• l’année dernière
Parlons Vrai chez Bourdin avec Pierre Varrod, ex-directeur général des dictionnaires "Le Robert", auteur de “Parlez comme Obama, adoptez la rhétorique des leaders” (First éditions).

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##MIDI_ACTU-2023-04-11##

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Transcription
00:00 - Sud Radio Parlons Vrai chez Bourdin, 10h30, midi 30. Jean-Jacques Bourdin.
00:06 - Il est 12h14, nous recevons Pierre Varro. Pierre Varro, bonjour.
00:10 - Bonjour. - Merci d'être avec nous, Pierre Varro.
00:13 Je rappelle que vous avez dirigé "Le Petit Robert".
00:17 - Absolument. - C'est cela.
00:19 Bon, dictionnaire célèbre, vous publiez chez First Edition
00:25 un livre qui a pour titre "Parler comme Obama, adopter la rhétorique des leaders".
00:30 Alors, nous allons voir quelle est la rhétorique des leaders.
00:33 Ça va servir toutes celles et ceux qui ont peur de s'exprimer en public,
00:37 qui ont une timidité, un stress. C'est vrai.
00:40 C'est vrai que c'est effrayant parfois de prendre la parole en public, Pierre Varro.
00:46 - On a tous peur de parler, il faut être clair.
00:48 On a tous... Vous vous souvenez du mot de Sarah Bernard qui disait
00:53 "Bon, le trac, si vous n'avez pas le trac, c'est que vous n'avez pas de talent".
00:57 Donc, de toute façon, on a tous au trac, il n'y a pas de problème là-dessus.
01:00 - Oui, bien sûr. - La question c'est de dire
01:02 est-ce qu'il y a des outils, est-ce qu'il y a des leviers qui sont plus efficaces que d'autres
01:08 pour être compris et de façon simple.
01:11 Et pour être simple, et en fait, pour être compris, il faut faire simple.
01:14 C'est ça le paradoxe.
01:15 - D'abord, connaître le message qu'on a envie de transmettre.
01:18 - Oui, alors, si vous n'avez rien à dire... - Le maîtriser.
01:20 - Clairement. Si vous n'avez rien à dire, la rhétorique ne va pas vous aider.
01:22 - Non. Si on n'a rien à dire, on ne prend pas la parole.
01:25 - Absolument. - C'est clair.
01:26 - Ça, c'est le premier point. - Oui.
01:27 - Après, si vous avez des choses à dire, effectivement, vous avez réfléchi,
01:31 et vous dites "Comment je vais utiliser, quel tremplin je pourrais utiliser pour monter plus haut ?"
01:35 - Oui, évidemment. - Et là, il me faut un trampoline un peu efficace.
01:38 - Voilà. Il faut que ma prise de parole soit efficace, soit entendue, soit écoutée.
01:43 Plus encore. Soit écoutée par l'auditoire.
01:48 Bon, alors, il y a... Vous avez attentivement examiné les discours des grands dirigeants,
01:56 de passé et présent, de notre monde, et vous avez dégagé quatre... Comment dire ?
02:05 Quatre lignes directrices. La métaphore, la métonymie, le contraste, et le quatrième ?
02:14 - La musique des mots. - La musique des mots.
02:17 Et je vais m'apesantir sur ces quatre lignes directrices.
02:22 La métaphore. Là, vous mettez en avant une phrase de Winston Churchill,
02:27 qui avait le sens de la métaphore. - Vraiment.
02:30 - Churchill. "Depuis Stettin sur la Baltique jusqu'à Trieste sur l'Adriatique,
02:35 un rideau de fer s'est abattu sur le continent."
02:38 On voit tout de suite le rideau de fer s'abattre.
02:41 Métaphore, l'image. L'image. Essentiel d'avoir des images dans son discours.
02:46 - Oui, parce que finalement, qu'est-ce que c'est qu'une métaphore ?
02:49 C'est un dessin avec des mots. - Oui.
02:52 - Vous utilisez un raccourci. Là où il va falloir des longs pour descendre la montagne,
02:58 on va faire des zigzags, là, tout à coup, flouf, vous prenez un raccourci,
03:01 et tout le monde comprend. - Oui.
03:03 - Tout le monde comprend. Bruges, la Venise du Nord, tout le monde,
03:06 même si vous n'avez pas visité Bruges, vous dites "Il doit y avoir des canots là-bas."
03:10 - Bien sûr. Donc ça, c'est clair. Ça, c'est première ligne directrice.
03:16 - La métaphore, oui, quasiment tout le monde la connaît.
03:19 - Oui, que tout le monde utilise. Bon. Ensuite, la métonymie.
03:24 Alors la métonymie, certains ne savent pas ce que c'est que la métonymie.
03:27 Donc Barack Obama, qui est un as, je cite, enfin, ce n'est pas moi, ce qu'il cite, c'est vous.
03:33 "Un homme dont le père, il y a moins de 60 ans, risquait de ne pas être servi ici,
03:38 dans un restaurant, peut maintenant se trouver devant vous pour prêter le serment suprême."
03:44 Là, il parle de lui, évidemment.
03:46 - C'est extraordinaire. C'est-à-dire que n'importe quel technocrate aurait dit
03:51 "La mobilité sociale ascendante des Noirs, en deux générations, a permis que
03:58 ceux qui étaient les victimes de la ségrégation, tout le monde roupille depuis 5 minutes,
04:03 puissent enfin accéder au rôle suprême."
04:09 Lui, c'est-à-dire un homme dont le père, il y a moins de 60 ans, risquait de ne pas être servi
04:13 ici, dans un restaurant.
04:15 - Ici et maintenant.
04:17 - Il y a les deux mots. "Ici et maintenant dans un restaurant, peut maintenant se trouver devant vous."
04:21 - Il y a le "ici et maintenant". C'est ça la métonymie, c'est le sens du détail.
04:25 C'est vous plonger directement, c'est le reporter qui vous emmène en direct
04:30 dans une manif, dans une bagarre à Kiev, etc.
04:34 C'est vraiment la plongée en direct.
04:36 - Oui. Là, c'était un as.
04:39 - Oui. Et en fait, c'est le contraire à peu près de tout ce qu'on a appris à l'école.
04:44 Il ne faut pas l'oublier, ce qu'on a appris à l'école, c'est qu'on nous a appris à argumenter,
04:47 à descendre, à déduire. Et lui, ce qu'il nous apprend, c'est à induire,
04:51 c'est-à-dire à remonter de l'entonnoir, du bas de l'entonnoir, en disant "Ok, si je prends un exemple
04:56 significatif, alors tout le monde va comprendre le sommet de l'entonnoir qui était un peu compliqué
05:00 au début de l'argumentation".
05:02 - Le contraste. Alors.
05:05 Et là, vous appuyez sur une phrase de John Fitzgerald Kennedy,
05:11 prononcée le 2 janvier 1961.
05:14 "Mes chers compatriotes américains, ne demandez pas ce que le pays peut faire pour vous.
05:19 Demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays.
05:22 Mes chers concitoyens du monde, ne demandez pas ce que l'Amérique peut faire pour vous,
05:27 mais ce qu'ensemble nous pouvons faire pour la liberté de l'homme."
05:31 Le roi du contraste.
05:33 - Oui, et alors l'intérêt du contraste, c'est que vous savez, quand vous apprenez une langue étrangère,
05:38 vous êtes toujours en retard. Si vous essayez de comprendre ce qu'on vient de dire,
05:42 et vous commencez à dire "je maîtrise la langue étrangère" quand vous commencez à anticiper
05:46 ce qui va être dit dans la deuxième partie. Et bien avec Obama, et avec Kennedy,
05:50 et avec tous ceux qui maîtrisent le contraste, en fait la première partie de la phrase,
05:54 elle vous permet, elle permet à l'auditeur de comprendre ce qui va être dit dans la deuxième partie.
05:59 Ce qui fait qu'on se sent plus intelligent. Et du coup on accompagne l'orateur,
06:03 on dit "il est super". En fait c'est parce qu'il a bâti sa phrase en disant
06:07 "on ne fera pas ceci, donc on pourra faire cela". La question n'est pas de savoir si le gouvernement
06:11 est libéral ou antilibéral, la question est de savoir si le gouvernement fonctionne.
06:16 Donc en permanence, il va vous expliquer, enfin, les vraiment,
06:20 Badinter le fait, Churchill le fait, De Gaulle le faisait aussi,
06:25 Mitterrand le faisait. - Mitterrand le faisait.
06:29 Avant de vous parler d'Emmanuel Macron et de ses discours qui sont différents,
06:33 selon les situations, Pierre Varro, dernière question, c'est la musique.
06:38 - Oui. - Alors la musique, quelle musique ?
06:41 - Bah, Yes we can. - Faut-il entonner ? Faut-il...
06:44 Qu'est-ce que c'est que la musique ? La différence entre la musique et un bruit,
06:48 un bruit c'est des sons aléatoires. La musique, c'est des rythmes,
06:53 c'est-à-dire c'est les mêmes sons qui vont revenir avec une certaine périodicité,
06:57 et du coup, "I have a dream", quand Martin Luther King raconte ça pendant 8 fois,
07:03 ou bien "moi président jeu", vous vous souvenez de l'anaphore de Hollande,
07:07 "moi président jeu, pouf pouf", "moi président jeu, pouf pouf", etc.
07:11 "Yes we can, yes we can, yes we can", ça c'est des rythmes, c'est des refrains,
07:15 c'est comme des chansons. - Oui.
07:17 - Et là du coup la musique... - Et c'est efficace.
07:19 C'est évidemment terriblement efficace.
07:21 - Parce qu'en fait, on attend la suite et on se dit "mais c'est..."
07:25 - L'idée finalement c'est de toujours captiver et de toujours prendre l'attention,
07:33 aller chercher l'attention de l'auditoire, quel qu'il soit.
07:37 - Oui, et en faisant simple, vraiment chaque fois en étant le plus simple possible.
07:40 - Oui, évidemment. Alors je voulais m'attarder quelques minutes sur les discours d'Emmanuel Macron,
07:44 parce que je suis frappé, parfois certains de ses discours sont très...
07:50 [souffle]
07:52 [souffle]
07:53 Je vais pas dire clean, puisque c'est du franglais, c'est de l'anglais, mais c'est ça.
07:57 Lisse, assez lisse, et puis tout à coup il y a des emportements.
08:01 - Alors moi j'ai une explication. - Alors allez-y.
08:04 - C'est tout simplement que quand les discours sont écrits par d'autres,
08:08 il y a des plumes pour les liser depuis 30 ans.
08:11 - C'est vrai, il y a des plumes. - Il y a des plumes.
08:13 - Chaque président a sa plume. - Alors ce sont de très bons élèves.
08:16 Ils vont vous faire des phrases, mais à un moment donné, moi j'ai trouvé une vidéo...
08:19 - Parfois magnifique, mais... - Mais tout le monde...
08:21 Et puis lui-même, il y a des moments où il découvre le discours,
08:24 et il dit "excusez-moi, là je vais reprendre".
08:26 On était juste à la veille du premier tour de 2017, donc de la première élection,
08:31 vraiment il parlait au prof sur la recherche,
08:34 il y avait quelqu'un qui lui avait fait un discours, il disait "écoutez, je suis désolé,
08:37 c'est très bien de découvrir, mais en fait, voilà ce que ça veut dire".
08:40 Donc ça, c'est les phrases des technocrates qui...
08:43 Obama, il écrivait lui-même. - Il écrivait lui-même.
08:46 - Et il dit d'ailleurs, il le dit à plusieurs reprises, il dit "mais je suis meilleur
08:49 que les gens qui écrivent les discours pour moi".
08:51 Il le dit sans aucune... - Oui, comme ça.
08:54 - ...france mondestique. - Et quand Emmanuel Macron improvise, alors là...
08:58 - Ça peut être très violent. - Ça peut être très violent,
09:01 c'est tout à fait un autre homme. - Absolument, c'est-à-dire que je crois que
09:04 il vous dit, par exemple, ou m'étonne, il dit à quelqu'un
09:07 "tu veux trouver du boulot ? Je vais t'en trouver, moi je vais de l'autre côté de la rue".
09:10 - Oui, traverse la rue. - Qu'est-ce que ça signifie ?
09:13 Ça veut dire effectivement, on part du bas de l'entonnoir, on dit "non, le chômage,
09:16 il y a 5 millions de personnes, 7 millions de personnes au chômage,
09:19 mais en fait, moi je vais t'en trouver du boulot". En réalité, peut-être qu'il a raison
09:22 face à un garçon qui cherche un boulot
09:25 pour être garçon de café, mais les 7 millions
09:28 d'autres, ils disent "mais moi je suis pas en train...".
09:31 Enfin, il y a un moment donné, Macron, qu'est-ce qu'il fait
09:34 quand il fait ça ? Il vous met dans un tunnel, vous savez pas s'il fait jour ou s'il fait nuit.
09:37 Et du coup, il vous dit "il fait nuit", mais vous en savez rien.
09:40 Et le temps de sortir du truc, vous dites "bon, ok,
09:43 il avait raison", et 5 minutes plus tard,
09:46 vous dites "mais non, il m'a raconté des choses". - Il dit n'importe quoi.
09:49 - Et c'est ça le problème, il vous met dans un tunnel,
09:52 où vous savez pas s'il fait jour ou s'il fait nuit dehors.
09:55 - Alors, Pierre Varro,
09:58 c'est utile de lire votre livre
10:01 pour la prise de parole en public. Les hommes politiques,
10:04 vous écoutez les hommes ou les femmes politiques, Jean-Luc Mélenchon,
10:07 Marine Le Pen, vous trouvez comment leur discours ?
10:10 - Alors clairement... - Le niveau, franchement.
10:13 - Quand ils ont de bonnes plumes,
10:16 celles qui évitent les phrases technocratiques,
10:19 ça marche bien.
10:22 Vous avez vu, dans mon livre, je donne quand même des conseils
10:25 pour éviter les ratages, notamment les contrats
10:28 avec trop d'excès. Vous vous souvenez du PSG ?
10:31 Quand on dit "vous ne prenez pas l'avion, vous ne devriez pas
10:34 prendre l'avion pour aller à Nantes", le gars dit "oui, on est en train de réfléchir
10:37 à savoir si on ne veut pas y aller en chara-voile".
10:40 Mais c'est exactement des contrats, ça c'est du ratage absolu,
10:43 parce que c'est de l'excès. Il faut y aller doucement,
10:46 le sens de la mesure des Grecs, il faut rester au milieu,
10:49 il ne faut pas être trop violent. Alors, c'est toute la question
10:52 politique, ou de nos femmes politiques, est-ce qu'ils restent
10:55 à peu près pour ne pas séparer ?
10:58 Ils ne sont pas des chefs de tribus. On est dans un État démocratique,
11:01 c'est-à-dire dans un État où le chef d'État y rassemble.
11:04 La différence entre un chef d'État et un chef de tribu,
11:07 c'était en Syrie pour Bachar Al-Assad, ou en Irak
11:10 pour Saddam Hussein, il y en a un qui était
11:13 le chef de la tribu des sunnites, l'autre qui est le chef
11:16 de la tribu des chiites.
11:19 Ça ne vous fait pas un chef d'État, ça ? Un chef d'État, c'est quelqu'un
11:22 qui rassemble, c'est quelqu'un qui va dire "nous, we the people",
11:25 comme disait Obama. Là, oui.
11:28 - Alors, vous dites, en conclusion de votre livre, "si votre prise
11:31 de parole n'apporte pas de surprise,
11:34 préférez le silence."
11:37 Tout pouvoir est un pouvoir de mise en récit.
11:40 - Oui, de récit, et le contraste est peut-être
11:43 le premier des levées pour créer ce récit.
11:46 - Savoir créer un récit,
11:49 dans son discours, quand vous prononcez, quand vous vous exprimez
11:52 en public. Savoir créer un récit. - C'est-à-dire
11:55 une tension. Le contraste est une tension entre deux niveaux.
11:58 Et là, il y aura de l'électricité entre le haut
12:01 de la cascade et le bas de la cascade, on va pouvoir faire couler de l'énergie.
12:04 - Bien, merci Pierre Varro,
12:07 parlez comme Obama, adoptez la rhétorique des leaders.
12:10 First Edition, merci de nous avoir
12:13 accompagné comme tous les jours. Évidemment c'est l'heure d'André Bercoff 12h26.

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