figure aussi.
05:55 Oui, alors bon, on n'a pas le temps de revenir sur tout,
05:58 mais il y a aussi l'évocation de l'existence d'une résistance
06:02 des châteaux à Ravensbrück.
06:04 C'était des personnes qui étaient incarcérées,
06:06 enfin, pas incarcérées, mais qui étaient en détention dans ces camps
06:10 parce qu'elles avaient fait de la résistance.
06:12 Elles savaient que, même si c'était dur, c'était le prix qu'elles avaient payé
06:15 contre la résistance et elles admirent beaucoup et elles souffraient beaucoup
06:18 pour leurs amis juifs qui, elles, avaient été arrêtés
06:23 et elles étaient inquiétées et persécutées
06:27 uniquement parce qu'elles avaient été repérées à cause de leurs origines juives.
06:31 En tout cas, c'est un très beau livre, vraiment un très beau livre
06:34 qui n'est pas pesant, c'est-à-dire qu'il y a des moments, évidemment, douloureux,
06:38 mais il y a aussi des éclairs de lumière.
06:41 Donc, je vous conseille vraiment de le lire.
06:43 Ça s'appelle "La douceur", vous comprendrez pourquoi en le lisant.
06:46 Un joli titre. C'est paru chez Stock. Merci, Etienne de Montaity.
06:49 Merci, Anne.
06:50 [Musique]
06:53 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]