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Eric de Riedmatten reçoit chaque week-end un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique.

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Transcription
00:00 C'est l'une des dernières entreprises à produire en France des boîtes de vitesse,
00:04 des boîtes de transmission mécanique.
00:06 Jean-Yves Lacour, bonjour et merci d'être avec nous.
00:08 Vous dirigez SISP, c'est une entreprise qui se trouve en Nord-et-Loire,
00:12 l'un des derniers rescapés on va dire.
00:15 D'abord les retraites, vous en parlez avec vos salariés ?
00:17 Oui, j'en ai en discute un petit peu avec eux.
00:19 C'est sûr qu'il y a plusieurs réflexions.
00:22 D'abord, je pense que les gens sont plutôt pour la mise à plat des régimes.
00:27 Je pense qu'il y a quand même trop d'inégalité entre les salariés,
00:30 les petits PME et des salariés de grands groupes, l'État est actionnaire.
00:35 Mais quand vous leur dites que vous allez travailler plus, ils vont manifester ?
00:40 Non, pas trop le temps, c'est pas trop l'état d'esprit des petites entreprises.
00:44 Les gens attendent de voir ce qui va se passer.
00:48 Je pense que, moi j'étais plutôt en tant que citoyen,
00:51 plutôt pour un système à point.
00:52 Je pense qu'il y aurait eu moyen de...
00:54 La première réforme ?
00:55 Oui, je trouve que c'est dommage qu'elle ne soit pas passée
00:57 parce qu'il y avait moyen de tenir compte de façon graduelle
01:01 des différentes carrières, de la pénibilité
01:04 et de rendre attractif par exemple les métiers manuels.
01:07 Alors vous, vous êtes une PME installée en région,
01:10 comme on dit dans un milieu rural.
01:12 Ces boîtes de vitesse, j'imagine que ça doit vraiment être
01:16 une dernière fabrique en France.
01:18 Comment vous arrivez à tenir le coup face à toutes les tempêtes aujourd'hui
01:21 avec l'inflation, la hausse des matières premières,
01:25 la mondialisation, la concurrence ?
01:27 Donc il faut investir.
01:29 On investit à peu près 8% de notre chiffre d'affaires
01:33 dans des machines outils pour rester compétitif.
01:35 Il faut être créatif, il faut être plus technologique,
01:40 faire plus de surmesures pour justifier les prix supérieurs
01:44 afin d'exporter.
01:45 On exporte quand même 35% de notre chiffre d'affaires en Europe
01:48 et puis USA, Canada.
01:49 Donc exportateur, ça sert à quoi ?
01:51 Pour les machines agricoles.
01:53 Oui, donc on a des fabricants de machines agricoles au Canada,
01:56 en Pologne, en Belgique, en Angleterre.
01:59 Donc entreprises françaises qui utilisent des pièces françaises.
02:02 En fait, tout en France.
02:03 On dit toujours les autres font mieux, les Allemands, les Italiens,
02:07 notamment dans ce domaine, ce n'est pas vrai ?
02:09 Mais ils sont deux fois plus gros.
02:11 Ils sont plus gros ?
02:11 Ils sont deux fois plus gros.
02:12 Enfin, le secteur industriel, l'industrie pèse deux fois plus
02:17 dans le PIB en France qu'en Italie.
02:18 Donc, tes entreprises sont intégrées aussi après la guerre,
02:22 mais elles sont souvent 3, 4, 5 fois, 10 fois plus grosses.
02:25 Et vous arrivez à trouver la main d'œuvre pour ce genre d'emploi ?
02:29 Alors, c'est sûr que c'est un secteur, enfin tous les secteurs manuels
02:31 comme le BTP, la restauration, l'industrie mécanique,
02:35 c'est très dur de recruter.
02:36 C'est surtout que les filières de formation sont vides.
02:39 Elles ne sont pas bonnes à votre avis ?
02:41 Ah non, elles sont très bonnes.
02:42 Ah non, non, non, on a des formations d'excellente qualité.
02:44 Mais elles sont adaptées, j'allais dire.
02:45 Elles sont adaptées,
02:46 mais je pense qu'on devrait monitorer globalement un peu mieux
02:51 notre système éducatif et mettre en face
02:55 les filières qui correspondent aux besoins.
02:58 Je pense que ça, on ne le fait pas.
03:00 Je sais que le gouvernement essaie de réformer
03:02 tout ce qui est la formation professionnelle,
03:04 mais il faudrait réformer l'ensemble du système éducatif
03:07 pour que les jeunes aillent dans des formations qui ont des débouchés.
03:11 T'allais vous dire, susciter des vocations très en amont.
03:13 Oui.
03:14 Et là, il n'y a plus aujourd'hui, les jeunes ne s'intéressent plus à ces métiers ?
03:17 Plus assez, on n'en oriente pas à mon avis assez
03:19 dans des formations professionnelles où il y a un métier en face.
03:23 Alors du coup, vous investissez dans des matériels.
03:26 Comment faites-vous pour trouver les capitaux ?
03:28 Parce que c'est de représenter beaucoup d'argent,
03:30 d'avoir des machines à la pointe.
03:32 Il faut investir en permanence.
03:34 Dès qu'on arrête d'investir, comme les investissements sont trop lourds,
03:38 on ne peut pas reprendre,
03:39 on ne peut pas se passer d'investir pendant quelques années.
03:42 Il se trouve que la BPI joue relativement bien son jeu.
03:46 Là, vous avez été aidé.
03:47 Oui.
03:48 La BPI soutient pour les investissements industriels,
03:52 c'est-à-dire les machines-outils, les bâtiments.
03:54 On trouve de l'investissement,
03:55 mais il faut arriver à amortir ça sur 5 ans.
03:59 On n'a pas des investissements plus longtemps.
04:00 Sans ces aides, à un moment, vous vous êtes dit
04:02 "je partirai, je quitterai la France", ça vous a tenté ?
04:05 Non.
04:06 Vous voulez rester local, donc c'est bien, vous êtes le résistant.
04:10 On ne se sent pas dans la délocalisation du PME.
04:12 Comment avez-vous vécu la hausse du coût des matériaux ?
04:16 Vous avez de la fonte, de l'aluminium, de l'acier.
04:20 C'est vraiment compliqué.
04:21 D'abord, on met beaucoup de temps à le répercuter sur les prix.
04:25 C'est toujours problématique de répercuter des hausses comme ça.
04:28 C'est sûr que nous, les hausses ont été entre 30 et 100 %
04:32 sur tout ce qui est fourni dessus.
04:34 Ah oui, les hausses pour vous…
04:35 Parfois, ça a doublé.
04:38 C'est-à-dire que la boîte de vitesse, quand vous la vendrez au constructeur,
04:41 il fera monter les prix.
04:43 Oui, et donc c'est sûr que c'est un problème pour notre compétitivité.
04:47 Ces entreprises familiales, ces PME, ces ETI,
04:50 elles disent souvent qu'elles n'arrivent pas à transmettre facilement leurs biens.
04:55 Est-ce que vous y pensez, vous, déjà, un jour ?
04:58 Alors moi, j'ai une entreprise que je viens de reprendre.
05:00 Là, vous l'avez reprise.
05:01 Oui, je l'ai reprise il y a deux ans.
05:04 Vous la remontez et vous la vendrez.
05:06 Je vais essayer de la conserver le plus longtemps possible,
05:08 de voir si je peux mettre en place une succession.
05:11 Je pense qu'il faut surtout s'y préparer.
05:13 Je pense qu'il faudrait peut-être plus d'éducation auprès des dirigeants.
05:16 En tout cas, le dirigeant qui a vendu,
05:19 lui, c'était très clair dans sa tête que ses enfants ne pouvaient pas reprendre,
05:23 qu'il fallait vendre.
05:24 Il s'est organisé, il a fait ce qu'il fallait pour qu'elles soient,
05:26 entre guillemets, reprenables.
05:28 Et quand vous entendez les autorités dire
05:30 "on va remonter la part de l'industrie en France",
05:32 on était à 20 % autrefois, on est tombé à 10 du PIB.
05:35 Est-ce que c'est jouable de remonter la pente ?
05:38 De réindustrialiser ?
05:39 J'espère, mais c'est très coûteux.
05:42 Une petite PME comme la nôtre, c'est à peu près 7-8 millions d'euros.
05:45 Pour la construire from scratch, il faudrait investir plus de 20 millions d'euros.
05:51 Donc c'est très important, c'est très coûteux.
05:53 Les machines-outils sont très chers aujourd'hui.
05:56 Les prêts classiques, c'est 5-6 ans.
05:58 Or, on voit bien qu'on ne peut pas amortir 20 millions d'euros
06:01 sur 7-8 millions d'euros de chiffre d'affaires.
06:03 Donc il faudrait probablement accompagner ceux qui veulent industrialiser
06:08 sur des financements très longs.
06:10 Et rendre de la qualité plus chère, ce qu'on fait les Allemands de temps en temps.
06:14 Remonter le niveau.
06:14 En tout cas, vous restez en France, c'est le principal.
06:17 Plus de PME qui témoignaient sur CNews.
06:19 Merci d'être venu, M. Lacour.
06:21 Restez avec nous sur CNews.
06:24 [Musique]
06:28 [SILENCE]

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