Le philosophe Charles Pépin publie "Vivre avec son passé" chez Allary Editions. Il est l'invité de Léa Salamé. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-11-septembre-2023-1273711
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00:00 Et ce matin, vous recevez un philosophe !
00:02 Bonjour Charles Pépin !
00:03 Bonjour !
00:04 Merci d'être avec nous ce matin.
00:05 Charles, si vous étiez un sport et un adjectif, ce serait quoi ?
00:08 Un sport, je dirais le tennis et un adjectif, je dirais solaire.
00:11 Enfin, j'aimerais bien.
00:12 Solaire ?
00:13 Voilà.
00:14 Carrément !
00:15 Vous êtes bien connu des auditeurs d'Inter qui ont pu vous écouter tout cet été avec
00:18 votre émission "Sous le soleil de Platon".
00:20 Vous êtes professeur de philosophie et l'auteur de plusieurs ouvrages, "La confiance en soi",
00:24 "Les vertus de l'échec" qui ont tous été des best-sellers.
00:26 Mais aujourd'hui, à 50 ans, Charles Pépin, êtes-vous en train de devenir un vieux con ?
00:30 Alors j'essaie d'éviter de devenir un vieux con, c'est un peu pour ça que j'ai écrit ce livre.
00:34 Mais si vous voulez, on a tous le même problème, c'est que plus on vit, plus on a de passé.
00:39 Regardez par exemple, vous venez de me poser une question.
00:41 En fait, cette question, c'est déjà du passé.
00:43 Et chaque seconde de présent vécu s'en va grossir le passé.
00:47 Ce qui fait que plus on existe, plus on trimballe de passé.
00:50 Et ce n'est pas tout.
00:51 Cette question, je m'en souviens.
00:53 Vous vous en souvenez ?
00:54 C'est pour ça qu'on va pouvoir discuter.
00:55 Et donc ce passé, ne passe pas.
00:57 Ce passé n'est pas du passé.
00:59 Il continue à nous hanter à travers des regrets, des remords, de la culpabilité, des habitudes, des névroses, des goûts, des dégoûts.
01:07 Et donc la question que ça pose, c'est comment je fais pour bien vivre avec ?
01:10 Comment je fais pour trouver la bonne distance avec ce passé ?
01:13 Celle qui me permet d'aller de l'avant.
01:14 Et ni ressasser comme ce que vous dites, un vieux con.
01:17 Parce que vous l'écrivez, je l'emploie.
01:19 C'est un peu le sous-titre du livre "Comment ne pas devenir un vieux con".
01:21 Voilà, ni être traumatisé et empêcher.
01:23 Vivre avec son passé, une philosophie pour aller de l'avant.
01:26 C'est donc votre nouveau livre chez Alari édition.
01:28 Un livre où vous faites la leçon à Jacques Brel.
01:31 Non, tout ne peut pas s'oublier.
01:33 Exactement.
01:35 Ne me quitte pas.
01:38 Il faut oublier tout.
01:42 De s'oublier, qui s'enfuit déjà.
01:47 Oublier le temps des malentendus et le temps perdu.
01:55 A savoir comment.
01:59 Oublier ces heures qui tuaient parfois à coups de pourquoi.
02:11 Et maintenant il se plante Jacques Brel selon Charles Pépin.
02:14 Oui, on ne peut pas oublier.
02:15 Vous savez pourquoi ?
02:16 Tout ne peut pas s'oublier.
02:17 En fait, la définition du passé, paradoxalement, c'est ce qui n'est pas passé.
02:20 C'est ce qui demeure.
02:21 Ce qui persiste indéfiniment comme le dit Bergson.
02:23 Ce qui va revenir à travers des réminiscences comme le montre Proust.
02:26 Ce qui reste dans notre inconscient comme le montre Freud.
02:29 Il y a un moment de l'histoire des idées incroyables, Proust, Freud, Bergson, au début du XXe siècle,
02:33 où on apprend qu'en fait, on va devoir vivre avec ce passé.
02:36 Et je dirais qu'il y a deux écueils à éviter.
02:38 Celui de Brel, c'est ce que j'appelle l'illusion moderniste.
02:41 C'est l'idée qu'on pourrait lâcher du passé comme on lâche du lest.
02:45 Juste se tourner le dos, tourner le dos au passé,
02:47 juste sans débarrasser d'une simple décision.
02:49 Et ça ne marche pas.
02:50 Parce que les psychologues ont montré qu'il y aura un effet retour
02:53 que plus j'ai voulu l'éviter, plus ça reviendra sous forme de classes traumatiques.
02:58 - C'est l'expérience de l'ours blanc, c'est passionnant dans le livre.
03:01 - Vous savez de la phrase de Dostoevsky qui a dit
03:03 "essayez de ne pas penser à un ours blanc et vous verrez que vous penserez à ce satané animal tout le temps".
03:08 Il y a plein d'études en psychologie qui montrent que quand on évite quelque chose, ça revient.
03:13 Et que plus on l'évite, plus il y aura un effet rebond.
03:15 Mais attention, le piège, c'est que l'évitement marche à court terme.
03:18 Si vous voulez ne pas penser à la personne qui vous a quitté,
03:20 ne pas penser à un trauma de l'enfance, à une humiliation,
03:23 par exemple en étant un work alcoolique ou en prenant des drogues,
03:26 ça va marcher au début.
03:27 Le problème c'est que ça marche d'autant plus au début
03:29 que ça ne marche pas à moyen terme et à long terme.
03:32 Et donc on va avoir cet effet rebond et on va avoir un retour du passé
03:36 d'autant plus violent qu'il aura été évité.
03:38 - Vous parlez notamment des femmes qui ont été violées dans l'enfance
03:41 et qui font un oubli...
03:43 - Un oubli parfois volontaire, parfois indénié inconscient.
03:46 - Et ça revient à 30 ans, à 40 ans, à 50 ans ?
03:48 - Le plus souvent, parce que c'est vrai qu'il y a quelques exceptions.
03:51 Il y a des gens qui ont une force de vie incroyable
03:53 et qui arrivent peut-être à aller de l'avant, mais ce sont des exceptions.
03:55 Et du coup le problème, c'est qu'on se dit
03:57 "Mais je fais quoi pour éviter cet effet rebond ?"
03:59 Et là, il y a deux choses à faire.
04:01 Il y a accueillir son passé, faire la paix avec son passé.
04:04 Et ça c'était un peu évident, je comptais écrire ce livre-là.
04:07 Mais il y a aussi intervenir dans son passé, le recomposer.
04:10 Et on s'aperçoit que grâce à des nouvelles découvertes sur le cerveau,
04:13 sur ce que c'est qu'un souvenir, sur ce que c'est que la mémoire,
04:16 sur ce que c'est que ce souvenir, qu'en fait on peut aussi intervenir dans son passé.
04:21 - Ça c'est absolument passionnant, dans votre livre,
04:23 c'est ce que vous racontez sur les neurosciences
04:26 et comment le cerveau est plastique et comment on peut jouer.
04:29 Et donc pas seulement accepter son passé, mais intervenir, le changer.
04:33 On va y venir. Mais avant d'arriver à ces découvertes-là,
04:36 parce qu'il y a vraiment des nouvelles thérapies qui sont en train de révolutionner
04:39 la psychanalyse et la psychiatrie.
04:43 J'ai juste une question. En lisant votre livre, je me suis demandé,
04:46 mais est-ce qu'il n'y a pas un droit à l'oubli ?
04:48 Tenez, par exemple, Georges Semprin, qui a été à Buchenwald,
04:51 explique qu'il a besoin d'oublier. Il parle d'une amnésie volontaire.
04:54 Si je veux continuer à vivre, il faut que j'oublie ce qui s'est passé à Buchenwald.
04:58 Il y avait un livre, je ne sais pas si vous connaissez, de l'écrivain américain David Rief,
05:01 qui s'appelait "Éloge de l'oubli" et qui disait qu'on ne peut plus de ressasser,
05:06 de commémorer, de vivre avec cette mémoire collective.
05:10 C'est devenu le devoir de mémoire collective.
05:12 En effet, c'est une question de quantité, c'est une question de timing.
05:14 Nietzsche le dit très bien, il faut oublier pour se souvenir de l'essentiel.
05:18 Que la mémoire opère cette fonction de tamis et que reste l'essentiel.
05:22 Et ce que montre Semprin, comme certaines femmes violées d'ailleurs,
05:25 c'est qu'on a besoin parfois, pendant un moment, d'oublier pour passer à autre chose et pour avancer.
05:30 Mais attention, vient le moment de se confronter à ce passé
05:33 et d'essayer de faire la part des choses entre ce qui fait partie des épisodes que je dois accepter
05:38 et ce qui fait partie des épisodes que je peux retraiter et recomposer.
05:41 En sachant que l'ennemi, c'est le ressassement.
05:44 Parce que le problème du ressassement, c'est que je reste bloqué dans le passé.
05:47 Et je ne vis pas avec mon passé.
05:49 Tout mon propos est de montrer comment on peut prendre son passé et le propulser vers l'avant.
05:53 Parlez-nous de Henri Bergson, ce philosophe dont vous dites qu'il était une rockstar de la philosophie dans les années 20,
05:58 qui remplissait les salles même à New York, même à Broadway.
06:01 On faisait la queue pour aller l'écouter.
06:03 Et lui, vous dites, il a révolutionné la question du passé et la question de la mémoire.
06:06 Pour deux raisons. D'abord, il nous a montré que notre passé persiste indéfiniment
06:11 à travers à la fois des choses qu'on connaît tous, les remords, les regrets, la culpabilité,
06:15 mais des choses aussi beaucoup plus insidieuses, les perceptions du monde,
06:19 l'estime que j'ai de moi-même, les goûts, tout ça.
06:22 Et puis surtout, il a développé ce merveilleux concept qui est au cœur de mon livre,
06:26 la récapitulation créatrice.
06:28 Et il dit qu'une personnalité, c'est quelqu'un qui arrive à récapituler tout son passé d'une manière créatrice.
06:34 C'est-à-dire dans ce geste par lequel on va de l'avant.
06:37 La métaphore qui est au cœur de mon livre, c'est la passe arrière du rugby.
06:40 La passe arrière en rugby, c'est une façon d'aller de l'avant en se tournant vers l'arrière.
06:44 C'est-à-dire aussi vers les autres, entre parenthèses.
06:47 Et la récapitulation créatrice nous montre qu'on ne fait pas le bilan de façon statique.
06:51 Être vivant, en fait, vivre avec son passé, c'est d'abord vivre.
06:54 Mais comment voulez-vous ne pas vivre ?
06:56 Pour vivre, vous devez être vous-même.
06:58 Vous devez écouter, dit Bergson, la note qui est la vôtre,
07:01 la mélodie intérieure de votre subjectivité.
07:04 Mais comment faire pour savoir quelle est cette mélodie personnelle ?
07:07 Et pour aller de l'avant, dans la fidélité à cette mélodie,
07:10 eh bien il faut, et c'est ça la thèse, se tourner vers ce passé et dire,
07:13 voilà, quand est-ce que j'ai entendu ma mélodie commencer à chanter ?
07:17 Par exemple, je me souviens que j'ai fait ces études, j'ai eu ce métier, ça ne m'a pas plu.
07:21 Là, je n'ai pas senti ma note, je n'ai pas entendu la mélodie intérieure de ma subjectivité.
07:25 Et puis j'ai changé de voie, j'ai changé de métier, j'ai fait une belle rencontre,
07:28 j'ai fait d'autres études et là,
07:30 j'ai entendu résonner la note de ma singularité.
07:33 Eh bien, je ne peux aller de l'avant que dans la fidélité à cette note que mon passé me fait entendre.
07:39 Et pour vous, il y a un homme qui incarne la philosophie de Bergson le mieux aujourd'hui,
07:44 en tout cas, vous le panthéonisez, c'est M. Zlatan Ibrahimović.
07:49 La véritable star du foot que vous convoquez dans ce livre.
07:52 En quoi est-il la preuve vivante que la théorie de Bergson marche ?
07:55 C'est un exemple que j'ai vu de mes yeux, un incroyable but.
07:58 C'est la première fois que j'ai essayé un match de foot.
08:00 J'étais avec mon fils qui avait une dizaine d'années.
08:02 J'aimais pas trop le foot.
08:03 Et là, qu'est-ce que je vois ? L'aile de pigeon retournée de Zlatan.
08:06 C'est dur à décrire, mais c'est comme s'il tapait le ballon du plat extérieur du pied avec la tête en bas.
08:11 Un geste sublime.
08:12 Eh bien, dans ce geste, tout son passé est ramassé,
08:16 dans un geste par lequel il ouvre l'avenir en créant un geste inédit.
08:20 C'est la métaphore même qui nous dit, pour chacun d'entre nous,
08:24 que nous pouvons récapituler notre passé de manière innovante et créatrice.
08:28 J'ai eu la chance de l'interviewer l'année dernière, Zlatan Ibrahimovic.
08:31 C'est sans doute l'un des sportifs les plus charismatiques et les plus intelligents que j'ai rencontrés.
08:36 On l'écoute.
08:37 Je crois que le message, c'est tout est possible.
08:41 D'où que vous veniez, tout est possible.
08:44 Et moi, je suis une preuve vivante de cela.
08:46 Dans votre autobiographie qui est sortie il y a un an,
08:48 vous aviez parlé de votre enfance difficile et de votre colère,
08:51 de la colère qui a fait de vous le joueur que vous avez été.
08:54 Est-ce que vous êtes toujours en colère aujourd'hui ?
08:56 Bien sûr. Plus vous grandissez en âge, plus vous êtes mûr.
09:05 Vous savez, je suis passé par beaucoup de choses dans ma vie,
09:09 et je suis toujours là où je suis aujourd'hui.
09:11 Chacun a sa propre histoire.
09:13 Je ne suis pas ici pour me plaindre de ce qui s'est passé quand j'étais jeune.
09:17 Mes parents ont fait du mieux qu'ils pouvaient pour que ça revienne pour moi.
09:21 Et je suis qui je suis parce que, en raison de ce par quoi je suis passé,
09:26 la seule chose que je cherche aujourd'hui, c'est de faire mieux pour la nouvelle génération.
09:31 Merci, Léa Salamé. Mais c'est magnifique cet extrait pour plusieurs raisons.
09:35 Il y a le but que j'ai évoqué, la récapitulation créatrice.
09:38 Mais il y a aussi autre chose, c'est que Zlatan nous dit
09:41 « Je suis ce que mon passé a fait de moi, mais je ne suis pas simplement cela ».
09:46 Vous savez comment s'arrête ce conclus en autobiographie,
09:48 qui porte le titre modeste de « Moise Zlatan ».
09:51 Oui, parce que par contre la modestie, on n'est pas bon.
09:54 Il a grandi dans un quartier très difficile, une banlieue de Suède, qui s'appelle Rosengard.
09:58 Et il dit « On peut sortir de Rosengard, mais Rosengard ne sortira jamais de vous ».
10:03 Ça veut dire que si on veut être un fondateur, il faut mesurer combien on est un héritier.
10:09 Mais dans l'illusion moderniste, on croit que c'est le contraire,
10:12 qu'il faut n'hériter de rien pour inventer son avenir,
10:14 qu'il faut effacer le passé pour inventer son avenir.
10:16 Mais c'est faux. Il faut mesurer combien les héritages nous traversent
10:21 pour pouvoir redevenir un fondateur.
10:23 Pour ça, on a l'aide des neurosciences et des nouvelles thérapies.
10:27 Parlez-nous par exemple de ce que c'est le reparentage.
10:31 Qu'est-ce que le reparentage ? Je donne un exemple.
10:33 Une femme de 40 ans, traumatisée parce que son père ne s'occupait pas d'elle,
10:37 la méprisait, s'en foutait complètement et ça l'a bloquée dans sa vie,
10:41 dans ses relations avec les hommes.
10:43 Que fait un thérapeute avec la technique du reparentage ?
10:46 Il y a différentes techniques.
10:47 Il y a la méthode d'Alain Brunet dont vous parlez, il y a le MDR également.
10:50 Une petite précision. En fait, je voulais écrire un livre sur l'accueil du passé
10:54 et j'ai découvert toutes ces nouvelles formes de psychothérapie
10:56 en me disant "mais non, il faut que je change ma philosophie".
10:58 Le passé, c'est aussi un pays dans lequel on peut voyager pour reconstruire l'histoire.
11:02 Il y a différentes méthodes, on va essayer de résumer rapidement le reparentage.
11:06 C'est de rejouer une scène traumatique en faisant intervenir,
11:09 comme dans une pièce de théâtre, dans le cabinet de thérapie,
11:11 un personnage du présent qui est bienveillant.
11:13 Par exemple dans le cas de cette femme de 40 ans.
11:16 Par exemple le thérapeute lui-même, par exemple son meilleur ami.
11:19 Il intervient dans la scène dans laquelle le père manque d'attention pour sa petite fille
11:23 qui a veillé, qui a attendu minuit que son père rentre pour avoir un bisou.
11:27 Et le père rentre, il est avocat important, il ouvre son courrier,
11:30 il ne dit pas bonjour à sa fille, il dit "va te coucher, il est tard".
11:32 Le thérapeute soupe des conditions qu'on n'a pas le temps de préciser.
11:35 Il faut toucher le cerveau émotionnel, pas le cerveau rationnel.
11:39 Il dit à cette femme en thérapie "voulez-vous que votre mari, appelons-le Jacques,
11:43 intervienne dans cette scène ? Est-ce que vous êtes d'accord ?
11:45 Oui, je veux bien". Alors Jacques intervient et il dit "Monsieur,
11:49 vous avez le droit d'être débordé, mais votre petite fille est en droit d'attendre
11:54 le minimum du besoin qu'un enfant doit satisfaire, or vous ne le faites pas".
11:58 - Et ça suffit ça ?
12:00 - Attendez, il va réparer, ce qu'on appelle réparer l'enfant intérieur.
12:04 Ça peut suffire si c'est bien fait, mais il y a aussi une fenêtre de reconsolidation.
12:08 Ça veut dire qu'en fait, dans la mémoire, et c'est ça qu'il faut comprendre,
12:10 autrement on ne comprendra pas toutes ces thérapies,
12:12 quand on se souvient, on va chercher un souvenir dans la mémoire de long terme,
12:16 on le retraite dans la mémoire de court terme, qu'on appelle aussi mémoire de travail,
12:20 autrement dit on retravaille le passé. Et c'est assez technique, il y a une fenêtre
12:23 de reconsolidation qui dure 5 heures, et c'est là qu'il faut retraiter le passé
12:27 et quelque part réparer l'enfant intérieur.
12:30 - Mais c'est ce que vous racontez, et vous racontez d'autres méthodes également dans ce livre.
12:33 Et ça veut dire quoi ? Que c'est fini la psychanalyse ?
12:35 Vous, le freudien, vous nous expliquez que... - Pas du tout !
12:38 - La psy... s'allonger sur un divan c'est terminé, les antidépresseurs finis, on va trouver...
12:42 - Léa Salamé, il ne s'agit pas d'une nouvelle école, mais d'une nouvelle méthode.
12:47 Et moi je milite dans mon livre pour l'intégration, pour la fin de la guerre des chapelles.
12:51 Et un psychanalyste peut tout à fait faire de la reconsolidation de la mémoire.
12:54 En fait, le terme c'est reconsolidation de la mémoire.
12:57 Et il ne faut pas oublier que les souvenirs ne sont pas objectifs,
13:00 ils sont en grande partie des fictions. La frontière entre mémoire et imagination est impossible à tracer.
13:06 Un psychanalyste peut tout à fait s'ouvrir à ces nouvelles formes de thérapie.
13:09 Et inversement, les psychothérapeutes qui sont spécialistes de ça,
13:12 thérapie de la cohérence ou thérapie des schémas,
13:15 ils savent aussi avoir une démarche psychanalytique, et heureusement pour les patients.
13:18 - Vous parlez aussi de vous dans le livre, et notamment d'un de vos amis qui s'est suicidé récemment.
13:22 Philippe, pourquoi vous le convoquez dans ce livre ?
13:24 Et comment avez-vous appris à aller de l'avant, pour vous citer, après le suicide de votre amie chère ?
13:29 - Votre question est troublante. Je le convoque parce que je l'aime, et qu'il est mort et qu'il vit en moi.
13:35 Exactement comme le passé. Quelqu'un de mort, c'est quelqu'un qui n'est plus là, mais qui est encore là.
13:41 Et donc on vit avec les morts comme on vit avec le passé.
13:44 Et je le convoque parce que je suis bien conscient que les principaux obstacles à ma philosophie,
13:48 qui est d'aller de l'avant avec tout son passé, c'est deux choses.
13:51 C'est la douleur des deuils, parce que quand on est dans la douleur du deuil,
13:55 on voudrait revenir en arrière et que la personne ne soit pas morte.
13:58 Et c'est aussi quand on n'arrive pas à pardonner.
14:00 Et donc ce que je veux montrer, c'est qu'il faut apprendre à pardonner,
14:03 parce que dans le pardon, il y a le geste parfaitement résumé,
14:06 je me tourne vers le passé pour réouvrir un avenir, mais surtout, apprendre à vivre le deuil,
14:11 c'est-à-dire à métamorphoser une relation avec quelqu'un qu'on aime,
14:15 qui était une relation dans l'extériorité, et la vivre dans l'intériorité.
14:19 Vivre avec ceux qui sont morts, comme on vit avec son passé,
14:22 c'est vivre avec ce qui n'est plus, mais est encore.
14:25 - Et vous en parlez, et vous citez notamment sur le pardon,
14:28 à la fois la chanteuse Barbara et Anna Arendt, tout ça c'est dans votre livre,
14:31 des questions de fin, qui vont un peu dans tous les sens.
14:34 Vous répondez sans réfléchir Charles Pépin.
14:36 - J'aime bien ne pas réfléchir.
14:38 - C'est quoi votre Madeleine de Proust ?
14:40 - Ma Madeleine de Proust, c'est "Variations sur Marie-Lou de Gainsbourg".
14:43 Et aussi la reprise par Bachung.
14:45 - Le seul charme du passé, c'est qu'il est le passé, disait Oscar Wilde, vous êtes d'accord ?
14:49 - Mais pas du tout, pas du tout, c'est n'importe quoi.
14:51 Le charme du passé, c'est qu'il est présent, il est là en nous,
14:55 dans notre inconscient, comme dans notre mémoire sémantique implicite.
14:58 Et ça tombe bien, parce que c'est là qu'il y a notre personnalité.
15:01 C'est pour ça qu'on peut se connaître pour aller de l'avant.
15:04 - Votre drogue préférée ?
15:06 - La joie.
15:08 - Bourgogne ou Bordeaux ?
15:10 - Bourgogne largement, j'explique pourquoi dans le livre.
15:12 - Les Stones ou les Beatles ?
15:13 - Les Stones, et d'ailleurs "Emotional Rescue", une chanson que j'écoute tous les matins.
15:16 Et je vous recommande aussi "Send it to me", du même album "Emotional Rescue".
15:20 Un album pour aller de l'avant, franchement.
15:22 - Le plus grand écrivain français vivant ?
15:24 - Vivant ? Emmanuel Carrer ?
15:26 - Quand réécrirez-vous un roman ?
15:29 Parce que vous avez commencé comme romancier, ça ne marchait pas.
15:31 Et par contre, la philosophie, ça cartonne.
15:33 - C'est les vertus de l'échec, j'ai écrit un livre là-dessus.
15:36 - Je sais, je sais, c'est vrai.
15:38 - Bientôt.
15:40 - Bientôt ?
15:41 - Oui, je crois.
15:42 - Pensez-vous comme Aragon qu'il n'y a pas d'amour heureux ?
15:44 - Non, pas du tout.
15:45 Et d'ailleurs, j'essaie de faire mentir cette phrase dans le livre,
15:48 en montrant qu'il y a des conditions à réunir
15:51 pour que l'amour soit le synonyme du bonheur, évidemment.
15:54 - Qu'est-ce que vous n'avez toujours pas fait à 50 ans et que vous rêvez de faire ?
15:57 - Être champion de tennis.
15:59 - Zidane ou Zlatan ?
16:01 - Zlatan.
16:03 - Vivre avec son passé, une philosophie pour aller de l'avant,
16:05 chez Chez Alary, édition, c'était Charles Pépin.
16:07 Merci, Charles Pépin.
16:08 - Merci à vous.