Dans son édito du 16/09/2023, Mathieu Bock-Côté revient sur la situation à Lampedusa.
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00:00 Et pourtant, et pourtant, cher Eliot, ce n'est rien d'autre qu'un clin d'œil de l'histoire.
00:04 Alors, petit détour, 1453, la chute de Constantinople, la chute de Constantinople qui tombe sous
00:11 les Ottomans, les Mahometans, et ça marque la fin, en fait, de l'Empire byzantin.
00:16 Or, de quoi c'est rentré dans la légende des siècles, nous le savons, de quoi parlaient
00:21 à ce moment les grands docteurs de Byzance, de quoi parlaient les grands savants, les
00:26 grands intellectuels, on pourrait utiliser un terme qui n'existait pas à l'époque,
00:30 de Byzance au moment où la ville était assiégée par les Mahometans, par les Ottomans, de quoi
00:34 discutait-il ? Du sexe des anges, du sexe des anges.
00:38 Eh bien, faisons le saut rapide sur cette semaine.
00:42 Quelle controverse ouvre la semaine ? C'est la possibilité pour une femme trans, a-t-elle
00:50 connu ou non sa transition ? Comme on dit, ce n'est pas clair.
00:52 Donc une femme trans, un homme biologique qui s'identifie désormais comme femme, la
00:57 possibilité pour une femme trans de consulter un gynécologue.
01:02 Et là, le gynécologue, on le sait, a dit « je ne peux pas, ce n'est pas que je ne
01:08 veux pas, c'est que je ne peux pas, je ne suis pas compétent pour cela ». Allez voir
01:11 un neurologue ou allez voir des spécialistes pour votre situation très particulière,
01:15 je respecte ça, ce n'est pas le problème.
01:17 Mais moi, je ne suis pas… Autrement dit, si vous avez un problème cardiaque, vous
01:21 n'allez pas aller voir un podologue.
01:22 Si vous avez un problème au foie, vous n'allez pas trouver un spécialiste des reins.
01:26 De la même manière, si vous avez un appareil génital masculin, vous n'allez pas voir
01:31 un spécialiste de l'appareil génital féminin.
01:33 C'est un peu comme ça.
01:34 Donc c'est une controverse qui a emporté une partie de notre époque.
01:38 On pourrait dire qu'on est passé cette semaine de la querelle du sexe des anges à
01:41 la querelle du sexe des trans.
01:43 Bon.
01:44 Eh bien, au même moment, quelques heures, quelques jours après, Annan Pédoza, qu'est-ce
01:50 qu'on voit?
01:51 Eh bien, c'est le nouveau visage de la chute, en ce cas-là, de l'invasion, entre guillemets.
01:56 Alors, je ne suis pas de ceux qui réduisent le phénomène migratoire à l'invasion,
01:59 évidemment.
02:00 Mais ce qui s'est passé à Lampedusa ne peut pas être nommé autrement que sous le
02:04 signe de l'invasion.
02:05 Qu'est-ce qu'on voit?
02:06 Une arrivée coordonnée de péniche de débarquement qui arrive et qui dépose des milliers d'hommes
02:13 sur une île au point même où cette île, donc il y a environ 6000 résidences à Lampedusa,
02:18 la population est doublée très rapidement et qui arrive, quoi qu'on en dise, de manière
02:23 assez agressive.
02:24 Arrive de manière agressive, pourquoi?
02:26 Premièrement, parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas le droit d'être là.
02:29 C'est une entrée illégale sur le territoire européen.
02:33 Mais Lampedusa, qui devrait être, vu sa situation géographique, la forteresse de l'Europe,
02:39 en fait, aujourd'hui, c'est le ventre mou.
02:42 C'est le ventre mou de l'Europe.
02:44 Là, c'est le chemin par lequel il est possible d'entrer en Europe et je précise immédiatement,
02:49 les autorités italiennes ont décidé, ont dit « on va répartir les populations qui
02:55 arrivent ». Donc, plutôt que de miser sur le fait qu'elles devraient repartir, on décide
02:59 de les répartir.
03:00 Et là, ce qui est assez fascinant à travers ça, c'est qu'on sait partout en Europe
03:06 aujourd'hui quels sont les problèmes liés à l'immigration massive.
03:08 On sait que lorsque l'arrivée massive de jeunes hommes qui arrivent comme ça, ça
03:12 ne veut pas dire qu'ils ne sont pas mal intentionnés, la question n'est pas là.
03:14 Moi, je ne suis pas sur la psychologie des intentions individuelles.
03:17 On a vu ce qui s'est passé à Cologne en 2015-16, on voit ce qui se passe régulièrement
03:22 dans les transports en commun à Paris et plus largement en France.
03:26 On voit les tensions liées entre une forme de délinquance et l'immigration.
03:30 Et là, on va le répéter pour les censeurs, on ne réduit pas l'immigration à la délinquance,
03:34 évidemment, mais le fait est qu'il y a un lien qui doit être nommé.
03:38 Et ça, ça s'explique comment?
03:40 Par un choc culturel, un choc culturel qui est même un choc des civilisations qui s'exprime
03:44 comment?
03:45 Notamment dans le rapport aux femmes.
03:46 Donc qu'est-ce qu'on voit?
03:48 On voit véritablement une flotte qui arrive et qui s'empare d'une île en disant « désormais,
03:56 c'est chez nous ». Et je précise qu'ils n'y arrivent pas avec la posture d'un
04:00 homme qui demanderait la charité.
04:01 Non, on est plutôt devant celui qui exerce ses droits sur les territoires et désormais
04:04 pour nous.
04:05 On l'a vu d'ailleurs, l'image a beaucoup circulé, le son aussi, on nous dit, ils
04:10 disent « on veut aller en France pour les aides sociales ». On veut aller en France
04:14 pour les aides sociales, on tient aux aides sociales.
04:16 Donc, c'est une manière de s'approprier la richesse d'un continent où on s'installe
04:21 sans en avoir le droit, c'est qu'on arrive dans un pays pour immédiatement se brancher
04:25 au robinet des aides sociales.
04:27 Alors, vous avez tout ça à l'esprit et j'ajouterais que, et ça c'est une chose
04:30 importante, la question des images.
04:32 La plupart du temps, les images qui nous sont proposées par les ONG, les images qui
04:36 nous sont proposées par les États, ce sont des images qui, rappelons ça, sont sur le
04:39 modèle Highland qui, rappelons-le, c'était bouleversant.
04:42 Cette scène nous avait tous bouleversés, ce petit Jürgen qui était mort comme ça
04:47 lorsqu'il y avait, je crois que son père l'avait amené pour traverser le Méditerranée
04:52 et puis on avait tous été bouleversés par ça.
04:53 Ça avait amené Mme Merkel par ailleurs à ouvrir les frontières de l'Allemagne et
04:57 de l'Europe pour consentir à ce que des colonnes puissent entrer en Europe, d'un
05:00 point de vue de la migration, au moins une personne puisse y entrer, des migrants comme
05:03 on disait.
05:04 Mais le problème c'est que l'image de la migration, c'est pas toujours l'image
05:07 du petit Highland.
05:08 C'est aussi l'image de jeunes hommes qui arrivent seuls, il y a très peu de femmes
05:12 dans les PDG de débarquement, il y a donc des jeunes hommes qui arrivent seuls et qui
05:16 ont une forme d'agressivité, quoi qu'on en dise.
05:18 Et ça fait penser aux images de ce tas de militaire, rappelez-vous, il y a quelques
05:21 années, les enclaves espagnoles au Maroc, où les gens, force, rentrent avec des gourdins,
05:26 rentrent armés d'une manière ou de l'autre et sont prêts à, pas tous, mais beaucoup,
05:30 sont prêts à imposer leur présence et à tabasser ceux qui ne voudraient pas les laisser
05:35 entrer.
05:36 Donc ayant tout cela à l'esprit, d'un côté cette semaine, l'Occident se questionnait
05:40 est-ce qu'un homme biologique devenu femme sociale peut consulter son gynécologue et
05:46 de l'autre côté, eh bien l'invasion à Lampedusa, c'est 1453 revécu.
05:50 Mais pourquoi Mathieu, nos pays sont-ils à ce point incapables de stopper l'immigration
05:56 collective alors qu'il n'est plus possible de douter de son ampleur et de ses effets sur
06:01 la vie sociale?
06:02 Nous sommes, je dirais, prisonniers de structures politiques qui ont été pensées et élaborées
06:09 à une autre époque.
06:10 La démocratie libérale telle qu'on l'a connue, le rapport à l'individu tel qu'on
06:14 l'a connu, le rapport aux frontières tel qu'on l'a connu s'inscrivait dans des sociétés
06:17 relativement stables avec une cohérence culturelle.
06:20 Le modèle du droit des réfugiés tel qu'on l'a élaboré, c'était globalement pour
06:24 accueillir chaque année quelques dizaines ou quelques centaines de réfugiés, d'exilés
06:29 qui fuyaient le communisme.
06:30 Le droit des réfugiés a été pensé dans un contexte civilisationnel et culturel qui
06:36 était celui, il faut globalement accueillir ce génocide.
06:38 J'exagère, mais pas tant que ça.
06:40 Là aujourd'hui, on est dans une époque tout autre qui frappe de caducité l'ensemble
06:45 de nos institutions qui sont devenues impuissantes pour une raison toute simple.
06:49 L'immigration massive ne se pense pas, évidemment c'est des destins individuels à chaque
06:53 fois, mais à l'échelle de l'histoire ce sont des masses qui se mobilisent, ce sont
06:56 des masses qui se mettent en mouvement.
06:58 Et si on décide qu'on n'est pas capable, parce qu'une part de décision là-dedans
07:02 nous dit « c'est pas possible, le droit ne le permet pas, ce n'est pas possible,
07:05 nous en avons… » Nous, nous, nous, enfin on ne se donne pas le droit de la contenir,
07:09 de la réguler, on ne se donne pas le droit de dire « on va faire un blocus pour empêcher
07:12 désormais les navires de pénétrer dans l'espace européen ». On ne se donne pas
07:16 le droit de reconduire les navires, on ne se donne pas le droit de suspendre par exemple
07:21 à Lampedusa ou ailleurs, on se dit « vous entrez ici, vous n'êtes plus juridiquement
07:24 sur le territoire européen » au sens où le fait d'y mettre un pied ne vous donne
07:27 pas le droit d'après-demain de vous retrouver au Danemark, ou en France.
07:31 Donc nous sommes prisonniers d'une conception de la démocratie, du libéralisme, du droit,
07:36 du droit d'asile qui ne cadre tout simplement plus avec notre époque.
07:40 Et de ce point de vue, il y a une nécessité vitale de recharger, je dirais, philosophiquement
07:47 et politiquement nos institutions pour qu'elles soient capables de répondre à ces défis.
07:50 Sinon, qu'est-ce qu'on va voir pour l'essentiel ? Des élites qui vont nous expliquer sans
07:54 cesse qu'elles ne peuvent rien faire et qui vont retourner leur énergie, non pas
07:58 pour solidifier les frontières, mais pour persécuter politiquement et juridiquement
08:03 les peuples européens qui voudraient défendre leurs frontières et qui pour l'instant,
08:06 nos élites décident de les assimer à l'extrême droite plutôt que de prendre au sérieux
08:11 la défense de la frontière.
08:12 Ce n'est pas un détail.
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