• l’année dernière
Transcription
00:00 * Extrait de « La vie de la vie » de Yannick *
00:19 Ce soir, vous prendrez peut-être votre guitare pour enchaîner toute la soirée dans votre
00:23 rue, sur la plage de votre village, les trois accords que comme moi, vous maîtrisez tant
00:27 bien que mal pour chanter à tue-tête les plus grands classiques de la chanson française,
00:31 chacun son répertoire.
00:32 Vous ne serez pas seul car en ce 21 juin, la fête de la musique autorise tout, les
00:37 bonnes comme les mauvaises notes, tant que c'est joué avec le cœur.
00:40 La fête de la musique, cet héritage des années 80 qui rend nostalgique et nous replonge
00:45 pour certains en adolescence, l'amitié, la bande de copains, les rêves, ces fragments
00:50 de vie qui nous ont construits.
00:52 Et puis, le bac qui fait tout basculer, l'envie de quitter la cité, de quitter l'endroit,
00:58 la ville où on a grandi.
00:59 Voilà quelques pistes où nous plongent les romans de nos deux invités, insouciants
01:03 et mélancoliques.
01:04 On se laisse embarquer avec la communauté du Book Club et en musique, bien sûr.
01:08 * Extrait de « La vie de la vie » de Yannick *
01:14 France Culture, le Book Club.
01:17 Je me présente, je m'appelle Henri Je voudrais bien réussir ma vie, être aimé
01:25 Come as you are, as you were As I want you to be
01:34 Être beau, gagner de l'argent Puis surtout être intelligent
01:40 Mais pour tout ça, il faudrait toujours mon sapeur-temps
01:47 * Nicolas Herbeau *
01:49 Kurt Cobain de Nirvana et Daniel Balavoine, Marie-Émix et Partho Mabo qui réalisent cette
01:54 émission à l'occasion de cet échange que l'on vous propose ce midi.
01:58 Bonjour Samuel Benchetrit.
01:59 * Bonjour *
02:00 Vous êtes romancier, cinéaste, dramaturge.
02:01 Vous avez réalisé en 2015 le fabuleux film Asphalt d'après vos romans.
02:05 Une chronique de l'asphalte que vous publiez depuis 2005 chez Garacet et dont vient de
02:09 paraître un quatrième volume intitulé Variety française.
02:14 On y retrouve la même bande de copains qui vit dans une cité HLM au milieu des années
02:19 80.
02:20 Vous y êtes très attaché à cette bande de copains et à ces années 80 ?
02:22 * Un peu oui, à mon enfance.
02:26 Oui.
02:27 Et puis les cités, j'ai un rapport aux cités qui me touche beaucoup.
02:31 Oui, c'est vrai.
02:32 En commençant en 2005, il y avait déjà dans l'idée qu'il y allait y avoir cinq
02:37 tomes.
02:38 Pourquoi ? * Pas vraiment, je ne sais pas.
02:41 Ça devait être une histoire d'avaloir ou un truc.
02:44 Non, je ne sais pas.
02:45 Parce que je trouvais intéressant peut-être de lancer quelque chose qui serait comme un
02:51 long chantier qui peut-être me tiendrait un peu en vie.
02:57 Enfin en vie, quelque chose, une cabane d'enfance dans laquelle je pourrais retourner régulièrement.
03:01 * On va s'y plonger dans les années 80.
03:03 Mais qu'est-ce qu'elles ont de magique pour vous ? Alors à part l'enfance, bien
03:06 sûr, est-ce que c'est quelque chose, une période dont vous avez envie de revenir ?
03:14 Quelque chose un peu de magique pour vous ?
03:16 Non, non, le hasard a fait que je suis né là.
03:18 À l'époque, moi, je m'étais dit que je m'étais mal né.
03:20 On se dit souvent qu'on est mal né.
03:21 Je me dis merde, j'ai raté les années 70, les années 60 même.
03:25 Les années 80, c'était pas.
03:27 Et puis maintenant, ma fille, par exemple, elle aime les années 80.
03:30 Il se trouve que moi, j'ai commencé à écrire ces chroniques quand les politiques
03:34 ont commencé surtout à taper sérieusement sur ces cités HLM.
03:39 Donc je me disais mais il s'est passé aussi autre chose.
03:41 Puis c'est le monde d'avant, le monde d'avant Internet.
03:44 C'est juste avant le monde d'avant.
03:45 C'est juste avant tout ça.
03:46 Alors c'est intéressant de voir comment on s'est changé des disques, des machins,
03:49 des trucs.
03:50 * Une dizaine d'années plus tard, bienvenue dans le milieu des années 90.
03:54 Et bonjour Joseph Denvers.
03:56 Bonjour.
03:57 Vous êtes auteur, boxeur, réalisateur, chef opérateur et romancier.
04:00 Votre troisième roman s'intitule "Un garçon ordinaire", il paraît aux éditions Rivage.
04:04 Vous avez d'ailleurs reçu lundi le prix Marcel Pagliol 2023 qui récompense justement
04:08 les romans axés sur le thème du souvenir d'enfance.
04:11 Et on y est, en plein dedans.
04:13 Dans "Le garçon ordinaire", vous racontez ce garçon aux cheveux longs, un peu étrange,
04:18 c'est ce qu'il dit lui-même, guitariste d'un groupe obscur.
04:21 Un garçon un peu en marge qui s'est toujours foutu des règles dans la cour d'école et
04:25 des conventions.
04:26 Il s'agit d'ailleurs à ressembler à Kurt Cobain.
04:28 Oui, oui, c'était un...
04:30 Bah lui, il essayait un peu d'imiter son idole qui vient de mourir parce que le livre s'ouvre
04:34 le 5 avril 94 par la mort de Kurt Cobain.
04:37 Et voilà, c'est la perte d'une idole, c'est la perte des repères.
04:41 Et ils ignorent encore que ce sera la perte de beaucoup plus de choses.
04:45 Et en fait, c'est comme cet événement, c'est un peu le premier domino sur lequel le doigt
04:49 se pose et toute une série d'événements va se passer par la suite.
04:53 C'est vraiment la période où l'on se construit.
04:54 C'est ce que je disais en ouverture de l'émission.
04:56 D'ailleurs, on apprend le nom de votre narrateur qu'à la toute fin du livre.
05:01 Pourquoi ?
05:02 Une petite coquetterie peut-être.
05:04 Non, en fait, au début, je ne l'ai pas nommé, mais c'était naturel.
05:08 Comme on est à travers ses yeux, c'était un livre à hauteur d'un garçon de 17 ans
05:12 en 1994.
05:13 Et donc, on le voit évoluer au milieu de ses cinq amis.
05:17 Je n'avais pas besoin de le nommer.
05:20 Puis à un moment donné, au bout de 50-60 pages, je me suis dit "tiens, c'est intéressant,
05:23 on n'a pas son prénom".
05:24 Je me suis demandé quel pouvait être son prénom.
05:27 J'ai hésité entre laisser planer la chose.
05:29 J'aime bien quand les livres, mais comme les films ou même les chansons, quand il y
05:33 a un début et une fin.
05:34 J'aime bien quand je suis lecteur.
05:36 Je me suis dit que ce serait intéressant de terminer le livre comme une introduction,
05:40 comme une présentation.
05:41 Et donc, d'annoncer son prénom dans la dernière phrase.
05:43 Un peu comme une boucle.
05:44 On va écouter Maria.
05:45 Maria, elle a lu votre livre "Josette d'Envers, un garçon ordinaire".
05:49 Et voici ce qu'elle en retient.
05:51 J'ai beaucoup aimé parce que j'aime beaucoup lire des livres qui racontent l'adolescence.
05:56 Et ces romans racontent l'adolescence avec une vraie voix de jeune, d'adolescent.
06:00 Chose que je ne retrouve pas dans tous les livres sur l'adolescence que j'ai pu lire.
06:05 Et c'est une chose qui m'a beaucoup plu.
06:06 Et j'ai beaucoup aimé retourner à cette année de la fin de cette étude du lycée,
06:11 du bac.
06:12 Une année cruciale dans la vie d'un adolescent.
06:14 Qui va marquer toujours notre vie.
06:16 Qui se reflète très bien dans ces romans.
06:18 Une année où l'amitié est très importante.
06:21 On pense que tout est possible.
06:22 Que la vie est devant nous.
06:23 Mais tout en même temps, tout va changer.
06:25 Rien ne s'est réapparu qu'avant.
06:26 C'est pour ça que j'ai beaucoup aimé retrouver cet esprit-là dans ces romans.
06:30 Qui est très bien, très réussi.
06:32 Voilà ce que Maria pense de votre roman.
06:35 J'aime beaucoup Maria.
06:36 Je comprends tout à fait.
06:38 Elle a beaucoup aimé votre roman.
06:39 C'est vrai qu'à cet âge-là, tout événement, même un peu lointain de nous, la mort de
06:44 Kurt Cobain, ça ne nous concerne pas directement.
06:46 Mais ça bouscule totalement la vie d'un adolescent.
06:47 Oui.
06:48 En fait, ce qui est intéressant, c'est que justement, j'ai choisi 1994 parce qu'on
06:54 est un an avant l'arrivée d'Internet.
06:56 Donc des réseaux sociaux, puis des téléphones portables, etc.
06:59 Et donc le monde de ces jeunes-là se résume au lycée, à la famille et aux potes.
07:05 En fait, ce qu'il y a au-delà, ils l'entendent vaguement au JTTF, à travers ce que le père
07:10 regarde, le PPDA, tous les soirs, etc.
07:13 Mais comme ça, il y a des nouvelles qui leur parviennent.
07:16 Alors, ils ne sont pas au courant de tout, comme les adolescents d'aujourd'hui, mais
07:19 d'un seul coup, il y a des choses qui font éclater leur univers.
07:23 Et Kurt Cobain, c'était surtout...
07:26 Moi, je considère que dans ces années-là, les années 90, c'était la dernière période,
07:30 la dernière époque où la musique avait un vrai...
07:32 Comment on va dire ? La musique était un lien social et surtout une espèce de marqueur
07:37 d'identité.
07:38 On était grunge, on était pop, on était rocker, on avait des chapelles.
07:41 On pouvait se battre.
07:42 On était Blur ou Aziz, on était ce qu'on veut.
07:44 Avant, il y avait les clashs, ça ne se rexistait pas.
07:46 - On s'habillait en fonction aussi.
07:47 - On s'habillait en fonction, donc on avait une identité propre qu'on essayait de revendiquer.
07:51 C'était le début de l'affirmation de quelque chose.
07:53 Et à la fin de cette période-là, on arrive vers, encore une fois, l'ère numérique,
07:59 digitale.
08:00 Donc, on achète moins d'albums, donc on est soumis à des algorithmes et la musique
08:06 ne sera plus jamais faite de la même manière.
08:08 On va essayer de ressembler le plus possible aux autres pour pouvoir être aimé par l'algorithme.
08:12 Alors qu'à cette période-là, je pense, je ne dis pas que c'est mieux, je ne dis pas
08:15 que c'est moins bien, mais quand moi j'avais ma guitare, par exemple, et qu'on me disait
08:19 "ça ressemble un peu à Sonic Youth, ce que tu fais", j'étais flatté.
08:22 Mais je déconstruisais tout pour essayer de ressembler à moi-même.
08:24 Et donc, eux, ils l'ignorent encore, mais c'est le début d'un grand bouleversement
08:30 et d'une espèce de, pas de perte d'identité, mais en tout cas, tout le monde et tout le
08:33 rapport à la musique, à l'art et au monde, tout ça va changer.
08:36 - Ça vous parle, Samuel Benchetri, de ce monde sans numérique ? Cet univers qui se
08:42 résume à quelques rues dans une cité, à un monde un peu clos aussi ?
08:46 - Oui, bien sûr.
08:47 Moi, je suis entièrement d'accord avec ce que vient de dire Joseph, c'est vrai.
08:50 C'est vrai qu'on était dans des chapelles, je sais, j'avais ce truc-là.
08:53 Nous, on affrontait, c'était vraiment la soul et le punk-rock qui s'affrontaient.
08:59 Moi, mes copains, ils aimaient le funk, la soul, puis moi, je voulais plaire à des filles
09:02 qui aimaient, je ne sais pas, les clashs, police et téléphone.
09:05 C'est un peu plus tôt.
09:06 Mais c'est vrai.
09:07 Et puis quand Kurt Cobain est mort, je crois que j'ai pleuré.
09:11 Vraiment, j'ai pleuré.
09:12 C'était fou.
09:13 Bien sûr, ça me parle parce que c'est exactement ça.
09:16 C'est-à-dire que notre monde était ici, il était juste là.
09:19 On était quand même très influencés par l'Amérique parce que tout ce qui se passait
09:23 à la télé, les séries, encore un peu maintenant d'ailleurs.
09:26 Mais bon, c'était quand même ça, les films.
09:28 Moi, je voyais en plus vraiment, c'était un truc très populaire.
09:32 J'écoutais le Top 50 et j'allais voir Retour vers le futur ou Rocky au cinéma.
09:36 C'est après qu'on découvre ce que c'est qu'un cinéma d'auteur et tout ça.
09:40 J'ai aimé commencer par ça, moi.
09:42 C'est important.
09:43 Au fond de moi, je suis vraiment ça.
09:45 Je suis très heureux de voir Rocky.
09:46 Ça me plaît beaucoup.
09:47 - Alors, il n'y avait pas le numérique, mais il y avait quand même l'idée de star.
09:51 Kurt Cobain qui est mort, c'est une star qui tombe.
09:53 Et puis dans votre roman Samuel Benchetrit, on l'ouvre avec Daniel Balavoine et sa chanson
09:59 "L'Aziza" sorti en 1985.
10:02 Et c'est l'un des gamins de la bande, Abdelkrim, qui devient presque une star avant même d'avoir
10:08 fait quoi que ce soit d'ailleurs, puisqu'il va participer à ce clip tourné par Balavoine.
10:12 - Oui, c'est ça.
10:13 C'est une star vraie.
10:14 Il cherchait des mômes pour jouer dans le clip de Balavoine.
10:17 Mais il cherchait surtout des mômes qui partaient de toute façon au Maroc pour ne pas avoir
10:20 à payer les billets et tout ça.
10:21 Et effectivement, il y a un môme.
10:24 Alors après, l'histoire, elle devient un peu plus fictionnelle.
10:27 Mais il y a un môme qui avait été choisi.
10:28 On était jaloux.
10:29 On n'avait aucun lien, rien.
10:31 Donc, un mec qui avait croisé la cousine de Mardi La Longa dans une épicerie, c'était
10:36 une star pour nous.
10:37 Donc, il y avait un truc comme ça.
10:39 On n'approchait pas aussi facilement.
10:41 Les stars étaient des stars.
10:42 - On ne les voyait pas sur Instagram et sur les réseaux sociaux.
10:46 - On les voyait chez Foucault à la télé et puis c'est tout.
10:50 Donc, bon, effectivement, ce môme a été choisi.
10:52 Mais donc, il a un peu enjolivé le truc.
10:54 Et finalement, on le voyait à peine dans le clip.
10:56 Donc, la vengeance a été catastrophique pour lui.
10:58 - Et quand tu marches le soir, ne tremble pas.
11:13 Laisse glisser les mauvais regards qui pèsent sur toi.
11:21 L'Aziza, ton étoile jaune, c'est ta peau.
11:25 Tu n'as pas le choix.
11:29 Ne la porte pas comme on porte un fardeau.
11:34 Ta force, c'est ton droit.
11:36 - Alors moi, j'ai envie de dire merci parce que je me suis régalée avec les chroniques
11:39 de l'Asphalt.
11:40 Vraiment, je trouve que Samuel Benchetrit réussit son pari parce qu'il nous plonge
11:43 dans la banlieue des années 80.
11:44 C'est un vrai bonheur.
11:46 Moi, je me suis marrée vraiment.
11:47 J'ai adoré.
11:48 Puis en même temps, l'émotion était présente aussi.
11:50 J'ai adoré me replonger aussi dans la période de l'enfance.
11:53 C'est un voyage vers l'enfance, ce roman aussi.
11:56 C'est formidable parce qu'on sourit, on sourit d'eux, mais on sourit de nous-mêmes
12:00 aussi.
12:01 Qui n'a jamais joué le héros d'une série ou d'une émission de télé, seule dans sa
12:05 chambre ou avec les copains.
12:06 Ce sont des choses qui parlent à tout le monde, vraiment.
12:10 J'ai vraiment une mention spéciale à remettre à José et Jean-Mi parce que je me suis
12:14 vraiment marrée avec ces deux-là.
12:15 Ce sont vraiment des dialogues qui sont dignes des perles de comptoir.
12:19 Et justement, je me demandais, vu que Samuel Benchetrit avait déjà adapté les chroniques
12:23 de l'asphalte au cinéma, ne serait-il pas tenté d'adapter au théâtre les chroniques
12:27 avec notamment ces deux-là comme fil conducteur ?
12:29 Question d'oreillère à Samuel Benchetrit.
12:32 Qui répond ? Est-ce que José et Jean-Mi peuvent être adaptés au théâtre, par exemple ?
12:37 Peut-être, oui.
12:38 Je sais que là, ils vont faire un truc dans une cité, pas loin d'où j'ai grandi.
12:43 Ils vont monter un peu les chroniques avec des mômes.
12:46 Ils vont peut-être reprendre ça un petit peu.
12:48 Je ne m'en occupe pas, mais ça me plaisait bien qu'ils le fassent.
12:51 Vous dites que les filles et les garçons dont vous parlez pourraient lire ce bouquin.
12:54 C'est ce que dit Aurélien.
12:56 On se retrouve facilement dans ce que vous racontez.
12:58 Non, je ne voudrais pas écrire un livre qui soit au-dessus des mômes dont je parle dans
13:04 le livre.
13:05 Moi, j'ai écrit d'autres choses.
13:06 Des fois, on peut être plus littéraire ou partir dans des fantasmes ou des choses.
13:11 Mais j'essaie de… Les chroniques, souvent, j'ai croisé des mères ou des gars qui
13:16 me disaient « moi, je ne lisais pas trop, puis j'ai lu ce livre et ça ne m'a pas
13:20 trop déplu » ou « mon fils a lu ça ».
13:21 Et c'est très gratifiant.
13:24 Je ne sais pas, ça rend heureux.
13:25 Parce que moi, j'ai été un môme comme ça.
13:27 Je ne lisais pas de livres quand j'avais 15 ans.
13:28 Je ne lisais pas de bouquins.
13:29 Donc, il faut que les mômes dont je parle puissent lire le livre sans se dire « c'est
13:35 un type de Saint-Germain-des-Prés qui a écrit ce bouquin et ce n'est pas nous ».
13:40 Un truc comme ça.
13:41 - Il y a des impromptus entre les différents chapitres.
13:45 On retrouve évidemment vos personnages qui ont des conversations sur des thèmes précis,
13:50 pointus parfois, le nucléaire, la politique, la musique bien sûr.
13:54 Et là, José et Jean-Mi sont toujours bien présents.
13:58 Et on se pose des vraies questions.
14:02 Pourquoi est-ce que Johnny Hallyday et Dmitry Michel chantent tous les deux en français
14:05 des trucs… et pas des trucs des Américains.
14:10 Il y a une vraie identité, un questionnement sur l'identité aussi ?
14:15 - C'est des discussions de mecs qui picolent des bières pendant que leurs femmes sont
14:18 avec les enfants.
14:19 Donc, ils se laissent aller dans leur…
14:22 Oui, au début, ils se disent « un mec qui parle anglais n'est pas forcément plus
14:26 intelligent qu'un autre ». C'est vrai, les gens qui parlent des langues étrangères,
14:29 ils ne sont pas plus intelligents que nous.
14:31 Après, c'est des digressions de leurs discussions comme ça.
14:35 Ils se laissent aller.
14:37 Ils parlent de nucléaire parce qu'il y a eu Tchernobyl.
14:39 Donc, ils se demandent si…
14:41 Apparemment, le nuage se déplace.
14:42 Alors, ils se demandent à quel moment il va arriver dans le Val-de-Marne.
14:44 Et il y a un des deux qui est emmerdé parce qu'il va avoir un concert de la Villiers
14:47 le jeudi soir.
14:48 Ils se disent « est-ce que le truc sera arrivé ? ».
14:49 Enfin, bon, voilà.
14:50 C'est pas non plus…
14:51 Mais ils ont l'impression de parler de politique, quoi, vraiment.
14:54 - Joseph Denvers, votre roman, lui aussi, il se lit en quelque sorte comme des chroniques.
14:59 On traverse cette année 94 du 5 avril au 5 juillet.
15:03 Et on parle beaucoup, beaucoup de musique avec le personnage principal.
15:08 Et on est dans la fin de l'innocence de ce groupe d'adolescents passionnés de musique.
15:13 La bande de copains, l'amitié, à cet âge-là, il n'y a que ça qui compte.
15:17 - Ouais, c'est un peu ce que je disais tout à l'heure.
15:22 Il y a un peu les deux pôles.
15:24 Il y a la famille et puis les copains.
15:25 Et puis, ce n'est pas les mêmes mondes.
15:28 Et c'est vrai que, à un moment donné, il y a aussi ça dans le livre.
15:32 Il y a ce qu'on montre quand on va à l'école, quand on va dans la cour du lycée.
15:35 Le masque qu'on porte.
15:36 Et puis, à un moment donné, le héros parle.
15:39 En fait, il y a des chapitres sur chacun.
15:43 Des six amis.
15:44 J'explique un peu leur background, d'où ils viennent et qui ils sont réellement, en fait, derrière ce masque.
15:49 Et voilà, c'est quand on passe l'intimité des portes des maisons ou des appartements
15:54 qu'on se rend compte de ce qu'est leur vraie vie.
15:56 Et de ce qu'ils subissent ou des avantages qu'ils ont.
16:00 Et c'est là qu'on commence, en tout cas dans le livre, à comprendre qui ils sont réellement
16:04 et quelles sont leurs interactions et pourquoi ils réagissent comme ça.
16:06 Et puis, parlant de ce que vous disiez tout à l'heure, je sais que j'ai pas mal de gens
16:11 de 40 ans qui lisent ce livre et qui s'y reconnaissent, mais il y a beaucoup d'adolescents aussi.
16:15 J'ai eu le retour d'adolescents et je suis très content que des gens de 15-17 ans puissent le lire.
16:18 Parce que moi, j'ai mon ambition aussi en écrivant ce livre.
16:21 C'était que moi j'ai un cousin, un 9ers, qui est coiffeur, qui ne lit pas.
16:25 Je lui offre mes livres, il ne les lit jamais.
16:27 Et je me suis dit, celui-là, j'aimerais bien qu'il le lise.
16:29 Donc j'avais la prétention d'écrire un livre que Sylvain pourrait lire
16:32 et qui en même temps puisse plaire un peu à des gens de France Culture.
16:34 Donc c'est vrai que c'est donner une porte d'entrée à ce qu'on écrit
16:38 et en tout cas, laisser cette porte ouverte pour que tout le monde puisse rentrer
16:41 et essayer de lire ce qu'on écrit, c'est super important, je trouve.
16:43 - Ça me fait penser à tous ces objets emblématiques auxquels vous faites référence, Samuel Benchetrit.
16:49 La machine à écrire, par exemple, pour des jeunes d'aujourd'hui, ça paraît être un objet de la préhistoire.
16:55 Mais ça dépasse tout cela et vous pensez qu'on arrive aujourd'hui aussi à parler aux plus jeunes avec ces chroniques ?
17:02 - J'espère, mais c'est assez spécial les objets de notre enfance.
17:07 C'est vrai que j'avais une machine à écrire, j'écrivais tout sur la machine.
17:11 Je répondais à mes parents avec des mots bien mangés, je disais "j'arrive dans deux minutes, c'est fou".
17:15 Et aujourd'hui, par exemple, je vois mes enfants, des potes, mes beaux-enfants, ils s'en mit à la machine à écrire.
17:24 Comme les vinyles, c'est un truc qui est assez étonnant.
17:25 Comme il y a une sorte de monde CD, c'est un truc qui est marrant.
17:27 J'ai l'impression qu'il y a plus grand rayon de vinyles que de CD maintenant.
17:33 C'est assez étrange, il y a une sorte de résistance qui me plaît bien.
17:37 C'est vrai que c'est pas mal.
17:38 Après, une machine à écrire, c'est une galère.
17:40 Mais bon, il y a un truc comme ça.
17:42 Je suis complètement viré de votre question.
17:45 - Je ne sais plus pourquoi, ce que je vous demandais non plus, mais j'ai bien aimé.
17:48 Sur la machine à écrire, l'idée de "est-ce que ce monde-là peut encore parler ?"
17:52 - Ah oui, je ne sais pas.
17:54 - Ça donne aujourd'hui.
17:55 - On est vintage.
17:56 - On va avoir 50 ans dans une semaine.
17:58 Je ne sais pas, le temps passe.
18:00 Mais ce n'est pas grave, ce n'est pas mal qui passe.
18:02 Je trouve ça très bien qu'il passe le temps.
18:04 Ce que vous disiez, ce n'est pas mieux avant, je ne crois pas du tout.
18:08 Je sais, même aujourd'hui c'est mieux, si on tombe malade.
18:12 Mais j'ai l'impression qu'il y avait peut-être plus de proximité.
18:16 Il y avait peut-être une proximité plus réelle, qui me semblait plus confortable.
18:24 - Vous savez que la place de la musique, tout de même, c'est aussi pour ça qu'on vous a invité en ce 21 juin,
18:28 faites de la musique bien sûr.
18:30 Mais cette musique, elle permet aussi beaucoup de choses à cet âge-là, notamment pour votre narrateur Joseph Denvers.
18:38 Il s'est découvert un talent de parolier, et puis il ne s'est plus arrêté.
18:42 Les chansons coulent à flot, il écrit tout le temps, en permanence.
18:44 C'est étonnant.
18:46 - Oui, en fait, au début du livre, le narrateur dit à vous qu'il n'a aucune passion réelle, aucun talent.
18:54 Et il ne sait pas ce qu'il va faire.
18:56 Tout ce qu'il sait, c'est que ce destin de la classe moyenne qu'on lui prédit,
19:00 de faire des études éventuellement supérieures, l'université, le BTS, il n'en veut pas.
19:04 Il dit "j'ai 17 ans, je veux rêver plus grand".
19:06 Mais il ne sait pas encore à quoi rêver, donc c'est ça le problème.
19:08 Et puis un jour, il fait partie de ce groupe, il est guitariste, mais il ne chante pas.
19:12 C'est le bassiste qui chante, un peu le bad boy de la bande.
19:14 Et puis lui, un jour, un dimanche pluvieux, il se met à gratter.
19:18 Et puis là, il a une idée de mélodie, puis de texte, et ça lui tombe dessus.
19:22 Comme si une porte s'était ouverte. Je parle beaucoup de porte.
19:24 Et en fait, il se rend compte qu'il ne sait pas ce que c'est.
19:28 On ne sait pas comment on écrit une chanson.
19:30 Je me suis inspiré un peu de ma propre vie, mais de me dire "c'est pareil, à 9h, il n'y a pas de méthode, il n'y a pas internet, comment on écrit une chanson, putain ?"
19:38 Et là, ça lui tombe dessus, et d'un seul coup, quand il a compris un petit peu, quand il comprend quelle est sa manière à lui d'arriver à ça,
19:46 d'un seul coup, c'est comme si le robinet était ouvert.
19:49 Et là, il écrit, il écrit pendant les cours, il écrit.
19:51 Il se coupe de ses copains pour rentrer le soir pour écrire.
19:53 Il y a une espèce de boulimie qui, d'un seul coup, lui crée une...
19:56 Enfin, la passion vient, et il se trouve un but un peu dans sa vie.
19:59 - Le flow ne s'arrête jamais.
20:00 Pythagore, Lamartine, Champollion, Rousseau, les molécules d'hydrogène, le PIB de la Chine, Robert Frost, les verbes irréguliers,
20:05 l'indépendance américaine, les vecteurs, peu importe, tout m'inspire, dit-il.
20:09 J'évolue dans une bulle qui met à distance le monde tel que je le connais pour capter sa quintessence, ce qu'il a à m'offrir,
20:15 et que je n'avais jamais entrevu auparavant.
20:18 Voilà, voilà comment il s'exprime, voilà comment il entre dans cet univers musical.
20:23 Ce qui m'a aussi amusé chez vous, Samuel Benchetrit, c'est que la fête de la musique...
20:26 Moi, ça a rythmé, évidemment, aussi toute mon adolescence, mais qu'est-ce que ça a véritablement changé
20:34 dans ce contexte de cette cité HLM ?
20:37 On a l'impression qu'à cette époque-là, il y a beaucoup d'effervescence, que la culture est partout,
20:42 que tout le monde se permet d'aller chanter le soir du 21 juin.
20:46 - Ouais, moi j'adorais, je ne me suis jamais autant marré que le 21 juin dans ma cité, c'était fou.
20:50 Il y avait une liberté, c'est-à-dire que des gens qu'on voyait comme ça toute la semaine, être un peu timide,
20:54 d'un seul coup, ils sortaient comme ils avaient envie, quoi, ils jouaient, je sais pas, il y avait...
20:59 Je sais pas, il y a des choses inventées, puis il y a des choses vraies, je m'en rappelle de...
21:04 Oui, oui, c'est vrai, il y avait un boucher qui avait un groupe avec son fils, c'était complètement hallucinant,
21:09 mais ça, je trouve ça très joyeux, moi je trouve ça merveilleux que tout le monde puisse faire de la musique
21:13 à un moment comme ça, parce que, quelque part, je sais pas ce que vous en pensez, mais j'irais jamais voir, moi,
21:19 un grand groupe, j'irais jamais voir, je sais pas, les Arctic Monkeys un soir de fête de la musique.
21:25 J'ai envie de me balader dans les rues, de voir des gens jouer, je trouve ça tellement... ça me peut bouleverser,
21:29 mais ça peut me bouleverser comme je suis toujours bouleversé de voir des ados être quelque chose,
21:34 de voir des ados gothiques dans la rue, c'est un truc qui me plaît beaucoup, je sais pas.
21:39 Il y a quelque chose qui m'émeut et qui me plaît, et c'est ça que j'ai envie de voir ce soir-là, des amateurs, finalement.
21:45 - C'est aussi surtout, moi je l'ai fait, je suis monté de Nevers, dans une Austin Metro, chargé à la gueule de la batterie, etc.,
21:52 et on a joué dans la rue à Bastille, il y a quelques années maintenant, et c'est au-delà du plaisir de celui qui va voir les groupes,
22:01 il y a cette opportunité pour les groupes de dire "c'est notre soir", c'est-à-dire qu'on va voir l'instant d'une soirée,
22:06 on va être, nous les chanteurs, on va être dans la peau d'un autre, et on va voir nos fans, etc.
22:10 Alors nous c'était surtout des clodos et des relous qui étaient venus un peu, ça s'était battu, il y avait eu des mecs un peu chelous,
22:16 - Une bonne fête de la musique dans les rues de Paris, des camionnats. - On avait tiré un prolon, un fil électrique du 3ème étage,
22:22 c'était "j'y repense", c'était n'importe quoi, mais on avait eu un peu plus que notre quart d'heure de gloire, notre heure de gloire,
22:28 et voilà, 20 ans après, je vous en parle encore, donc ça crée des souvenirs indélébiles.
22:31 C'est ça qui est formidable, je trouve, en ce 21 juin.
22:33 - Le monde ne nous laisse presque rien. La vie n'a plus de promesses à nous faire.
22:38 On est une génération sacrifiée, une jeunesse déjà vieille, lourde de son héritage, courbée sous le poids des années à venir.
22:45 Cruelle et grise. On ne veut pas devenir adulte, on ne veut pas d'une vie petite, on ne veut plus croire en rien.
22:51 On se sent seule, abandonnée, et on a raison.
22:55 (Musique)
23:15 France Culture, Le Boob Club, Nicolas Herbeau.
23:20 (Musique)
23:43 - L'esprit d'ouverture de France Culture et du Boob Club avec cette lecture de Maria Extrait de "Un garçon ordinaire" de Joseph Denvers,
23:50 qui est notre invité, et publié chez Rivage avec Samuel Benchetrit.
23:53 "Chronique de l'asphalte", tome 4 sur 5 chez Grasset.
23:57 Il y a aussi dans la description de cette vie, vous dans les quartiers Samuel Benchetrit,
24:04 vous Joseph Denvers dans une petite ville de province, sans évidemment vexer personne, du côté de Denvers dans la Nièvre,
24:12 et il y a, même s'il y a 10 ans d'intervalle entre eux, cette même bienveillance, cette belle façon de raconter les choses.
24:21 - Oui, moi je ne voulais surtout pas porter un jugement.
24:24 C'est pour ça que, oui, je me suis inspiré de la ville de Nevers où j'ai grandi,
24:27 mais jamais aller citer, c'était juste pour avoir une géographie intérieure qui me permette de savoir où mes personnages vont.
24:33 Mais ça peut être Nevers, ça peut être n'importe quelle autre ville de France ou du monde.
24:37 Et surtout, je ne voulais pas ni charger, ni... Enfin, je voulais que ce soit assez neutre.
24:43 Cette ville, c'était cette ville. Et mon enfance, c'était celle-là, mon adolescence.
24:47 Et elle était plutôt pas mal.
24:49 Après, les questionnements que j'avais, le monde tel qu'il était, ça n'avait rien à voir avec Nevers.
24:53 Et c'est vrai qu'à Nevers, par exemple, il y avait une douceur de vivre, peut-être, je ne sais pas, plus que chez vous,
24:59 ou plus qu'à Paris, je ne sais pas. De toute façon, je ne le saurais jamais.
25:02 Mais c'est vrai qu'il y avait... J'avais surtout pas envie d'avoir une espèce de regard de maintenant,
25:07 de me dire "c'était une petite ville", ou de la décrier, ou de dire "les gens sont comme ci".
25:11 Non ! Moi, c'était très bien.
25:13 Et les personnages, finalement, ne connaissant rien d'autre que cette ville, ne la jugent pas.
25:18 Ils ont leur avis dessus, mais ils ne peuvent pas la comparer.
25:21 Donc je voulais surtout qu'il y ait une espèce de regard tendre et bienveillant sur cette jeunesse et sur ces lieux.
25:27 - Samuel Banchet-Ritz, on est aussi, vous, dans une cité HLM.
25:31 Alors, vous, vous avez grandi à Champigny-sur-Marne, en région parisienne.
25:34 J'imagine que c'est en partie autobiographique, mais on est effectivement aussi dans quelque chose de beau,
25:42 on a envie d'être ses gamins, quoi.
25:44 - Oui, ben moi, j'ai grandi dans une cité HLM et je pensais que c'était l'endroit où il fallait être,
25:50 le plus bel endroit du monde, donc moi j'étais content d'être là.
25:52 Je me disais, j'ai mes copains, après moi j'avais une douceur du foyer, mes parents, c'était des gens qui me faisaient gaffe,
26:00 qui aimaient la musique, qui aimaient le cinéma, beaucoup, mon père il aimait beaucoup les films,
26:05 beaucoup les cinémas de quartier, quoi.
26:07 Et donc j'avais tout ça en rentrant chez moi, après j'avais des potes, c'était pas la même vie,
26:11 mais il y avait quand même, on pensait qu'au foot, à la musique et au cinéma, voilà.
26:16 Et après aux filles et tout ça, et aux garçons, mais c'était ça, et ça peu importe l'endroit.
26:21 Moi j'ai gardé ce truc, aujourd'hui je sais pas si je suis avec ma famille ou des potes et que je passe devant un parking la nuit,
26:27 ils me disent "Oh regarde un décor qui te plaît", quoi.
26:29 Moi non mais moi c'est mes paysages, c'est ça, c'est un néon, la nuit me bouleverse plus,
26:34 parce que c'est l'ancrage, quoi, vraiment, mais voilà, après moi j'avais l'envie de Paris,
26:40 même si c'était pas loin, Paris me paraissait être à l'autre bout du monde.
26:43 J'avais envie de ça, j'avais envie de...
26:45 Quand on allait à l'école, pardon, avec l'école à Paris, j'avais l'impression de me faire un peu arnaquer, quand même.
26:50 - Par rapport à là où vous viviez ?
26:52 - Non, je trouve qu'on apprend à rêver, moi je sais qu'à Nevers, il y avait les...
26:56 Enfin ça s'appelait pas les Galeries Lafayette, ça s'appelait je sais plus comment,
26:59 enfin c'était les galeries en gros, et il y avait un petit truc de débarquement de matériel à côté,
27:04 il y avait comme des escaliers comme ça, et pour moi c'était New York.
27:08 Et cette ruelle c'était New York, et donc le premier petit film que j'ai fait en quatrième,
27:11 on va filmer là, on avait mis des fumigènes, achetés comme ça au FarceaTrap/SexShop de Nevers,
27:16 et on mettait les trucs, et pour moi c'était Brooklyn, quoi.
27:19 Et donc je m'évadais, et c'est vrai que dans une ville peut-être comme Paris ou une plus grande ville,
27:23 j'aurais peut-être rêvé moins projeté.
27:25 Et il y avait moins d'accès à la culture, il y avait le cinéma, Mazarin, Le Palace avant,
27:28 c'était des films en français, des blockbusters, mais je me suis nourri de ça, j'ai aimé ça,
27:33 et la voix de Stallone dans Rocky, ben c'est la voix de Stallone,
27:35 la voix de Marty McFly, ben voilà, moi je l'adore en français aussi,
27:39 et ça nous permet, en tout cas moi ça m'a permis de m'évader et d'imaginer des choses en tout cas.
27:43 - C'est marrant, j'ai regardé Forrest Gump il y a pas très longtemps dans la télévision,
27:46 je me suis dit "il s'est bien doublé", j'avais moi aussi l'impression d'être complètement...
27:51 - Retour à le futur, je peux pas le voir en VO moi, j'y arrive pas.
27:54 J'ai besoin de voir la voix de Marty, de Doc, et tout ça, je suis comme un fou.
27:57 Sinon c'est un autre film, je sais pas.
27:59 - Tous les teen movies, moi j'ai vu tous les teen movies,
28:01 enfin les John Hughes, etc. des années 80,
28:03 et ce qui est marrant c'est qu'en français il y a une espèce d'ironie, d'humour,
28:07 et quand je les ai vus en version originale, je me suis rendu compte que c'était beaucoup plus sérieux,
28:11 Ferris Bueller, tout ces trucs-là, et que du coup il y a une gravité qu'on n'avait pas.
28:16 Et donc je me suis dit "c'est intéressant, parce que ces teen movies qui ont une humeur particulière,
28:20 en français l'humeur est différente", et ça a projeté sur moi quelque chose de différent.
28:24 Donc heureusement que je les ai vus en français.
28:26 - Parce que si tu revois "Le flic de Beverly Hills", le mec qui a doublé Eddie Murphy, il est en thôle aujourd'hui.
28:30 - Putain, je suis pas sûr qu'on l'ait tué l'autre fois, ouais ouais.
28:32 - C'est hallucinant. - C'est dingue.
28:33 - C'est Michel Leppe quoi qui le double.
28:35 - Dans ma chambre, la vue de toujours est désormais un plan large magnifique.
28:40 - T'es actrice ? - Les lumières du parking de la zone active des projecteurs.
28:43 - Ouais. - Le millier d'élèves du collège, un millier de figurants dans un décor.
28:46 Mes amis depuis la naissance, des personnages épiques.
28:48 - Mais euh, tu connais ? - Les filles de mon quartier, des héroïnes.
28:51 - Bah ouais. - Ce qui est tragique devient une scène de film magnifique.
28:55 Je regarde un plan séquence, je rêve en musique, des comédies musicales dans la cité grise en hiver.
29:00 - T'avais quoi comme film ? - Les discussions quotidiennes, les engueulades des voisins.
29:03 - Tu connais pas ? - Des dialogues inoubliables.
29:05 - T'as pas connu alors ? - Si ! Mais toi tu connais pas ?
29:09 - Le film d'Aurélia, mélangé encore une fois dans cette émission avec le film Asphalt que vous avez réalisé en 2015
29:15 avec Isabelle Hupert donc, et votre fils Jules Benchetrit.
29:19 C'est un... Cette idée du cinéma, c'est aussi un point commun entre tous les deux.
29:24 C'était là aussi, vous dans votre cité, Samuel Benchetrit, vous dans votre ville, Joseph Denvers de Nevers, un rêve.
29:31 - Je sais pas comment c'est venu, moi je voulais faire des films tout le temps, je suis devenu fou en fait.
29:36 Je suis devenu complètement fou en commençant par voir des films avec mes copains.
29:39 Donc on regardait trois types de films, on regardait les films ensemble, puisqu'au début on regardait des films d'horreur,
29:46 on se faisait flipper. J'ai le souvenir d'avoir regardé des films porno avec mes potes, c'était très bizarre.
29:50 On se réunissait et on regardait des films porno, on se touchait pas, on regardait des films porno.
29:54 Et après bien sûr, il commence à y avoir, il y en a déjà dans les horror movies, mais il y a des films de gangsters.
30:02 Scarface, Les Affranchis, tout ça. Et là moi je deviens fou parce que autant mes potes,
30:07 c'est là qu'il y a une sorte de césure, comme ça, veulent ressembler au Tony Montana, Henri Hill et tous ces mecs-là.
30:13 Et moi je deviens fou, je me dis il y a un autre mec qui est là, ce mec qui fait ces films, qui orchestre tout ça, c'est incroyable.
30:21 Et en plus mon père, voilà mon père avait ce truc des cinémas vraiment de quartier, des westerns, des peplums, il adorait ça.
30:28 Donc c'était une sorte de mélange à ce moment-là qui m'a attrapé, mais il n'y a eu aucune question.
30:33 - On retrouve dans vos films, tout comme dans vos chroniques, ces aspects parfois hilarants.
30:37 Moi je me suis toujours parmi de cet astronaute qui tombe de l'espace sur le toit d'un HLM, accueilli, c'est un américain je crois,
30:43 accueilli par une maman issue de l'immigration qui ne parle pas un mot d'américain mais qui va lui offrir ce repas.
30:49 Dès que je repense à ça, je ris intérieurement et tous les jours.
30:55 Cette idée de l'humour aussi, ça fait partie, c'est une partie très importante de ces chroniques.
31:03 - C'est l'humour qu'il y avait dans ces cités. Les cités c'est un ghetto, donc tous les ghettos inventent leurs règles.
31:10 Dans les ghettos il y a ce qu'il y a, de la violence, mais il y a de l'humour, il y a une poésie et de l'humour forcément.
31:16 Puisque ça s'invente comme ça, c'est propre à l'endroit.
31:22 Et oui, je me suis beaucoup amusé, ces mecs me faisaient vraiment marrer.
31:27 - Joseph Denvers, vous quittez Nevers pour faire du cinéma.
31:30 - Oui, c'est exactement la même histoire. J'étais nourri à ces films-là.
31:35 Je me souviens très bien du déclic, c'était en 4ème, il y avait une série qui s'appelait "Les années collège"
31:40 que je regardais en rentrant du collège. Dans cette série, ils essaient de faire un film entre collégiens à l'été.
31:49 J'ai dit à mes potes "on va faire un film". Comme j'étais nourri aussi au Peter Jackson, au film Gore, on va faire un film Gore.
31:55 Et de la 4ème à la Terminale, tous les étés, on a fait un petit film.
31:59 Au début en vidéo, puis après en Super 8, après en 16.
32:02 Et j'avais en ligne de mire, je me suis dit "qu'est-ce qu'il faut faire pour être..."
32:05 Moi je voulais faire du cadre et de l'image, donc j'ai vu La Fémis.
32:09 Donc depuis la 4ème, j'ai fait ce qu'il fallait pour rentrer à La Fémis.
32:13 J'y rentrerai quelques années plus tard. Je suis sorti, j'ai commencé à bosser sur les tournages.
32:19 On m'a proposé un contrat disque.
32:22 Et puis j'y suis allé. J'ai laissé momentanément, je pense que j'y reviendrai un jour, le monde du cinéma pour la musique.
32:30 Momentanément, ça fait 17 ans. C'est un long moment.
32:34 - Un fragment de vie. - Et en même temps.
32:36 - C'est chouette, je trouve. - Oui, c'est chouette.
32:38 - Est-ce que vous, pour terminer, vous avez l'impression d'être aussi...
32:43 de raconter ce qui est réel et d'en faire un modèle dans vos deux livres ?
32:47 Ou pas ?
32:48 - Hum... - Samuel.
32:50 - Samuel Benyétri, de faire un modèle de ce que vous pouvez être aussi, de raconter mon parcours.
32:57 - Oh non, pas tellement. Moi je crois pas. Je crois pas, je pense pas.
33:01 En tout cas, non, non, non, moi j'essaie de...
33:04 Moi, j'aimerais bien... J'essaie de faire marrer un peu, en fait.
33:08 C'est pas d'essayer de faire un bon bouquin.
33:11 D'essayer de faire un truc bien, que les gens puissent être divertis.
33:15 C'est pas... ça paraît un peu simple comme ça, mais s'il y a ça déjà, je suis content.
33:20 De pas chercher à... je sais pas.
33:23 C'est ça, d'essayer de me divertir un petit peu.
33:26 - Et ça fait un bien fou. Chronique de l'Asphalt 4/5, le 5ème, c'est pour quand ?
33:30 - Je sais pas du tout. Le dernier c'était il y a 12 ans.
33:32 - C'est vrai. Vous nous direz. Vous reviendrez nous présenter.
33:34 C'est aux éditions Grasseb, bien sûr, et puis votre film de 2015.
33:37 Moi j'insiste parce que ça m'a quand même beaucoup plu.
33:39 - Joseph Denvers, merci beaucoup. - Merci à vous.
33:41 - Un garçon ordinaire, troisième roman paru chez Rivage.
33:44 Merci à tous les deux d'avoir venu fêter la musique à notre façon dans le Book Club.
33:48 Dans un instant, l'épilogue du jour. Mais d'abord...
33:54 - J'étais dessus. - Ça continue. C'est comme ça le Book Club.
33:57 L'épilogue dans un instant. D'abord on écoute Charles Danzig.
34:00 - Voici le roman Montmartre 3 d'un non-montmartreux.
34:04 Cet auteur est une autrice. Il n'y a pas beaucoup d'autrices montmartroises.
34:08 D'ailleurs, celle-ci est anglaise.
34:10 Barbara Cartland est morte en 2000 à l'âge de 98 ans après avoir publié 723 livres.
34:16 J'ai fait le décompte, cela donne plus de 8 livres par an.
34:20 Et si j'ajoute les 160 publiés posthume,
34:24 cela veut dire qu'elle en a écrit ou dicté 10 par an.
34:28 Il ne semble pas qu'elle ait eu de nègre. Cela aurait été mieux.
34:31 Il y a quelque chose de dégoûtant dans cette production qui ressemble à un tube à saucisse industriel.
34:36 La nymphe de Montmartre est un roman sur la jeune fille d'un pensionnat de bonne famille
34:41 appelée à vivre avec son grand-père qui est peintre à Montmartre.
34:45 Un des grands trucs de Cartland que je n'avais jamais lu avant ce quadritème consiste à dire "c'était bizarre".
34:51 C'était bizarre de n'avoir maintenant que son père pour parent.
34:55 On pourrait dire qu'elle reprend avec habileté une expression de gens qui ne réfléchissent pas
35:00 et ne savent pas analyser ce qui leur arrive.
35:03 En réalité, je crois qu'elle ne fait aucun calcul. Elle-même pense c'est bizarre.
35:07 Elle est aussi commune que ses lecteurs. Je ne dirais pas qu'elle est bête.
35:11 Elle est en deçà de l'intelligence ou de la bêtise. Elle fabrique.
35:15 Elle n'est pas romancière, elle fait de la mise en scène. Et de la plus lente, de la plus inutile.
35:20 Je ne veux pas la câbler car elle n'est pas antipathique mais comparez l'arrivée en garde d'Ouna, son héroïne,
35:25 avec celle d'Anna Karenine.
35:27 Son roman rappelle que le Sacré-Cœur a été érigé grâce à un appel de fond de l'Église
35:33 qui n'a pas voulu payer elle-même pour le repentir de la France après la défaite de Sedan.
35:38 Et c'est ce bâtiment qui vient d'être classé monument historique grâce à un conseil municipal de Paris supposé de gauche.
35:45 Le Sacré-Cœur sert de contrepoint systématique à Cartland, un symbole de pureté face au fêtard Montmartre.
35:54 Puis ils arrivèrent au Moulin Rouge. Cette construction était beaucoup plus importante qu'elle ne s'y attendait,
36:00 aussi grande que la gare où elle était arrivée à Paris et, quand ils entrèrent, le bruit était assourdissant.
36:05 Si vous voulez savoir à quoi ça ressemble, regardez plutôt une photo.
36:09 Les émotions des personnages ne sont pas moins stéréotypées.
36:12 La littérature est un alcool trop fort pour les lectrices de ses livres.
36:16 Les romans de Cartland sont pastels comme elle qui se faisait photographier dans des étoiles de vison blanc,
36:22 les épaules poudrées, vêtues de rose.
36:25 On dit, si tant est que ces nombres soient très précis, qu'elle a vendu 750 millions d'exemplaires de ses livres.
36:32 C'est plus qu'en aura vendu un habitant de Montmartre, Max Jacob, à la fin des temps.
36:37 - Alexandre Zigue et Sécadrite M. à réécouter sur franceculture.fr et sur l'appli Radio France.
36:41 Un grand merci à toute l'équipe du Book Club qui prépare cette émission tous les jours.
36:44 Auriane Delacroix, Zora Vignier, Jeanne Agrappardi, Didier Pinault et Alexandre Arébégovitch.
36:48 Merci à Thomas Beau qui réalise cette émission et la prise de son ce midi.
36:51 C'est Hugo, Renard, on tourne ensemble la dernière page du jour. Voici l'épilogue.
36:56 - Au fond de moi, je suis vraiment ça. Rocky.
36:58 Et voilà, c'est la perte des repères. Je suis devenu fou en fait.
37:00 Une petite coquetterie peut-être.
37:02 J'ai essayé de ressembler le plus possible aux autres pour pouvoir être aimé par l'algorithme.
37:06 Alors que je déconstruisais tout pour essayer de ressembler à moi-même.
37:09 - Puis moi je voulais plaire à des filles qui aimaient, je sais pas, les clashs police et téléphone quoi.
37:14 - Moi j'ai un cousin, un nevers, je viens de Nevers, qui est coiffeur, qui ne lit pas.
37:17 Je lui offre mes livres, il ne les lit jamais. Et je me suis dit celui-là, j'aimerais bien qu'il le lise.
37:21 Donc j'avais la prétention d'écrire un livre que Sylvain pourrait lire
37:24 et qui en même temps puisse plaire un peu à des gens de France Culture.
37:26 - Parce que, c'est vrai que j'avais une machine à écrire, j'écrivais tout.
37:29 à mes parents avec des mots. Bien manger, je disais, j'arrive dans deux minutes, c'était fou.

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