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Mardi 11 juillet 2023, SMART IMPACT reçoit Alain Schnapper (Directeur Général, la Communauté des Entreprises à Mission) et Nathalie Rondeau (Responsable au sein du Centre d’Excellence ESG, KPMG)

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00:00 [Musique]
00:06 C'est le débat de ce Smart Impact. Je vous présente tout de suite mes invités Alain Schnapper. Bonjour.
00:10 Bonjour.
00:11 Bienvenue. Vous êtes directeur général de la communauté des entreprises à mission.
00:14 À vos côtés Nathalie Ronon. Bonjour.
00:16 Bonjour.
00:17 Bienvenue à vous aussi. Ravie. Responsable au sein du Centre d'Excellence ESG chez KPMG,
00:22 le cap des 1000 sociétés à mission qui a été franchi. C'était à la fin de l'année dernière, fin 2022.
00:27 On en est où aujourd'hui ?
00:29 L'observatoire des sociétés à mission, on a référencé 1200 à l'heure où on se parle.
00:34 Et il y en a pas mal dans les tuyaux, puisqu'il y a des processus administratifs qui sont un peu lents.
00:39 Mais donc la dynamique ne se ralentit pas.
00:40 Donc le rythme de conversion, j'allais dire, se maintient ?
00:44 On a doublé à peu près tous les ans depuis le début de la loi PACTE.
00:47 Donc on va voir si on arrive à tenir ce rythme cette année, si on va franchir le cap des 2000 à la fin de l'année.
00:51 On espère. Mais pour l'instant, il n'y a rien qui nous empêche de l'espérer.
00:54 Alors on va rentrer dans le détail des motivations des entreprises à mission.
00:58 Marie-Alice Girondeau, vous avez réalisé une étude sur les pionnières, en quelque sorte.
01:02 Les 50 premières, c'était il y a 4 ans et quelques.
01:06 Quand la loi PACTE a été votée, il en ressort quoi de cette étude ?
01:10 Alors effectivement, une étude sur les 50 sociétés à mission qu'on a appelées pionnières,
01:14 puisque c'est principalement des sociétés à mission qui le sont devenues en 2019-2020.
01:18 S'il fallait retenir des éléments clés de l'étude, en tout cas aujourd'hui,
01:22 premièrement, on est ravis de constater qu'il y a des principes clés,
01:26 comme la gouvernance ouverte, le comité de mission qui ont beaucoup parlé,
01:29 puisque 100% des entreprises pionnières ont adopté ce mode de fonctionnement.
01:33 Donc en désignant un comité à mission, ce qui n'est pas une obligation d'ailleurs, il faut le rappeler.
01:37 Pas du tout, exactement. Donc ils ont fait cet effort pour même des petites entreprises
01:40 qui ont choisi aujourd'hui de s'entourer de ce comité composé d'interne voire d'externe,
01:45 et souvent d'externe d'ailleurs, puisque 2/3 d'entre elles ont vraiment en tout cas pris le choix
01:49 de sur-représenter les externes pour s'éclairer sur leur mission, ce qu'elle veut dire.
01:53 Donc il y a des constats de ce type extrêmement intéressants, et des points d'amélioration évidemment.
01:58 Typiquement, aujourd'hui encore une petite confusion entre RSE et société à mission
02:02 qui continue à se marquer, puisqu'on a à peu près 60% des entreprises aujourd'hui
02:07 qui n'ont pas encore complètement corrélé leur mission et leur activité.
02:11 Alors ça m'intéresse sur les raisons d'être aussi, puisque moi j'ai reçu beaucoup d'entreprises
02:15 qui étaient en cours de mission, qui avaient défini leur raison d'être,
02:20 qui n'étaient pas encore entreprises à mission. Souvent c'est intéressant de voir les mots qui sont choisis.
02:24 Et aussi le cœur d'activité. Est-ce que le cœur d'activité de l'entreprise est forcément inscrit dans la raison d'être ?
02:31 Alors c'est un fondamental, ça fait même partie de l'obligation réglementaire,
02:35 et c'est un des points sur lequel avec l'Observatoire on a beaucoup échangé
02:39 sur justement qu'est-ce qui caractérisait une bonne raison d'être,
02:42 et la représentation de l'activité en faisait partie.
02:45 Oui, parce que sinon il y a des mots un peu creux, ça devient une philosophie un peu générale, c'est le risque quoi.
02:49 C'est vrai que responsable, durable...
02:51 Votre avis là-dessus, Alain Schnepper ?
02:53 Oui, clairement aujourd'hui on voit bien quand on regarde les missions ou les raisons d'être,
02:58 il y en a encore un certain nombre qui emploient des mots qu'on voit un peu trop souvent
03:03 et qui mériteraient d'être précisés. D'autant plus qu'il n'y a pas d'obligation à avoir une raison d'être très courte
03:09 qui ressemble à un slogan, et donc ça peut être vertueux de faire l'effort de bien préciser les enjeux
03:16 auxquels l'entreprise essaye de répondre, et donc du tout de bien détailler.
03:20 Les raisons d'être les plus percutantes sont celles qui ont été créées en faisant attention à mettre les mots
03:26 les plus précis possibles, tout en laissant ouvert la possibilité,
03:29 parce qu'évidemment les activités des entreprises vont évoluer pendant le temps,
03:33 et donc il faut aussi laisser la possibilité aux entreprises de pivoter, d'évoluer,
03:37 mais en même temps il faut que ça soit en lien avec l'activité, c'est inscrit dans la loi.
03:41 Est-ce qu'il y a un portrait robot de l'entreprise à émission ? C'est plutôt une PME ?
03:46 Alors c'est à 80% une PME, disons moins de 50 salariés,
03:51 donc dit différemment ça fait 20% d'entreprises qui ont plus de 50 salariés.
03:54 Si on compare à l'ensemble des entreprises, d'une certaine manière les grandes entreprises sont relativement surreprésentées,
04:01 parce que typiquement il y a beaucoup plus de 80% de PME.
04:06 Donc c'est relativement à l'image du tissu avec une légère surreprésentation des grandes entreprises,
04:12 c'est moitié-moitié entre Paris et les régions, et on voit qu'il y a une surreprésentation des entreprises récentes.
04:20 C'est-à-dire qu'il y a maintenant aujourd'hui beaucoup d'entreprises qui se créent directement avec la qualité de société à émission.
04:25 C'est souvent des entreprises qui se créent avec un projet, une mission, on les qualifie de "mission native",
04:31 c'est-à-dire qui vraiment se créent avec l'ambition de traiter tel ou tel enjeu, et donc adoptent directement la qualité de société à émission.
04:38 Les entreprises que vous avez sondées pour cette étude, quels bilans elles en font ?
04:44 Est-ce qu'elles disent "ça a été bénéfique, ça nous a permis d'avancer, ça a été un outil d'attractivité" par exemple ?
04:51 Quels constats vous faites là-dessus ?
04:52 Alors on ne les a pas forcément sondées, mais on travaille avec beaucoup d'entre elles au niveau de KPMG,
04:57 avec au moins une trentaine de sociétés à émission aujourd'hui de toute taille,
05:00 et je pense qu'un des mots qui ressort le plus, c'est le mot d'innovation en tout cas.
05:04 Donc ce n'est pas forcément quelque chose d'inné, c'est un mouvement qui peut prendre un petit peu de temps pour émerger,
05:10 mais se poser la question de comment à travers son activité on va chercher une contribution, une utilité en permanence,
05:16 toujours un peu plus loin, toujours avec des engagements, toujours en donnant des preuves aussi de ce qu'on est en train de faire.
05:22 Ça demande réellement d'innover dans la manière de réfléchir son activité, la manière de créer de la valeur aussi,
05:28 et les comptes qu'on veut rendre aussi par rapport à son activité.
05:31 Donc je pense que c'est cette innovation-là qui est assez intrinsèque au modèle et qui le rend très intéressant.
05:36 Est-ce qu'il y a un secteur qui est plus facilement à mission, vous voyez ce que je veux dire,
05:41 ou au contraire un autre, on va faire les deux bouts de la chaîne, qui est un peu en retard ?
05:45 Alors on a des secteurs plus représentés que d'autres aujourd'hui dans des métiers par exemple de finance, de conseil, de service aux entreprises,
05:54 mais en réalité c'est un modèle qui doit pouvoir être adapté à tous et on a tous les secteurs de société à mission qui seront présentés aujourd'hui.
06:02 Un petit peu moins d'industriels ou d'entreprises par exemple dans l'agriculture mais il y en a quand même.
06:06 Le secteur CHR, café, hôtellerie, restauration, il s'y met aussi ?
06:10 Il s'y met aussi sur le sujet de bien manger, bien mettre, qui est quand même une problématique fondamentale.
06:16 Il y a plusieurs entreprises de la restauration collective par exemple qui sont devenues sociétés à mission.
06:20 Est-ce qu'il faut aller plus loin ? Parce que définir sa raison d'être, devenir société à mission, c'est très important.
06:26 Mais en septembre 2022, il y a eu le même jour deux entreprises importantes, le Crédit Mutuel et la Maïf,
06:33 qui ont annoncé la création d'un dividende, un dividende sociétal ou un dividende écologique, 15% pour le Crédit Mutuel, 10% pour la Maïf,
06:42 de leurs bénéfices consacrés à cet objectif. Est-ce qu'il faut aller jusque là ?
06:47 Parce que c'est plus contraignant, vous voyez ce que je veux dire.
06:50 C'est une question délicate. D'abord, le principe de la société à mission, c'est que chaque entreprise reste libre de déterminer sa mission.
06:58 Cette liberté est compensée par l'obligation de rendre compte à travers le comité de mission et la vérification.
07:08 Oui, parce que c'est inscrit dans les statuts. On l'a beaucoup dit ici, je ne l'ai pas répété, mais c'est inscrit dans les statuts.
07:13 Et donc il y a cet équilibre entre la liberté qui est laissée à l'entreprise de choisir et de définir les enjeux sur lesquels elle veut travailler et son utilité,
07:20 compensée par l'obligation de rendre compte à travers le comité de mission et le vérificateur OTI.
07:26 Cette liberté, elle est centrale parce que c'est celle qui permet à l'entreprise de faire preuve d'innovation et de se transformer.
07:33 Ensuite, que des mécanismes complémentaires se mettent en place, pourquoi pas ? Mais là encore, le principe reste fondamentalement la liberté laissée à l'entreprise de choisir ses combats et les enjeux sur lesquels elle veut travailler.
07:49 Ajoutons que dans les deux cas que vous citez, il s'agit d'entreprises, on est presque à la limite de la philanthropie, puisqu'on est dans une logique de,
07:57 une fois qu'on a mis en oeuvre notre activité, donc on a a priori traité les enjeux qu'on souhaitait traiter, on a dégagé des résultats et on décide volontairement de consacrer une part de ces résultats à d'autres activités.
08:09 Et donc on est dans comment est-ce que je vais utiliser le bénéfice que j'ai tiré de mes activités. Et donc c'est lié ou pas à la mission.
08:16 Disons que dans la logique de la mission, on aurait presque envie de dire qu'il serait encore plus pertinent que les entreprises aient investi encore davantage pour atteindre les objectifs qu'elles s'est donnés,
08:27 plutôt qu'a posteriori, de manière presque philanthropique, d'attribuer ou de répartir le dividende, même si évidemment c'est une initiative qu'on ne peut que saluer.
08:37 Je voudrais qu'on reparle de l'attractivité Nathalie Rondeau, KPMG qui est devenue entreprise à mission elle aussi l'an dernier, c'est ça ?
08:44 Déjà un mot de ce que ça a représenté pour les salariés. C'était une étape importante, il y a eu une réflexion collective, comment ça s'est passé ?
08:52 Alors ça a été une étape évidemment fondamentale, c'est le fruit aussi de toute une réflexion qui s'est instaurée à l'issue de la période de la pandémie,
08:59 sur quel sens on donne, comment on va chercher finalement des messages, une valeur supplémentaire du sens, ce supplément d'âme en fait, qu'on cherche aussi dans une entreprise
09:09 et qui fait qu'aujourd'hui un salarié a envie de rejoindre son futur employeur et va se retrouver.
09:16 Et aujourd'hui, c'est un long chemin, on travaille beaucoup sur ce sujet-là au niveau de KPMG, mais c'est vrai qu'on a des retours extrêmement positifs
09:23 pendant des entretiens d'embauche, typiquement de candidats qui viennent nous voir et qui nous disent "on vous choisirait vous parce que vous êtes société à mission"
09:31 et c'est quelque chose qui nous parle. Donc on sent quand même en termes d'attractivité que c'est quelque chose qui parle à des jeunes et des moins jeunes d'ailleurs
09:39 qui aujourd'hui cherchent cette cohérence-là entre leur valeur et ce qu'elles veulent faire au quotidien dans leur travail.
09:45 Alors je vais poser la question inverse parce qu'il faut toujours se dire qu'il y a peut-être un risque, même si c'est peut-être le prisme journalistique de faire ça,
09:52 mais est-ce qu'au contraire il y a des entreprises qui se sont définies à mission et qui finalement ont eu un effet boomerang ?
09:58 C'est-à-dire, puisque c'est inscrit dans les statuts, "ah bah tiens vous n'avez pas respecté tel engagement".
10:04 Alors il y a toujours un risque puisqu'on s'expose en fait, on prend des engagements et on va chercher une forme d'exemplarité, c'est-à-dire on le disait,
10:11 la mission n'est pas la RSE, on ne va pas avoir des sociétés à mission qui s'engagent à respecter les droits humains, ça n'aurait aucun sens.
10:17 Donc ce qui veut dire que l'attendu, l'implicite, c'est de dire "puisque je suis société à mission, j'ai géré tout le reste, je traite bien mes salariés,
10:24 je minimise mon impact sur l'environnement, je respecte des fondamentaux".
10:28 Et évidemment, dès qu'on prend cet engagement de société à mission, le corollaire, même s'il est implicite, c'est de dire "je suis responsable à la base de manière assez fondamentale".
10:37 Et l'exemplarité, c'est jamais facile.
10:39 Est-ce que cette dimension-là, c'est encore un frein ? Est-ce qu'il y a certains patrons, comexes d'entreprises qui se disent "tiens, on voudrait bien utiliser le pacte,
10:50 mais on n'y va pas parce qu'on a peur de l'effet Moore-Brundt".
10:53 Alors oui, sûrement, il y a des dirigeants qui évoquent non pas le risque juridique, mais plutôt le risque réputationnel.
11:01 Oui, c'est ça.
11:02 Alors après, il faut être clair, ça s'appuie sur une forme d'incompréhension de ce qu'est la société à mission.
11:07 C'est-à-dire que la société à mission, ça n'est pas un label, et a fortiori, ça n'est pas un label de vertu.
11:12 C'est juste un cadre juridique qui permet de sécuriser dans la durée les engagements que prennent les entreprises.
11:18 Et les sécuriser parce que, engagement, inscription dans les statuts, engagement des actionnaires, valeurs juridiques.
11:24 Et donc, le jour où une entreprise est devenue société à mission, elle n'est pas plus vertueuse que sa voisine ou que sa concurrente,
11:30 elle n'est pas devenue brusquement relée d'une sainteté qui... Bref.
11:33 Elle s'est juste engagée, et elle a pris des engagements clairs sur la direction qu'elle veut prendre, la manière dont elle veut contribuer.
11:40 Et clairement, c'est un chemin qu'elle s'est destiné.
11:43 Et donc, le jour où elle est devenue société à mission, a priori, elle est au tout début de son chemin, et elle a encore, évidemment, des progrès à faire.
11:50 Donc, quand des dirigeants ont cette crainte, c'est aussi parce qu'il y a une forme d'incompréhension et d'une confusion, disons,
11:56 entre ce qu'est un label et ce qu'est un engagement de transformation dans un chemin.
12:01 Merci beaucoup à tous les deux. Et à bientôt sur Bsmart. C'est l'heure de notre rubrique Startup, la 3D au programme.

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