Cette semaine, la Cour européenne des droits de l’homme a officiellement reconnu Raphaël Halet comme lanceur d’alerte après dix ans de combat. Il était l’une des sources à l’origine des LuxLeaks. Il est notre invité accompagné du journaliste Édouard Perrin.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Le 7 9 30 sur France Inter.
00:06 Sonia De Villers, la vie de votre invité a basculé un soir où il regardait la télé.
00:11 Bonjour Raphaël Allais, soyez le bienvenu.
00:15 Alors, vous, vous étiez le téléspectateur ce soir-là, c'était il y a longtemps, c'était
00:19 il y a 10 ans.
00:20 Et puis à vos côtés, il y a Edouard Perrin.
00:22 Bonjour Edouard.
00:23 Vous, vous étiez le journaliste qui avait signé ce numéro de Cache Investigation qui
00:27 était diffusé sur France 2 et que Raphaël Allais regardait.
00:30 Qu'est-ce qu'il racontait, qu'est-ce qu'elle racontait cette émission ce soir-là, il
00:33 y a 10 ans ? L'émission révélait des milliers de documents
00:38 qui faisaient tas d'accords fiscaux secrets entre le Luxembourg et tout un tas d'entreprises,
00:43 de grandes entreprises mondialisées.
00:45 Donc c'était 350 entreprises qui allègrement échappaient à l'impôt.
00:50 Échappaient quasiment à l'impôt, grâce à des montages très très bien goupillés
00:56 au Luxembourg par l'employeur de Raphaël Allais.
00:59 Alors, comment s'appelait votre employeur Raphaël Allais ?
01:02 PWC Luxembourg.
01:03 Voilà, PWC c'est PricewaterhouseCoopers.
01:05 C'était un très très grand cabinet de conseils, ça l'est toujours, peut-être le premier
01:09 au monde même à l'époque.
01:10 C'est un des quatre grands je pense.
01:11 Un des quatre grands.
01:12 C'est le multinational du conseil de la comptabilité, de l'audit.
01:16 Voilà, et alors vous Raphaël Allais, vous occupiez à l'époque un poste pas très élevé
01:22 dans la hiérarchie, même plutôt au bas de la hiérarchie.
01:24 Mais il se trouve que ce soir-là vous regardez la télé et vous vous dites "mais moi j'ai
01:29 des documents cruciaux qui passent entre mes mains".
01:31 C'est ça ?
01:32 Tout à fait, en plus je suis, c'est là que je me rends compte que je suis au cœur
01:36 du réacteur nucléaire en fait.
01:37 C'est-à-dire que je suis la petite main mais qui voit passer tous les documents,
01:43 donc le tax ruling, déclaration fiscale, etc. qui fait fonctionner la machine en fait
01:49 de l'intérieur mais qui n'a pas conscience d'où va la machine et de en quoi ça consiste.
01:54 Et c'est justement grâce au travail formidable d'Edouard Perrin qui m'a ouvert les yeux
01:58 en fait, qui a tellement bien fait son travail de journaliste, qui est d'informer, que j'ai
02:04 compris les tenants et les aboutissants de mon métier à ce moment-là et qui m'a provoqué
02:09 une prise de conscience.
02:10 Alors la prise de conscience c'est que d'abord vous tombez de votre canapé et puis ensuite
02:14 vous allez prendre contact tout seul, en secret, courageusement, parce que vous n'aviez pas
02:19 de journaliste dans votre entourage donc c'était la première fois que vous alliez converser
02:24 avec un journaliste.
02:25 Vous prenez contact avec Edouard Perrin de manière anonyme.
02:28 Edouard Perrin, vous recevez des mails d'un certain Save One Million Dollar ? Quelque
02:33 chose comme ça ? Une boîte mail énigmatique ?
02:36 Oui, alors je l'ai déjà raconté, parce qu'on est passés en procès tous les deux
02:40 et que tous ces échanges-là ont été révélés, mais en fait le premier mail que je reçois
02:45 de Raphaël, donc évidemment je ne sais pas qui s'appelle Raphaël, il se prénomme Max,
02:50 moi je suis persuadé que c'est une taupe et qu'en fait c'est ou Price ou d'autres gens
02:55 qui cherchent à savoir si je vais continuer cette histoire, mais en tout cas c'est quelque
02:58 chose dont il faut se méfier au plus haut degré.
03:01 Et donc pendant des semaines comme ça, je vais essayer de le sonder un peu pour savoir
03:06 ce qu'il a vraiment dans les tripes, si c'est vraiment quelqu'un qui est un lanceur d'alerte
03:13 ou si c'est autre chose.
03:14 En fait, vous faites votre boulot, c'est-à-dire est-ce que c'est une source fiable ou est-ce
03:18 que je suis en train de me faire balader, de me faire manipuler ?
03:21 Et on finira par se rencontrer, parce que je réclame une rencontre physique pour un
03:25 peu voir de quoi il retourne et c'est à partir de là seulement qu'on va commencer à échanger.
03:33 Le choc du jour, ce sont ces milliards d'euros qui échappent au fisc grâce à une pratique
03:42 tout à fait légale au Luxembourg.
03:43 C'est donc une gigantesque affaire d'évasion fiscale en Europe que révèle un groupe de
03:48 journalistes.
03:49 Amazon, Apple, Ikea, Pepsi.
03:51 Les multinationales négocient en fait directement avec les autorités le montant des impôts
03:55 à payer.
03:56 Et bientôt va éclater un immense scandale, un scandale mondial sur lequel ont travaillé
04:03 des journalistes du monde entier qu'on appelle les LuxLeaks.
04:06 Et là, voilà, arrive au grand jour parce qu'au départ, Edouard Perrin, quand vous
04:11 commencez à travailler sur ces affaires d'évasion fiscale, ça ne s'appelle pas encore les
04:14 LuxLeaks.
04:15 C'est ça.
04:16 Et les documents que vous avez transmis à Edouard Perrin sont au cœur de cette enquête,
04:23 Raphaël Allais.
04:24 Tout à fait.
04:25 Je crois qu'il a fait un excellent casse-sans-excavation, un deuxième à partir notamment de ces révélations.
04:28 Je crois qu'il y a eu des redressements fiscaux aussi par la suite de Société.
04:34 Et c'est quand le scandale éclate, comme vous dites, en 2014, c'est un bouleversement
04:41 parce que c'est le départ de beaucoup de choses.
04:43 C'est le départ, un peu plus tard, d'une procédure judiciaire.
04:46 Mais c'est aussi le départ d'une nouvelle manière de travailler pour les journalistes,
04:49 je pense, en travaillant en groupe, en travaillant en consortium, qui se reproduira par la suite
04:55 avec les Panama Papers, Pandora Papers et autres.
04:57 Et c'est surtout, je pense, le plus important, c'est que toutes les informations sont mises
05:04 sur la table, sont enquêtées, sont documentées.
05:06 On sait maintenant quelles sociétés sont concernées, pour quel montant, etc.
05:10 - De ce point de vue-là, c'est un succès.
05:12 Mais pour vous, vous, vous Raphaël Allais, vous l'employé de bureau, PricewaterhouseCoopers
05:19 va immédiatement déclencher des enquêtes internes.
05:22 Évidemment, l'entreprise veut savoir qui parle, d'où viennent les fuites.
05:27 Et là, qu'est-ce qui se passe pour vous ?
05:29 - Il se passe plusieurs choses, plusieurs événements.
05:31 C'est que notamment, suite à une enquête interne, comme vous dites, il me trouve, il
05:35 y a une sorte de perquisition civile, entre guillemets, par une procédure civile en France,
05:40 et non pas pénale au Luxembourg, comme pour l'autre lanceur d'alerte.
05:43 - Vous, vous êtes français.
05:44 - Moi, je suis français.
05:45 - Et vous vivez en France, en Lorraine.
05:47 - En France, en Lorraine, près de Luxembourg.
05:49 Et donc, cette perquisition, c'est un peu une perquisition à l'envers.
05:53 C'est qu'ils connaissent le journaliste Edouard Perrin et ils cherchent à savoir ou à vérifier
05:56 qui est leur source.
05:57 Ce qui est déjà une atteinte au secret des sources.
06:00 La présidente du tribunal de grande instance de Metz a déjà une ordonnance pour venir
06:04 à faire cette perquisition, entre guillemets, chez moi.
06:07 Elle reconnaîtra par la suite, dans "Envoyé spécial" à France 2, que c'était une erreur,
06:11 que c'était à refaire, elle le ferait pas.
06:13 - Oui, parce que "Envoyé spécial", c'est pencher sur votre vie, Raphaël, sur ce que
06:18 vous avez vécu.
06:19 Et "Envoyé spécial" a recueilli le témoignage de votre épouse, qui raconte le jour de cette
06:25 perquisition.
06:26 Elle, elle en parle, c'était en 2015, comme d'un vendredi noir.
06:30 On l'écoute.
06:31 - Moi, je suis tombée de 18 étages.
06:33 J'ai tout appris de...
06:35 Brutalement, c'était horrible.
06:37 Ils avaient un gros classeur.
06:39 Ils ont ouvert le classeur.
06:41 Ils avaient des photos de nous, même de notre mariage.
06:43 J'ai pas compris.
06:44 Je dis mais qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi vous nous avez espionné comme ça ? On le
06:50 tutoie.
06:51 On le brutalise presque avec les mots.
06:53 "Maintenant, tu nous dis, parce que là, c'est grave."
06:56 Au moment où ils ont commencé à tous se lever avec les ordinateurs, et à ce moment-là,
07:01 ils nous disent "Bah écoute, Raphaël, si tu nous dis pas tout, on te demandera des
07:05 dommages de 10 millions d'euros."
07:07 - 10 millions d'euros.
07:09 Vous avez complètement craqué ?
07:10 - Plus la saisie de la maison, plus énormément de pression par la suite.
07:14 - La saisie de la maison, c'est-à-dire ?
07:16 - Si en fait, quelques jours après, on passe une nuit sur un huissier, avec beaucoup de
07:21 pression, où il faut venir ma femme justement, pour qu'elle fasse ensuite pression sur moi,
07:27 pour qu'on signe un accord employé-employeur.
07:29 Les gens qui ont suivi cette perquisition, entre guillemets, veulent rester dans cet
07:31 esprit-là.
07:32 Je leur dois 10 millions d'euros, plus la saisie de la maison, si je révèle ce que
07:38 j'ai fait, si je continue dans cette démarche.
07:40 - Donc vous voilà enfermé dans le silence.
07:42 - Donc je suis en quelque sorte obligé de signer, sous la pression, puisque, comme ils
07:47 le disent à plusieurs reprises, notamment à mon épouse, si vous ne payez pas, ce
07:52 seront vos enfants, vos petits-enfants qui payeront.
07:54 - C'est ça.
07:55 - Votre père sera, votre mère sera SDF.
07:57 - Mais quand on dit enfermé dans le silence, c'est n'en parler à personne.
08:00 Ni à son frère, ni à sa soeur, ni aux amis, ni à ses parents, à plus personne.
08:05 - Il n'y a que mon épouse, que je n'en remercie jamais assez, qui est au courant et moi.
08:09 Donc c'est un secret qu'on partage à deux pendant un peu plus d'un an.
08:12 - Elle a été solide votre épouse.
08:14 - Elle l'est toujours.
08:15 - Elle a vécu une sacrée histoire, Edouard Perrin.
08:18 - Je crois qu'en fait il y a un détail qu'il faut souligner, c'est que l'autre source
08:22 des Luxleaks, Antoine Deltour, la première, est identifiée.
08:25 - C'est ça qui vous a permis de faire le premier cache-investigation.
08:28 - Exactement.
08:29 Elle, elle est identifiée par les Luxembourgeois très tôt.
08:32 Et ils vont passer par la voie, je vais dire, classique pour essayer de l'attraper, Antoine
08:35 Deltour, ils vont envoyer des commissions régulatoires.
08:37 La première va se perdre, ils vont passer par la justice normale.
08:40 La deuxième finit par arriver en 2014.
08:42 Et donc quand en novembre 2014, Luxleaks est révélée, les Luxembourgeois découvrent
08:49 quoi ? Qu'il y a éventuellement une autre source, puis peut-être une troisième, ils
08:52 ne savent pas.
08:53 Ils sont en panique, ils ne veulent plus passer par la justice normale.
08:55 Donc c'est ce qui se passe, ils vont aller chercher un juge en France, faire une perquisition.
08:59 Raphaël dit une perquisition, c'est pas une perquisition, c'est une ordonnance sur requête
09:02 qu'on utilise en général dans les affaires de contrefaçon.
09:05 Et on va rentrer chez Raphaël, on va lui prendre ses ordinateurs, y compris ceux qui
09:10 ont servi à communiquer avec moi, et c'est comme ça qu'on va l'attraper.
09:13 Hors de tout contradictoire, hors de toute procédure pénale normale.
09:18 Et c'est pour ça qu'il se retrouve dans cette espèce de bulle de silence qui va le
09:22 conduire d'ailleurs à me charger pour mon inculpation.
09:27 Alors voilà, c'est ça qu'il faut raconter.
09:29 C'est que petit à petit s'enchaînent les interrogatoires, arrive le procès, etc.
09:34 C'est-à-dire que vous, votre seule manière de vous en sortir, Raphaël Allais, c'est
09:39 de dire "c'est pas ma faute, tout ça c'est la faute d'Edouard Perre".
09:43 Et moi je n'entends plus parler de lui depuis des mois et des mois.
09:46 On va se retrouver au procès finalement, et c'est là où il va recouvrir sa liberté
09:50 de parole, parce que mon avocate, elle, a découvert l'existence, que les luxembourgeois
09:55 s'étaient bien gardés de révéler, mais qu'ils ont laissé finalement passer, l'existence
10:00 de l'accord confidentiel qui fermait la bouche à Raphaël.
10:02 - Donc le procès, c'est en 2016, c'est à la cour du Luxembourg, il y a eu un monde
10:06 fou, mais vraiment il y avait un monde fou, il y avait énormément de journalistes, tout
10:10 le monde était là.
10:11 Vous, vous avez donc coupé, Raphaël Allais, complètement coupé les ponts avec le journaliste
10:16 Edouard Perrin, vous donnez plus de nouvelles à personne, vous êtes enfermé dans votre
10:18 bulle de silence, vous l'avez chargé, vous avez dit "c'est de sa faute", non ?
10:22 - Chargé, non, j'ai dû répondre aux questions de la juge d'instruction dans son bureau,
10:27 avec mes avocats d'un côté, les avocats de presse de l'autre, et ce qui est particulier,
10:31 c'est que pour un Luxembourg, les deux parties sont dans le même bureau pendant l'interrogateur
10:34 d'une personne, et que quand je réponds aux questions de la juge, j'ai les deux avocats
10:38 de presse qui sont à un mètre de moi, qui me regardent, et qui me rappellent donc que
10:42 l'accord est toujours valable.
10:43 Donc comment répondre à des questions à une juge auxquelles je veux très bien répondre,
10:46 je suis un citoyen, comme vous disiez, un employé normal, qui prend ses responsabilités,
10:51 mais qu'il y a un accord à un mètre de lui qui dit "10 millions d'euros, ta maison, ta
10:55 vie, tes enfants".
10:56 Vous êtes obligés de répondre en fonction de ces éléments-là ?
11:00 - Oui.
11:01 - Ça se fait en direct, il n'y a pas de brouillon à faire, il n'y a pas de réflexion à avoir,
11:05 ça se fait en direct, c'est très difficile, donc j'en reste au fait.
11:08 Dans cet accord, il y a aussi la condition de ne pas révéler qu'il y a un accord.
11:13 C'est grâce, comme dit Edouard, à son avocate qui, heureusement, révèle ça.
11:18 - Le procès, ça va être un coup de théâtre, c'est-à-dire que le procès devant tout le
11:23 monde, et personne ne s'y attend, vous allez dire "mais je suis obligé de mentir, j'ai
11:27 un accord de confiscinalité, on me menace, j'ai 10 millions de dettes potentielles sur
11:33 les épaules".
11:34 - Oui, mais ce n'est pas moi qui le dis, c'est son avocate, ça change tout.
11:36 C'est une partie tierce qui a pris la formation qui le révèle.
11:39 Moi, je n'ai jamais parlé de l'accord.
11:41 Ça change tout.
11:42 - Heureusement qu'elle était là, parce que c'est elle qui a remis le creusoil dans le
11:45 bon sens en disant, comme vous le dites, dès la première audience "attention, on a un
11:49 souci avant de commencer le procès, c'est que l'accusé n'était pas libre de sa parole
11:53 au moment de son interrogatoire".
11:55 Ah bon, pourquoi ? Il y a un accord, donc tes réponses sont fausses, en quelque sorte,
12:00 sont biaisées.
12:01 Il faut refaire, en quelque sorte, l'interrogatoire sans l'accord.
12:04 Mais là, on est au tribunal, au premier jour.
12:06 - Et à la sortie de ce procès, Edouard Perrin est acquitté, parce que vous, vous jouiez
12:09 gros à ce moment-là, à ce procès en 2016.
12:12 - J'avais quasiment les mêmes chefs d'inculpation, je crois, que Raphaël et Antoine, sauf le
12:19 vol et le recel qui avaient été... qui avaient fait l'objet d'un non-lieu.
12:23 Mais grosso modo, oui, les mêmes.
12:25 Blanchiment, avec théoriquement de la prison, beaucoup d'amendes.
12:30 Non, et puis il ne fallait pas se faire condamner, ce n'était pas possible.
12:35 - Ce n'était pas possible, voilà.
12:36 Donc coup de théâtre en 2016, et après, il est 9h20, vous écoutez France Inter, Raphaël
12:42 Allais, reconnu lanceur d'alerte, enfin, une bonne fois pour toutes, cette semaine,
12:46 dix ans de bataille judiciaire par la justice et mon invité, Edouard Perrin, à ses côtés.
12:53 - Merci.
12:55 (Musique)
12:59 (Musique)
13:02 (Musique)
13:07 (Musique)
13:12 (Musique)
13:17 (Musique)
13:22 (Musique)
13:27 (Musique)
13:30 (Musique)
13:34 (Musique)
13:38 (Musique)
13:42 (Musique)
13:46 (Musique)
13:50 (Musique)
13:55 (Musique)
13:58 (Musique)
14:02 (Musique)
14:06 (Musique)
14:10 (Musique)
14:14 (Musique)
14:18 (Musique)
14:23 (Musique)
14:26 (Musique)
14:30 (Musique)
14:34 (Musique)
14:38 (Musique)
14:42 (Musique)
14:46 (Musique)
14:51 (Musique)
14:54 (Musique)
14:58 (Musique)
15:02 (Musique)
15:06 (Musique)
15:10 (Musique)
15:14 (Musique)
15:19 (Musique)
15:22 - Here come the sun, avec les compliments de Lucie Lemarchand, Edouard Ntela, Grégoire Nicolet, Elisabeth Rouvet, la fantastique équipe du 9h10 et de JB Odibert, Jean-Baptiste,
15:33 de son prénom qui nous aide chaque semaine à choisir les disques, aujourd'hui, les Beatles, Beatles forever.
15:39 - France Inter, le 7 9 30, l'interview de Sonia De Villers.
15:45 - Edouard Perrin a longtemps été journaliste à Première Ligne TV, la maison de production qui fabrique les caches-investigation.
15:52 Maintenant, il est journaliste indépendant et l'investigation, il continue.
15:56 A ses côtés, Raphaël Allais, qui de simple employé de bureau est devenu lanceur d'alerte,
16:03 dont la vie a basculé dans une sorte de cauchemar digne des meilleurs thrillers, on va le raconter,
16:10 et qui, après dix ans de bataille, a enfin été reconnu officiellement par la justice lanceur d'alerte.
16:17 Vous ne pouvez donc plus être inquiété, vous étiez au cœur des révélations d'un immense scandale d'évasion fiscale qu'on a appelé médiatiquement les Lux Lix.
16:26 Raphaël Allais, il faut raconter dans quelle solitude et à quel point on se retrouve démuni.
16:35 - Oui, c'est un peu David contre Goliath, sauf qu'à la fin, on le sait, c'est David qui gagne, heureusement.
16:41 Mais ce que je veux remercier, c'est non seulement les journalistes qui ont fait bien leur travail, il y en a quelques-uns,
16:49 on n'en a pas eu beaucoup au cours de dix ans, Edouard Perrin, Fabien Grasset, notamment, Daniel Israel, Domodé Laparte, l'ont très bien fait,
16:55 ils ont vraiment compris les enjeux, les subtilités techniques, juridiques, les péripéties, parce qu'il y en a eu beaucoup.
17:01 Mais c'est surtout aussi, comme vous dites, quand on est seul face à un monstre, multinational, un État, Luxembourg, c'est un parallèle fiscal,
17:09 on n'a pas toujours l'occasion d'en faire condamner un, donc ça ne se fait pas tout seul.
17:13 Il y a énormément de ce que j'appelle des soutiens anonymes, des gens, des citoyens ordinaires, employés de bureaux, comme vous disiez, comme moi,
17:19 qui nous suivent sur Facebook, sur Internet, et qui ont fait des dons, qui ont fait des messages.
17:25 Certains m'ont dit, des étudiants, je me souviens, ils m'ont dit « je ne peux pas donner plus d'un euro », mais ce genre de personnes,
17:33 deux dons, je les ai refusés, évidemment, eux en ont plus besoin que moi.
17:36 Écoutez, quand Antoine Deltour, qui était la première source de Edouard Perrin pour son enquête pour cage d'investigation, arrive au tribunal,
17:45 il y a carrément des comités de soutien devant le tribunal.
17:49 À Luxembourg, chaque arrivée d'Antoine Deltour au tribunal est rythmée par le chant de ses partisans.
17:55 Car si les débats ont lieu à la barre, le combat des lanceurs d'alerte se joue aussi à l'extérieur de la salle d'audience, via leur comité de soutien.
18:06 Voilà, et il y a eu aussi une grande différence, c'est-à-dire que comme vous, vous avez été tenu au secret pendant très longtemps,
18:13 Antoine Deltour était médiatisé, il y a eu des comités de soutien officiels, et vous, vous étiez tout seul ?
18:20 Et moi non, effectivement, d'autant plus qu'on a très peu de famille à ce moment-là, comme vous disiez, il n'y a que ma femme qui a été assez forte pour me soutenir à ce moment-là.
18:29 Donc on n'est que quatre, elle, moi et nos deux enfants, et c'est avec cette multitude de soutien qui nous suit, que je ne remercierai jamais assez,
18:36 qu'on arrive à payer les factures de l'avocat, qu'on arrive à tenir année après année, jour après jour.
18:42 Est-ce que vous perdez votre job ?
18:45 Voilà, et c'est pour ça que j'ai tenu à ce qu'on soit en famille et à la sauvetage pour voir le point final de cette aventure,
18:52 parce que c'est eux les premiers soutiens, et c'est à eux que je dois l'avoir tenu aussi longtemps.
18:59 Comme vous dites, j'ai perdu mon job, on a dû vendre ma voiture, on a dû vider le compte bancaire, on a dû vendre tout ce qu'on pouvait pour pouvoir tenir financièrement.
19:09 Ce qu'il faut bien avoir aussi en tête, c'est qu'en face, c'est aussi cette multinationale qui a tous les moyens possibles, financiers, avocats, juristes et autres,
19:17 et qui cherche quelque part à écraser, à jouer sur la durée, qui cherche les journalistes, les connaissances, les procès-baillons, les pourrissements de dossiers, etc.
19:28 La justice c'est long, vous avez dit dès le départ que ça serait un marathon judiciaire, ça l'a été,
19:32 et si on veut rester dans la motivation de ne pas abandonner, comme je l'ai toujours dit, on n'abandonne pas, on cherche toutes les pistes possibles pour gagner.
19:40 Mais quand est-ce que vous vous êtes sentis combattif ? Parce qu'il y a eu un moment, et votre épouse l'a raconté, où vous avez été mis sous antidépresseur,
19:49 vous vous êtes littéralement effondré, littéralement effondré, et n'importe qui se serait effondré face à autant de pression, autant d'intimidation.
19:57 À partir de quand vous vous êtes sentis combattif ? Sinon je ne me laisserais pas faire.
20:00 Paradoxalement, le premier jour du procès. Quand l'avocate d'Edouard Perrin révèle cet accord, que ça libère la parole, je me suis dit "en fait on n'a plus le choix, le taureau dans l'araignée, il faut y aller, il faut foncer".
20:11 Je suis médiatisé, je ne le voulais pas, pas du tout, ce que j'avais dit à Edouard dès le premier email.
20:15 "Tant pis, on va jouer la carte là, on n'a pas beaucoup d'argent, tant pis, on va négocier au maximum, on va essayer de...
20:22 de ce que j'aime pas faire, comme vous dites, solliciter les gens qui croient aussi que les mêmes valeurs que nous.
20:28 J'aime pas du tout faire ça, mais j'ai pas le choix, on y va, on fonce, et puis on sait que c'est un marathon judiciaire, on va aller jusqu'au bout, et on verra."
20:36 - Le mot de la fin, Edouard Perrin ?
20:37 - Aujourd'hui, il y a un arrêt qui s'appelle "Allez contre Luxembourg". Luxembourg a perdu.
20:41 Et "Allez contre Luxembourg" dit quoi ? Il dit que si vous êtes un employé, dans votre entreprise, que vous êtes témoin de quelque chose qui est plus important que la vie de l'entreprise elle-même,
20:50 vous avez le droit de le voler, vous avez le droit de rendre cette information publique, parce que l'information est plus importante que les dommages que ça causa à l'entreprise.
20:57 Voilà ce que ça dit "Allez contre Luxembourg", et c'est très bien.
21:00 - Merci beaucoup à tous les deux. Raphaël Allais, victoire, au bout de dix ans, Edouard Perrin. Merci à tous les deux.