Mercredi 28 juin 2023, SMART ÉDUCATION reçoit Jean-Rémi Girard (Président national, SNALC) et Jean Klein (Secrétaire générale adjoint, Snupden Fsu)
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00:00 ...
00:07 -Bonjour à toutes et à tous.
00:09 Je suis ravie de vous retrouver dans votre magazine quotidien
00:12 "Smart Education", un magazine dédié aux nouvelles formations,
00:16 aux nouveaux métiers, aux nouvelles pédagogies.
00:18 Le rendez-vous qui donne un futur à la jeune génération.
00:22 "Lycée horrible", voilà ce que vous pouvez lire
00:24 sur certains commentaires en tapant le nom d'un établissement.
00:28 En effet, les avis Google qui critiquent les écoles, les collèges
00:31 et les lycées se multiplient et le phénomène inquiète évidemment
00:35 les syndicats. Noter un établissement, pourquoi pas ?
00:38 Le dégrader ou encore citer le nom de certains professeurs ?
00:41 Certainement pas. Nous en parlons avec Jean-Rémi Girard,
00:44 président national du SNALC, le syndicat national des lycées,
00:47 collèges et écoles, et du supérieur.
00:50 Merci de nous accompagner dans "Smart Education".
00:52 Jean Klein nous accompagne également, secrétaire général adjoint
00:56 du SNUFDN-FSU, syndicat national unitaire,
00:59 des personnels de direction.
01:00 -Bonjour. -Merci à tous les deux
01:02 d'être avec nous. Aujourd'hui, j'ai donné un exemple,
01:06 "lycée horrible". On a pu en lire d'autres.
01:08 Qu'avez-vous lu sur ces commentaires ?
01:10 Vous en avez vu, vous aussi ? -Oui, bien sûr.
01:13 J'ai déjà regardé ceux de mon établissement.
01:16 J'ai jamais mieux servi que par soi-même.
01:18 Il y en a qui remontent à très loin,
01:20 mais il y a une sorte de reprise, on va dire, récente.
01:23 Ce n'est pas étonnant, souvent, c'est par vagues.
01:26 La plupart sont positifs, tant mieux,
01:29 mais effectivement, on est dans un système
01:32 qui n'est globalement pas modéré, pas vérifié.
01:36 On ne sait pas qui écrit, si c'est un élève, un parent,
01:39 n'importe qui. Et effectivement...
01:42 -On voit à l'écran quelques commentaires.
01:44 Vous dites que la plupart sont intéressants,
01:47 la plupart sont positifs.
01:48 -C'est rare, car on va plutôt commenter
01:51 quand on n'est pas content que quand on est content.
01:54 Mais il peut arriver, c'est plutôt d'anciens élèves
01:57 qui viennent mettre un petit truc sympa.
01:59 Ca existe aussi.
02:01 Mais en soi, ce n'est pas normal.
02:03 C'est-à-dire que là, on voit vraiment un côté très...
02:06 Société de consommation, clientélisme...
02:08 -On note un établissement,
02:10 comme on note un restaurant.
02:12 -Oui, et même les restaurants.
02:14 Mais là, on est quand même sur une institution de la République.
02:18 Et c'est pas non plus, effectivement,
02:20 quelque chose qu'on est supposé pouvoir noter publiquement.
02:24 Il y a des systèmes internes, de toute façon,
02:27 au sein de l'établissement.
02:28 Il y a des systèmes d'évaluation
02:30 qui ne sont pas forcément formidables.
02:33 Mais en tous les cas, ça n'apporte clairement rien.
02:36 Ca n'a strictement aucun intérêt.
02:38 J'espère bien qu'aucun parent va regarder ça en se disant
02:41 "je vais choisir ce lycée plutôt que tel autre".
02:44 On choisit pas forcément son lycée.
02:46 Mais c'est probablement avant tout une perte de temps.
02:49 Ca augmente les tensions vis-à-vis de l'école
02:52 et chez les personnels de l'Education nationale.
02:55 -On va continuer à parler de ça.
02:57 Jean Clin, peuvent-ils parfois aller trop loin ?
03:00 Vous constatez aussi une montée de cette pratique ?
03:02 Ou par vagues, comme disait Jean-Rémi Gérard ?
03:05 -Ou par vagues, mais elles sont faciles à identifier
03:08 et à anticiper.
03:09 Alors, moi, je suis beaucoup moins positif
03:14 que Jean-Rémi.
03:16 J'ai peut-être trop tendance à regarder
03:19 les appréciations négatives, mais je les trouve très violentes.
03:23 Que ce soit sur les moteurs de recherche
03:27 ou sur les réseaux sociaux, c'est nos limites.
03:30 Et j'allais dire, le côté anonyme de la démarche
03:34 rend la liberté de parole...
03:38 On en fait... Enfin, on dépasse la limité du supportable,
03:44 pour moi. -Oui, parce que des fois,
03:46 des enseignants sont pointés du doigt,
03:49 on donne des noms, c'est ce que je disais.
03:52 -Quand je disais que c'est par vagues,
03:54 mais c'est facile à anticiper, ça vient d'où ?
03:57 Ça vient du classement fait par le ministère des établissements.
04:01 Si ce classement, une fois qu'il est fait,
04:03 qu'il soit rendu public, ça me paraît logique.
04:06 Mais à quoi ça sert ?
04:08 Quel est l'intérêt de faire un classement ?
04:10 Il y a une grande confusion entre évaluation de l'établissement,
04:14 quelque chose qui a toujours existé,
04:16 même si le ministère découvre, en essayant de nous inviter
04:19 des algorithmes qui n'en seront pas un peu à la Dubou,
04:24 pour évaluer les établissements,
04:26 mais depuis toujours, on évalue, on auto-même évalue,
04:29 ensemble, en équipe, dans tous les établissements.
04:32 -On ne peut pas dire qu'on évalue un établissement,
04:35 on donne son avis. -Oui, mais le classement,
04:38 il est évalué, il est sorti d'une évaluation
04:41 qui est faite avec plusieurs critères.
04:43 Des critères me semblent, évidemment, contestables.
04:47 D'autres, à titre personnel, enfin, personnel et syndical,
04:51 nous semblent pertinents.
04:53 Il y en a un qui nous semble très pertinent,
04:55 c'est celui qu'on appelle la valeur ajoutée.
04:58 Combien d'élèves on accueille quand on est en lycée ou en seconde
05:02 et combien on mène jusqu'en terminale
05:04 et à qui on permet de réussir ?
05:06 Pareil pour la 6e et la 3e.
05:08 Ca, c'est un critère intéressant.
05:10 Le taux de mention, le taux de réussite aux examens,
05:15 dans quel milieu social on travaille,
05:18 ça joue aussi.
05:19 -Qu'est-ce qui n'est pas intéressant ?
05:21 -Par exemple, le taux de réussite aux examens.
05:24 C'est quelque chose qui est pipé,
05:26 parce qu'il ne vous aura pas échappé,
05:28 que dans ce tri et dans ce classement,
05:30 beaucoup d'établissements privés,
05:33 toute idée personnelle mise à part,
05:35 sortent plutôt en tête et gagnant de l'affaire.
05:38 Il y a une différence fondamentale
05:40 entre le service public et les établissements privés.
05:43 Et c'est normal pour le service public.
05:45 On est là pour accueillir tout le monde.
05:48 Service privé, choisi.
05:49 -C'est bizarre de les mettre en compétition.
05:52 -C'est une compétition,
05:53 c'est comparer des choux et des carottes.
05:56 -Pour continuer sur cette histoire de commentaires,
05:59 vous parliez évidemment de l'intérêt de ces commentaires.
06:02 Est-ce que, selon vous, les gens les lient
06:06 et les parents les élèvent ?
06:08 -Oui, bien sûr.
06:09 -Véritablement, ça peut avoir un impact ?
06:11 -Oui, bien sûr. C'est une pratique.
06:13 De toute façon, aujourd'hui, beaucoup...
06:16 Pas que les élèves, effectivement.
06:18 La plupart des adultes aussi sont sur Internet,
06:21 sur le réseau, sur leur téléphone, etc.
06:23 Donc, effectivement, ça peut être...
06:26 -L'impact n'est pas forcément relatif.
06:28 -L'impact n'est pas forcément relatif.
06:31 Ce qu'on va distinguer au SNALC,
06:33 c'est la sorte de commentaires "mouvement d'humeur",
06:36 "global", etc.,
06:37 où, normalement, toute personne,
06:39 un minimum dotée de bon sens,
06:41 va bien voir ce que c'est.
06:42 Et les choses potentiellement dangereuses,
06:45 où, quand on nomme un enseignant,
06:47 là, c'est dangereux,
06:48 nous, on conseille, dans ces cas-là,
06:51 de porter plainte, de demander la protection fonctionnelle.
06:54 -C'est facile de faire supprimer ces postes ?
06:57 -Non, on est sur des normes machines,
07:01 que ce soit Google, que ce soit Twitter,
07:04 on est sur d'énormes choses,
07:06 avec des systèmes de modération
07:08 où on n'est pas en capacité d'atteindre un être humain,
07:11 ou du moins pas facilement,
07:13 ou pas sans beaucoup, beaucoup d'étapes.
07:16 Et donc, non, c'est très compliqué
07:18 d'arriver à faire modifier ces choses.
07:20 On peut y répondre,
07:21 mais ça veut dire rajouter encore une couche.
07:24 Donc, nous, on a une proposition très simple au SNALC,
07:28 puisque l'Education nationale a déjà passé des partenariats
07:31 avec certains des GAFAM,
07:33 c'est qu'à un moment,
07:34 ça ne doit pas être si compliqué que ça
07:36 de retirer les établissements scolaires
07:38 sur la carte des choses que l'on peut évaluer.
07:41 Comme ça, au moins, sur ce qui se passe sur Google,
07:44 déjà, ça simplifiera un peu les choses.
07:47 -Jean Clin, oui, c'est ça.
07:48 -Oui, l'analyse me semble pertinente,
07:51 mais je pense, hélas,
07:53 que c'est la lutte du pot de terre contre le pot de fer.
07:56 On ne peut pas gagner ça.
07:58 Les GAFAM laisseront
08:01 proliférer
08:03 toutes les expressions
08:06 qui seront racoleuses.
08:07 Et oui, c'est sûr que c'est lu,
08:09 et il est certain qu'il en ait tenu compte.
08:12 C'est même retweeté pour ce qui s'agit des tweets...
08:15 -Ca peut nuire à la réputation d'un établissement.
08:17 -Ca peut nuire à la réputation d'un établissement.
08:20 Les établissements ont tout, sauf besoin de ça, en ce moment.
08:24 Ils sont assommés avec des réformes successives,
08:28 qu'on a beau contester,
08:30 qui se mettent en place.
08:32 Pour entendre hier que le ministre dit qu'effectivement,
08:35 le bac, oui, c'est vrai, il va falloir repenser,
08:38 parce que les épreuves de spécialité,
08:40 c'était peut-être pas très bien placé.
08:42 C'est juste ce qu'on avait dit dès le début de l'année.
08:45 Et puis tous ensemble.
08:46 On n'avait pas besoin de ça. C'est mauvais pour l'école.
08:50 Et le climat social, aujourd'hui,
08:52 on ne va pas épiloguer, on sait ce que c'est,
08:54 les gens vont mal.
08:55 Donc ils surinvestissent leur espoir
08:59 dans l'école pour leurs enfants.
09:01 Si on touche à l'école et si on la salit,
09:04 on nuit à l'espoir qu'ils placent dans l'école.
09:07 -C'est lié, oui, peut-être, déjà,
09:09 à la crise de confiance des Français envers l'école.
09:12 C'est un facteur de plus, une preuve de plus, une conséquence ?
09:15 -Oui, bien sûr, c'est lié à une forme de crise de confiance,
09:19 pas qu'envers l'école, mais j'allais dire
09:21 envers les institutions assez générales,
09:24 envers la politique.
09:25 On le voit, quand même, qu'on est dans une crise,
09:28 on le voit qu'on est dans une crise à l'Education nationale,
09:31 on n'arrive plus à recruter d'enseignants.
09:34 C'est quand même un marqueur assez objectif
09:36 qu'il y a un souci grave.
09:38 Un parent d'élève qui allume sa télé,
09:40 qui regarde les infos et qui tombe sur le job dating
09:43 dans l'académie de Versailles,
09:45 où on lui explique qu'on va recruter des gens
09:47 en une demi-heure, qu'on va les balancer devant des élèves,
09:51 ça peut ne pas donner confiance en l'école.
09:53 Donc, oui, il y a ce phénomène-là,
09:56 ce que j'appelle le phénomène de consumérisme,
09:58 qui a touché l'éducation comme ailleurs,
10:01 où on va choisir son établissement,
10:03 essayer de trouver le meilleur, et si ça ne va pas,
10:06 on va se plaindre. -Je me fais l'avocat du diable,
10:09 ce ne serait pas une bonne idée de faire noter les élèves ?
10:12 Si les élèves de chaque établissement
10:14 pouvaient, d'une certaine manière, eux aussi,
10:17 contribuer, donner leur avis sur leur emploi du temps,
10:20 la logistique... -Ca existe en interne.
10:22 -Peut-être que ça l'éviterait dans les lycées.
10:25 -On a des représentants, des élèves en conseil d'administration,
10:29 des parents, donc il y a des capacités de démocratie
10:32 dans un établissement scolaire.
10:34 Il y a des conseils de la vie lycéenne,
10:36 de la vie collégienne, donc c'est beaucoup plus constructif
10:40 d'aller porter sa parole, qu'on soit élève,
10:42 qu'on soit parent, au sein de l'établissement
10:45 que d'aller la porter sur Google. Ca ne sert à rien,
10:48 alors qu'effectivement, la porter en interne...
10:51 Moi, je vois bien qu'on a, même de plus en plus,
10:54 d'ailleurs, intérêt, parents, élèves, enseignants
10:57 et personnels de l'Education nationale
11:00 à essayer de trouver collectivement des choses
11:03 pour essayer que ça aille un peu mieux,
11:05 parce qu'effectivement, le climat est très dégradé
11:08 et je pense que les enseignants et les personnels
11:11 sont très ouverts à toutes les idées constructives,
11:14 au contraire. Mais effectivement,
11:16 les enseignants eux-mêmes se sentent très dévalorisés.
11:20 Il y a une enquête du ministère qui le montre.
11:23 Le moral est dans les chaussettes.
11:25 Et c'est peut-être pas l'idée du siècle
11:27 d'en rajouter une couche en disant que c'est n'importe quoi.
11:31 Ce lycée, comme si tout le monde avait eu la même expérience
11:34 avec tous les profs, tous les assistants d'éducation,
11:37 ça n'a vraiment aucun sens.
11:39 Et ça concerne aussi... Je parle des lycées,
11:42 je suis en lycée, mais on a beaucoup de retours
11:44 d'écoles primaires, également, où là,
11:47 j'allais dire qu'il y a beaucoup moins d'adultes.
11:50 Donc très vite, ça devient très ciblé.
11:52 C'est le maître ou la maîtresse de ces mains, etc.
11:55 Et là, ça devient très vite identifiable,
11:58 voire dangereux pour les collègues.
12:00 -Jean-Claude, une ligne pour conclure ce débat ?
12:03 -Très rapidement, je pense que...
12:05 Oui, je partage globalement l'analyse qui vient d'être faite.
12:08 Je pense que c'est très dangereux, ce qui est en train de se faire,
12:12 parce que les enseignants vont mal,
12:14 d'abord parce qu'en Europe, on est parmi ceux
12:17 qui sommes les plus mal payés.
12:19 Tout corps confondu dans l'éducation nationale.
12:22 Je peux vous parler des chefs d'établissement.
12:25 -Elle est droite au but, Jean-Claude.
12:27 -Ca veut dire quoi ? C'est simplement,
12:29 aujourd'hui, contrairement à cette idée reçue
12:32 qu'on peut lire à travers les commentaires
12:34 que vous avez cités, nous, on a les retours des élèves.
12:38 Et les retours des élèves, bien souvent,
12:40 sont à l'opposé de ça.
12:42 Les élèves qui viennent remercier les enseignants
12:45 à la fin de l'année pour le travail fourni,
12:47 ou s'excuser, en disant "je vous en ai fait voir",
12:50 mais vous avez tenu, "merci",
12:52 ça, ça remplace tous les commentaires négatifs.
12:55 -Ce sont plus positifs et plus constructifs.
12:57 -C'est sûr.
12:59 -Merci à tous les deux d'avoir été avec nous.
13:01 Jean-Rémi Gérard, président national du SNALC.
13:04 Merci d'avoir été avec nous.
13:06 Jean Klein, secrétaire général adjoint du SNUC,
13:09 merci beaucoup d'avoir été là.
13:11 Merci à vous de nous avoir suivis.
13:13 On se retrouve très vite pour un nouveau numéro
13:16 de SNALC.
13:17 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
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