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L'édito de Mathieu Bock-Côté : «Henri, ce héros qui dérange», dans Face à l'info. 

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Transcription
00:00 Depuis jeudi, la France entière souligne le courage du pèlerin au sac à dos, Mathieu Bocoté,
00:06 qui s'est interposé à Annecy et qui a ainsi sauvé des vies.
00:10 Mais corrigeons tout de suite, toute la France, non.
00:13 Car une partie de la gauche a décidé de s'enfermer dans le mutisme,
00:17 alors qu'une autre raille le héros, le ridiculise, notamment à cause de sa foi.
00:25 Et c'est sur ces railleries, sur ce mutisme, que vous voulez revenir, Mathieu Bocoté.
00:28 Ah oui, parce qu'il y a une histoire à écrire du traitement médiatique du héros Henri.
00:33 Disons ça comme ça.
00:34 Ça commence par l'émotion unanime.
00:36 On voit un homme faire preuve de courage physique.
00:38 On se demande tous si on a du courage physique en soi.
00:41 Lui en a eu à ce moment précis.
00:43 Et là, émotion unanime.
00:45 On lui tend le micro et là, soudainement, le malaise apparaît.
00:49 Je sais certain pourquoi.
00:50 D'abord, il fait un pèlerinage des cathédrales, un tour de France des cathédrales.
00:54 Ça commence à sentir le cateau, ça.
00:56 Ça commence déjà à être louche.
00:58 Plus encore, on comprend qu'il appartient à la mouvance du catholicisme traditionnel.
01:03 Il a fait l'IPC, l'école de formation, parce qu'il a travaillé pour l'homme nouveau.
01:08 Un bimensuel catholique.
01:10 On comprend qu'il appartient, au moment après les événements, il invite à faire une chaîne de prière.
01:15 Pour les enfants.
01:16 Ça, ça commence à en agacer plusieurs.
01:19 Et pire encore, il aime le drapeau.
01:21 Il aime le drapeau. Là, franchement, ça passe plus.
01:23 Le drapeau, cateau, tout ça, qu'est-ce qui se passe?
01:26 Qui est ce type qui ose troubler le récit collectif?
01:29 Alors, trois réactions.
01:31 Il parle très rapidement, globalement, de héros à fachos.
01:33 Trois réactions.
01:35 Je vais documenter chacune d'entre elles.
01:37 La première, c'est la raillerie.
01:39 On l'a vu dans Libération, un journal où Daniel Schneiderman se moque à la fois de Henri,
01:45 et de sa foi, et de ceux qui admirent sa foi.
01:48 On est quand même à 24 heures de l'événement, 48 heures,
01:51 et déjà, on trouve matière à rire, parce que cet homme ne croit pas aux bonnes choses.
01:55 Il aime peut-être pas le bon drapeau.
01:57 -Propos condamnés par Denis Oliven.
01:59 -Bien sûr, mais le fait est que Schneiderman n'a pas pu s'empêcher,
02:02 dans les circonstances, de faire son petit crachat.
02:04 Deuxième, et là, on passe de la raillerie à l'hostilité.
02:08 Et vous me permettrez de citer...
02:10 Il y a eu une enfilade, un thread Twitter,
02:12 un fil Twitter qui a eu beaucoup d'échos.
02:14 Je vais citer quelques phrases.
02:16 Ça vient d'un journaliste photo-reporteur qui s'appelle Ricardo Pereira.
02:20 Pereira, dis-je.
02:22 Je vais citer quelques extraits. Vous allez voir jusqu'où ça peut aller.
02:24 "Ce qui m'a conduit à écrire ce tweet, dit-il,
02:28 est le choix du T-shirt qu'Henri fait pour se faire découvrir en France.
02:34 Un geste qui n'est pas anodin.
02:36 De plus, une partie de son discours me semble problématique.
02:40 Le T-shirt est composé de deux symboles.
02:42 Le drapeau français, qui, à mon avis, lorsqu'on le porte sur une veste,
02:45 démontre une forme de patriotisme ou de nationalisme.
02:48 Henri est-il un patriote ou un nationaliste?
02:50 Hein? Un patriote?
02:52 C'est inacceptable, ça. Ça va plus loin.
02:54 Il nous dit, bien évidemment,
02:56 Henri a réagi sur le coup.
02:58 Je le félicite.
03:00 Mais son discours sur BFM est bizarre.
03:02 Il parle de Beltram, de relever la tête, d'arrêter de subir.
03:06 Je dirais que ce sont des dog whistles.
03:08 Pour moi, ce qui ressort de cette phrase,
03:10 c'est une logique que je vois prendre de la puissance dans les réseaux sociaux d'extrême droite.
03:15 Des phrases qui incitent à la haine, à la violence physique envers les personnes racisées.
03:19 Henri se mobilise pour défendre des enfants poignardés par un migrant syrien.
03:24 Et c'est lorsqu'il dit, bien, parce qu'il faut relever la tête,
03:26 il ne faut pas se coucher quand on voit un drame comme celui-là,
03:28 il ne faut pas s'écraser.
03:30 Je prends comme exemple Beltram, parce que c'est un homme admirable,
03:32 et bien c'est lui le coupable qui appelle à la violence.
03:35 Et un autre élément, notre dernier,
03:37 un autre aspect étrange, mais aussi typique chez les fervents catholiques,
03:40 c'est leur obsession pour les enfants.
03:42 L'agresseur a blessé six personnes, dont quatre enfants.
03:45 Henri a prié sur place pour les enfants.
03:47 Ça c'est terrible, prier pour les enfants, ça c'est inacceptable.
03:51 Et, alors là, dans un autre journal, vous me permettrez un instant,
03:54 dans le 20 minutes, ça c'est exceptionnel, c'est Xavier Regnier.
03:58 Mais si le héros médiatique, comme toute figure héroïque, est parfait au départ,
04:03 Henri n'en reste pas tel Batman, pas moins un humain.
04:06 Avec son passé, son côté sombre et ses éventuelles casseroles,
04:10 le jeune homme aux discours bien rodés et presque prédicateurs
04:13 a été alternant pour un journal d'extrême droite, l'homme nouveau.
04:16 Autrement dit, ce héros n'est pas le bon, ce héros ne croit pas aux bonnes choses.
04:21 C'est un patriote catholique, il faut dès lors, puis certains lui demandent,
04:25 justifiez-vous, que croyez-vous vraiment, c'est la volonté d'humilier,
04:28 de salir, de cracher sur le héros des circonstances.
04:32 - Quand vous dites, dernière question, quand vous dites qu'Henri n'était pas
04:35 le héros souhaité par les médias, est-ce que vous n'allez pas un petit peu loin
04:39 quand même, parce que les réactions que vous décrivez restent quand même marginales?
04:43 - Non, je ne pense pas qu'elles soient marginales, elles sont représentatives
04:45 d'un état d'esprit, parce que c'est le troisième élément dont je vous ai parlé.
04:47 La raillerie, l'hostilité, il y a aussi le silence.
04:50 L'étonnant silence d'une bonne partie des figures importantes de la gauche,
04:54 si on avait été devant Mamadou Gassama, on aurait applaudi, les applaudissements
04:57 auraient été là. Je souligne que lorsque c'est arrivé, à droite, personne s'est
05:00 empêché d'applaudir, il y avait une véritable admiration.
05:03 Mais là, le héros n'est pas le bon. Pourquoi? Parce qu'il représente la France
05:06 dont on veut se délivrer. La France catholique, on en a marre,
05:09 elle n'appartient pas à l'univers de la diversité. La France patriote,
05:12 fière de son drapeau, on en a marre. Elle n'appartient pas à l'univers
05:15 du post-nationalisme, du post-patriotisme, de l'Europe mondialisée et diversitaire.
05:19 Il représente les Français de trop, ceux qui sont de trop en ce pays,
05:23 et c'est paradoxal, ceux qui se lèvent pour défendre leur pays lorsqu'il est agressé.
05:26 Aujourd'hui, on les moque, on les tourne en ridicule, mais ce n'est pas surprenant,
05:29 ce n'est que l'expression radicalisée sur le plan médiatique du mépris
05:32 pour ceux qui fondamentalement aiment leur pays.
05:35 [Musique]
05:38 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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