Avec quatre autre grands-chefs, elle a été choisie pour préparer les menus des athlètes des JO 2024 : Amandine Chaignot, cheffe, propriétaire de deux restaurants à Paris, le Café de Luce à Montmartre et Pouliche dans le 10e arrondissement, est l'invité de RTL Matin.
Regardez L'invité de RTL du 29 mai 2023 avec Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL du 29 mai 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h42, excellente journée à vous tous qui nous écoutez.
00:10 Amandine Bégaud, vous recevez donc ce matin la chef Amandine Chéniot.
00:13 Amandine Chéniot, vous faites partie, je le disais, des cinq chefs qui ont été choisis pour
00:17 concocter les repas des athlètes des JO de Paris. J'imagine d'abord que c'est une grosse fierté pour vous, une grande fierté.
00:22 Oui, complètement. Quand on m'a proposé de rejoindre l'aventure, moi j'ai pas hésité un instant.
00:26 Je pense qu'il n'y a pas cinquante fois dans une vie qu'on a l'opportunité de prendre part à un tel rendez-vous.
00:31 Donc oui, évidemment, c'était une évidence pour moi.
00:33 Une grande fierté, mais un sacré défi aussi, puisque ce sont 40 000 repas qui seront préparés chaque jour.
00:39 Du petit-déj au dîner, c'est énorme 40 000.
00:43 Oui, ça va être une énorme mécanique pendant les deux fois quinze jours des JO, donc JO et Paralympique.
00:48 Et ensuite, on va être là devant les athlètes pour cuisiner, pour essayer de représenter un petit peu la gastronomie française.
00:56 C'est vous qui allez cuisiner, vous les chefs.
00:58 Je ne vais pas être toute seule, on ne va pas se mentir.
01:00 Mais oui, l'idée, c'est qu'on soit là, effectivement, pour apporter notre touche, pour faire quelque chose de vivant,
01:07 qui soit la cuisine, vraiment plaisir.
01:09 Bon, l'enjeu, il est important, bien sûr, il faut nourrir des athlètes 40 000 repas.
01:14 Mais on est en France, il ne faut pas se louper non plus sur la cuisine, sur la bouffe, si je peux me permettre.
01:21 Oui, effectivement, parce qu'évidemment, il y a des temps avant les épreuves sur lesquels les athlètes sont hyper concentrés,
01:29 avec un plan diététique très, très, très serré.
01:31 Mais il y a aussi des temps de repos, il y a des temps de loisirs.
01:34 Et on sait maintenant que les athlètes, quand ils vont sur les jeux, ils ont aussi envie de se faire plaisir.
01:39 Ils ont envie de découvrir le pays.
01:40 Et la France, pour moi, c'est vraiment la gastronomie.
01:42 Bon, ça va se passer concrètement comment ? Il y a une grande cuisine, une seule grande cuisine ?
01:47 Il va y avoir.
01:48 Alors, c'est au niveau de la cité du cinéma, donc dans le bâtiment qui est gigantesque,
01:52 on va avoir le gros, le cœur de l'action, on va dire, le cœur du réacteur.
01:57 Et ensuite, il va y avoir des zones satellites autour, donc des endroits un peu plus loisirs,
02:02 avec de la street food, avec des camions.
02:04 Il va y avoir vraiment tout un panel d'offres assez vaste pour couvrir justement tous ces moments de consommation.
02:11 Bon, Amandine Chéniaud, j'imagine qu'on n'élabore pas des menus pour servir 40 000 repas par jour,
02:16 comme on le fait dans un restaurant, par exemple.
02:18 Comment ça se passe ?
02:19 Oui, forcément, il y a une idée d'échelle qui est complètement différente.
02:22 Donc, quand on a réfléchi à nos recettes, évidemment, il y a la personnalité de chacun,
02:26 mais il y a aussi des considérations pratiques de faisabilité qui sont vraiment...
02:31 Par exemple, vous aviez pensé à quelque chose qui est irréalisable ou...
02:34 On va éviter de faire des choses qui sont...
02:38 qui demandent vraiment beaucoup de gestes en toute fin.
02:42 On va essayer de rationaliser les choses pour qu'on puisse avoir des temps de préparation en amont,
02:47 qui soient optimisés et que finalement, quand on est devant nos petits athlètes,
02:53 qu'on soit assez rapide et efficace.
02:55 On sait aujourd'hui ce qu'ils vont manger ? On connaît les menus ?
02:57 Alors, on est dans ces phases de préparation,
03:00 donc on a soumis des recettes qui sont en attente d'approbation du CEO.
03:05 Bon, c'est le CEO qui valide ?
03:06 Oui.
03:07 Vous pouvez nous donner une ou deux petites recettes ?
03:09 Ou ce que vous avez proposé ?
03:12 C'est sûr, il n'y a pas de secret.
03:14 Alors, moi, j'ai proposé des choses assez gourmandes.
03:17 Ce que j'aime dans la cuisine française, c'est la sauce.
03:18 Donc, par exemple...
03:19 Et un athlète a le droit de manger de la sauce ?
03:21 Bien sûr !
03:23 Donc, il y a des moments de dessert aussi.
03:27 Je me souviens que j'ai proposé notamment une crème prise au caramel avec des petits palmiers qu'on va tremper dedans.
03:32 Une fraise melba, ça c'est pour le côté un petit peu gourmand, un peu sucré.
03:37 J'ai fait notamment une pintade au langoustine avec des gnocchi.
03:41 Voilà, avec cette idée de bisque qu'on va venir...
03:44 Voilà, c'est généreux, c'est gourmand.
03:45 On a envie de ces choses-là.
03:46 Et ça, c'est faisable à une telle échelle ?
03:49 Je me suis débrouillée pour que ce soit faisable à une telle échelle.
03:52 Bon, vous avez eu des consignes, Yamandine Chéniaud.
03:54 Vous disiez, les athlètes, avant la compétition, il y a bien sûr une alimentation qui est sans doute extrêmement restreinte,
04:02 en tout cas très, très, très encadrée.
04:03 Est-ce que, je ne sais pas, on vous a demandé de penser quelque chose d'équilibré, de riche en protéines, par exemple, ou pas du tout ?
04:09 Alors, pas trop sur cet angle-là.
04:11 En revanche, il y a une dimension responsable et qui est vraiment présente pour ces jeux-là,
04:18 et qui, moi, me parle, puisque c'est déjà une démarche qu'on a vraiment dans les restaurants au Café de Luce et à Poulich au quotidien,
04:24 avec notamment une volonté de mettre en avant le végétal,
04:28 de réduire un peu les parts de protéines animales dans les offres de restauration.
04:32 Et ça tombe bien, puisque à Poulich, nous, on est complètement végétariens tous les mercredis,
04:36 et le reste de la semaine, on se limite à une viande et un poisson.
04:38 Donc, vous voyez, on est tout à fait raccord avec ces dimensions-là.
04:40 Vous parlez de vos deux restaurants, Poulich et le Café de Luce, il y a aussi Rosy et Maria.
04:45 Tout à fait.
04:46 Le grand public, vous avez découvert dans l'émission Masterchef,
04:48 et vous avez aussi, j'ai lu, intégré cette année la brigade Air France.
04:52 Oui !
04:52 Pour laquelle vous avez fait des menus.
04:54 Non, mais, ce que je veux dire, c'est sortir de sa cuisine pour un chef, c'est important ?
04:58 Parce que c'est quand même des choses complètement différentes.
05:00 Oui, alors, ça dépend, en fait.
05:01 Je pense qu'il y a des chefs qui ne sont pas très à l'aise, justement,
05:05 et qui ont besoin de ce rituel, de ce quotidien, de ce cocon, en fait, qu'on se crée dans une cuisine.
05:10 Moi, c'est plutôt l'inverse.
05:11 En fait, j'ai besoin de sortir, j'ai besoin d'avoir plein de réflexions en même temps.
05:15 Et je trouve que c'est toujours hyper intéressant,
05:16 parce que tous les angles de vue sont différents, et en même temps, ça se nourrit.
05:19 Je trouve que...
05:20 Ça vous aide après ?
05:22 En tout cas, ça...
05:23 Moi, j'ai besoin de ce bouillonnement-là.
05:25 J'ai besoin d'avoir, justement, très peu de répétition dans mon quotidien.
05:29 Et c'est ça qui est fabuleux dans ce métier-là,
05:31 c'est qu'on peut avoir des réflexions tous les jours avec des angles de vue complètement différents,
05:36 parce que l'alimentation, elle touche tout le monde trois fois par jour.
05:39 Donc, c'est au cœur de tout le monde.
05:42 - Vous ne restez pas enfermée dans votre cuisine.
05:44 C'était aussi le sens de ma question.
05:45 Vous avez travaillé avec de très grands noms de la cuisine française,
05:48 Alain Ducasse, Jean-François Piège ou encore Yannick Allénaud, et puis d'autres.
05:52 Vous dites que chacun d'eux est aujourd'hui présent dans vos assiettes.
05:56 - Complètement.
05:56 Je pense qu'en cuisine...
05:59 En tout cas, moi, j'ai la conviction d'être un maillon qu'on a appris de nos pères,
06:05 qu'on a appris des chefs avec lesquels on a été travailler.
06:07 Et puis, on est en train de le transmettre aux équipes qui viennent travailler avec nous.
06:11 Et c'est quelque chose d'important.
06:13 Et oui, je pense que c'est des gens qui ont beaucoup compté dans ma vie,
06:16 qui m'ont donné du temps, qui m'ont donné de l'énergie, qui m'ont transmis...
06:21 - Mais alors, qu'est-ce que vous avez pris de qui ?
06:23 - Ah, mais c'est des choses qui sont indécibles, en fait.
06:26 On ne sait pas.
06:27 Ça peut être parfois juste la façon de poser un élément dans une assiette.
06:31 Ça peut être la façon de réfléchir.
06:32 Enfin, tous ces chefs...
06:34 Moi, c'était quelque chose de volontaire.
06:35 Je voulais travailler avec des gens avec des personnalités très différentes et des univers différents.
06:40 Donc, forcément, la cuisine de Yannick Aléno, elle est très différente de la cuisine d'Alain Ducasse.
06:44 Et c'est ça que je trouve hyper intéressant.
06:47 C'est justement de ne pas rester avec une vision un peu tunnel,
06:51 mais au contraire, d'essayer de s'ouvrir à d'autres façons de faire et à d'autres...
06:56 - En fait, vous êtes très curieuse.
06:57 - Oui, complètement, oui.
06:58 - Et alors, ce qui est super étonnant dans votre parcours,
07:02 c'est que finalement, rien ne vous prédestinait à tout ça au départ.
07:06 Vous avez des parents scientifiques, une maman chercheuse en biochimie au CNRS,
07:10 un père ingénieur informaticien.
07:12 Vous décrochez votre bac avec un an d'avance.
07:14 Vous commencez en tout cas des études de pharmacie.
07:17 Et qu'est-ce qui se passe ? Quel moment ?
07:20 - Alors, je suis désolée pour tous les pharmaciens, mais...
07:22 Moi, je n'arrivais pas à me projeter là-dedans.
07:24 Je m'ennuyais.
07:25 Ce n'était pas assez concret.
07:26 J'avais besoin de faire quelque chose vraiment avec mes mains, en fait.
07:31 Et j'ai toujours été traînée dans les cuisines de ma mère, de ma grand-mère.
07:35 Mais pour moi, ce n'était pas un métier.
07:38 On ne m'avait pas mis ça dans la tête.
07:40 Et en fait, c'est en prenant un petit boulot dans la restauration à l'époque
07:43 pour gagner un peu d'argent, pour passer mon permis de conduire,
07:46 que je découvre la restauration.
07:47 Et là, j'ai un tilt.
07:49 Et après, c'est les rencontres avec Annick Alenau, avec Alain Ducasse,
07:54 qui ont fait que j'ai continué dans le métier.
07:56 - Je ne savais pas, dites-vous, que c'était un métier.
07:58 Ça veut dire qu'on ne les valorise pas assez, ces métiers-là ?
08:00 - Oui. Il faut remettre les choses dans le contexte.
08:01 On parle de ça il y a 25 ans maintenant.
08:03 - Oui, ce n'était pas il y a 1000 ans non plus, excusez-moi.
08:05 - Oui, mais bon, les choses ont quand même énormément changé entre-temps.
08:08 Et à l'époque, quand j'ai dit à mes parents que j'allais faire de la cuisine,
08:10 ils m'ont regardée avec des yeux.
08:11 Mais d'où sort cette idée ?
08:12 C'était un peu la panique à bord.
08:14 Et alors qu'aujourd'hui, à travers...
08:17 - Les émissions de télé.
08:18 - Exactement. Il y a eu aussi un regain d'intérêt pour les filiales,
08:23 pour les métiers manuels, pour les métiers de bouche,
08:27 pour aussi la qualité des ingrédients et les terroirs qu'on a en France.
08:31 Il y a 25 ans, c'était quand même des choses qu'on ne valorisait pas vraiment.
08:36 Donc, ce n'était pas évident de prendre cette voie-là.
08:39 - Et vos parents vous ont soutenu ?
08:41 - Maintenant, ils ne sont pas très contents, ça j'imagine.
08:44 Mais quand vous leur avez dit, au départ, ils étaient un peu sceptiques
08:46 et ça s'est vite résorbé ?
08:48 - Au départ, ils étaient très sceptiques, on ne va pas se mentir.
08:51 Et puis, petit à petit, ils m'ont toujours fait confiance.
08:54 Donc, même s'ils ne comprenaient pas trop,
08:56 ils m'ont laissé faire mon petit bout de chemin.
08:58 Et puis, quelques années plus tard, ils étaient quand même plutôt rassurés.
09:01 Et aujourd'hui, je pense qu'ils sont assez contents.
09:03 - Oui, et toi !
09:04 En effet, merci beaucoup Amandine Chéniaux d'être venue nous parler de cette cuisine des I.O.
09:09 ce matin et de votre métier.
09:11 [SILENCE]