Laurent Lafon, sénateur centriste du Val-de-Marne et président de la commission de la culture au Sénat. Ce projet, inscrit dans une proposition de loi adoptée cette semaine, fait craindre à la gauche un retour à l’ORTF.
"L’audiovisuel public doit s’organiser différemment pour lutter contre les plateformes numériques. Personne ne souhaite revenir à l’époque de l’ORTF". Le sénateur centriste Laurent Lafon, Président de la Commission de la culture à la chambre haute, espère que l’Assemblée nationale inscrira prochainement à l’ordre du jour sa proposition de loi que le Sénat a votée en début de semaine. Un texte sur l’audiovisuel public et la souveraineté audiovisuelle qui prévoit la création, en janvier 2024, d’une holding qui chapeauterait quatre entreprises de publiques : Radio France, France Télévisions, France Médias Monde et l’INA. Laurent Lafon est l’invité médias de Célyne Baÿt-Darcourt.
"L’audiovisuel public doit s’organiser différemment pour lutter contre les plateformes numériques. Personne ne souhaite revenir à l’époque de l’ORTF". Le sénateur centriste Laurent Lafon, Président de la Commission de la culture à la chambre haute, espère que l’Assemblée nationale inscrira prochainement à l’ordre du jour sa proposition de loi que le Sénat a votée en début de semaine. Un texte sur l’audiovisuel public et la souveraineté audiovisuelle qui prévoit la création, en janvier 2024, d’une holding qui chapeauterait quatre entreprises de publiques : Radio France, France Télévisions, France Médias Monde et l’INA. Laurent Lafon est l’invité médias de Célyne Baÿt-Darcourt.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Bonjour Céline Bidarcourt, votre invité média est un sénateur centriste qui veut réformer l'audiovisuel public.
00:05 Il est à l'origine d'une proposition de loi qui vient d'être adoptée au Sénat.
00:09 Bonjour Laurent Laffont, il y a aussi des dispositions qui concernent la souveraineté audiovisuelle.
00:13 Mais je voudrais commencer par la mesure phare de ce texte, qui est la création d'une holding baptisée France Média,
00:19 avec sous son contrôle Radio France, France Télévision, France Média Monde, c'est-à-dire RFI et France 24,
00:23 et puis l'Institut National de l'Audiovisuel. Elle serait mise en place le 1er janvier prochain 2024.
00:28 Alors vous n'avez rien inventé, c'est un vieux projet de 2019 porté à l'époque par le ministre de la Culture Franck Riester.
00:34 Le Covid a enterré ce projet et il a été remis sur le tapis par des parlementaires,
00:38 deux députés qui ont remis un rapport en ce sens la semaine dernière, alors que le gouvernement ne veut plus en entendre parler.
00:43 Que répondez-vous Laurent Laffont à ceux qui disent, et c'est notamment le cas de la gauche, que cette holding c'est le retour de l'ORTF ?
00:49 Oui évidemment, c'est pas l'objectif la création de la holding, c'est pas du tout pour contrôler les différents acteurs.
00:57 Mais c'est pour leur permettre de développer de la coopération entre elles.
01:00 Ce qu'elles font déjà ?
01:02 Ce qu'elles font, mais pas suffisamment.
01:03 Elles le font à travers ce qu'on appelle les conventions d'objectifs et des moyens, qui sont des outils très légers,
01:10 qui correspondent plus à des annonces qu'à des réalités, puisque l'ARCOM a montré que ça fonctionnait peu, pas assez.
01:16 Donc nous, nous voulons passer à une vitesse supérieure.
01:19 Évidemment, on n'est plus autant de l'ORTF qui imagine revenir à cette époque-là, personne ne le souhaite.
01:25 C'est pas ça l'objectif. L'objectif c'est de pouvoir affronter ensemble des grands enjeux, qui sont des enjeux technologiques et d'usage.
01:34 On sait que la réforme numérique, elle n'est pas encore complètement absorbée.
01:38 Se dessine déjà celle de l'intelligence artificielle. Tout ça, il faut...
01:42 Il y en a plusieurs, on est plus fort pour affronter notamment les plateformes ?
01:45 Mais bien sûr, ne serait-ce que la question numérique.
01:48 Si vous l'affrontez à Radio France et France Télévisions, sans parler de l'INA et de France Média Monde,
01:54 vous allez pouvoir développer des outils, aborder une stratégie de manière plus concertée, plus efficace et en termes de moyens.
02:01 À condition d'en avoir envie. Les dirigeantes et dirigeants de ces entreprises n'ont pas forcément envie de cet holding. C'est à marche forcée.
02:09 C'est là d'abord, entre ce qui est dit officiellement et ce qui est dit parfois en off, il peut y avoir un écart.
02:14 Et puis c'est là où la tutelle doit jouer son rôle. C'est-à-dire que c'est à elle de donner la direction et de dire qu'il faut y aller.
02:21 Il faut y aller parce que sinon, on voit bien le problème, c'est un problème d'audience.
02:24 Beaucoup de gens se détournent des médias traditionnels et vont sur les réseaux sociaux, écoutent TikTok.
02:32 C'est très clair pour les jeunes. Il faut évidemment arriver à s'organiser différemment.
02:37 On ne va pas changer les habitudes. On ne va pas faire face, faire de la télévision comme on le faisait avant. Ce n'est pas vrai.
02:43 Il faudrait peut-être plus de moyens, Laurent Laffont. Et là, justement, vous voulez plafonner le financement de Radio France et de France Télévision.
02:53 On veut plafonner la ressource publicitaire, qui est un moyen de sécuriser l'autre ressource, qui est la ressource fiscale.
03:01 Il y a un autre enjeu qui est extrêmement important, qui va se poser dans les mois à venir.
03:05 C'est la question du financement de l'audiovisuel public.
03:07 Que vous ne réglez pas dans le texte.
03:08 Non, volontairement, puisque vous le savez, le système qui a été mis en place il n'y a même pas un an suite à la suppression de la redevance,
03:15 est un système qui ne peut pas tenir. Il faudra le réviser pour des questions juridiques. Il faudra le réviser au plus tard fin 2024. C'est demain.
03:23 Et on prélève une fraction de la TVA pour la reversée à l'audiovisuel public.
03:26 Sauf qu'il y a un problème. Les juristes nous disent que ce système est un système temporaire et que pour le prolonger, il faut modifier.
03:33 C'est un peu technique, j'en suis désolé. Il faut modifier par des lois organiques, ce qu'on appelle la LOLF, la loi organique sur la loi de finances.
03:41 Et pour modifier la LOLF, il faut un accord du Sénat et de l'Assemblée nationale.
03:45 Donc la question du financement, elle va se poser à court terme.
03:47 Et nous, nous disons, nous parlerons du financement, mais nous parlerons aussi de l'organisation et de la gouvernance.
03:52 Je voudrais revenir sur la question de la publicité, parce que vous voulez plafonner les recettes publicitaires du service public.
03:59 Et dans le même temps, vous faites une fleur aux chaînes privées en les autorisant à mettre trois coupures pub et non plus deux lorsqu'un film dépasse les deux heures.
04:04 On sent clairement que vous voulez privilégier le privé aux dépôts du public.
04:07 Non, d'abord, plafonner, ça ne veut pas dire supprimer.
04:10 Plafonner, ça veut juste dire jusqu'où on va dans le recours à la recette publicitaire.
04:14 On l'a constaté sur Radio France comme à France Télévisions que par une pression, sans doute que je comprends très bien, de Bercy, de dire essayer de développer des ressources propres.
04:24 Forcément, les responsables de ces médias ont essayé de développer la ressource publicitaire.
04:29 Or, pour nous, c'est extrêmement important...
04:30 Vous êtes en train de parler, par exemple, excusez-moi Laurent Laffont, des parrainages qui entourent les émissions après 20 heures sur France Télévisions.
04:36 Absolument, tout à fait.
04:37 Or, pour nous, c'est extrêmement important que le service public reste un peu, j'allais dire, épargné du brouillage que peut donner un usage important de la publicité
04:50 et que, chaîne privée, financement privé, chaîne publique, financement public, c'est aussi un moyen de dire à l'État, assumer la responsabilité financière de l'audiovisuel public.
05:01 Nous nous y tenons, l'audiovisuel public, mais pour ça, il faut qu'il y ait des moyens publics.
05:04 Alors, votre texte, Laurent Laffont, comprend un article sur le sport, sur les événements sportifs d'importance majeure.
05:10 C'est une liste créée en 2014, une liste de compétitions qui doivent obligatoirement être diffusées gratuitement.
05:15 Par exemple, les finales de Roland-Garros, le Tour de France, les Jeux Olympiques, la finale du Mondial de foot.
05:20 Ça ne concerne pas les plateformes, c'est ça ? Et vous voulez que ce soit le cas ?
05:23 Non, on veut que les plateformes respectent ces événements d'importance majeure.
05:28 Jusqu'à présent, elles le font ?
05:29 Pas forcément. Il y a un vrai enjeu sur le sport parce que, justement, les plateformes, les Netflix, Amazon et compagnie, sont très attirées sur les grands événements sportifs.
05:40 On le voit, par exemple, Roland-Garros a déjà basculé en partie sur Amazon. On sait qu'il y a une pression...
05:46 Les demi-finales et la finale restent sur France Télévisions.
05:48 Heureusement, parce qu'elles sont protégées, justement, par ce décret.
05:51 On sait qu'il y a aussi une forte pression sur le tournoi des destinations au rugby.
05:56 On voit bien que la Ligue 1 s'est terminée. On ne les reverra plus jamais sur des chaînes en clair.
06:02 Donc, nous, on veut protéger, et pour ça, l'outil qui est important, c'est ce décret sur les événements d'importance majeure.
06:09 Mais on veut que les plateformes, qui ne sont pas soumises à notre législation, c'est toute la difficulté que nous avons, respectent ce décret.
06:15 Que va devenir ce texte, monsieur le sénateur ? Le gouvernement n'en veut pas. Comment peut-il arriver à l'Assemblée ?
06:20 D'abord, il n'en veut pas, pour l'instant.
06:22 Vous espérez encore les convaincre ?
06:24 Mais bien sûr. Ne serait-ce que parce que, depuis 2017, il sont nombreux, les membres de la majorité présidentielle,
06:30 que ce soit Gabriel Attal, Aurore Bergé, et puis bien sûr, vous l'avez cité, Franck Riester, à avoir porté un projet de holding.
06:36 On peut changer d'avis.
06:37 Absolument. Laissons passer cette phase politique actuelle, qui a l'air très tournée autour du remaniement, et nous verrons ça à l'automne.
06:44 Ce que je constate, c'est qu'il y a une majorité, à la fois à l'Assemblée nationale et à la fois au Sénat, qui le souhaite.
06:49 Et il y aura nécessité de discuter du financement. Il faut qu'on trouve un équilibre, un accord.
06:54 On n'est plus dans la phase politique où le gouvernement décide de tout, tout seul. Maintenant, on va décider à trois.
06:59 Et ce texte, il va être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans les prochains mois ?
07:02 Ça sera au député de le faire. Je ne peux pas répondre. Moi, je ne suis que sénateur, mais bien sûr, je le souhaite.
07:07 Merci d'être venu, Laurent Lafond.
07:09 Merci.
07:09 Vous êtes président de la Commission de la Culture du Sénat.