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Samedi 22 avril 2023, SMART WOMEN reçoit Catherine Huard-Lefin (Directrice générale et fondatrice, Groupe EFIS)

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00:00 ...
00:01 -Peace Mart.
00:02 -Bonjour, Catherine Huard-Lefain.
00:05 Bienvenue sur ce plateau. -Bonjour.
00:07 -Si j'ai eu envie de vous faire venir,
00:09 c'est parce que, dans cette séquence portrait,
00:12 c'est parce que vous avez un parcours
00:14 qui est à la fois très riche, très intéressant,
00:17 parce qu'en fait, vous avez eu de longues années de salariat,
00:20 et puis, un beau jour, vous avez eu ce déclic entrepreneurial,
00:24 vous avez créé votre propre groupe,
00:26 et vous l'avez fait en plus de façon assez spécifique,
00:29 vous l'avez créé en entreprise adaptée,
00:31 vous allez y revenir, c'est un sujet
00:33 dont l'entreprise adaptée employait des handicapés,
00:37 ce qui est à la fois assez méconnu et assez rare encore aujourd'hui.
00:40 On va commencer par le début.
00:42 Au début de l'histoire, vous avez décroché
00:45 un diplôme d'ingénieur en électronique.
00:47 Vous étiez la seule fille dans votre promotion.
00:50 Aujourd'hui, on voudrait avoir beaucoup de filles
00:53 dans cette même dynamique.
00:54 Qu'est-ce qui a fait que vous vous êtes orientée
00:57 à ce sujet-là ?
00:58 -C'est un contexte familial, tout simplement,
01:01 propice aux études. J'étais passionnée par l'électronique,
01:04 dans les années 80, un secteur porteur.
01:07 Mes parents étaient entrepreneurs,
01:09 et il y avait une entreprise électronique.
01:11 J'ai vécu avec l'électronique au repas, le soir,
01:14 donc ça m'a donné cette envie.
01:16 -On m'avait dit qu'il y avait des couleurs, des fils multicolores.
01:20 -J'allais chercher ma petite maman avec les couleurs de fil,
01:23 et ça me... Voilà, de toute petite.
01:25 -La clé pour amener plus de filles vers les métiers d'ingénieur,
01:29 c'est un contexte familial favorable.
01:31 Vous avez démarré en tant que salariée,
01:33 puis très rapidement, vous avez pris des responsabilités.
01:37 Vous avez été directrice technique d'une grosse équipe d'ingénieurs.
01:41 C'est il y a maintenant 40 ans, en quelque sorte.
01:43 -Peut-être pas tout à fait, mais une trentaine d'années.
01:47 J'étais dans une entreprise,
01:48 et le directeur technique est parti à la retraite.
01:51 Il y avait pas mal d'ingénieurs qui briguaient la place,
01:55 et le patron est venu me voir en me disant
01:57 "Vous voulez être directeur technique ?
01:59 "Vous avez le week-end pour vous décider."
02:01 Et j'ai dit oui, parce que...
02:04 D'abord, c'est quelque chose vers lequel j'aspirais,
02:07 et je savais que ça allait changer ma vie.
02:10 Je ne vous cache pas qu'après cette décision,
02:12 ma vie avec mes collègues a été un peu compliquée,
02:15 puisqu'en fait, j'ai eu quand même...
02:18 On parlait... Voilà, des pneus crevés,
02:20 des choses pas très... -Des choses assez fortes.
02:23 -Assez fortes. -J'espère qu'aujourd'hui,
02:25 ça ne se passerait plus comme ça. -Voilà.
02:28 Des actes qu'on qualifierait de sexistes,
02:30 mais bon, on va dire répressifs. Voilà.
02:33 -Comment vous avez fait, justement,
02:35 parce que c'est plus du tout le cas,
02:37 mais néanmoins, le fait de se sentir...
02:39 Aujourd'hui, on parle de syndrome de l'imposteur,
02:42 d'autres formulations,
02:43 mais le fait de se sentir attaquée dans la position qu'on occupe,
02:47 comment vous avez fait pour vous en déloigner ?
02:50 -En fait, il faut voir que je suis dans un milieu d'hommes
02:53 et j'ai fait un bac scientifique, donc même déjà...
02:56 A l'époque, c'était des lycées de filles et de garçons,
02:59 mais dès que j'étais dans les études supérieures,
03:02 j'étais avec des garçons, j'avais deux attitudes possibles.
03:05 Soit je me lamentais, mais disons que tout me touchait
03:09 et j'ai décidé assez rapidement que ça allait me passer
03:12 au-dessus de la tête, et ça m'est passé.
03:15 J'ai tracé ma route. Vous savez que je suis pilote d'avion.
03:18 -C'est intéressant. -Voilà.
03:20 -Vous avez la réponse à votre question.
03:23 Je suis passionnée d'aéronautique, donc j'ai passé mon brevet de pilote.
03:27 Je suis pilote de ligne, j'ai passé mes qualifications
03:30 devant les instruments. Une des qualités premières
03:33 d'un pilote, c'est que quand il décolle, il se pose
03:36 entier avec tous ses passagers.
03:38 -On dit toujours que l'avion décolle contre le vent.
03:41 -Exactement. -Face au vent,
03:43 c'est pas important. -Il se pose aussi face au vent.
03:46 -Il se pose aussi.
03:47 -Justement, dans votre parcours, vous êtes arrivée à Toulouse,
03:51 vous avez trouvé un nouveau job passionnant,
03:53 et puis, un beau jour, vous avez eu ce déclic,
03:56 vous avez décidé de créer une entreprise.
03:58 -J'étais dans un système managérien,
04:00 le middle management. Je travaillais pour un bureau d'études,
04:04 je dirigeais 200 ingénieurs qui travaillaient sur la gamme Airbus.
04:07 C'était passionnant, mais j'étais dans le middle management,
04:11 j'appliquais des décisions qui n'étaient pas forcément les miennes
04:15 que je ne comprenais pas, je ne remets pas en cause des décisions.
04:18 J'ai décidé un jour de créer mon entreprise
04:21 avec mes valeurs managériales.
04:23 C'était le point de départ.
04:24 Le cheminement a fait que, quand je me suis dit
04:27 "C'est bien beau, tu veux créer ton entreprise,
04:29 "ma grande, mais qu'est-ce que tu vas faire ?"
04:32 Au hasard de mes rencontres, j'ai rencontré des personnes
04:35 en situation de handicap. J'avais une image excessivement
04:38 réductrice du handicap à cette époque.
04:41 C'est encore malheureusement le cas, un peu moins,
04:43 et j'ai rencontré des gens fabuleux,
04:45 qui étaient ingénieurs, techniciens,
04:48 mais qui avaient eu un accident de vie
04:50 et qui se retrouvaient avec la double peine,
04:52 d'avoir déjà le handicap, plus des problèmes professionnels,
04:56 plus la triple peine, avec aussi, socialement,
04:58 dans leur vie, des problèmes d'accès,
05:00 des problèmes d'accès au crédit, des choses comme ça.
05:03 C'était mon point de départ. Je me suis dit
05:06 de créer une entreprise où je favoriserais l'emploi
05:09 de personnes en situation de handicap.
05:11 Et puis, ça a eu du succès. Et en fait, à partir de favoriser,
05:14 j'ai eu quasiment 80 % de salariés en situation de handicap.
05:18 Et aujourd'hui, je suis toujours quasiment à 80 %.
05:21 -Alors, vous m'avez dit que d'ailleurs,
05:23 vous étiez, vous travailliez à l'époque
05:25 en tant que salarié déjà, et ensuite pour Airbus, notamment,
05:28 et vous m'avez dit que vous avez eu la chance,
05:31 parce qu'il y a des opportunités qu'il faut saisir,
05:34 vous avez eu la chance, quand vous étiez vraiment installée
05:37 dans votre métier et votre statut d'entreprise adaptée,
05:41 Airbus a voulu faire quelque chose.
05:42 -Ce qui se passe, c'est qu'au début, mes grandes idées,
05:45 j'étais la seule à les partager,
05:47 c'était mon cerveau gauche avec mon cerveau droit.
05:50 J'ai commencé par des activités avec un peu plus faible valeur ajoutée
05:54 que ce que j'espérais faire, avec des prestations de service
05:57 plutôt administratives, donc j'ai créé la marque Solucia.
06:01 Quand j'ai eu l'agrément entreprise adaptée en 2013,
06:04 j'ai mis 5 ans à la voir. -C'est compliqué à voir.
06:07 -C'est compliqué, parce qu'il y a des financements derrière.
06:10 Et j'ai eu une politique excessivement volontariste
06:13 sur l'emploi de personnes en situation de handicap.
06:16 Tous mes anciens collègues de l'Aéro sont venus me voir
06:19 en me disant que j'avais la légitimité
06:21 pour faire de l'engineering avec des gens en situation de handicap.
06:25 J'ai créé Aetekwe, qui est maintenant l'activité principale
06:28 du groupe, mais pas que, j'ai conservé les autres activités.
06:32 Et effectivement, j'ai été pure player pendant très longtemps.
06:35 J'ai quelques autres entreprises adaptées
06:38 qui font de l'informatique, mais en engineering system,
06:41 je suis pure player. -Et donc Aetekwe,
06:43 qui est aujourd'hui la partie centrale du groupe,
06:46 et qui fait des prestations en permanence de haut niveau.
06:49 -Oui, et j'ai des ingénieurs, des docteurs ingénieurs,
06:52 des techniciens, des assistantes PMO.
06:55 On essaye vraiment de donner la chance à tout le monde
06:58 et pas que à ceux qui ont fait des études longues,
07:01 parce que c'est aussi ça, souvent.
07:03 Les gens en situation de handicap,
07:05 même s'ils ont des compétences, ils ne peuvent pas toujours
07:08 aller au bout de leur diplôme.
07:10 Quand je parlais de triple peine, c'est même quadruple peine.
07:13 -Récemment, il y a un an, vous avez racheté
07:16 une nouvelle entreprise, donc... -Oui, à Paris.
07:19 -C'est une diversification ? -Oui, c'est une diversification.
07:22 C'est une complémentarité des activités que j'ai.
07:25 J'ai racheté une petite agence de communication,
07:28 qui s'appelle Sabouch, à Paris,
07:29 qui est à la fois complémentaire de Solucea,
07:32 car Solucea, c'est de la prestation administrative,
07:35 tout ce qui est impression, routage postal,
07:37 l'agence de com intervient dans la créa,
07:40 et également complémentaire à Aetekwe,
07:42 puisque je suis en train d'élever, c'est un peu prétentieux,
07:45 de faire évoluer l'activité de Sabouch
07:48 vers des activités de web design,
07:50 du motion design, de la 3D,
07:53 et on va plus se rapprocher des activités
07:55 qui sont faites chez Aetekwe,
07:57 dont certaines sont faites en prestations informatiques.
08:01 -Vous me disiez que cette acquisition,
08:03 vous l'aviez faite, je vous ai demandé le sourcil,
08:06 comment vous l'aviez trouvée,
08:08 vous m'avez dit que vous l'aviez trouvée via le fonds Impact Partners.
08:12 -Exactement. Fin 2015, j'ai un fonds Impact Partners,
08:15 un fonds à vocation sociale,
08:17 qui accompagne les entreprises qui le souhaitent
08:19 dans des projets sociétaux.
08:21 C'est un fonds de croissance, pas d'amorçage,
08:24 donc il faut déjà être installé.
08:26 Et eux aussi étaient actionnaires de Sabouch.
08:29 Sabouch a beaucoup souffert avec le Covid.
08:32 -Sabouch est une entreprise adaptée.
08:34 -Egalement, et bien sûr a donc souffert avec le Covid,
08:37 puisqu'on sait très bien que pendant le Covid,
08:40 tout ce qui était événementiel a été considérablement réduit,
08:43 voire annulé, et ils se sont retrouvés
08:45 avec des difficultés financières.
08:47 Je suis arrivée et j'ai racheté, j'ai ramené des capitaux
08:51 pour remonter cette entreprise.
08:52 On a réembauché trois personnes.
08:54 Ca remonte, tout doucement.
08:56 -Aujourd'hui, le groupe,
08:58 les trois entreprises dont on vient de parler,
09:00 c'est une centaine de salariés ?
09:02 -Oui, mais vu qu'on en recrute tous les jours,
09:05 ça va être sans dans pas longtemps.
09:07 Pour l'anecdote, EFIS, puisque c'est EFIS Group,
09:10 ça veut dire "entreprise à fort impact social",
09:13 mais pour ceux qui... C'est un petit clin d'oeil à mon passé,
09:16 puisque les EFIS, ce sont les écrans
09:18 qui sont à l'intérieur d'un cockpit
09:20 et qui permettent à un pilote de piloter l'avion.
09:23 -Vous avez vraiment fait la boucle totale.
09:26 Juste en un mot pour terminer,
09:27 maintenant que ce groupe est constitué et qui tourne,
09:30 votre principal défi, c'est quoi ?
09:32 -C'est de faire croître Paris.
09:34 Le marché parisien n'est pas assez développé.
09:37 C'est une manne financière.
09:38 C'est pas du tout le même marché que Toulouse,
09:41 mais il y a plus d'activités, plus de gens en situation de handicap.
09:45 C'est vraiment de creuser Paris, de développer Paris.
09:48 Aujourd'hui, je dirais pas que c'est un développement naturel
09:51 sur Toulouse, mais avec l'aéron, on vient nous chercher.
09:55 C'est ce qu'on va faire.
09:56 Je suis une pilote, donc je vais y aller.
09:58 -Vous allez y arriver.
10:00 Merci beaucoup pour ce témoignage.
10:02 C'est un témoignage engagé.
10:03 Je trouve intéressant de le montrer davantage
10:06 que ce que l'on voit en général,
10:08 mais vous démontrez qu'on peut avoir
10:10 une forte préoccupation et une forte volonté d'impact social.
10:14 Vous avez choisi le handicap comme étant l'élément qui vous motive,
10:17 mais il y en a d'autres.
10:19 On concilie avec l'entreprise et avec la rentabilité de l'entreprise
10:23 pour qu'elle puisse se développer.
10:25 -Nous, on a une performance économique
10:27 à la mesure de notre performance sociale.
10:30 Je pense que ça devrait être le cas de beaucoup d'entreprises.
10:33 -Merci pour ce dernier propos. -Merci beaucoup.
10:36 -Notre émission est terminée.
10:38 J'espère que, comme chaque mois,
10:40 vous avez trouvé passionnants les différentes interventions.
10:45 Je vous dis à très bientôt.

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