• il y a 2 ans
L'organisation, les 22 et 23 juin à Paris, d’un sommet pour un nouveau pacte financier mondial vise à renouer le dialogue avec les pays du Sud, comme l'explique notre chroniqueur Frédéric Charillon.

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Transcription
00:00 Il faut absolument aujourd'hui combler ce déficit de dialogue, de crédibilité
00:03 et peut-être d'influence avec les pays du Sud pour repartir à zéro.
00:06 Le Sud, ça a toujours été un concept un peu problématique.
00:16 Il y a quelques années, du temps de la guerre froide,
00:21 on appelait ça le tiers monde.
00:22 Ce n'était pas beaucoup plus précis.
00:24 On devrait dire les Sud.
00:25 L'expression à la mode, c'est le Sud global.
00:28 Moi, à titre personnel, je ne sais pas exactement ce que c'est le Sud global.
00:31 Parce qu'on a quand même une différence, une disparité énorme.
00:34 On a des géants aujourd'hui.
00:36 La Chine évidemment, mais l'Inde, le Brésil,
00:39 demain ou très vite l'Indonésie,
00:41 on a déjà l'Arabie Saoudite et beaucoup d'autres.
00:43 Ça va jusqu'au micro-État du Pacifique Sud,
00:45 qui ne peuvent évidemment pas se comparer à cela.
00:47 Donc le concept de Sud est assez flou.
00:50 "Faute de mieux", on l'utilise. Pourquoi ?
00:52 Parce que ça veut dire aujourd'hui, clairement, les pays qui ne sont pas occidentaux.
00:55 Et c'est ça, je crois, le ciment.
00:57 Auquel d'ailleurs, maintenant, se greffent les pays comme la Russie.
01:00 Donc on ne peut pas véritablement dire qu'ils sont au Sud géographiquement.
01:03 Mais voilà, c'est un ensemble extrêmement hétéroclite
01:05 qui a en commun, aujourd'hui, et c'est ça qui est important,
01:08 de ne plus accepter un ordre international
01:11 qu'ils estiment avoir été façonné par les puissances occidentales
01:16 après 1945, surtout notamment par les États-Unis et leurs alliés.
01:19 Et c'est cet ordre mondial-là
01:21 qu'un certain nombre de pays n'acceptent plus aujourd'hui.
01:23 Et je crois qu'en réalité, quand on dit le Sud global,
01:26 c'est cet ensemble-là que l'on désigne.
01:28 Il y a une histoire évidemment très particulière de la France
01:37 avec ce qu'on appelle aujourd'hui les Suds,
01:39 parce que la France est une ancienne puissance coloniale.
01:40 Et elle a peut-être un peu moins réussi cette transition
01:44 de la relation coloniale à une relation post-coloniale que les Britanniques.
01:47 Les Britanniques ont le Commonwealth.
01:49 Ils ont cette communauté d'États anglophones que la France n'a pas, en réalité.
01:52 Alors on a la francophonie, c'est vrai,
01:54 mais on a une relation qui est particulière.
01:57 Et en réalité, il y en a deux différentes.
01:59 Il y a les anciennes colonies et puis il y a les autres.
02:00 Alors dans cette histoire-là, il y a évidemment un tournant,
02:03 c'est la fin de la guerre d'Algérie.
02:04 L'époque du général de Gaulle qui va réussir à façonner un nouveau lien
02:07 avec notamment les pays arabes, mais aussi les pays d'Afrique francophone.
02:11 Effectivement, c'est ce qui est censé à l'époque
02:14 initier la période post-coloniale,
02:16 la nouvelle relation de la France à ces pays nouvellement indépendants.
02:19 Mais ça, c'est déjà très loin.
02:20 Depuis la fin de la guerre froide, on a une nouvelle époque.
02:23 C'est-à-dire qu'on voit une montée en puissance de ces pays du sud
02:25 qui, pour certains, sont devenus des géants politiques.
02:27 Et là, la France a plus de difficultés.
02:29 Elle a une double difficulté.
02:30 Elle a une difficulté avec ses anciennes colonies, d'une part,
02:32 parce que c'est l'ancienne puissance coloniale et que forcément,
02:35 vous avez des pays qui sont un petit peu prudents
02:38 quand il s'agit de trouver des accords avec l'ancienne puissance coloniale,
02:41 parce qu'on veut montrer qu'on est maintenant un pays souverain,
02:43 qu'on a un nouvel agenda politique.
02:44 Et puis, il y a la relation avec les pays qui n'ont jamais été colonies françaises.
02:48 Et là, il y a souvent un angle mort,
02:49 c'est-à-dire qu'il y a un manque d'influence française dans ces pays.
02:52 L'influence française en Asie, elle n'est pas extraordinaire aujourd'hui,
02:55 même si on est un pays de l'Indo-Pacifique, avec des territoires d'outre-mer.
02:59 La relation de la France avec l'Asie centrale,
03:02 la relation de la France avec l'Amérique latine est un peu compliquée.
03:06 La relation de la France avec l'Afrique de l'Est,
03:09 on n'a pas une influence extraordinaire.
03:10 Et donc, aujourd'hui, on se retrouve dans un moment
03:13 où il faut véritablement redéfinir complètement notre relation avec le sud.
03:17 Je crois que c'est ça que le gouvernement et la diplomatie française actuelle
03:21 essayent de faire aujourd'hui,
03:22 parce qu'on a bien compris que le monde était pluriel.
03:26 On ne réglera pas les grands problèmes de la planète,
03:28 l'environnement, le climat, les questions migratoires,
03:30 les questions de sécurité internationale,
03:32 les questions économiques, les questions commerciales,
03:34 sans ces pays-là, qui sont extrêmement importants.
03:36 Et donc, il faut absolument, aujourd'hui, combler ce déficit de dialogue,
03:40 de crédibilité et peut-être d'influence avec les pays du sud,
03:42 pour repartir à zéro.
03:43 [Musique]
03:49 Les deux, d'abord le pragmatisme, c'était aussi l'attitude du général de Gaulle.
03:53 Le général de Gaulle tenait compte à la fois des pesanteurs historiques
03:56 et de l'évolution des rapports de force.
03:58 Pesanteur historique, quand il disait "les Russes seront toujours là",
04:01 les grands pays, les grandes nations, les grandes diplomaties
04:04 seront toujours là, avec des hauts et des bas,
04:05 mais ils seront toujours là.
04:06 Ça, c'était son pragmatisme.
04:07 Aussi, c'est-à-dire à la fois un constat historique
04:10 et en même temps un pragmatisme, parce qu'il faut faire avec.
04:12 On ne peut pas refuser de discuter avec des pays qui comptent.
04:15 Que ce soit l'Iran aujourd'hui, que ce soit la Chine, évidemment.
04:18 Et ça, la France a toujours eu peur de l'attitude américaine,
04:21 qui consistait à dire "on ne discute qu'avec les gens qui sont d'accord avec nous".
04:24 C'est un peu un travers de la diplomatie américaine que nous avons souvent condamné,
04:28 même si les États-Unis restent évidemment nos principaux alliés.
04:31 Je crois qu'aujourd'hui, la diplomatie française essaye de retrouver cette fibre-là.
04:35 Elle essaye d'abord de retrouver la position universaliste,
04:38 qui a toujours été celle de la France.
04:39 C'est quoi "universaliste" ? C'est "on parle à tout le monde".
04:41 La diplomatie, c'est de discuter avec les gens avec lesquels on n'est pas d'accord.
04:45 Or, aujourd'hui, nous ne sommes pas d'accord avec beaucoup de pays du Sud,
04:47 et pourtant, il faut qu'on trouve des solutions avec eux.
04:49 On ne peut plus voir la relation avec le Sud
04:52 comme si nous étions toujours une puissance de référence.
04:55 Il faut essayer de considérer que nous sommes des nouveaux entrants
04:57 sur un marché extrêmement concurrentiel,
04:59 que nous partons avec des handicaps,
05:01 et qu'il faut réinventer cette relation,
05:03 proposer une valeur ajoutée, donner aux pays du Sud
05:06 des raisons de traiter avec nous plutôt qu'avec d'autres.
05:09 Ce ne sera pas facile à faire, mais je crois que si on y réfléchit bien,
05:12 on pourrait y arriver.
05:13 [Musique]

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