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Journaliste au Monde, Ariane Chemin publie le livre-enquête "Ne réveille pas les enfants", qui paraît aux éditions du Sous-sol ce vendredi 1er septembre.
Regardez Le débat du 01 septembre 2023 avec Yves Calvi et Amandine Bégot.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h, RTL Matin.
00:05 Il est 8h24, peut-être vous souvenez-vous de cette incroyable histoire.
00:12 Ça s'est passé donc le 24 mars 2022. Les cinq membres d'une famille française
00:16 installés à Montreux en Suisse,
00:18 se jettent du 7e étage de leur immeuble, une chute de plus de 20 mètres.
00:22 Tous meurent sur le coup, à l'exception du fils qui était âgé de 15 ans. Bonjour Ariane Chemin.
00:26 Bonjour. Vous êtes journaliste au Monde, vous publiez "Ne réveille pas les enfants" aux éditions du sous-sol.
00:31 Le livre sort aujourd'hui en librairie, un récit dans lequel vous avez enquêté sur ce drame perturbant et incompréhensible.
00:36 Ariane, rappelez-nous en quelques mots les faits pour nos auditeurs qui seront aussi vos lecteurs. Que sait-on de ce qui s'est passé
00:42 effectivement dans cet appartement au bord du lac Léman ce 24 mars 2022 ?
00:46 Alors on sait ce que les policiers ont voulu nous dire, c'est-à-dire qu'il n'y a eu aucune intervention extérieure.
00:51 Personne n'est rentré dans l'appartement, personne n'a poussé ces personnes
00:55 qui n'étaient pas non plus sous l'empreisse de drogue ou de stupéfiants, pas du tout.
00:59 Elles ont sauté les unes après les autres, selon un plan assez organisé et préparé à l'avance, à une minute d'intervalle sans aucun cri.
01:06 Donc un couple, ces deux enfants âgés de 15 et 8 ans et la soeur jumelle de la mère de famille,
01:12 tous ont sauté sans laisser de lettres, d'explications,
01:16 et sans que personne dans la rue ne les ait vus tomber.
01:19 Les uns après les autres et le père est le dernier à sauter ?
01:22 Absolument.
01:23 Après avoir vu toute sa famille se suicider ?
01:25 Voilà, c'est pour ça que tout le monde a commencé à regarder quelle était la figure de ce père,
01:30 d'abord parce qu'inconsciemment c'est un homme et parce qu'il a sauté en dernier.
01:34 Et en fait les choses sont beaucoup plus compliquées que ça, je pense.
01:38 Que se passe-t-il ensuite ?
01:39 Ensuite, une enquête de la police suisse qui parle beaucoup moins que la police française.
01:43 Et puis le dossier qui a été clos cet été.
01:46 D'emblée, la police a parlé d'une dérive sectaire, survivaliste,
01:52 liée à l'épidémie de Covid et peut-être à la guerre en Ukraine.
01:55 Et puis le dossier a été clos sur ces mots,
02:00 avec je pense pour l'inconscient suisse le souvenir du Temple solaire qui se passe tout près là.
02:06 D'ailleurs certains de ses survivants habitent à Montreux.
02:08 Et voilà, sans que c'est resté un mystère, sans qu'on sache exactement ce qui s'était passé.
02:14 Au départ on pense que c'est le père qui est l'instigateur de ce suicide collectif, pourquoi ?
02:19 Je pense que la figure de l'homme, on pense toujours que c'est le dominant.
02:24 En l'occurrence je pense que c'est exactement l'inverse.
02:26 Mais aussi peut-être parce qu'il était un peu geek, il faisait des jeux de rôle quand il était à l'X.
02:31 Ce sont des personnes très éduquées, bac +10 quasiment tous les trois.
02:35 Et donc on a du mal à comprendre.
02:37 Alors c'est une famille qui est repliée sur elle-même, on le comprend en vous lisant.
02:40 Personne ne les connaissait vraiment, n'avait de contact avec eux.
02:42 Ce suicide en fait est un acte prémédité ?
02:46 Oui parce que ça a été préparé.
02:49 Je pense par la mère de famille et par sa sœur.
02:52 Et ce qui m'a intéressé dans cette histoire...
02:54 Deux sœurs jumelles.
02:55 Deux sœurs jumelles.
02:56 C'est que dans les faits divers, j'aime pas ce mot parce que ça lui enlève de l'humanité,
02:59 cette histoire est dramatique évidemment et surtout parce qu'il y a des enfants.
03:02 Mais en général on explore beaucoup la famille.
03:05 Il se trouve que ces deux jeunes femmes, elles avaient 40 ans, les adultes avaient 40 ans,
03:08 sont les petites filles d'un écrivain qu'on connaît peu ici mais qui est très très connu en Algérie,
03:12 qui s'appelle Mouloud Ferahoun, qui a écrit au milieu des années 50 et 60,
03:17 un livre qui s'appelle "Le fils du pauvre" qui est à peu près comme "Les mots de Sartre" pour nous.
03:21 Tout le monde a lu "Le fils du pauvre" en Algérie mais aussi dans tout le Maghreb.
03:24 Et qui a été un destin tragique puisqu'il a été assassiné par l'OS à peu près à 4 jours,
03:29 désaccord déviant.
03:30 Alors vous parlez notamment de coïncidences exagérées entre les deux drames.
03:33 Oui alors au début je lis...
03:35 Que voulez-vous dire ?
03:36 Je lis le journal de Mouloud Ferahoun qui est un livre magnifique et qui raconte un homme traqué.
03:41 Entre 1957 et 62, il a peur de mourir et il a raison d'avoir peur de mourir.
03:44 Parce que d'ailleurs il est assassiné mais il est même exécuté avec ses collègues inspecteurs d'académie.
03:51 Comme lui c'est une fusillade absolument terrible.
03:52 Ils sont mis dos au mur et s'y réfléchissent.
03:55 C'est un commando, on connaît tout le nom des exécutants.
03:58 On a tous les détails.
03:59 Et moi je vois que le commando arrive dans une allée de palmiers.
04:03 Les jeunes femmes sont mortes dans une allée de palmiers.
04:06 Je m'aperçois qu'elles se sont installées à Montreux, tout près de l'endroit où Ferah Tabat
04:10 s'avait mené les négociations en moindre de la Gare d'Algérie.
04:12 Mais ce sont des coïncidences.
04:13 Et ça le journaliste ne peut rien en faire.
04:15 L'écrivain pourrait en faire quelque chose.
04:16 Le journaliste non.
04:17 Donc j'ai décidé de mener l'enquête.
04:18 - Ariane Chemin, le fils âgé de 15 ans a survécu.
04:21 Qu'a-t-il raconté aux enquêteurs ?
04:22 - Je pense beaucoup de choses mais je pense qu'il est très protégé heureusement.
04:25 C'est-à-dire qu'il a raconté beaucoup de choses aux enquêteurs.
04:28 Il a raconté notamment le rôle des femmes dans cette histoire.
04:31 Mais moi ce qui m'a frappée, c'est qu'en menant l'enquête,
04:35 je n'ai pas seulement mené l'enquête sur la mort de Moujoud Ferahoun
04:38 mais je suis retournée un petit peu partout où ces jeunes femmes étaient passées.
04:41 On avait raconté qu'elles étaient très bonnes élèves à l'école.
04:43 Je m'aperçois que la mère de famille par exemple,
04:45 c'est une élève qui n'est pas une bonne élève.
04:47 Elle est fragile.
04:48 J'ai regardé les bulletins scolaires.
04:50 On dit que c'est une élève faible, fragile.
04:52 On ne sait pas très bien ce qui va lui arriver.
04:54 Ensuite je m'aperçois que quand elle s'installe,
04:56 elle est dentiste dans un cabinet en Normandie,
05:00 elle a installé des caméras de surveillance partout.
05:02 Et surtout, j'apprends complètement par hasard,
05:05 quelqu'un me dit "vous savez, je crois qu'elle écrivait des livres".
05:08 Pourquoi ce titre "Ne réveille pas les enfants, rien de chemin" ?
05:11 C'est la phrase que lance Moujoud Ferahoun le matin où il est assassiné.
05:16 Il ne jure que par l'école et il dit à sa femme,
05:19 il a un pressentiment.
05:20 Ça saute de partout.
05:21 Ce sont les derniers jours de la guerre d'Algérie.
05:23 Il y a cinq attentats par jour.
05:24 Il dit "Ne réveille pas les enfants, ne les emmène pas à l'école".
05:27 Et on voit qu'il est terrorisé.
05:28 Et dans les livres qu'a écrits sa petite fille,
05:31 qui est la mère de famille,
05:33 on voit une femme qui est comme paranoïaque.
05:36 Elle est terrorisée partout.
05:37 Elle raconte elle-même à la première personne qu'elle était dentiste,
05:40 qu'elle avait l'impression que ses patients lui en voulaient,
05:42 ce qui a été le cas quand elle était en Normandie.
05:44 Elle raconte qu'elle a peur d'être folle.
05:46 Elle va voir sa mère, sa soeur,
05:48 elle dit "j'ai des hallucinations".
05:49 Et sa mère et sa soeur lui disent "écris des histoires".
05:52 Et quand j'ai lu les livres qu'elle avait publiés à Comptes d'auteur,
05:54 que j'ai trouvé sur le net,
05:55 je me suis dit "en fait, elle n'a pas laissé de lettres,
05:58 mais elle a laissé comme des petits cailloux
05:59 qui racontent qui elle était
06:01 et sa peur terrible de la vie
06:03 et de tout ce qui était à l'extérieur d'elle".
06:05 Merci beaucoup.
06:06 [SILENCE]

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