L'Heure des Livres : Anne de Guigné

  • l’année dernière
Anne Fulda reçoit Anne de Guigné pour son livre «Ils se sont si souvent trompés»  dans #HDLivres

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Transcription
00:00 Bonjour Anne Delguigny, vous êtes grand reporter au Figaro, vous êtes spécialiste
00:04 d'économie et vous venez de publier "Ils se sont si souvent trompés" et c'est paru
00:09 aux éditions du Rocher.
00:10 Alors, c'est le récit de dix grandes erreurs de politique économique commises
00:15 depuis l'empereur Dioclétien jusqu'à aujourd'hui.
00:19 Alors, c'est un livre qui est passionnant, foisonnant d'images et d'exemples,
00:24 mais qui n'est pas franchement rassurant.
00:26 Alors, vous écrivez en effet, malgré la mondialisation, la financiarisation,
00:29 les révolutions technologiques de siècle en siècle, les politiques tentent à
00:32 trébucher inlassablement sur les mêmes écueils.
00:35 Ils minimisent les contraintes externes, les réactions des agents économiques
00:38 ou les risques d'inflation.
00:39 Alors, comment expliquez-vous cette incapacité à prendre en compte ce qui
00:44 s'est passé avant, les erreurs d'avant ?
00:46 En fait, je crois que moi, ce qui m'a touchée dans ce livre, c'est que ça en dit
00:50 long sur la nature humaine.
00:51 Sur l'économie, ça peut avoir l'air comme ça très quantitatif, très technique,
00:55 mais au fond, c'est assez simple.
00:56 C'est la manière dont on organise la production dans une société.
01:00 Et puis, les circuits d'épargne, si on simplifie.
01:02 Et on voit en fait, par rapport justement à l'inflation qui nous touche
01:06 aujourd'hui, et c'est mon premier exemple, comme au temps de l'Empire romain,
01:09 il y a la même crainte tout simplement de ne pas pouvoir nourrir sa famille.
01:12 Et du coup, la tentation de dire on va fixer les prix au maximum,
01:17 comme ça, on va rassurer la population.
01:19 Et ça en dit long en fait sur les politiques, leur envie, cette envie un peu
01:23 de démagogie.
01:23 Orban, par exemple, vient de le faire, de fixer les prix, mais aussi sur la nature
01:28 humaine et des souhaits de la population qui veulent, qui cherchent des solutions
01:33 très simples. Alors qu'en fait, bien souvent, surtout l'économie,
01:37 il y a toujours des effets de bord qui se contredisent selon le contexte.
01:41 Tout est différent. Et c'est pour ça, je pense que ces erreurs reviennent
01:43 tout le temps. C'est que vous avez une telle demande en face que les politiques,
01:48 souvent, ils savent bien que ça ne va pas marcher.
01:50 Mais sur le court terme, ils ont...
01:53 - D'orgueil parfois, de mesuret, d'aveuglement aussi.
01:55 - D'orgueil, oui.
01:56 - D'idéologie parfois.
01:57 - D'idéologie, j'ai pas traité dans mon livre, voilà, pour le coup, tous les
02:00 délires complètement totalitaires, ceux-là, on aurait pu...
02:02 On pourrait faire d'Itom, d'Itom, mais il y a une question, oui, parfois,
02:06 d'orgueil. Si on a l'exemple, par exemple, des monnaies qui sont trop évaluées.
02:10 Eh bien, c'était le cas après la Première Guerre mondiale de toutes les
02:13 monnaies européennes et particulièrement de la livre de Churchill.
02:17 Il le sait bien.
02:18 - Parce que même les grands hommes se trompent.
02:19 Effectivement, vous parlez de Churchill, qui, au lendemain de la Première Guerre
02:22 mondiale, alors qu'il n'est pas Premier ministre, décide de surévaluer la
02:26 livre britannique. - Voilà, il est ministre des finances.
02:28 Et là, c'est intéressant comme erreur parce qu'il le sait bien qu'il est en
02:31 train de se tromper. Il a dîné avec Keynes.
02:33 Keynes lui dit, c'est une énorme erreur.
02:35 - Le grand économiste. - Voilà, le grand économiste.
02:36 Lui-même, il a écrit juste avant de prendre cette décision.
02:40 "J'ai peur de couler l'industrie au profit de la finance", ce qui s'est
02:43 exactement passé. Mais il a une telle pression de tous côtés.
02:46 Et puis, au fond, et c'est ça que je veux me dire dans l'économie, on sait
02:49 jamais vraiment, ce sera malentendu si l'environnement changeait un peu.
02:52 C'est ça qui est sympa dans l'économie.
02:54 Et d'ailleurs, pourtant, aujourd'hui, les grandes théories ne marchent plus
02:57 tellement. C'est en fait tout.
02:58 Il faut être très pragmatique selon l'environnement.
03:00 Vraiment, il faut tester.
03:02 Il faut tester des choses.
03:03 Et puis, selon l'environnement, selon une politique, va marcher ou non.
03:08 - Il y a l'auteur Nicolas Premier aussi, qui décide sciemment de freiner
03:14 la marche de l'industrialisation.
03:15 C'est aussi un choix assez étonnant.
03:18 - C'est un autre sujet qui nous parle aussi aujourd'hui.
03:20 C'est la peur de l'innovation.
03:22 Nicolas Premier est terrifié par toutes les révolutions libérales qui
03:25 viennent d'Europe. Et il a une idée géniale, c'est de dire le libéralisme,
03:28 voire le socialisme, naît dans les usines.
03:30 Donc, on ne va avoir aucune usine, donc pas d'ouvriers, pas de mauvaises
03:33 idées de gauche qui pourraient renverser l'empire.
03:35 Et vraiment, il y a des lois qui interdisent la construction d'usines
03:40 autour de Moscou dans les années 49-50.
03:43 On sait comment ça s'est terminé.
03:44 Du coup, ils ont dû réindustrialiser extrêmement rapidement à la fin du
03:47 19e et puis 1905, la révolution énorme.
03:51 Et aujourd'hui, ça nous fait penser peut-être à la peur devant
03:54 l'intelligence artificielle, Chad J. Petty.
03:55 Evidemment, ça fait peur.
03:57 Je ne dis pas que c'est facile, mais l'interdire, comme l'a fait, par
04:00 exemple, le Cunil italien, ça semble complètement absurde.
04:03 On ne peut pas interdire l'innovation.
04:04 Ça ne me paraît en aucun cas la bonne solution.
04:07 - Alors, nos dirigeants actuels, visiblement, n'ont pas tiré les leçons
04:11 du passé. Même Emmanuel Macron n'a pas regardé l'exemple de Dioclétien,
04:15 puisque il y a un contrôle des prix sur l'essence, par exemple.
04:18 - Voilà, il a...
04:18 - On terminera là-dessus.
04:19 - Voilà, et là, ça, c'est typique.
04:21 Il y a aussi une demande sociale, une grande peur des gens de ne plus
04:26 pouvoir prendre leur voiture.
04:27 Ils le savent bien.
04:28 Moi, je subversifie, ils le savent bien que c'est une mauvaise mesure.
04:30 Il n'y a personne qui prétend que c'est une bonne mesure économiquement.
04:33 Ça, c'est une mesure politique pour essayer de calmer le jeu.
04:37 - En tout cas, vraiment, je vous conseille de lire.
04:39 C'est vraiment passionnant.
04:40 "Ils se sont si souvent trompés", c'est écrit par Anne de Guigny,
04:45 "Fine plume du Figaro" et c'est paru aux éditions du Rocher.
04:48 Merci beaucoup.
04:49 - Merci, Anne.
04:49 - Merci, Anne.
04:50 - Merci.
04:51 [Musique]
04:54 [SILENCE]

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