Nos débatteurs : Pierre-Henri Tavoillot, philosophe, maître de conférences à la Sorbonne. Président du Collège de philosophie. Michaël Foessel, philosophe. Professeur à l’Ecole polytechnique. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-mercredi-06-septembre-2023-9614315
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00:00 ce matin sur le sujet qui écrase cette rentrée et semble être la nouvelle obsession d'Emmanuel
00:05 Macron, j'ai nommé l'école, avec un président qui veut le retour de l'autorité, le retour aux
00:10 savoirs fondamentaux, le retour de l'uniforme. Autrement dit, Emmanuel Macron veut-il le retour
00:16 de l'école de nos grands-parents ? C'est la question que nous posons ce matin à deux philosophes
00:21 qui ne sont pas d'accord. Pierre-Henri Tavoyau, maître de conférence à Sorbonne Université,
00:26 président du Collège de Philosophie et Michael Fussell, professeur à l'école polytechnique.
00:31 Et bonjour à tous les deux, merci d'être là ce matin. Emmanuel Macron a déclaré au point dans
00:37 sa grande interview "il n'y a à mes yeux qu'un chemin pour l'école, l'autorité des savoirs,
00:41 l'autorité des maîtres, une école de la transmission, de l'esprit critique et de la
00:44 confiance". L'autorité, l'autorité, l'autorité, c'est le grand mot qu'il a à la bouche le président
00:49 depuis cette rentrée. Elle avait disparu, l'autorité, à vos yeux. C'était à l'école,
00:54 notamment, puisqu'on parle de l'école, c'était le règne de l'enfant roi, les maîtres et les
00:58 profs n'étaient plus respectés. Vous avez cette impression-là ? Non, pas totalement. Je pense que
01:06 c'est jamais mauvais de rappeler le rôle de l'autorité, d'autant que l'autorité n'est pas
01:11 du tout incompatible avec la vie démocratique. Le sens étymologique d'autorité, c'est ce qui
01:15 augmente. Ce qui augmente. Évidemment, d'habitude, dans les sociétés d'avant, ce qui augmentait,
01:21 ça tombait du ciel, soit de Dieu, soit des grands ancêtres. Mais à l'âge démocratique,
01:25 l'autorité, c'est ce qui fait grandir. Et c'est les hommes qui font grandir les hommes. Donc,
01:29 d'une certaine façon, l'école est le lieu naturel de l'autorité parce qu'il s'agit de
01:34 faire grandir des élèves. Ça s'appelle justement des élèves, d'ailleurs. Et elle est mise à mal,
01:37 l'autorité ? Elle est mise à mal par des débats qui traversent. Mais je pense qu'il ne faut pas
01:41 avoir de nostalgie. Ce n'est pas mon cas, en tout cas, pour l'école d'avant, parce que l'école
01:45 d'avant n'était pas plus formidable que l'école d'aujourd'hui. Vous n'entendez pas la petite
01:49 musique de la nostalgie ? Non, mais c'est simplement des débats et l'équilibre entre des bases. Il y
01:53 a d'un côté une position qui dit qu'il faut que les savoirs s'adaptent aux élèves, ou de l'autre
01:57 côté, il faut que les élèves s'adaptent au savoir. Les deux tests sont à la fois justes et fausses.
02:02 C'est ça la difficulté. Et il faut arriver à trouver le bon équilibre. La nostalgie pour le
02:08 temps d'avant est d'autant plus grande qu'on n'a pas vécu ce temps d'avant. Vous avez quand même
02:12 rappelé justement, Nicolas Demorand, qu'il était question, au discours présidentiel et
02:15 gouvernemental, du retour à l'autorité, ce qui suppose qu'elle existait pleine et entière dans
02:20 les années 60. J'invite vos auditeurs à regarder les 400 coups de Truffaut pour se rendre compte
02:25 qu'il y avait déjà à l'école, et parfois d'ailleurs, on peut le comprendre, il s'agit d'enfants,
02:30 d'adolescents, beaucoup de tumultes. Mais sur cette question de l'autorité, ce qui m'intéresse
02:35 moi, c'est de faire la distinction entre l'autorité au sens de discipline, l'ordre, l'ordre, dont
02:40 parlait aussi le président, et puis ce qu'il a évoqué, qui est l'autorité des savoirs, qui n'est
02:44 pas une autorité qui a simplement un sens vertical. Le savoir n'est pas simplement là pour inscrire
02:49 les individus dans une communauté, il est là pour les émanciper. Et ce qui fait obstacle à la
02:54 discipline, ce n'est pas la même chose que ce qui fait obstacle à l'autorité des savoirs. Aujourd'hui,
02:58 on parle de cette question, et c'est une bonne chose en soi, éducative et très présente dans
03:02 cette rentrée, sur fond des émeutes urbaines qui se sont produites en mois de juin.
03:08 Pourquoi le contexte est important ?
03:09 Le contexte est important parce que je pense que le président a fait le calcul, et le gouvernement,
03:14 que c'était là que se jouait au fond une des réponses possibles, puisque la réponse sociale n'a
03:18 pas été pour l'instant essayée, une des réponses possibles à ces violences. Simplement, ça a fait
03:23 peser sur l'école d'une certaine manière, une sorte de responsabilité qu'elle n'est certainement
03:28 pas en mesure, surtout qu'elle n'est pas dans un état absolument parfait du point de vue de son
03:32 fonctionnement, en mesure de résoudre. Et moi j'insisterais beaucoup sur autorité des savoirs.
03:37 Vous l'avez dit, Pierre-Henri Tavoyau, ça vient d'augmenter. Autorité, ça vient aussi d'auteurs.
03:42 Et le fait est qu'aujourd'hui, et pour ça il faut beaucoup de pédagogie, aujourd'hui on ne peut plus
03:46 arriver en cours, même dans les lieux où nous enseignons, qui sont des lieux très privilégiés,
03:49 en disant, après tout, Aristote, Kant, Hegel, ce sont des auteurs qui méritent d'être étudiés
03:54 comme tels. Il faut aller les chercher, il faut aller montrer que cela a un rapport avec leur
03:57 existence, éventuellement que cela peut éclairer leur présent, et donc faire de la pédagogie.
04:02 Et l'antipédagogisme a parfois aussi certaines limites de ce point de vue.
04:05 C'est ce que j'allais vous dire, parce que l'autre partie de cette interview d'Emmanuel Macron,
04:08 c'était la critique qu'il avait du pédagogisme. On a une génération qui malheureusement a perdu
04:13 ses repères à cause d'un pédagogisme qui disait au fond que l'école ne doit plus transmettre.
04:18 Comment avez-vous reçu cette critique du pédagogisme venu d'Emmanuel Macron ?
04:22 C'est une réalité. On a encore dans les INSPE, des pédagogistes, c'est-à-dire les anciennes écoles
04:29 des maîtres, écoles d'instituteurs, pédagogistes. C'est encore une fois un des termes du débat,
04:34 c'est-à-dire effectivement, il faut que les savoirs s'adaptent aux élèves.
04:38 Alors évidemment, on peut considérer que c'est très positif des savoirs qui s'adaptent aux élèves,
04:41 mais jusqu'à quel point ? Parce que s'il faut effectivement diluer les savoirs avec l'idée aussi
04:45 que les élèves doivent construire leur propre savoir et leur propre connaissance.
04:49 Non, parce qu'en effet, pour trouver un intérêt Aristote, Aplatam, Roux et philosophe,
04:56 il faut quand même rentrer dedans, si je puis dire. Et ce n'est pas facile d'entrer dans ces auteurs.
05:00 C'est plus difficile aujourd'hui qu'avant, c'est ça la question.
05:02 C'est difficile, il faut savoir pourquoi, ce n'est peut-être pas parce que, comme on le dit, le niveau baisse.
05:06 Moi j'ai l'impression que beaucoup d'élèves sont plutôt saturés de savoir, ou en tout cas d'images,
05:12 qui viennent en quelque sorte télescoper le savoir officiel que l'Église propose.
05:17 Ah voilà, on parle tellement de temple de la laïcité que ma langue a aussi fauché.
05:23 Que l'école vient donner. Mais ce n'est pas à l'absurde ce qui n'est pas totalement révélateur.
05:27 Je pense que c'est notre point de désaccord du jour au lendemain.
05:29 Quelque part dans l'école, l'idée qu'on va donner un savoir qui est un savoir un peu subversif
05:34 par rapport aux opinions qui traînent dans la société, si je puis dire.
05:38 Ce qui est nouveau, le président le dit parfois, mais il ne prend pas les mesures adéquates à mon sens,
05:43 c'est qu'effectivement les enfants aujourd'hui sont confrontés en permanence,
05:47 y compris parfois pendant leurs heures de cours, à des images, à des discours aussi.
05:52 Je pense que les principaux lieux de contestation du savoir scolaire, ce sont aujourd'hui les réseaux sociaux.
05:57 Et de ce point de vue là, je dirais que l'exemplarité politique consisterait aussi peut-être à ne pas les utiliser trop.
06:02 Au fond, je suis très soumis.
06:04 Soyez-y, tweetez trop.
06:06 Les hommes politiques, toutes tendances confondues, tweete trop, c'est certain.
06:11 Ce n'est pas très bon pour le débat public et ce n'est pas excellent non plus pour l'image que l'on peut se faire,
06:16 surtout quand on est enfant.
06:18 Les réseaux sociaux, les portables, etc. c'est ça le sujet plus que le pédagogisme qui est pour vous un débat ancien ?
06:24 Le pédagogisme, j'ai souvenir, pour le coup, dans les années 80-90, on parlait déjà de cette grande critique du pédagogisme.
06:30 C'était des querelles bibliques pour suivre votre métaphore.
06:34 Tout à fait, bibliques. Mais de ce point de vue là, je pense que beaucoup de choses ont été faites, y compris pas d'ailleurs très bonnes,
06:39 parce que je rappelle que l'idée quand même, c'est que les enseignants sont des professionnels de leur travail.
06:44 D'une certaine manière, leur liberté pédagogique est liée à une certaine forme d'expérience.
06:48 Le vrai problème, à mon avis, c'est évidemment que les réseaux sociaux participent de cette logique,
06:52 mais c'est l'idée que, vous voyez, on veut commencer par enseigner d'emblée l'esprit critique.
06:58 Pour que l'esprit critique puisse fonctionner, il faut déjà qu'il y ait un peu de contenu, il faut qu'on ait quelque chose à critiquer.
07:04 C'est comme si on voulait déconstruire avant d'avoir construit quoi que ce soit.
07:07 Et c'est ça le pédagogisme, c'est-à-dire l'idée que, par exemple, en matière d'art, en matière d'esthétique,
07:14 il faut d'emblée apprendre à déconstruire avant même de savoir écrire.
07:18 Picasso, ils étaient très bons parce qu'ils étaient très bons peintres, et après, ils ont pu se permettre.
07:22 Il faut donc maîtriser les savoirs fondamentaux pour ensuite faire jouer l'esprit critique.
07:26 - Et pourquoi on n'y arrive plus, ou moins, en tout cas qu'avant, sans faire de nostalgie, à maîtriser ces savoirs fondamentaux ?
07:31 - Parce qu'on est dans un univers démocratique, et c'est très bien.
07:34 C'est-à-dire que tout le monde veut être à tout moment dans l'esprit critique, tout de suite.
07:38 Et donc, un savoir, on le voit d'ailleurs dans les débats médiatiques ou politiques,
07:42 l'idée des vérités alternatives, le doute est le premier geste qui s'impose.
07:47 Donc, c'est très émancipateur à ce sujet-là.
07:49 - Et ça, vous le ressentez comme prof l'un et l'autre ?
07:51 C'est-à-dire qu'on vous renvoie ce doute par rapport à ce que vous dites, par rapport à votre enseignement ?
07:55 - Disons qu'il y a une exigence qui est plus forte de vérification, si j'ose dire, de fact-checking.
07:59 - Manière élégante de le dire, oui.
08:01 - Oui, mais après, je ne suis pas sûr qu'on enseigne la déconstruction dans les classes terminales.
08:05 Je pense quand même que le savoir tente de s'imposer aussi.
08:09 Mais simplement, il n'a plus cette dimension, je dirais, normative.
08:12 Encore une fois, il n'est plus évident que savoir ce qui s'est passé il y a deux ou trois siècles nous éclaire sur aujourd'hui.
08:17 Et là aussi, l'école n'est pas seule en cause.
08:20 Les médias, la manière dont les réseaux sociaux fonctionnent, le discours politique de plus en plus présentiste joue aussi un rôle.
08:27 Il y a quelque chose, moi, qui me heurte toujours dans cette tentation de faire de l'école,
08:31 c'est la formule, je crois d'ailleurs, du président, l'institution qui va reconstruire la nation.
08:36 - Ce n'est pas son but ?
08:37 - Son but, c'est de participer à la communauté nationale et de constituer surtout, je dirais, la communauté républicaine.
08:42 Et donc, l'esprit critique intervient aussi.
08:44 Mais la reconstruction de la nation, elle dépend de déterminants, qui sont des déterminants économiques et sociaux,
08:49 dont parlaient très bien Thomas Piketty et Julia Cagé dans votre entretien,
08:53 et qui ne relèvent pas seulement, je dirais, du domaine de l'idéologie.
08:57 - Non, vous n'êtes pas d'accord.
08:58 - L'école participe de cette logique.
09:03 Et effectivement, un des dangers, c'est qu'on veut que l'école, en effet, je partage cette idée,
09:07 que l'école résolve tous les problèmes.
09:09 Et ça, c'est très... Moi, j'ai travaillé pendant très longtemps au Conseil national des programmes,
09:12 pendant dix ans, et on était assaillis de demandes sociétales.
09:15 Il fallait rajouter sur l'obésité, la sécurité routière.
09:19 Il y avait des demandes incroyables, ce qui fait que les savoirs fondamentaux, effectivement, tendaient à se diluer.
09:24 Et donc, c'est cette attention.
09:25 Et vous voyez, aujourd'hui, sur les questions écologiques, il faut mettre impérativement...
09:29 OK, mais d'abord, les savoirs fondamentaux et après, on pourra...
09:32 - Ils en parlent trop de l'écologie à l'école, parce que c'est vrai qu'aujourd'hui, c'est très présent chez les enfants.
09:36 C'est quelque chose qui est central.
09:38 Ils nous font la leçon.
09:40 - Remettons de la hiérarchie.
09:42 C'est-à-dire, en effet, remettons les bœufs avant la charrue.
09:47 - L'église au milieu du village.
09:49 - L'autorité qui passe aussi par la défense stricte du principe de laïcité.
09:54 Michael Fessel, comment avez-vous reçu l'annonce de l'interdiction de la baïa ?
09:59 L'annonce qui a écrasé cette rentrée scolaire.
10:02 - Je l'ai reçue sans joie et sans surprise.
10:05 Le fait, disons que la tentation de régler un problème,
10:09 je ne dis pas que le problème n'existe pas par la voie la plus courte,
10:12 c'est-à-dire celle de l'interdiction, ne m'a pas beaucoup étonné.
10:15 Simplement, l'école, c'est aussi le lieu de la patience, le lieu de la confrontation, le lieu de la discussion.
10:20 On dit, et on a certainement raison, qu'un certain nombre de proviseurs demandaient à ce qu'il y ait une mesure.
10:25 Et je veux bien l'entendre, je me mets à leur place, je comprends qu'ils veulent une mesure.
10:28 Simplement, il faudrait tout de même, pour cadrer un peu le débat, rappeler,
10:31 ce sont les chiffres du ministère, qu'hier ou aujourd'hui,
10:34 ce sont 13 millions de lycéens et de collégiens qui sont rentrés,
10:37 et d'écoliers qui sont rentrés à l'école, et qu'il y a eu 260 cas d'abaillage.
10:41 Donc déjà, il y a quand même une importance.
10:43 - Ça a été efficace ?
10:44 - Ça a été efficace, sauf dans 67 cas, paraît-il.
10:46 C'est simplement le problème que j'ai, mais je ne peux pas discuter spécialement de l'abaillage,
10:49 parce que je n'ai pas d'avis tranché, sinon que cette interdiction,
10:53 qui en annonce peut-être d'autres, risque d'être dangereuse.
10:56 - C'est conforme à la loi de 2004 ?
10:57 - Jean-Henri Tavoyau, vous, vous êtes favorable à cette clarification et à cette interdiction ?
11:01 - Oui, bien sûr, et évidemment, surtout que là aussi, je m'occupe d'un diplôme référent laïcité à la Sorbonne,
11:05 et j'ai vu effectivement des personnels enseignants, dans une situation extrêmement difficile.
11:10 Le phénomène était montant.
11:12 Ce qui était très impressionnant, c'était de voir, moi j'ai été alerté là-dessus dès la fin de l'année 2021,
11:17 et ce qu'on voyait, c'était que les jeunes filles qui arrivaient,
11:20 avaient les mêmes éléments de langage de discussion.
11:22 Donc on voyait bien que c'était quelque chose qui n'était pas un phénomène isolé,
11:25 c'était pas un phénomène individualiste, c'est pas un phénomène "c'est mon choix de m'habiller",
11:29 c'était un phénomène qui était effectivement global.
11:31 Et les personnels étaient très inquiets.
11:33 Moi je remarque d'ailleurs que Lionel Jospin, je crois que c'était sur votre antenne,
11:36 - Vendredi dernier.
11:37 - lui-même fait son mea culpa sur la mauvaise gestion de l'affaire Duval en 1989.
11:42 On a effectivement mal géré cette affaire.
11:44 Le rappel des principes de l'école est un principe, voilà, le principe de...
11:49 pas de neutralité, mais le fait qu'on doit effectivement être dridiscret dans cet espace public.
11:55 Et je vois la baïa non pas comme un signe de pudeur, comme on le dit,
11:58 mais au contraire comme un signe impudique, d'exhibitionnisme religieux.
12:02 On cache son corps, mais au nom de la religion, et c'est un exhibitionnisme religieux,
12:05 et de ce point de vue-là, l'interdiction est tout à fait conforme à la loi de 19...
12:09 - Vous n'êtes pas d'accord, Miguel Fossel ?
12:10 - Non, je ne suis pas d'accord, parce que je considère que...
12:13 D'ailleurs, contrairement à la question du voile, c'est pour ça que là, on va voir,
12:16 le Conseil d'État va se prononcer aujourd'hui, bon.
12:18 Mais c'est toute réserve, la question du voile était clairement une dimension religieuse.
12:23 - Les mêmes débats ont eu lieu.
12:24 - Les mêmes débats ont eu lieu.
12:25 - Est-ce que le bandana, est-ce que... c'est-à-dire les mêmes débats.
12:27 - Mais si les autorités musulmanes d'aujourd'hui, en France, ne reconnaissent pas la baïa
12:30 comme un vêtement de nature religieuse...
12:33 - Donc il faut leur faire confiance pour leur demander...
12:36 - Par contre, on fait confiance aux historiens pour savoir que c'est un vêtement qui date
12:39 de la période préislamique.
12:41 - Mais le halal, par ailleurs, est aussi un...
12:43 - Voilà, mais la difficulté, c'est que du coup, on est obligé, et c'est ça,
12:47 alors là, qui certainement va rendre beaucoup de choses difficiles aux enseignants,
12:50 de déduire du comportement vestimentaire, ici, des élèves, leurs intentions.
12:55 Et je ne suis pas convaincu que moi, que chez toutes les jeunes filles qui mettent des baïas,
12:59 ce ne sont pas toujours les mêmes intentions. Il y a certainement, c'est évident, des cas
13:02 où c'est une affirmation religieuse. Il y a des cas où c'est une manière aussi,
13:06 et ça va certainement le devenir de plus en plus avec le bruit que l'on fait autour,
13:09 une manière de se singulariser.
13:11 - Non, c'est le contraire. C'est le contraire. C'est à dire qu'en l'occurrence,
13:14 il y a très peu de cas dans cette rentrée, 67 cas, alors que, je le rappelle,
13:18 dans certains lycées, il y avait plus de 50% des jeunes filles qui étaient en un baïa.
13:23 Il faut quand même avoir un peu la mesure de la chose.
13:26 Vous dites que ce n'est pas un problème. C'était un véritable problème.
13:29 - Les chiffres sont des signalements qui remontent au ministère de l'Éducation nationale.
13:33 Vous parlez des chiffres de cette rentrée, ça prouve que la mesure a été efficace.
13:37 - Pour finir, et Camino, il nous reste une minute, votre avis sur l'uniforme ?
13:42 Puisque c'est ça, à des ordres. Il y a la guerre en Ukraine, il y a l'inflation,
13:46 et il y a l'uniforme, donc, en cette rentrée. Le retour de l'uniforme.
13:50 - Le retour de l'uniforme, je ne pense pas que ça se fera, mais ça permet effectivement
13:53 de poser un problème, qui est celui de l'égalité entre les élèves.
13:56 Le retour de l'uniforme, c'est la vision libérale de l'égalitarisme.
13:59 Un peu uniforme, je trouve, c'est le cas de le dire.
14:02 Mais enfin, vous savez, si c'est pour être à égalité simplement dans les heures de cours,
14:06 du point de vue vestimentaire, pourquoi pas ?
14:08 Mais un des hauts lieux de l'élitisme mondial, les collèges anglais,
14:11 on met l'uniforme, mais ça n'enlève rien finalement aux différences sociales.
14:16 Donc au fond, pourquoi pas l'uniforme ? Personnellement, je n'y suis pas absolument favorable,
14:19 mais certainement pas en tout cas comme prêtenant d'une égalité qui, de fait,
14:23 car de cela, il faudrait aussi parler dans l'école d'aujourd'hui,
14:26 les inégalités par rapport au savoir qui sont fondées sur les inégalités.
14:29 - L'uniforme, Pierre-Henri Tavoyeux ?
14:30 - Je suis assez largement opposé, pour une raison simple,
14:33 ce n'est pas en substituant un uniforme républicain à un uniforme religieux
14:37 qu'on respecte l'esprit de la laïcité. Pourquoi ?
14:39 Parce que la laïcité, ce n'est pas la neutralité.
14:42 Jean Reyes disait "il n'y a que le néant qui soit neutre",
14:45 ce n'est pas la neutralité, c'est la discrétion et le respect de l'autre.
14:48 Donc en l'occurrence, ce n'est pas une bonne réponse au problème.
14:51 - Merci à tous les deux. - Passionnant.
14:53 - Passionnant, Pierre-Henri Tavoyeux, Michael Fesel, à très bientôt j'espère,
14:57 à ce micro d'Inter.