L'Hebdo de l'Éco : Yann Jéhanno (Président de Laforêt)

  • l’année dernière
Eric de Riedmatten reçoit chaque week-end un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique.
Transcript
00:00 Nous parlons d'un sujet qui préoccupe beaucoup de monde en ce moment, c'est l'immobilier. C'est vrai que les taux montent, les prix ne baissent pas encore,
00:08 il y a une pénurie de logements et puis peut-être de nouveaux impôts en vue pour financer la transition écologique.
00:14 Alors Yann, Géano, merci d'être avec nous. Vous êtes président du réseau La Forêt Immobilier.
00:19 Question très simple, est-ce que le marché se tend dans l'immobilier ?
00:23 Bonjour, oui absolument, le marché se tend, le marché a commencé à se tendre à l'été 2022 et est aujourd'hui grippé sur tout le parcours résidentiel de la location à l'investissement locatif.
00:37 Grippé, ça veut dire qu'il y a moins de transactions en ce moment ?
00:40 Il y a moins de transactions, à la fin du premier trimestre de l'année 2023, on avait enregistré au sein du réseau La Forêt 7% de repli des transactions,
00:48 on reste sur des volumes qui sont soutenus, mais en tout cas la tendance est marquée et va certainement s'appuyer un peu plus d'ici la fin de l'année.
00:56 Quel est le caractère bloquant aujourd'hui ?
00:58 Alors c'est compliqué, élaboré, mais on peut identifier trois points bloquants.
01:03 Le premier, c'est l'inflation évidemment, qui a un effet sur la construction immobilière.
01:08 Aujourd'hui l'énergie coûte plus cher, les matières premières coûtent plus cher.
01:12 L'inflation qui a un effet également sur les ménages qui ont de plus en plus de difficultés à se constituer à un apport pour pouvoir accéder au financement.
01:20 Donc c'est le premier point de blocage.
01:22 Le deuxième, c'est l'accès au financement avec des taux d'intérêt qui ont monté de manière très rapide.
01:28 En moins de 18 mois, on est passé d'un pour cent à plus de 3% pour un crédit immobilier.
01:33 Des conditions d'octroi qui sont aujourd'hui beaucoup plus rigides depuis 2022.
01:38 Et puis on a un troisième point, c'est un empilement de règles, de lois, de normes qui viennent impacter le logement et notamment sur la rénovation énergétique.
01:46 Et puis le taux d'usure est un obstacle, je crois qu'il est au-dessus de 4% maintenant, donc il bloque quand même les attributions de crédit.
01:52 Alors le taux d'usure est là en théorie pour préserver les clients des banques et pour qu'ils empruntent dans des conditions qui soient normées et fictées.
02:01 Le pouvoir d'achat du coup baisse.
02:03 Le taux d'usure a été réévalué depuis février mensuellement et non plus trimestriellement comme c'était le cas auparavant jusqu'au mois de juillet.
02:11 On va voir à partir du mois d'août si on continue sur ce rythme.
02:15 Malgré tout, les taux d'intérêt restent vraiment très bas par rapport au niveau de l'inflation, donc on est toujours gagnant.
02:21 Les taux d'intérêt restent relativement bas, 3,15% en moyenne à la fin du mois d'avril.
02:28 Mais c'est la brutalité de la hausse des taux d'intérêt qui a déstabilisé le marché.
02:32 On a peut-être été un peu trop gâté de pouvoir emprunter presque à 0% pendant longtemps.
02:36 Disons que c'était 1% si on ajoutait les frais.
02:38 C'est vrai que le coût de l'argent était quasiment nul.
02:42 Beaucoup de Français en ont profité et aujourd'hui le réveil est un peu plus difficile.
02:46 Donc je comprends le marché ce temps.
02:47 Louer également devient difficile, vous le constatez chez La Forêt ?
02:51 Oui, louer devient difficile.
02:53 Déjà dans le logement social, mais qui n'est pas notre cœur de métier, c'est très difficile d'accéder à un logement du parc social.
02:59 Sur le parc privé c'est très difficile pour trois raisons.
03:02 La première c'est que les locataires ne pouvant pas acheter,
03:05 ils restent plus longtemps dans leur logement, en moyenne 5 mois de plus,
03:09 constaté au sein des agences du réseau La Forêt.
03:11 La deuxième c'est qu'on a une demande extrêmement importante de nouveaux locataires, +21%.
03:17 Et la troisième c'est qu'on a une offre qui se contracte et qui recule de 12%.
03:21 Donc l'accès au parc locatif privé est encore plus compliqué.
03:24 Cela veut dire que ceux qui voulaient acheter renoncent et préfèrent louer actuellement ?
03:28 Et aimeraient louer quand ils ont des biens disponibles.
03:31 Et on a beaucoup d'inquiétudes justement pour la rentrée étudiante
03:35 et la capacité aux étudiants, aux nouveaux bacheliers à trouver un logement.
03:39 Les loyers sont bloqués dans certains cas.
03:41 Oui.
03:42 Mais aujourd'hui est-ce que ça bloque justement l'accès à la location parce que le loyer est trop élevé ?
03:49 Non, le sujet n'est pas aujourd'hui celui d'un loyer trop élevé,
03:52 c'est celui d'un parc locatif insuffisant, d'un investissement locatif qui recule.
03:57 Et de locataires qui ne peuvent plus dans leur parcours résidentiel devenir primo-excédent.
04:02 Pénurie de logements, vous le diriez vraiment ? C'est le cas aujourd'hui ?
04:05 Oui, on reste dans un marché pénurique absolument.
04:08 Alors c'est vrai qu'entre 2022 et 2023, les stocks se sont légèrement reconstitués,
04:13 +9% au sein du réseau La Forêt.
04:15 Enfin, quand une agence immobilière avait 15 logements à vendre,
04:18 ça veut dire qu'aujourd'hui elle en a à peine 17.
04:22 On reste dans un pays qui ne construit pas suffisamment.
04:25 Donc il n'y a pas de logements neufs en construction.
04:27 D'ailleurs, on a vu ce rapport qui a été remis récemment,
04:30 il faut un plan de relance de la construction.
04:32 Mais ça prendra des années, ça ne se fait pas du jour au lendemain de construire des logements.
04:36 C'est le temps long, en effet, vous avez raison, l'immobilier neuf.
04:39 Moi j'aimerais qu'on parle un peu d'immobilier ancien,
04:41 parce que l'immobilier neuf, on peine à construire 300 000 logements par an.
04:45 Le parc de l'immobilier existant, de l'immobilier ancien comme on l'appelle,
04:48 c'est 37 millions de logements en France.
04:50 Et là, il y a certainement beaucoup de choses à faire,
04:53 notamment sur le sujet de la rénovation énergétique.
04:55 Oui, ça coûtera cher, d'ailleurs, beaucoup de propriétaires s'inquiètent du coût que ça représentera.
04:58 Alors ceux qui y sont doivent payer, bien sûr,
05:00 mais ceux qui veulent louer sont bloqués,
05:02 parce qu'à terme, on ne pourra plus louer si on n'a pas fait les travaux, c'est bien ça.
05:05 Oui, c'est ce qui est assez injuste.
05:07 On demande aux Français de s'endetter pour payer la rénovation énergétique,
05:11 la transition énergétique, alors qu'il y a d'autres solutions qui existent
05:14 et qu'on pourrait mettre en avant.
05:16 La question que tout le monde attend, c'est les prix.
05:18 Est-ce qu'ils vont baisser à un moment ou à un autre ? Quand ?
05:21 Alors les prix sur le premier trimestre de l'année 2023,
05:24 ils ont reculé, mais légèrement, -0,8%.
05:27 Fin avril, on était autour de -1%, avec un grand écart.
05:32 On peut trouver des métropoles qui reculent de manière significative.
05:36 C'est le cas de Paris, on est autour de -2%.
05:38 Quand Nice progresse de 2%, l'Arc Atlantique qui continue également à progresser,
05:44 et les zones rurales ou périurbaines qui ont tendance à reculer légèrement,
05:50 mais on est loin d'une baisse massive des prix de l'immobilier.
05:53 Alors, est-ce que c'est un bien ou pas bien ?
05:55 Parce que, évidemment, quand les propriétaires sont bien baissés,
05:58 là, ce n'est pas bien.
05:59 Mais ceux qui veulent acheter, c'est le moment maintenant ?
06:02 -Où il faut attendre ? -Les propriétaires ont fait une partie du chemin.
06:06 Ils ont réalisé des plus-values au cours des dernières années.
06:09 Ils acceptent aujourd'hui plus volontiers un recalibrage des prix à la baisse.
06:15 Ce n'est pas le cas des acquéreurs.
06:17 Les acquéreurs regardent les annonces immobilières,
06:19 ne regardent pas l'évolution des taux d'intérêt de manière aussi assidue.
06:24 Ils discutent les prix.
06:25 Ils aimeraient que le vendeur soit le seul à faire les efforts,
06:29 mais je crois que les acquéreurs devraient aussi penser à reconfigurer leurs projets,
06:33 à se déplacer d'un quartier, à se déplacer de ville,
06:36 et parfois à reconfigurer également le logement recherché.
06:38 -Donc, vous diriez qu'il y a une vraie pression aujourd'hui sur les vendeurs,
06:42 c'est-à-dire, OK, j'achète, mais à ce prix.
06:44 C'est en fait l'acquéreur, le futur acquéreur, qui fixe sa loi, en fait.
06:48 -C'est ce qu'on voit, en tout cas, cette pression.
06:50 On voit cette pression sur le vendeur, celle qu'on ne voit pas,
06:54 qui est souterraine, c'est la pression sur l'acquéreur,
06:57 qui va peut-être attendre un peu et gagner 1 ou 2 % sur le prix de vente,
07:01 en revanche, avec des taux d'intérêt beaucoup plus élevés
07:04 qui vont lui coûter in fine beaucoup plus cher.
07:06 On va juste rappeler qu'un point d'augmentation des taux d'intérêt,
07:09 c'est 10 % de pouvoir d'achat en moins pour l'acquéreur.
07:13 -Donc on achète maintenant ou pas ?
07:15 -L'achat, c'est pas... On ne spécule pas sur l'immobilier.
07:18 80 % des acquisitions se font par des utilisateurs
07:21 qui vont vivre dans leur logement et en cherchant un logement
07:24 lorsque la famille se constitue, lorsque la famille s'agrandit
07:27 ou, a contrario, quand les enfants quittent la maison.
07:30 Donc ça reste une période favorable avec des taux d'intérêt
07:33 qui restent attractifs et des prix qui ont tendance à se tasser un peu.
07:36 -Et vendre, vous leur dites quoi aux vendeurs ?
07:38 "Allez-y" ou "Attendez" ? -C'est la même chose.
07:40 On ne vend pas non plus parce qu'on a décidé de profiter d'un marché
07:43 ou d'un niveau de marché. Là encore, on vend parce qu'on a des raisons
07:47 familiales, professionnelles qui nous engagent à fond.
07:51 -Yann Jéhanno, merci d'être venu sur CNews. Restez avec nous.
07:54 ...
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